Je m’appelle Olaudah Equiano. Je suis né vers 1745 dans l’actuel Nigéria…

… et je vais vous raconter ce que fut ma vie d’esclave.

« EquianoExeterpainting » par Inconnu — Royal Albert Museum, Exeter. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.

Le jour de ma capture

Ce jour là, on jouait ma sœur et moi, devant notre petite maison qui était en piteux état. J’étais adolescent, je sortais à peine de l’enfance. Quant à ma petite sœur, elle avait, je dirais, cinq années de moins que moi. Mon père sortit de la maison et nous donna l’ordre de rentrer immédiatement. Nous nous dépêchâmes d’entrer dans la maison. Quelques minutes plus tard, on frappait à la porte. Une voix d’homme hurla l’ordre d’ouvrir la porte. Personne ne bougea. Ma sœur était dans les bras de ma mère, quant à moi, j’étais debout, terrifié. L’homme cria à ses gardes de démolir notre porte. Les planches tombaient une à une. Un garde blanc entra. Il saisit les poignet de mon père et les accrocha avec des menottes. Puis ce fut à mon tour. Un garde me tenait les bras. Je ne pouvais bouger. Un autre homme arracha ma sœur des bras de ma mère violemment puis la reposa. « Laisse-là ici celle ci, elle est trop jeune, on en fera rien ! ». Quant à ma chère mère, ils n’avaient même pas posé les yeux sur elle. Elle portait un enfant dans son ventre. On nous avait enchaîné, mon père et moi. Ma mère et ma sœur nous regardaient nous éloigner. Ce jour là, je ne savais pas ce qu’on allait me faire subir.

L’attente dans la maison des esclaves

On nous conduisit jusque devant un bâtiment. On nous fit entrer. C’était immense. J’étais terrorisé. Des centaines d’hommes noirs attendaient ici, comme nous, enchaînés les uns aux autres. On me sépara de mon père. Il me sourit tristement. Ce sourire et ce regard triste sont les seuls souvenirs qu’il me reste de lui. On me jeta dans une sorte de prison. Des dizaines de garçons ayant à peu près mon âge étaient entassés dans cette petite pièce, attachés. Le matin qui suivait, on nous fit sortir. Nous étions tous dans une salle sombre. Chacun notre tour, nous franchissions un couloir. Quand se fut mon tour, des larmes coulaient sur mes joues. Je tournai la tête et lu : « Porte vers le voyage sans retour ». Je redressai la tête. Je m’approchai de cette porte. En la franchissant, j’avais les pieds dans l’eau. Un homme derrière moi me poussa. On me fit entrer dans un immense bateau.

La traversée de l’Atlantique dans un navire négrier

On m’installa dans un grand endroit où des hommes étaient allongés, enchaînés. Quelques heures après, on annonça le départ du bateau. Je repensais à ma pauvre mère, enceinte, seule avec ma sœur. Une fois tous les deux jours, on nous faisait monter sur le pont. Je savourais ces moments. On prenait l’air, on respirait l’air frais de la mer. Malheureusement, ces moments étaient de courte durée. Après quelques minutes, on nous emmenait violemment dans cette horrible cale où parfois des hommes gémissaient, pleuraient. Le voyage était très dur. L’horrible douleur de mes épaules me faisait un petit peu oublier celle de mes chevilles. Mais l’agréable pensée de savoir que ma douce mère et ma petite sœur étaient en sécurité au village me tranquillisait l’esprit. Un matin, un homme cria : « Jetez l’ancre ! ».

Le marché aux esclaves

On nous a fait descendre, toujours enchaînés les uns aux autres. Les soldats blancs nous firent avancer jusqu’à un marché. On nous installa sur des estrades, avant de défaire nos chaînes… pour ensuite les rattacher à un poteau qui se trouvait derrière nous. J’étais entouré de tous les garçons qui avaient à peu près mon âge. En face de nous, des hommes noirs, comme nous. Je cherchais un regard, ce regard que j’avais vu s’éloigner, qui m’avait abandonné. Mais je ne le trouvais pas. Mon père n’était pas parmi ces hommes. Peu à peu, des hommes blancs, des femmes blanches venaient devant nous. On nous présentait comme des marchandises (ce que nous étions). On nous observait avec de grands yeux. On observait nos dents, notre façon de marcher. Tous ses gens richements vêtus, ces hommes portant de beaux chapeaux, ces femmes portant de belles robes, jamais, jamais dans ma vie je n’avais vu cela. Un couple s’approcha. Ils me regardèrent. Ils demandèrent mon âge à un marchand. Il leur répondit qu’il me donnait une quinzaine d’années. « Bien, on le prend. » dit l’homme blanc en souriant à la dame qui le tenait par le bras. Le vieux marchand détacha la chaîne qui me reliait au poteau. Mes poignets étaient toujours attachés, ensanglantés.

Le travail à la plantation

On me conduisit jusqu’à un immense domaine. Il était tard. Le maître du domaine qui m’avait acheté ordonna à un homme noir de me conduire jusqu’à ma case. Ce qu’il fit sans broncher. « Entre, on va partager cette case. Demain, on commence à l’aube. » Il me lança un bout de pain et posa un bol de bouillon près de ma couchette avant de quitter la case. Au matin, un homme entra et nous cria de nous lever. Il nous jeta un gant humidifié et une tenue souillée, un pantalon déchiré, sale et qui avait une odeur nauséabonde. Les autres esclaves et moi regagnâmes les champs. Le travail dans la plantation des canne à sucre était dur. La chaleur était insoutenable. Chaque homme donnait toute son énergie à ramasser, arracher, désherber chacune des parcelles. Et on nous criait dessus. On nous ordonnait d’en faire plus, toujours plus. Le soir venu, chacun de nous regagnait sa case. Le bouillon et le bout de pain sec qu’on nous donnait chaque soir n’avaient aucun goût. Exactement comme la vie que l’on nous obligeait à vivre chaque jour. La seule chose qui me consolait était, comme toujours, de savoir que ma mère et ma sœur étaient en sécurité au village. Mon père quant à lui, Dieu seul sait où il se trouvait. Si une épidémie ne lui avait pas retiré la vie, il connaissait sûrement le même triste sort que moi. Chaque matin, nous étions réveillés par un violent coup de fouet. Les premières semaines, dès le reveil, nous rejoignions directement les champs. Mais au bout de quelques temps, on rejoignait une petite salle pour un temps de prière obligatoire. Après, on procédait à l’appel avant de regagner les plantations. Le midi, on devait préparer nous-mêmes notre repas pour le manger rapidement avant de reprendre le travail. Puis, nous travaillions d’arrache pied, jusque tard dans la nuit. Une fois rentrés dans nos cases, on se couchait dans les couchettes, inconfortables et bourrées de paille, avec un drap grossier, déchiré et taché. Chaque jour était plus dur, tous plus fatigants les uns que les autres. Je ne peux pas dire combien de temps je vais encore travailler ici, dans ces plantations. Les coups de fouets, les blessures, toutes ces douleurs m’auront au moins appris deux choses : la première est que quoi que je vivrai à l’avenir, rien ne sera jamais pire que ce que je vis aujourd’hui, chaque jour. La deuxième est que j’aurais beau me soumettre, m’incliner devant les Blancs, je resterai toujours fier d’où je viens et de qui je suis. Quoi qu’il en soit, j’espère qu’un jour, les noirs seront vengés et que les générations à venir connaîtront l’égalité entre les Noirs et les Blancs.

Diane, élève de 4e1 / Année 2015-2016