Qui sommes nous ?

L’ équipe éducative du collège Jeanne d’Arc de Surgères met en oeuvre depuis 2016 l’accueil de témoins des grands conflits du XXème et XXIème siècles.

Ces témoignages devant élèves sont l’occasion de garder trace à travers les textes, les vidéos et les échanges, de l’expérience et de la mémoire de ces hommes et femmes.

Yasmine Labrousse, professeur d’Histoire-Géographie- EMC / Fanny Le Borgne, professeur documentaliste

Témoignage Albert Guilet

Albert Guilet lors de son témoignage au collège Jeanne d’Arc de Surgères

Albert Guilet est né le 6 avril 1939 à Apremont en Vendée dans une famille de paysanne. Après son certificat d’études il travaille à la ferme, c’est là qu’il est convoqué au service militaire en 1959  au 5ème régiment de Dragons à Périgueux. En novembre, c’est le départ pour l’Algérie.  Il est affecté à Kenadva dans le désert au 26ème régiment de Dragons dans un centre radio PC (poste de commandement). Il effectue différentes tâches : de garde, d’embuscade, de corvée de poubelles. Il devient radio télégraphiste puis formateur.

En 1960, il passe brigadier et part pour l’extrême sud saharien dans la 3ème compagnie du génie. Son travail consiste à assurer les liaisons radio et à écouter son réseau précédent car au Maroc les services radios algériens arrivent à décoder les messages utilisés en opération. Il quitte l’Algérie après 20 mois de service.

Lire – Autobiographie d’ Albert Guilet

” Je ne parle jamais [de la guerre], ma famille n’en parle jamais et mes petits-enfants aussi ne me posent pas de questions.”

 

Propos recueillis par les élèves de 3ème du collège Jeanne d’Arc de Surgères le 10 mars 2017 auprès de Albert Guilet, ancien combattant durant la Guerre d’Algérie.

Qu’est-ce qu’un opérateur radio ?

Le travail d’un opérateur radio c’est le morse. Le morse ce sont des points et des traits que l’on émet avec le doigt. Pour cela on utilise un manipulateur. Pour être émetteur radio il faut savoir gérer son matériel, savoir que l’émetteur est en dessous et le récepteur au-dessus. J’ai eu des stagiaires radio à qui j’enseignais la radio. J’envoyais et interprétais des messages de trafics, les ordres que donnaient les généraux (ex: se rendre à tel endroit..). J’étais chef de station.

En quoi consistait votre métier en radiotélégraphie?

Ma formation a duré quatre mois au lieu de deux, ce qui m’a permis de rester en France deux mois de plus. Le morse est un langage constitué de points et de traits qu’on émet avec les doigts, moi je devais écrire 900 signes par minute. Je devais aussi m’occuper de la gestion c’est-à-dire à bien aligner l’émetteur et le récepteur, on appelle cela l’interrelation. J’arrivais à former des jeunes en deux mois.

Avez-vous eu des blessures de guerre et si oui vous en êtes-vous remis?

Non je n’ai jamais été blessé durant la guerre et je n’avais pas peur, mais en revanche on ne savait jamais ce qui pouvait nous attendre.

Avez-vous fait de bonnes rencontres en Algérie ?

Oui, j’avais de bonnes relations avec mes camarades puisque nous étions 24h/24 ensemble.

Saviez-vous déjà parler algérien avant d’arriver en Algérie ?

Je n’avais jamais parlé algérien auparavant, il y a plusieurs langages en Algérie comme l’arabe et le berbère ce qui a compliqué la compréhension de la langue mais j’ai quand même appris certains mots de base sur place.

Vous arrive-t-il de parler de la guerre au quotidien?

Je n’en parle jamais, ma famille n’en parle jamais et mes petits-enfants aussi ne me posent pas de questions. Je ne me plaignais pas.

Cela n’a pas été trop difficile de voir tous ces enfants dans la misère ?

Nous n’avions pas vraiment le temps de les voir. Nous n’étions pas préparer à une telle misère. Les enfants étaient pieds-nus pour jouer au ballon et la terre était remplie de bouts de verre cassé. Par générosité nous leur donnions du saucisson provenant de nos boites de rations. Mais nous ignorions les interdits de leur religion, ils nous les jetaient à la figure. Sur le chemin nous rencontrions souvent des hommes sur leurs ânes et des femmes qui marchaient derrière en portant des charges imposantes.

Quand vous êtes revenu, avez-vous mis du temps à vous habituer à ne plus être en guerre et à recommencer à vivre en France ?

