Stéphanie Trouillard, passionnée par la Première Guerre mondiale … et le rugby

Stéphanie Trouillard est journaliste pour le site internet de France 24. Nous l’avons interviewée.

Pouvez-vous vous présenter rapidement votre travail ?

Je travaille en particulier sur l’actualité internationale, mais depuis le début du centenaire de la Première Guerre mondiale en novembre 2013, je me suis spécialisée dans le domaine historique. Je m’occupe du dossier sur la Grande Guerre et je rédige régulièrement des articles à ce sujet. Je suis aussi active sur les réseaux sociaux. Je raconte mes reportages sur le terrain à travers mon compte twitter en publiant des photos ou des vidéos.

D’où vous vient votre passion pour le sport et l’histoire ?

Ce sont deux passions qui remontent à l’enfance. J’ai commencé à jouer au basketball à l’âge de six ans car je suis dans une famille de sportifs. C’est à peu près à la même période que je me suis aussi prise d’intérêt pour l’histoire. Dès que j’ai été en âge de lire, j’ai dévoré des livres sur Louis XIV, la Révolution, la Belle époque ou encore le Débarquement. Ces deux passions ne m’ont jamais quitté jusqu’à aujourd’hui. J’ai la chance de pouvoir les lier à travers mon travail. Depuis le début du centenaire, j’ai écrit plusieurs articles sur l’histoire du sport. On se rend compte que le conflit, aussi terrible soit-il, a permis à différentes pratiques sportives d’émerger. Le football doit notamment son essor à la guerre car il a été popularisé « dans les tranchées » par les soldats. Le développement du sport à cette période a aussi ouvert la voie à des pionnières. C’est durant ces mêmes années que des femmes ont commencé à mettre en place des compétitions qui leur étaient réservées.

Combien d’événements sportifs commémoratifs liés à la Première Guerre mondiale ont été organisés ces dernières années ? Avez-vous assisté à tous ? Lequel vous a plus marqué ?

La fédération française de rugby a été la plus active dans ce domaine. Depuis le début du centenaire, les joueurs du XV de France portent sur leur maillot le bleuet de France. Ce symbole remonte directement à la Première Guerre mondiale. Il trouve son origine sur le champ de bataille. Le bleuet comme le « poppy », le coquelicot britannique continuait de pousser sur la terre meurtrie par les combats. Il y a aussi eu un hommage spécial aux rugbymen morts au cours du conflit lors de rencontres entre la France et la Nouvelle-Zélande. Des vidéos ont été diffusées avant les matches pour rappeler le souvenir de ces sportifs. En mai 2016, un monument aux sportifs français morts pour la France a également été inauguré au Stade de France.

Ces événements sont importants, mais j’ai surtout été touchée par les témoignages que j’ai pu voir lors de mes visites sur le front. Sur les tombes de soldats, on peut découvrir parfois un ballon de foot, l’écharpe d’un club, ou le blason d’une équipe. Cent ans après, des supporters continuent d’honorer la mémoire des anciens joueurs. Ce sont de petites gestes, mais qui sont très émouvants.

Lors de vos déplacements sur le front d’Orient, avez-vous croisé des tombes de rugbymen de l’ANZAC ?

Je n’ai pas particulièrement fait attention à cela quand j’ai visité des cimetières. Mais le jour où je me rendrai dans le cimetière britannique de Nine Elms de Poperinge, j’aimerais aller voir la tombe de Dave Gallaher, l’ancien capitaine des All Blacks. Dans quelques mois, nous allons commémorer le centenaire de sa mort. Il a en effet été tué le 4 octobre 1917 aux combats de Passchendaele en Belgique. Depuis un siècle, les joueurs de l’équipe de Nouvelle-Zélande de rugby se rendent régulièrement dans ce cimetière pour lui rendre hommage. Ses successeurs ne l’ont jamais oublié.

Un match resté dans les mémoires

Le 8 avril 1917, la sélection française joue un match contre les All Black. La France perd 40 à 0 malgré ses joueurs d’exception comme Boyau, Forgues, Strohl.

Mais cette défaite a peu d’importance par rapport à l’énorme foule venue voir le match au Vélodrome de Vincennes, 60 000 personnes.

Source : film ECPAD

Quand le spécialiste du sport et de la Première Guerre mondiale nous parle rugby

Michel Merckel est né à Colombe rue François Faber, à côté du stade Olympique de Colombes. Le stade était son terrain de jeux. L’un de ses premiers grands souvenirs lié à un événement sportif se produit le samedi 27 février 1954 lors du match France-Nouvelle Zélande. Il régnait une ambiance particulière. Lors de la première mi-temps, les Français sont en mauvaise position mais, un joueur français marque un essai qui fit gagner son équipe 3-0. « C’était un match incroyable, je me souviens exactement de l’endroit où Jean Part a marqué son essai en fin de première mi-temps. Pour la première fois de son histoire, la France battait la Nouvelle Zélande » nous raconte Michel Merckel. Ce qui fut le plus émouvant fut que, à la fin du match, les deux équipes se tombent dans les bras. Depuis, sa passion pour le sport ne l’a plus quitté.

