Une alarme stridente me parvient aux oreilles. Mes paupières s’ouvrent délicatement. Une force soudaine m’envahit et je parviens à soulever la lourde pierre qui recouvre mon corps. Que fais-je dans la chapelle de mes aïeux ? Je ne me souviens pas de m’être endormie ici, hier soir.
Je me lève, mes pas sont lourds, je me déplace difficilement jusqu’à l’entrée de mon château. Je suis inquiète.

Plus rien ne me paraît familier. J’espère qu’à l’intérieur rien n’a changé. Je pousse la grille. Je suis soulagée… La cour est toujours pavée…

Driiing ! Je sursaute. Encore ce bruit désagréable ! Où sont passés mes chevaux ? Je m’affole, je cours jusqu’à la porte. Je tambourine.

Les portes s’ouvrent et un flot d’enfants se déverse sur moi. Ils semblent ne pas me voir. Que se passe-t-il ? Où suis-je ? Ce lieu étrange est-il bien le château qui porte mon nom ? Mes idées se brouillent. J’espère que ce n’est qu’un cauchemar.

Je dois en avoir le cœur net.

J’aperçois des silhouettes fuyantes et des ombres effrayantes un peu partout. Je monte précipitamment l’escalier d’honneur et pénètre dans la grande galerie.

Un vent violent traverse la pièce. Des parchemins d’une étrange blancheur s’envolent de toute part.

Je reprends mes esprits et je décide de poursuivre mes recherches. Je vois une sorte de planche au sol, je m’en approche avec prudence. D’où vient-elle ? Qui l’a apportée ici ? C’est terrifiant. Cette couleur rouge est magnifique mais son origine m’horrifie…

Je tourne la tête et je vois une autre planche posée au sol. Tiges de fer et carrés de mousse, ma panique s’accentue. Est-ce un piège ? M’est-il  destiné ? Je n’ai jamais vu une telle chose auparavant.

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Je me retourne. Encore une planche au sol ! Des formes géométriques la recouvre : on dirait des armes ! Il y a aussi des lettres, des mots presqu’effacés… Peut-être est-ce un message ? C’est vraiment étrange et terrifiant.

Plus loin, je vois des tâches blanchâtres sur un fond noir. C’est terriblement angoissant et en même temps très bizarre. Cela ne me rappelle rien. Je m’en approche. Plus je m’avance, plus les tâches ressemblent à des paires de chaussures mais avec de drôles de traînées… comme si quelque chose coulait. En regardant de plus près, je vois les ombres des chaussures, ce qui les rend encore plus angoissantes. Qu’est-ce qui peut bien se passer dans ce château ?

Et qu’est-ce que tout ce bruit dans les étages ? Je monte. Qu’est-ce que tous ces panneaux vitrés et ces gens qui s’affairent autour de cette table ? Alors, personne ne s’agenouille devant la duchesse de la Tremoïlle ? Je m’avance. Ils semblent ne pas me voir, absorbés par leur travail. Seraient-ce des fantômes ? Qu’est-ce que ces dessins représentent ? Les Egyptiens nous auraient-ils envahis ?

Lorsque je retourne dans la grande galerie pour comprendre ce qui se passe, des couleurs vives me frappent l’oeil, et cette fois des objets en relief sont posés sur les planches. Mais qu’est-ce que tout cela ? Mon château est-il devenu une galerie d’art ? Je suis affolée…

Alors que je me retourne pour revoir la première planche afin d’en apprendre plus, la terreur s’empare de nouveau de mon corps. La composition du mystérieux objet a changé et un message commence à apparaître. Rouge sang !

Je m’enfuis en courant. J’entre dans une salle et referme la porte derrière moi.

Je me retourne.

 Ah ! Des pieds ! Pourquoi diable y a-t-il des pieds ici ?

Et quelles sont ces choses dessous ?

Ah, il y en a partout ! Au secours !

Et cette chose étrange, difforme, qu’est-ce ? Une chau…ssure ? Encore. Pourquoi avoir mis des souliers aux fenêtres ? A qui sont ces pieds coupés ?

Je ne sais plus où me cacher. Désemparée, je repars dans les étages. Enfin, j’aperçois un objet qui m’est familier : une tapisserie qui se trouvait anciennement au sous-sol! Je m’en approche et je découvre qu’elle a changé : elle est recouverte de tâches noires dont l’origine m’échappe. Que représentent-elles ?

Soudain, dans un sursaut de conscience, je réalise la vérité : je n’ai plus ma place ici. Lentement, je redescends les étages. Je dois m’en aller. C’est alors que je les croise. Ces enfants qui m’ont bousculée tout à l’heure. Ils parlent. Leurs voix se mêlent et je ne comprends pas ce qu’ils disent. La seule chose que je retiens, c’est : « Françoise Pétrovitch ». Ce doit être elle la nouvelle duchesse ! Elle a inspiré les habitants de Thouars qui ont transformé MON château et réinventé MA ville ! Alors, ces gens, ce sont des artistes, pas des spectres. Je regarde mes mains, je touche mon corps et je réfléchis. Je suis blanche, presque translucide. Mes cheveux sont abîmés et il m’en manque la plupart. Ma robe est déchirée. Oh ! C’est moi le fantôme ! Mais alors… c’est de mon caveau que je suis sortie ! Au moins, j’y étais bien tranquille. Je vais y retourner…