Oui j’ai mis un peu de temps, au début j’étais « paumé ». En deux ans et demi la vie avait beaucoup changé en France, par exemple il n’y avait plus ce qu’on appelait “les assemblées de quartier”. Puis on finit par s’habituer.

Témoignage de Robert Cassagnes

 

Robert Cassagnes est né le 6 avril 1924 à Montrouge près de Paris. Son père, boulanger, a participé à la Grande Guerre, il est aux Dardanelles en 1917. En 1932, après la mort de sa mère, Robert passe quelques temps dans le Tarn-et-Garonne d’où est originaire sa famille. Puis il retourne à Paris, il a 15 ans quand la guerre débute. Il travaille à la boulangerie de son père. Il agit avec un groupe de jeunes de son club de sport en menant des actions de résistance mais sans être dans un réseau. Fin août 1944, à 20 ans, il s’engage dans l’armée française et part avec l’armée du colonel Fabien en direction de l’Est de la France rejoindre l’armée de Lattre de Tassigny. A l’hiver 1944, il signe son engagement définitif dans la 1ère armée française nommée Rhin et Danube. Fin mars 1945, il est blessé en franchissant le Rhin. Après sa convalescence, il part en Allemagne afin de se mettre au service du 151ème régiment d’infanterie.

Lire le témoignage de Robert Cassagnes

 

Vidéos de l’échange entre les élèves de troisième et Robert Cassagnes

 

De l’enfance à l’ exode – Voir la vidéo 

 

S’engager – Voir la vidéo 

 

En opérations – Voir la vidéo

 

Résister – Voir la vidéo

 

Les tickets de rationnement – Voir la vidéo

 

Témoignage de Michel Touchard

Michel Touchard et son chien lors de la Guerre d’Algérie

Michel Touchard est né le 7 janvier 1935 à Caen dans le Calvados dans une famille d’artisan boulanger.  Le 23 décembre 1955, il est appelé au service militaire. Il part pour l’Algérie  mi-avril 1956 à coté de Tizi Ouzou au 2ème régiment d’infanterie coloniale puis à Mostaganem, près d’Oran, pour débuter un stage cynophile. Enfin, il intègre un Poste de Commandement à Palestro où se trouvent entre 15 et 20 maîtres-chiens avec un sergent. Les actions constituent en opérations dans la montagne du Djurdjura où se cachent les rebelles. Il est éclaireur de pointe avec le chien. Il reste 21 mois en opération sur le terrain avec une permission de 2 semaines. Il quitte l’Algérie en janvier 1958 avec le grade caporal-chef et une citation.

Lire – Autobiographie de  Michel Touchard

 

 

“Certains chiens ont été médaillés car ils ont aussi participé à la guerre et sont aussi récompensés comme nous les combattants ! Pour moi mon chien était un fidèle compagnon. J’ai de l’affection pour lui. Je compte sur lui.”

 

Propos recueillis par les élèves de 3ème du collège Jeanne d’Arc de Surgères le 9 mars 2017 auprès de Michel Touchard, ancien combattant durant la Guerre d’Algérie.

 

Comment se passaient les traversées en bateau ?

On dormait dans des hamacs, la traversée était longue : entre 24 et 30 heures, et se passait dans de mauvaises conditions. C’était un voyage en un coup de Marseille à Alger. C’était pénible, et lorsque quelqu’un était malade, tout le monde prenait. On était comme du bétail. Les toilettes étaient lavées à la lance. Ça tanguait beaucoup, heureusement on avait le droit d’aller sur le pont.

Combien de temps marchiez-vous lorsque vous étiez éclaireur de pointe ?

En opération, je marchais une journée entière et dormais sur place. Les opérations pouvaient durer 2 à 3 jours. Dans la rivière où nous nous alimentions il n’y avait pas toujours de l’eau, les conditions d’hygiène étaient très difficiles. Pendant les opérations, nous devions ratisser le terrain, faire attention aux attaques rebelles, les chiens servaient au repérage de cachettes rebelles.

Quand il y a des échanges de coups de feu, comment réagissent les chiens ? Fuient-ils ? Comment avez-vous fait avec vos chiens si vous ne les avez pas dressé vous-même ? vous écoutaient-ils ?

Nos chiens étaient attachés, ils voulaient partir. Ils aboyaient. Au fil du temps ils se sont habitués à entendre des coups de feu. Nous avons eu de bons maîtres-chiens qui ont su habituer les chiens au bruit de la guerre ! Certains chiens ont été médaillés car ils ont aussi participé à la guerre et sont aussi récompensés comme nous les combattants ! Pour moi mon chien était un fidèle compagnon. J’ai de l’affection pour lui. Je compte sur lui. Nous formons un couple.

