Ce vendredi , nous avions une invitée surprise: dans le cadre du printemps des poètes, Valérie Rouzeau était à Surgères et elle a accepté de venir échanger, durant deux heures, avec une classe de seconde du lycée du pays d’Aunis. Les élèves avaient préparé, en son honneur ,  une émission littéraire où ils jouaient , tour à tour, les rôles de journaliste, présentateur et bien sûr , lecteur et commentateur de son oeuvre. Madame Teissier avait  judicieusement réaménagé  l’espace du CDI pour cette rencontre. Après le jingle de l’émission “La grande librairie”, Alexis ouvrait de bien belle manière l’émission avant de donner la parole à Lucia pour un portrait très réussi qui mêlait réalité et imagination. Après avoir évoqué la bibliographie de notre invitée et commenté les titres énigmatiques de ses recueiils tels que Neige rien , Vrouz ou Sens Averse, Juliette et Alexis nous offraient une traduction simultanée , en hommage au métier de Valérie Rouzeau qui a traduit, en français , la poètesse américaine Sylvia Plath. La classe avait ensuite préparé des portraits de poètes en drôles de bêtes : chameau, corbeau, crapaud et ver de terre ; Notre poétesse  qui vit avec son chat Sacha , nous a avoué que si elle devait choisir un animal: il ne devrait pas être trop beau “plutôt âne que cheval”  a-t-elle ajouté et si c’était un chien, ce serait un “corniaud ” . Mailie , Lilou et Léane se sont fait les interprètes de ces drôles de bêtes. Nous avons ensuite dressé , de manière très poétique, une to do list de choses essentielles comme “caresser un arbre ” “manger des sushis dans mon lit ” et des “pâtes à la tomate avec notre poète acrobate “;

Après ce joil florilège, nous avons cherché à confronter nos artistes au monde du travail : comment un poète se présente-t-il chez France Travail ? Flavie, Lauriane, Tyana , David et Mathéo ont lu de manière très expressive leurs portraits de poètes demandeurs d’emplois et Valérie Rouzeau a partagé avec nous , son expérience de VRP , voyageuse représentante placière en encyclopédie Hachette ,avant de reprendre ses études et d’aller à l’université étudier l’anglais . Elle aurait préféré faire des études de lettres mais comme elle bénéficiait d’une allocation versée par l’Etat et qu’elle ne souhaitait pas être enseignante, cette orientation lui a été refusée. Après une pause, nous avons commencé les lectures commentées des poèmes choisis par les élèves :  Madame Durupt a débuté cette rubrique par un court poème en hommage à Antoine Emaz, un des poètes préférés de Valérie Rouzeau : Enzo, Naomi et Léa ont ensuite lu un poème très touchant, écrit pour la mort de son père qui commence comme une comptine nostalgique  “nous n’irons plus aux champignons le brouillard a tout mangé les chèvres blanches et nos paniers…” ; Chacun s’est ensuite levé à tour de rôle pour lire son texte et c’était un très beau moment d’émotion et de partage . 

Merci à  Arthur, Claire, Noah, Ronan,  Stan, Malo. Valérie Rouzeau a mis fin à cet échange en expliquant les secrets de fabrication de certains de ces textes ; notamment ce qu’on nomme un centon un poésie,  une curieuse technique de composition  qui consiste à écrire à partir de vers empruntés à d’autres artistes afin de leur rendre hommage . Merci beaucoup, Madame Rouzeau pour vos mots à vous et ce que vous appelez “mes mots des autres “ ; Nous aimons beaucoup ce que vous faites et avons hâte de découvrir, l’an prochain, votre nouveau recueil dans lequel , nous aurons peut-être, une toute petite place.  

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Orphée enchante les animaux 

Les poètes se différencient-ils des autres écrivains  et qu’ont-ils de particulier ? A priori, si l’on songe à Victor Hugo ou Alfred de Musset, à la fois romanciers, dramaturges et poètes , le poète ne serait qu’une facette de l’artiste ; Toutefois, depuis l’Antiquité, on prête au poètes des pouvoirs magiques , surnaturels et on sépare du reste des hommes comme une sorte de magicien des mots. Les définitions sont nombreuses et toutes, elles tentent de cerner l’essence de ce créateur pas tout à fait comme les autres. Nous allons faire ensemble un inventaire des définitions du poète et tenter de mieux cerner , à travers des poèmes et des essais, la personnalité de cet artiste , orfèvre et sculpteur de mots.  Plus »

