La Chine et son marché noir de la science

Selon lemonde.fr, une enquête journalistique a été effectuée par Mara Hvistendahl durant 5 mois concernant un marché qui progresse de plus en plus en Chine : celui de l’étude scientifique, devenue un objet de commerce comme un autre.

Les personnes passionnées par le domaine scientifique qui ne peuvent ou ne veulent pas faire d’expérience, en analyser les résultats pour ensuite publier un article sur le sujet,  car cela demande trop de temps et d’argent, ont maintenant la possibilité de rajouter leurs noms à la liste des auteurs de l’article en donnant la somme nécessaire aux agences chinoises spécialisées dans ces combines. Par exemple, à Shangai, Mara Hvistendahl aurait reçu une annonce pour un article, disant que l’achat de la place de “co-premier auteur” était alors possible pour 90 000 yuans soit 10 800 euros. A la publication, l’article avait donc un deuxième nom d’auteur  que le premier ne connaissait pas.

D’autres sortes de services sont proposés comme le paiement d’un “nègre”, étudiant ou chercheur, afin qu’il écrive un article de votre choix avec des données inventées ou des données  venant d’autres scientifiques ou encore commandées à des laboratoires qui ont mené les expériences à votre place contre paiement. Justement, des agences se sont spécialisées dans le commerce des études scientifiques réelles ou même inventées de toute pièce : Mara Hvistendahl et ses collègues, se faisant passer pour des chercheurs, ont alors découvert que seulement 5 agences sur 27 ne font pas ce genre de commercialisation. Les autres ont des prix qui varient de 1 600 à 26 300 dollars. En Chine, ces agences sont considérées  comme “un secret de Polichinelle”.

La performance de ces agences repose sur le soin particulier qu’elles prennent à publier les articles qu’elles commercialisent dans des revues suivies par Thomson Reuters Science Citation Index (SCI): cette base de données statistiques a pour fonction première d’estimer la réputation d’une revue scientifique et de calculer son “facteur d’impact”. Mais le SCI dérive très souvent de cet usage et sert plutôt à évaluer le travail et la productivité des chercheurs.

Le développement de ce marché nous amène à nous demander à quel point ces combines sont importantes : “Quelle est la proportion d’études achetées et/ou bidonnées dans une production scientifique chinoise en très forte augmentation ?”. On remarque alors que le nombre d’études effectuées en Chine a augmenté fortement durant ces dernières années, elles sont passées de 41 417  en 2002 à 193 733 en 2012. C’est ainsi que la Chine est devenue le “deuxième producteur mondial d’articles scientifiques derrière les Etats-Unis”. Et ce n’est pas la seule question qu’on se pose, d’autres restent encore en suspens.

Wei Yang, Président de la fondation chinoise pour la science, s’est exprimé sur le sujet : en effet, l’accroissement de la recherche scientifique en Chine n’est pas dû à des méthodes respectant l’éthique. Cependant, il explique cela par une mauvaise utilisation de l’indice de citation (sorte de base de données bibliographique permettant à un utilisateur d’établir facilement quels documents citent quels documents antérieurs) dans l’évaluation et la promotion des chercheurs mais aussi par des motivations économiques, les universités en sont l’exemple parfait puisqu’elles ont tout intérêt à mettre en évidence leur compétitivité en obtenant des contrats soumis à des appels d’offres.

Face à ces agissements, les étudiants sont de plus en plus contraints à respecter l’éthique. Plusieurs scandales ont éclaté, ces dernières années, et ont conduit Pékin sur “la voie de la tolérance zéro“, afin que “la recherche chinoise ne soit pas perçue à l’étranger comme gangrenée par la corruption et la fraude scientifique”.