Au moment où le maître-chien Leborgne a décidé de ne pas intervenir pour une opération dangereuse où il y avait des coups de feu. Pourquoi avez-vous décidé d’intervenir et comment cela s’est-il passé ?

J’y suis allé instinctivement, j’ai vu qu’il ne voulait pas y aller donc un gendarme et moi avons décidé d’intervenir, je n’avais plus de chien à l’époque. Nous nous sommes rendus là où des rebelles arabes avaient été repérés, ils étaient deux et armés. C’était nous ou eux, on a été plus rapide qu’eux, nous les avons mis hors d’état de nuire.

Comment se passaient les accrochages avec les rebelles ?

Les accrochages avec les rebelles étaient toujours violents. Il y avait beaucoup de blessés et de morts lors de ces accrochages. Certains militaires se battaient au corps à corps, d’autres tiraient à bout-portant ce qui rendait cela encore plus dangereux. Quand nos chiens trouvaient les rebelles, ils allaient les chercher, les encerclaient, mais très souvent les rebelles réussissaient à s’échapper.

De combien de personnes et de chiens composaient votre compagnie ?

Les compagnies cynophiles étaient généralement composées de 15 à 20 maîtres-chiens avec un chien par maître-chien.

Qu’est ce qui a été le plus difficile émotionnellement ? 

Le plus dur émotionnellement c’était quand nous avions des copains tués ou blessés, autrement nous n’avions pas beaucoup d’émotions car nous n’étions que des jeunes appelés donc mentalement nous n’étions pas formés. C’est pour cela, que nous n’avions que le choix de suivre ce qui nous arrivait comme nous le pouvions face à cette atrocité.

Témoignage de Gabriel Bégaud

Gabriel Bégaud lors de la Guerre d’Algérie

Gabriel Begaud est né le 15 décembre 1937 à Chatelaillon-Plage. Fil d’agriculteur, il devient, après son certificat d’études, mécanicien dans un garage. Il est appelé à Saint-Maixent-l’Ecole à l’âge de 19 ans et part pour le Sahara en Algérie à l’hiver 1959. Il est affecté dans la région d’El Golea. En tant que mécanicien, il intervient sur les camions et les jeeps pour les réparer mais participe également à des actions armées et des escortes. Il prend part parfois aux périodes de pacification : il passe des films de cinéma dans les villages. Il a également été chauffeur d’ambulance, assiste le médecin lors des visites médicales. Il est démobilisé en 1960 après avoir effectué 30 mois sans aucune permission.

Lire- Autobiographie de Gabriel Begaud

 

 

“Oui j’ai fait mon devoir, si je pouvais retourner en arrière je le ferais quand même. […] Je continue toujours le 8 mai et le 11 novembre à défiler pour le respect de tous les morts et des déportés.”

 

Propos recueillis par les élèves de 3ème du collège Jeanne d’Arc de Surgères le 9 mars 2017 auprès de Gabriel Begaud, ancien combattant durant la Guerre d’Algérie.

Auriez-vous envie de retourner en Algérie malgré les choses que vous avez vécues là-bas ?

Pourquoi pas. Pour voir comment cela a évolué, les villes, le mode de vie.

Comment avez-vous fait avec vos camarades pour encercler l’ennemi durant votre première mission?

Tout était monté à l’avance. Les commandos étaient armés en provisions d’eau et de nourriture, on les faisait mettre en éventail pour que les rebelles ne viennent pas. Notre seule torture était la soif !

Cela n’a pas été trop dur de suivre les militaires professionnels sur le terrain ?

Non, pas du tout, malgré les terrains parfois laborieux comme les dunes de sables qui se déplacent, et les conditions de voyages  pénibles comme l’eau qui chauffait. Les militaires professionnels nous encadraient et nous aidaient. Généralement ma compagnie et moi avions le dessus sur l’ennemi mais cela n’empêchaient pas les fusillades et les morts. J’étais toujours été accompagné d’une compagnie différente (commandos, légions…).

A l’hiver 1959, vous avez choisi de signer pour le Sahara, aviez-vous d’autres choix? Pourquoi avoir fait celui-ci?  

Non je n’ai pas pu choisir car mon copain qui travaillait dans les bureaux avait eu le papier. Il n’était pas prisé car on savait ce qui nous attendait et personne ne voulait partir donc sur un coup de tête j’ai signé de toute façon il fallait y aller.

Etiez-vous intéressé par la politique et l’armée avant votre départ au service militaire ?