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René Barbier himself…

Qu’est-ce, au juste ,  qu’un poète et quel rôle peut -il jouer dans la société  ? Inlassablement répétée , cette question hante l’histoire de la littérature. Un chercheur en sociologie, René Barbier, présente en 2001 sa réponse, sous forme de vers libres. Le poème que nous nous proposons d’étudier présente, en effet,  différentes facettes du poète et  ses nombreux  pouvoirs. Formé de 36 vers irréguliers (hétérométriques ) , il comporte quelques rimes soit en fin de vers soit à l’intérieur des vers mais sans schéma prédéfini ; caractéristique de la poésie moderne qui s’est affranchie des règles de la prosodie classique instaurées au dix-septième siècle, ce poème présente donc les pouvoirs du poète et tente d’en saisir les différentes métamorphoses.  L’anaphore contribue à construire une sorte d’inventaire des formes qu’emprunte la poésie et on aperçoit, dès la première lecture , de nombreux paradoxes , parfois à la limite de l’antithèse. Il nous faudra analyser méthodiquement les images qui le composent. Toutes  renvoient aux principales fonctions attribuées aux poètes au cours des siècles  : à la fois guide,  voyant, extralucide , et capable de changer le monde en le transformant sous nos yeux.   Plus »

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Baudelaire

Qu’est-ce qu’un poète et à quoi sert la poésie ? Beaucoup d’artistes  ont tenté de répondre à cette double question et leurs prises de positions, souvent antagonistes, permettent de dessiner une image du poète selon les époques et les mouvements littéraires. Essayons d’y voir un peu plus clair et examinons les différents arguments qui sont résumés dans les Arts Poétiques célèbres. Commençons par la fin : voilà ce que dit le poète aujourd’hui..

Ce qu’il nous faut, c’est la parole vivante, qui bondit d’une cervelle à l’autre sans coup férir, avec le naturel des oiseaux et des fleurs qui finissent toujours par revenir au poème.
Ce qu’il nous faut, c’est la poésie génitrice qui franchit les biefs et les obstacles, sans perdre ses idées ni ses plumes, les chemins de la sève, les catacombes de la mémoire, la page ciselée polie à la main, le mot-action se propageant comme le feu dans l’universelle conscience.   JP Rosnay  

Bref, une très haute idée de la poésie..ce qui ne change pas tellement  finalement de la conception du poète dans l’Antiquité. 

Dans l’Antiquité, les poètes sont considérés comme des envoyés des Dieux: ces derniers parlent par leur bouche et la parole poétique prend un caractère sacré. Orphée et Apollon sont les figures mythiques du poète : le premier est capable de charmer tous les êtres vivants au son de sa musique et le second est le Dieu des Arts du Soleil et il règne sur le Parnasse, domaine des Muses. Voilà ce qu’en dit Platon …en traduction  

Ce n’est pas… par art, mais par inspiration et suggestion divine que tous les grands poètes épiques composent tous ces beaux poèmes; et les grands poètes lyriques de même.  Car le poète est chose légère, ailée, sacrée, et il ne peut créer avant de sentir l’inspiration, d’être hors de lui et de perdre l’usage de sa raison. Tant qu’il n’a pas reçu ce don divin, tout homme est incapable de faire des vers et de rendre des oracles.[…] . Et si le dieu leur ôte le sens et les prend pour ministres, comme il fait des prophètes et des devins inspirés, c’est pour que nous qui les écoutons sachions bien que ce n’est pas eux qui disent les choses si admirables, puisqu’ils sont hors de leur bon sens, mais que c’est le dieu même qui les dit et qui nous parle par leur bouche.”

La Renaissance  célèbre en Pierre de Ronsard le prince des poètes et la Pléiade remet au goût du jour l’Antiquité; L’influence italienne de Pétrarque nous apporte le sonnet . L’idéal classique célèbre les vertus de la rime , de la versification et prône l’utilisation d’une langue soutenue qui se démarque de la langue commune. La poésie est considérée comme une activité bien plus noble que le roman . Au théâtre Racine et Corneille sont célébrés comme de grands poètes avant d’être considérés comme des dramaturges et on admire avant tout la musique de leurs vers. 

Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu ;    

Que le début, la fin, répondent au milieu ;

Que d’un art délicat les pièces assorties

N’y forment qu’un seul tout de diverses parties,

Que jamais du sujet le discours s’écartant

N’aille chercher trop loin quelque mot éclatant.

