Joker, il a tout pour plaire

Joker est un film américain, réalisé par Todd Phillips et sorti le 9 octobre 2019 en France, produit par Warner Bros et DC Entertainment. Au casting, on retrouve Joaquin Phoenix, révélé au grand public dans le film Gladiator, Robert de Niro, que nous n’avons plus besoin de présenter et Zazie Beetz, qui est passée des studios Marvel avec Deadpool 2 à DC.

L’intrigue…

Arthur Fleck est un homme inquiétant, sombre, torturé et complexe qui vit seul avec sa mère malade.

Il est atteint d’une pathologie qui se manifeste par des rires incontrôlables, hystériques et dérangeants, lorsqu’il est en proie à une émotion telle que la tristesse ou encore la nervosité. Il rêve d’être un grand humoriste, de rencontrer son idole Franklin Murray, mais il n’est en réalité qu’un clown raté, martyrisé par la société et les jeunes des quartiers riches de Gotham City, qui essaie de faire rire les gens. Mais comment y arriver quand on en est nous-même incapable?

Épuisé par cette violence injustifiée à laquelle il fait face, Arthur se laisse peu à peu sombrer dans la folie, et devient le Joker, symbole involontaire d’une insurrection qui va prendre une ampleur qui va bien au-delà des écrans du cinéma…

Un personnage difficile à cerner

Le commencement de l’œuvre nous annonce la couleur: Arthur est pris à part dans une ruelle et sert de défouloir à de jeunes imbéciles, il tente de sourire face à son miroir, mais il en est incapable, pourtant ce n’est pas faute de le vouloir, il essaie, il s’étire les lèvres jusqu’à se faire mal, jusqu’à en pleurer. Le moment où il danse dans les toilettes publiques, après avoir pourtant tué trois personnes dans le métro, marque le moment où il abandonne, renonce à tout contrôle sur lui-même, à tout désir de se faire accepter par la société, pour se laisser entièrement consumer par sa folie meurtrière. Le discours de fin est à la fois percutant par sa violence, mais aussi par la véracité de ses propos. Là est tout le paradoxe du film.

Peut-on éprouver de la haine ou du dégoût envers un personnage dont a vu les facettes les plus sombres, qui a subi autant de violence et de cruauté de la part des autres quand lui ne demandait qu’à les faire rire? Son corps maigre, bleui par les coups, et son incapacité à sourire nous font éprouver tout au long du film beaucoup de compassion pour ce personnage qui n’est que le résultat des mensonges de sa mère, de la violence de son environnement et de la cruauté et l’indifférence des riches comme Thomas Wayne.

Une bande son au service du sujet, une performance d’acteur remarquable

La compositrice du film, Hildur Ingveldardottir Guonadottir est en bonne place pour les Oscars. On ne s’en étonne pas : la musique du film est sombre, elle a une intonation désespérante, et représente parfaitement l’état d’esprit d’Arthur, seul et fatigué de se battre en vain. La performance de Joaquin Phoenix a été unanimement saluée, il a remporté un Golden Globe et se place parmi les acteurs susceptibles d’obtenir un Oscar. Ce rôle lui a demandé beaucoup d’implication, autant mentale que physique (il a perdu au moins 25 kg pour ce rôle), il a déclaré avoir considéré ce tournage plus comme une “expérience” qu’une performance.

Une interprétation étonnamment rafraîchissante

Joker, c’est aussi l’origin-story d’un personnage emblématique de comics-books de Batman, ennemi juré de ce dernier, déjanté et dangereux. De nombreux acteurs se sont essayés à son interprétation, que ce soit Jack Nicholson dans le Batman burtonesque de Tim Burton, le Joker “bling-bling” de Suicide Squad, joué par Jared Leto qui n’a pas été vraiment appréciée par les spectateurs, ou enfin, l’interprétation du regretté Heath Ledger, qui a reçu un Oscar pour son rôle dans The Batman de Christopher Nolan.

Réaliser un film entièrement consacré à ce personnage est un véritable défi. Le réalisateur a choisi de ne pas puiser son inspiration dans les comics pour raconter son histoire, inscrivant ainsi ce film, qui se passe pourtant dans les années 80, dans notre actualité. Bien que Todd Phillips ait déclaré que ce film ne possédait aucun message politique, son sens n’est pas anodin.

Ce long-métrage nous montre une autre facette de Gotham City, autre que le somptueux building des Wayne, les quartiers défavorisés, où se concentre de plus en plus de violence, et Arthur, malade et maltraité, ne peut qu’avoir des idées noires dans un tel milieu. Les poubelles s’empilent dans les rues, les aides médicales se font de moins en moins présentes : le réalisateur a ainsi fait allusion à la crise économique qui a touché les Etats-Unis dans les années 70.

La controverse

Ce Joker a suscité l’enthousiasme à son annonce, mais aujourd’hui, il provoque la controverse.

Film trop violent? Un mauvais exemple pour les jeunes? Un encouragement à mener une insurrection? Cette œuvre est accusée par de nombreux critiques de faire “l’apologie de la violence”, de la montrer comme exemple et morale. Le film est effectivement d’une extrême violence (malgré son public restreint par les avertissements, il a quand même obtenu un chiffre plus qu’acceptable au box-office mondial), et la scène de fin, qui fait directement référence à la genèse de Batman, montre la violence comme unique moyen de protestation des populations pauvres contre celles aisées, la justifiant en quelque sorte. Il y avait donc eu beaucoup d’inquiétudes autour de la sortie du film, les américains ayant encore en tête la fusillade d’Aurora, où un individu avait tué douze personnes dans un cinéma après la projection de The Batman, preuve que l’engouement autour de ce personnage n’est pas nouveau.

Avant d’entrer en salle, les futurs spectateurs étaient fouillés par des policiers à l’entrée, toute personne grimée ou portant un masque du Joker avaient interdiction d’entrer. D’ailleurs, ce fameux masque, présent dans le film, que portent les partisans du célèbre clown, a percé l’écran et est devenu un symbole dans notre monde. On le voit partout, que ce soit chez les gilets jaunes, ou encore aux manifestations à Hong Kong et au Chili. Au Liban, une peinture murale a fait beaucoup parler d’elle : un Joker tenant un Cocktail Molotov, avec inscrit en dessous une phrase tirée du film : “We’re all clowns”…


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