On s’en lavait les mains, on partait au service militaire avant même d’être majeur. La majorité était à 21 ans donc je ne pouvais pas voter.

Êtes-vous satisfait d’avoir défendu les causes de notre pays ?

Oui j’ai fait mon devoir, si je pouvais retourner en arrière je le ferais quand même. Ce qui me fait plaisir maintenant c’est que beaucoup de jeunes font des stages de services militaires. Je continue toujours le 8 mai et le 11 novembre à défiler pour le respect de tous les morts et des déportés.

 

Témoignage Gérard Brunazzi

Gérard Brunazzi lors de la Guerre d’Algérie

Gérard Brunazzi est né le 6 mai 1941 à Niort. Après des études au collège technique de Bressuire il devient menuisier à Saint-Laurs. Il fait son service militaire en mars 1961 à Tours dans le  régiment chasseur à pied. Il est ensuite affecté à Saint-Maixent-l’Ecole comme menuisier puis en Algérie. Il est caporal, chef de groupe à Alger au  6ème régiment d’infanterie. Il patrouille dans les rues pour du maintien de l’ordre, des barrages et des fouilles de véhicules au côté des gendarmes. Après l’annonce de l’indépendance, il quitte Alger pour rejoindre La Chiffa au sud afin de protéger les « pieds noirs » qui remontent vers le Nord pour prendre le bateau pour la France. Il participe à l’accueil des harkis dans les campements. Il retourne en France pour un séjour de 6 mois afin d’intégrer la gendarmerie. Il repart à Oran en 1963 alors que l’Algérie est devenue indépendante. Il est basé entre Oran et Mars El Khebir dans une ancienne base de la marine française, à la frontière algéro-marocaine.

Lire – Autobiographie de Gerard Brunazzi

 

 

“Certains Harkis ont été ramenés et ont été nourris et logés mais cette situation d’abandon était désolante, de savoir que ces gens sont morts de façon horrible alors qu’ils auraient pu être sauvés.”

 

Propos recueillis par les élèves de 3ème du collège Jeanne d’Arc de Surgères le 9 mars 2017 auprès de Gérard Brunazzi, ancien combattant durant la Guerre d’Algérie.

Quelles sont les missions d’un éclaireur de pointe?

Les missions d’un éclaireur de pointe sont organisées en groupes : 2 équipes d’éclaireurs qui sont les éclaireurs qui vont être constitués d’un binôme et d’un chef et les fusils mitrailleurs constitués de chargeurs les mitrailleurs et les personnes chargées de la radio à l’arrière. Un éclaireur est chargé de vérifier, en première ligne, si des menaces arrivent. “Ouvrir les yeux”. Le second vérifie si le premier ne donne pas de signal. S’il y a un signal, il émet un son qui alerte tout le reste de l’escouade « se mettre à genoux ». Cette mission sert à découvrir traquer ou chercher des rebelles.

Quelles étaient vos rations alimentaires?

Les rations contenaient: du corned-beef, des bidons en carton déshydraté où l’on y ajoute de l’eau, la nourriture gonfle et est prête à manger. Il y avait aussi les rations “arabes” qui elles contenaient des cigarettes et de l’alcool.

Malgré le couvre-feu de 19 h à Alger y avait-t-il beaucoup de monde dehors la nuit ?

Beaucoup d’algériens sortaient la nuit, notamment dans la Casbah qui était une zone de non-droit dangereuse où les militaires avaient du mal à faire régner l’ordre. Mais hors de la Casbah les algériens respectaient le couvre-feu.

Lors des contrôles de voiture que vous avez effectués, êtes-vous déjà tombé sur des européens enlevés ?

Tout d’abord les Algériens enlevaient des européens pour transfuser leur sang aux blessés du FLN (Front de Libération Nationale). Malheureusement, non il ne met jamais arrivé de tomber sur des européens enlevés, mais j’aurais bien voulu en trouver. Les ennemis étaient renseignés, ils passaient outre nos contrôles.

Quelle fut votre réaction quand vous avez appris que les Harkis avaient été désarmés et laissés au combat ?

Certains Harkis ont été ramenés et ont été nourris et logés mais cette situation d’abandon était désolante, de savoir que ces gens sont morts de façon horrible alors qu’ils auraient pu être sauvés.

Auriez-vous envie de retourner en Algérie malgré les choses que vous avez vécu là-bas ?

Oui j’y retournerai avec plaisir, si l’on m’en donne la permission (NDR, Mr Brunazzi a d’importants problèmes de santé), c’est un des plus beaux pays, les gens sont adorable.