Boileau, Art Poétique, 1674

Les Lumières  privilégient la littérature d’idées et se méfient de la poésie qu’ils considèrent comme trop éloignée  souvent des préoccupations du peuple . Ils cherchent surtout à réformer les moeurs et à diffuser de nouvelles connaissances. La poésie leur paraît dangereuse car elle habille et travestit les idées avec des mots savants ou précieux qui risquent de ne pas être compris par tous. Ils la considèrent comme un art élitiste, ornemental et peu utile pour diffuser les idées essentielles au Progrès; Pourtant Voltaire écrit ses tragédies en vers et se plaint en poésie dans Le Mondain de ceux qui es tournent ver l’âge d’or et refusent ce siècle de fer.

 Au dix-neuvième siècle, deux mouvements vont s’affronter et à travers eux, deux conceptions du poète vont être antagonistes  ; il s’agit du romantisme et  du Parnasse. Ecoutons Hugo et examinons ses arguments :

Le poète en des jours impies      

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Hugo

Vient préparer des jours meilleurs.

Il est l’homme des utopies,

Les pieds ici, les yeux ailleurs.

C’est lui qui sur toutes les têtes,

En tout temps, pareil aux prophètes,

Dans sa main, où tout peut tenir,

Doit, qu’on l’insulte ou qu’on le loue,

Comme une torche qu’il secoue,

Faire flamboyer l’avenir !

Peuples ! écoutez le poète !

Écoutez le rêveur sacré !

Dans votre nuit, sans lui complète,

Lui seul a le front éclairé.

Des temps futurs perçant les ombres,

Lui seul distingue en leurs flancs sombres

Le germe qui n’est pas éclos.

Homme, il est doux comme une femme

Dieu parle à voix basse à son âme

Comme aux forêts et comme aux flots.

 On mesure à quel point le rôle du poète est important pour Hugo ; En revanche , Alfred de Musset à qui on demandait pourquoi il était devenu poète, répondit en des termes simples qui excluent toute forme d’engagement moral ou politique  . 

Faire une perle d’une larme :

Du poète ici-bas voilà la passion,

Voilà son bien, sa vie et son ambition.

Les Parnassiens et les disciples de Théophile Gautier qui a défini un mouvement appelé l’Art pour l’Art , défendent l’idée que la poésie est totalement inutile sur le plan social et politique; elle a comme unique fonction , selon ,eux de créer de la Beauté. Le poète  dans l’idéal Parnassien  devient alors un artisan habile qui met des rêves en mots. Le travail formel, selon eux, permet au message poétique de devenir pérenne et de résister à l’usure du temps 
Sculpte, lime, cisèle ;   poete7.jpg

Gautier 

Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant !

Baudelaire partage cet avis parnassien même si on le situe plutôt au carrefour de trois courants romantisme, symbolisme et Parnasse : Ainsi, le principe de la poésie est strictement et simplement l’aspiration humaine vers une beauté supérieure […] ; En 1857,  Baudelaire représente une étape importante dans l’histoire de l’évolution de la poésie  : romantique par sa forme, il partage certaine idées des Parnassiens et découvre le Symbolisme. Verlaine prolongera cette tendance en renonçant à des formes classiques pour expérimenter des mètres impairs et il ira jusqu’à tenter de restituer une musicalité grâce à une langue simple rythmée et répétitive. 

De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair

Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint.

Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature. 

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Verlaine

Verlaine a été marqué par sa rencontre avec Arthur Rimbaud (qui l’a conduit durant un an  en prison en 1873pour tentative d’homicide) et ils ont longuement évoqué , à tarer leurs correspondances notamment , leurs conceptions assez voisines mais sensiblement différentes, de la poésie.

Rimbaud dans ses lettres définit avec précision ce que doit être , pour lui, le travail poétique.

La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière. Il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. 

Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.

Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences.

Donc le poète est vraiment voleur de feu.

Il est chargé de l’humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper, écouter ses inventions. Si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme ; si c’est informe, il donne de l’informe. Trouver une langue ;  poete2.jpg

 Au vingtième siècle, le surréalisme va modifier durablement la conception de la poésie ; les poètes se lancent alors dans une double direction: la poésie comme jeu gratuit et futile ou la poésie comme activité révolutionnaire ; L’engagement divise les artistes ; certains y voient un déshonneur alors que les autres considèrent cet engagement comme vital ; Un poète peut également évoluer et modifier ses prises de position au fur et à mesure de son parcours artistique comme le feront Breton, Eduard, Aragon, Char .  Voilà une définition humoristique du poète proposée par Supervielle

II traduit en langue nette

Nos infinitésimaux,

Ah ! Donnons-lui, pour sa fête,

La casquette d’interprète !