 

source: Michel Merckel

Le rugby, un sport découvert pendant la Grande Guerre

C’est dans les années 1850 que les Anglais vont unifier la pratique d’un jeu populaire qui n’avait ni règles spécifiques ni nom. Ils créent donc le football-rugby mais la plupart des gens disaient simplement football.

La guerre joue un rôle considérable dans la façon dont le rugby s’installe dans le paysage sportif, notamment en Europe. Michel Merckel nous explique comment.

« En 1916, le responsable du rugby en France, Charles Brennus, est inquiet car un grand nombre de rugbyman sont mort à la guerre. Le rugby risque de disparaître du paysage sportif français et vu l’essor du football au front, il risque d’ être supplanté par ce sport. Le responsable veut sauver le rugby. Pour cela il va contacter l’État Major des ANZAC (Australien, Néo-Zealand Army Corps) qui jouent au rugby entre deux combats. L’idée de Charles Brennus est d’organiser des rencontres sur tout le territoire français entre les ANZAC dont le jeu est apprécié par tous et les soldats français. On décide donc de créer une équipe de rugby de « All Blacks de Guerre » qui fera une tournée en France pour remettre le rugby au goût du jour. La tournée est une vraie réussite, les clubs sont pleins de jeunes ou de vieux Il n’y a pas d’hommes de 20 ans à 40 ans car ils sont sur le front. Impossible de faire les faire jouer les uns contre les autres. Pour remédier à ce problème les catégories sont créées. C’est l’un des étonnants héritages de la guerre que celui d’avoir créer les catégories d’âges pour structurer les rencontres des matchs de rugby.

Qui pouvait jouer au rugby pendant la guerre ?

Les combattants de tous les pays font du sport et parmi eux, certains pratiquent le rugby. En 1915, les Poilus jouent entre eux, les rencontres s’organisent spontanément, elles opposent des régiments, des compagnies de mêmes nationalités.

En 1916, les Alliés influencent cette pratique et les matchs entre soldats de diverses nationalités se multiplient En 1917, elles sont organisées par des officiers et des championnats se structurent. Après le 11 novembre 1918, le sport et le rugby, vont permettre aux soldats de gérer l’après guerre.

De nombreux témoignages de soldats pratiquant le rugby

On sait que certains joueurs ont joué au rugby car on a retrouvé des lettres adressées à leur famille dans lesquelles ils parlent de ce qu’ils font sur le front et notamment qu’ils jouent au rugby. On a aussi retrouvé des photos. Les joueurs ne sont pas toujours faciles à identifier car il était courant à cette époque de changer de prénom, voire de nom, ce qui ne facilite pas les recherches.

Le rugby était joué par les soldats pour vaincre l’ennui, pour se maintenir en bonne forme et pour conserver l’esprit d’équipe.

De nombreux joueurs australiens et néo-zélandais ont combattu lors de cette guerre 

Sur les 416 000 Australiens venus combattre, on estime qu’il y avait parmi eux à 5 000 rugbymen, 9 internationaux ont été tués. Pour les Néo-Zélandais, le rugby est le sport roi aussi est-il difficile de quantifier le nombre de rugbymen mais sur les 128 000 soldats présents, 14 internationaux sont tombés pendant les combats dont Dave Gallaher, capitaine de l’équipe des All Blacks avant la guerre, et tombé le 4 octobre 1917 au combat à Passchendaele en Belgique. À sa mémoire, a été créé en 2000 le trophée Dave Gallaher, disputé entre la France et la Nouvelle-Zélande

Un match resté dans toutes les mémoires

Le 8 avril 1917, l’équipe de France militaire s’incline 40 à 00 devant les All Black de « guerre » au stade vélodrome de Vincennes pour la finale de la Coupe de la Somme.

 

Nous vous recommandons la lecture du livre de Michel Merckel “14/18 le sport sort des tranchées. Un héritage inattendu de la Grande Guerre”

L’origine du rugby

L’histoire du rugby commence au XIXe siècle, en 1823 exactement, dans le collège de Rugby, une ville du centre de l’Angleterre. Un jour de novembre 1823, un élève (William Webb Ellis) se met à courir avec le ballon dans ses bras, au cours d’une partie de football. Les origines du rugby sont sans doute beaucoup plus lointaines, datant de l’Antiquité. A l’époque on l’appelle le football rugby.

 

Source: Origins History of Rugby