Comme vous l’a montré ce bref voyage en poésie, les poètes ne sont pas tous d’accord sur ce que doit être la poésie, mais ils en parlent tous avec une même  passion et prennent leur rôle très au sérieux.  .

 Pourquoi Andromaque est-elle selon vous, une héroïne tragique ? 

Qui est Andromaque ?  Femme d’Hector et princesse troyenne, elle survivra à la disparition de sa ville et deviendra la prisonnière du fils d’Achille , Pyrrhus;  Racine au dix-septième siècle, la choisira pour en faire l’héroïne de la tragédie qui porte son nom et  il la fait devenir reine d’Epire; Il a imaginé , en effet, un dénouement tragique plutôt heureux pour elle car victime d’un odieux chantage de la part de Pyrrhus, elle s’en sort saine et sauve et réussit à sauver son fils Astyanax , seul survivant de la famille royale troyenne. Pour Racine, elle représente la femme qui doit faire un choix impossible entre sa fidélité à son mari défunt et le devoir de sauver sa lignée en se sacrifiant.  Quant à  Jean Giraudoux, dans sa pièce La Guerre de Troie n’aura pas lieu , il en fait une femme valeureuse, enceinte d’Hector et  prête à tout pour empêcher la guerre : comparons ces deux univers et ces deux représentations de l’héroïne tragique . Plus »

 Pour un dramaturge, l’entrée en scène d’un personnage est toujours un moment important dans une représentation.  Particulièrement au cours de la scène d’exposition car il faut donner au public de nombreuses informations à la fois sur les personnages ; le cadre et surtout l’action à venir.  Que nous apprend cette exposition ? 

 Exemples de problématiques :  Cette scène remplit-elle les fonctions d’une scène d’exposition ?
Quels éléments traditionnels retrouve-t-on dans cette exposition ? 
Comment cette scène d’exposition introduit-elle l’univers tragique ?
En introduction : que peut -on évoquer ? 

  • Introduire le classicisme,

  • Dire quelques mots à propos de Racine 

  • Présenter le récit mythologique qui sert de trame à la pièce : la défaite de Troie et la captivité d’Andromaque, princesse troyenne aimée par un jeune roi grec. 

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Si le nom d’Olympe de Gouges restera associé dans l’histoire aux combats féministes , en faveur notamment de l’égalité des droits entre les citoyens,  indépendamment de leur appartenance à un sexe, on risque d’oublier qu’elle fut également admise dans la société des amis des Noirs; Ce mouvement abolitionniste fut créé en 1788 et défend notamment l’unité des lois et des droits entre métropole et colonies.  En effet, combattre pour l’égalité des droits entre les hommes  sous l’égide du grand courant intellectuel animé par l’esprit des Lumières , implique de prendre en considération, tous les hommes , indépendamment de leur couleur de peau . Elle va donc s’engager fortement contre l’esclavage et au- delà, contre les préjugés qui feraient de certains hommes des “sous-hommes ” ou des êtres d’une catégorie inférieure : autant d’idées reçues qui font le lit du racisme . Plus »

Le mot féminisme n’a pas bonne presse : il rime souvent avec revendications et agressivité ; Souvent moquées , parfois critiquées, les féministes ne se ressemblent pas toutes . Nous allons donc arpenter les couloirs de l’Histoire et les coulisses de la fiction afin de mieux comprendre ce que veulent ces femmes , ce qu’elles combattent et ce qu’elles défendent selon les époques. Voilà notre feuille de route .. .

Avec beaucoup d’humour, Chimamanda Ngozie Adichie cherche à changer les esprit set les mentalités : sa prise de parole se fonde souvent sur des anecdotes personnelles; Elle introduit son propos en évoquant les paroles de sa mère ; Cette dernière lui a appris que quand on est une femme , on doit toujours sourire et se marier afin d’avoir des enfants . Elle pense que “parce qu’on est une femme ” “because you are a woman”  ne devrait jamais servir d’argument pour nous inciter à accomplir quelque chose; Elle conclut son discours en conseillant aux femmes de ne pas faire taire la petite voix qu’elles ont en elles et qui leur signale quand une situation est injuste . Elle rappelle qu’il faut apprendre, aux jeunes femmes , que l’amour ce n’est pas seulement un don de soi ; En amour, on doit donner et prendre, recevoir autant que l’on donne.  Plus »

L’oeuvre d’Olympe de Gouges, par sa nature hybride et par la place qu’elle occupe dans l’Histoire des idées et dans l’évolution de la notion de droit des femmes , peut susciter bien des interrogations ; Tout d’abord ,elle incarne une grande partie des combats et des idéologies portées au fil du dix-huitième siècle, par les Lumières . Montesquieu,  précurseur du courant des Lumières ,avec son article sur la traite des nègres, contribue à relancer la réflexion autour de l’abolition de l’esclavage et du droit des minorités opprimées. Il dresse un réquisitoire des pratiques colonialistes et parvient à une conclusion lapidaire : les Européens utilisent de la main d’oeuvre gratuite et font taire leur mauvaise conscience pour engranger des bénéfices commerciaux; Il fait appel à l’émotion de ses lecteurs et les invite à reconsidérer , à la lumière de la Raison, les pratiques esclavagistes .  Torture, souffrances, barbarie, inhumanité : ” C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe” conclut -il . 

En 1759, dans son conte philosophique intitulé Candide, Voltaire lui aussi, s’attaquera aux pratiques esclavagistes en dénonçant notamment l’application du code noir qui légitime les pires châtiments . Dans le chapitre 19 des aventures de son héros, ce dernier croise un malheureux esclave à demi-nu, vêtu de haillons, auquel il manque une jambe un bras . Il l’interroge afin de savoir pourquoi il se retrouve dans une telle situation et ce dernier répond tout naturellement :  “C’est l’usage “  . Son maître M Vanderdendur  a le droit de lui couper une jambe s’il cherche à s’enfuir et de lui couper un bras s’il cherche à voler . L’esclave conclut alors : ” Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous “. En employant le conte philosophique et le stratagème du personnage naïf, ainsi qu’une touche d’humour noir, Voltaire cherche à nous faire prendre conscience de l’inhumanité de l’esclavage . Une écriture de combat peut donc prendre différentes formes . 

Quelques années plus tard, Denis Diderot, philosophe, romancier et dramaturge, décidera d’écrire un faux récit de voyage en s’inspirant du véritable voyage entrepris à Tahiti par Monsieur de Bougainville.  Il invente alors le Supplément au voyage de Bougainville dans lequel un personnage de vieux sage Tahitien  se lance dans un réquisitoire contre la colonisation en s’adressant à celui qu’il nomme “chef des brigands “c’est à dire le capitaine du bateau qui vient de faire escale en Polynésie; Le vieux Tahitien rappelle qu’ils ont réservé un accueil chaleureux aux Européens et que ces derniers les ont massacrés et ont confisqué leurs terres.  ” Ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu’il gravât sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : Ce pays est aux habitants de Tahiti, qu’en penserais-tu ? ” Diderot , de cette manière , révèle les abus de la colonisation et ses méfaits. 

On peut unifier le courant des Lumières en partant de trois principes de base : le rôle de la raison, la critique du politique  avec la notion de tolérance et les notions de liberté te d’égalité, et l’idée de progrès, pas seulement dans le domaine des sciences mais également dans le domaine  des connaissances , de la perfectibilité de la civilisation et dans le domaine moral . 

Olympe de Gouges s’inscrit donc dans ce courant philosophique qui consiste à éclairer les consciences . Mais il est possible de le faire de différentes manières : Existe-t-il selon vous, des formes argumentatives , plus efficaces que d’autres ? L’enrobage de la fiction permet -il , comme le pensait Voltaire justement ,de toucher, de sensibiliser davantage plusieurs types de publics qui ne s’intéressent, par exemple, pas à la politique et à la philosophie . Si le but des penseurs est de diffuser largement leurs idées, de les vulgariser en les faisant rayonner le plus largement possible, alors la fiction est peut être un moyen de toucher les classes populaires . Un texte argumentatif , peut , en effet , paraître aride, trop sérieux ; C’est le cas notamment des 17 articles qui forment le corps de la déclaration . En revanche, l’ajout d’un postambule témoigne d’une volonté d’exprimer de manière littéraire des idées politiques. 

Quant aux liens entre politique et philosophie, ils sont nombreux . La loi se modifie sous la pression des idées et  parfois ,grâce à des textes écrits comme des manifestes ou à des combats .  La loi doit être l’expression d’une volonté générale et doit satisfaire le plus grand nombreL L’ Etat est la garantie des droits des citoyens, il mentionne leurs devoirs et leurs libertés qu’il inscrit dans un cadre législatif. l’Etat régit les rapports des hommes au sein d’une société . Au sens large, la politique définit donc l’art de gouverner les hommes  et dans les démocraties, un texte nommé constitution contient les  grands principes qui légitiment le pouvoir politique; Selon la notion de contrat social inventée par Rousseau, chaque citoyen accorde à ses représentants une autorité politique qui est une délégation de sa propre souveraineté ; Le pouvoir politique résulte d’une convention passée entre des citoyens qui sont naturellement libres et égaux et qui acceptent de se soumettre à la loi .  La philosophie se donne le monde comme objet de réflexion et propose un discours rationnel qui vise à expliquer ce qui nous entoure et à trouver des vérités . Platon faisait du philosophe à la fois un expert du langage et le magistrat suprême de la cité ; Certains y voient avant  tout une attitude intellectuelle , un instrument de réflexion sur le sens de la condition humaine. Qu’est-ce qui différencie donc un philosophe d’un homme politique ou d’un homme de lettres ? 

On peut aussi vous demander de commenter une citation comme par exemple celle de Flora Tristan, publiée en 1845 dans la préface de son essai: L’Emancipation de la femme : ” J’écris pour que vous sachiez; je crie pour que vous entendiez; je marche en avant pour que vous connaissiez la route. ” Ces propos peuvent selon vous s’appliquer au projet d’Olympe de Gouges dans la DDFC ? 

Autre réflexion beaucoup plus large qui fait appel à votre connaissance de l’oeuvre mais également à celle des textes du parcours : ” De quelles ressources spécifiques la littérature dispose-t-elle pour mener un combat en faveur de l’égalité ?  Il est possible de partir  notamment de la citation de Jean-Paul Sartre tirée de son roman autobiographique Les Mots , paru en 1949  ” Longtemps j’ai pris ma plume pour une épée: à présent je connais notre impuissance. N’importe: je fais, je ferai des livres; il en faut; cela sert tout de même. ”  Les mots sont ils vraiment puissants ?  lesquels et jusqu’à quel point peuvent -ils changer le monde ? ou impuissants ?   

En guise d’introduction 

Auteure du XVIIIème siècle marqué par les Lumières, Olympe de Gouges est le nom de plume de Marie Gouze dont la mère avocate était noble tandis que son père était un bourgeois. Mariée à dix-sept ans, mère quelques mois plus tard et très vite veuve, elle ne se remarie pas afin de préserver sa liberté : elle n’a pas besoin de demander l’autorisation d’un mari pour publier, comme la loi l’exige. N’ayant reçu qu’une éducation lacunaire comme les jeunes filles bourgeoises de son époque, elle sait à peine lire et écrire, c’est une autodidacte. Elle dicte ses textes à des secrétaires et compose surtout des pièces de théâtre et des essais pour diffuser ses idées novatrices. Engagée, elle aborde des sujets controversés et partage les idées révolutionnaires les plus radicales et dérangeantes comme la condamnation de l’esclavage ou des mariages forcés tandis qu’elle défend le droit au divorce ou les prostituées. Elle s’intéresse aussi à la politique réclamant d’importantes réformes sociales et d’abord l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, ce dont témoigne sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne parue en 1791. Cette femme trop libre et frondeuse se fait des ennemis : accusée de publication d’écrits contre-révolutionnaires, elle est la deuxième femme guillotinée après Marie-Antoinette en 1793.

Situation de l’extrait

L’extrait se situe après l’épître à la reine et avant la DDFC. L’auteur s’adresse aux hommes et les incite à réfléchir sur la manière tyrannique dont ils se comportent vis-à-vis des femmes, leur accordant injustement une place subalterne dans la société alors qu’ils sont égaux.

Projet de lecture : Comment Olympe de Gouges amène-t-elle les hommes à réfléchir sur l’inégalité entre l’homme et la femme dans la société du XVIIIème siècle ? / Comment dénonce -t-elle l’abus de pouvoir et la tyrannie exercée par les hommes sur les femmes ? / Comment l’auteure dénonce-t-elle l’injuste inégalité entre l’homme et la femme au siècle des Lumières ? ( au choix ) 

Nous pouvons distinguer 3 mouvements, ( un par paragraphe )

L. 1 à 4 O. de Gouges interpelle l’homme et lui demande de réfléchir à la tyrannie qu’il exerce sur la femme.

L. 5 à 9 Comparaison avec les autres espèces dans la nature et constat d’une coopération entre les deux sexes. 

L. 10 à 13 Dénonciation de la tyrannie que l’homme exerce sur la femme en raison de son orgueil et de son ignorance.

Lecture linéaire

Premier mouvement

L. 1 à 4 O. de Gouges interpelle l’homme et lui demande de réfléchir à la tyrannie qu’il exerce sur la femme. Le texte s’ouvre sur une apostrophe à l’homme et une question rhétorique : « Homme, es-tu capable d’être juste ? » Le singulier « Homme » est généralisant : c’est à la gente masculine qu’elle s’adresse. Avec le pronom de 2ème personne « tu », elle ne met pas l’homme sur un piédestal mais s’adresse à lui comme à un égal. Elle semble le provoquer, lui lancer une sorte de défi avec l’expression « es-tu capable » qui fait référence à ses capacités, à ses facultés, lui qui se prétend supérieur à la femme. O. de Gouges souligne d’ailleurs aussitôt avec une phrase emphatique et le présentatif « c’est…que » qu’elle s’adresse à l’homme en tant que femme et donc aussi porte-parole de toutes les femmes comme le confirme ensuite « mon sexe » à valeur de généralisation. La 2ème phrase de rythme binaire est très construite et montre déjà que l’auteure, bien que femme, maîtrise la rhétorique (=art du discours). Dans la 2ème proposition, elle dénonce implicitement l’abus de pouvoir des hommes qui privent les femmes de leurs droits : « tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. » O.de Gouges ose prendre la parole pour poser une question aux hommes et elle prend ainsi ce droit, sous-entendant que l’homme prive la femme de tout autre droit. Elle l’interpelle à nouveau et l’exhorte à lui répondre toujours sur un ton de provocation, en continuant de le tutoyer, la phrase devenant injonctive avec l’impératif : « Dis-moi ? »

La dénonciation se précise dans la phrase interrogative suivante avec l’expression « opprimer mon sexe » l.2. O. de Gouges interroge l’homme sur l’origine de sa prétendue supériorité, son « souverain empire », l.2 formule pompeuse et un peu ridicule à laquelle fait écho « cet empire tyrannique » l.4 qui comparent ici l’homme à un despote, qui commet des abus de pouvoir : le pronom interrogatif « Qui » supposerait un être supérieur, une transcendance, Dieu peut-être. Elle évoque d’autres hypothèses peu convaincantes qu’elle ne prend pas même la peine de développer, ce qui discrédite un peu plus les hommes : « Ta force ? Tes talents ? » l.2-3. La phrase suivante est encore injonctive avec les impératifs « Observe » ; « parcours » et « donne-moi » et sur un ton de défi avec « si tu l’oses », traduisant l’indignation de l’auteure. Elle incite l’homme à observer le monde autour de lui, évoque d’abord Dieu, « le créateur dans sa sagesse », qui dans sa perfection a forcément été équitable. Elle en souligne ironiquement « la sagesse » dont l’homme est, lui, dépourvu. Elle prend aussi pour référence la nature, une valeur importante des Lumières qui renvoie à l’innocence et à la mesure. Elle est ici est mise en valeur avec « sa grandeur ». Le ton est ironique avec la proposition relative « dont tu sembles vouloir te rapprocher » : cela sous-entend que l’homme est loin de la grandeur à laquelle il prétend. Elle dénonce ses prétentions à vouloir égaler Dieu et la nature alors qu’il agit avec les femmes en despote capricieux.

Second mouvement

L. 5 à 9 Comparaison avec les autres espèces dans la nature et constat d’une coopération entre les deux sexes.  O.de Gouge utilise ensuite un raisonnement par analogie : elle demande à l’homme de comparer la relation entre les deux sexes dans l’espèce humaine et dans les autres espèces vivantes. On peut remarquer encore sa maîtrise de la rhétorique avec cette phrase ample qui constitue presque tout le 2ème paragraphe, les parallélismes de construction qui donnent plus de force à ses propos : « Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux » l.5. La phrase est toujours injonctive avec les verbes du champ lexical de la réflexion à l’impératif « Remonte » l.5, « étudie » l.5 « jette enfin un coup d’oeil » l.5, « rends-toi à l’évidence », « cherche, fouille, distingue » l.7. O. de Gouges guide ainsi l’homme dans sa réflexion puisqu’il ne semble pas pouvoir trouver seul ou nie les faits : « rends-toi à l’évidence » finit-elle par lui asséner, ajoutant « quand je t’en offre les moyens » Elle prend le pouvoir par les mots et feint de venir à la rescousse de l’homme. Elle se moque de lui et de se prétentions à dominer  qui selon elle, ne sont absolument pas justifiées. Un peu plus loin « si tu peux »,  équivaut à lui dire implicitement qu’il n’a pas été capable de réfléchir par lui-même, qu’une femme a dû le mettre sur la voie. La conclusion arrive enfin avec le parallélisme de construction « Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent », les verbes au futur de l’indicatif et au présent de vérité générale la présentent comme une certitude fondée en raison, reposant sur l’observation : on retrouve là la méthode scientifique chère aux Lumières et qui s’oppose aux préjugés hâtifs et aux idées reçues . La domination de l’homme sur la femme irait ainsi à l’encontre de la Raison. 

La thèse d’O.de Gouge arrive enfin : l’homme et la femme sont égaux en droit et se complètent comme le souligne le sens du verbe « ils coopèrent » ainsi que les métaphores mélioratives hyperboliques « un ensemble harmonieux » et « ce chef-d’oeuvre immortel » l.9.

Troisième mouvement 

L. 10 à 13 O.de Gouges dénonce la tyrannie que l’homme exerce sur la femme en raison de son orgueil et de son ignorance. Elle donne en effet les raisons de son égarement. Le ton est accusateur : « L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception. » Le verbe « s’est fagoté » est péjoratif et souligne un défaut de raisonnement : la femme serait inférieure à l’homme, telle serait « l’exception » ici, devenue pour l’homme « un principe », c’est-à-dire une règle. L’homme ne s’est pas dit qu’il se trompait dans son raisonnement, il a préféré y décréter une exception dont il a fait un principe. Et l’auteur dénonce l’orgueil masculin avec « l’homme seul », l’homme se pensant toujours au-dessus de tous, même de toutes les espèces du règne vivant. L’accumulation d’adjectifs péjoratifs « Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré » dénonce la suffisance de l’homme qui le pousse à l’erreur et au déni. L’antithèse « ce siècle de lumières et de sagacité » / « l’ignorance la plus crasse » l.11 souligne son égarement, son manque de clairvoyance et de lucidité, d’autant plus impardonnable qu’il se proclame éclairé et que la science, le savoir ont progressé. Les modalisateurs dénoncent la vanité de leurs prétentions dans les expressions « il veut commander en despote » « il prétend jouir ». C’est finalement la Révolution même qu’il met en péril puisqu’il se comporte « en despote » et ainsi en ennemi de la liberté. De même il invoque « ses droits à l’égalité » l.13 mais en prive la moitié de l’humanité. A l’opposé, la femme est mise en valeur avec la périphrase « un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles » comme en atteste à elle seule l’exhortation et la DDFC qui suit. Les derniers mots « pour ne rien dire de plus » sonnent comme une conclusion : tout est dit.

Pour conclure , 

Une femme combative qui n’hésite pas à défier l’homme et à remettre en cause la légitimité du pouvoir qu’il exerce sur les femmes ; un texte polémique qui fait clairement entendre se récriminations. Elle le critique, le ridiculise et démontre que son pouvoir se fonde sur un exception aux règles de la nature : elle remet en cause l’idée même d’une domination “naturelle ” : elle est favorable à une collaboration des deux sexes, à égalité, afin d’établir une harmonie et de permettre à l’Humanité d’accéder au progrès et au bonheur , qui est une grande idée des Lumières . 

Ouvertures possibles : les avancées féministes avec l’évolution des mentalités , les femmes ont acquis des droits ( vote, parité ) mais il demeure des formes de sexisme parfois latentes dans les mentalités : c’est l’homme qui devrait travailler et pas la femme, c’est la femme qui doit s’occuper de la maison et des enfants . On peut souligner aussi que dans certains pays, les femmes n’ont pas le droit de conduire, de travailler, de sortir sans être accompagnées par un homme.