Rencontre avec Jeanne Benameur à la Médiathèque de Melle (Biographie)

 

Rencontre avec Jeanne Benameur

Le 12 février 2009

Médiathèque de Melle

  Jeanne Benameur, qui êtes-vous ?

D’un père tunisien et d’une mère italienne, qui se sont rencontrés à Lille dans un bar, je suis arrivée à La Rochelle à l’âge de cinq ans et demi comme je l’ai relaté dans Ca t’apprendra à vivre.

Le français n’est pas ma langue maternelle.

J’ai tout de suite adoré l’école et l’océan.

J’ai effectué des études de lettres à Poitiers, j’ai aussi fait du chant et du théâtre.

J’ai été professeur de français pendant de longues années, d’abord à Mauzé sur le Mignon puis en banlieue parisienne (Courbevoie).

J’ai commencé à écrire très tôt : d’abord des textes poétiques, puis de la littérature jeunesse, enfin de la littérature générale, ces classements n’étant pas les miens mais ceux des éditeurs.

Mon dernier texte Laver les Ombres, est publié chez Actes sud.

J’accorde une grande place à la psychanalyse mais mon écriture n’est pas ma psychanalyse. Depuis Les Demeurés la psychanalyse occupe une place importante au sens où je me consacre à l’étude de la transmission.

  Dans quelles conditions écrivez-vous ?

J’essaie d’écrire tous les jours le matin, avant de sortir, avant que les tracasseries quotidiennes viennent me parasiter.

J’ai un rituel : le silence, un espace clos, une boisson chaude « biologique et équitable. »

  Comment écrivez-vous ?

D’abord, le sujet me travaille puis vient le travail des mots.

L’écriture est un travail intérieur, une sorte d’accouchement.

  Pensez-vous que l’écriture soit un don ?

C’est d’abord une aspiration, un goût naturel, j’écris depuis que je suis toute petite.

C’est le résultat  d’un travail, beaucoup de travail.

  Eprouvez-vous l’angoisse de la page blanche ?

C’est rare, mais j’envisage très bien que la source se tarisse.

Je ne me force jamais à écrire. Je veux garder ma liberté : je ne me force pas écrire si je n’en ai pas envie.

  Que vous apporte l’écriture ?

Je ne suis pas la même quand j’ai terminé un livre : le texte me travaille.

L’écriture me permet de m’ouvrir d’ouvrir des horizons. Je fais comme Madame Lure.

  Quelles sont les qualités d’un auteur ?

Je répondrai en tant que lectrice. Pour qu’un texte m’intéresse, il faut qu’il mette en route mon imaginaire, qu’il provoque mon émotion de lectrice. Un bon auteur doit donc être à même de provoquer une émotion. Cependant, j’attends des qualités différentes selon les auteurs.

Je vous retourne la question : et vous, qu’aimez- vous lire ?

S’ensuit une discussion sur les lectures des élèves.

Conclusion : la littérature doit nous permettre d’éprouver des choses sans avoir à les vivre.

En tant que directrice de collection, lorsque je lis un manuscrit, j’attends un souffle, une force dans l’écriture et dans le propos.

  Qu’attendez-vous d’un livre ?

Je veux qu’un livre m’emporte dans un monde autre que le mien.

La lecture est une pratique artistique car il faut créer des images : quand on écrit et quand on lit, on y met tout ce qu’on est.

 

Avez-vous des lecteurs privilégiés ? Demandez-vous des avis sur les livres « en chantier » ?

Thierry Magnier, éditeur de littérature jeunesse est un lecteur privilégié.  C’est un véritable frère qui lit tout au fur et à mesure.

Une lectrice de chez Denoël, mon ancien éditeur, me reste très fidèle : j’ai une grande confiance en son jugement.

 

Quelles sont vos relations avec vos éditeurs ?

J’ai peut-être eu beaucoup de chance mais je n’ai eu aucune difficulté à trouver un éditeur.

Mon premier éditeur était aussi mon libraire : spécialisé dans la poésie, il était aussi éditeur de poésie. Il m’a demandé mes textes. Il s’agit de Guy Chambelain, il a fréquenté les Surréalistes et était « découvreur de poètes ». Il a publié mon premier texte, Naissance de l’Oubli.

Mon deuxième manuscrit, Samira des quatre-routes a été immédiatement accepté chez Flammarion.

Je ne suis jamais pressée de me faire publier ce qui explique peut-être en partie le fait que je n’ai pas eu de difficultés à trouver un éditeur.

Je refuse toute pression venant d’un éditeur : c’est pour cela que je n’accepte jamais d’argent avant qu’un manuscrit soit terminé.

Je reste fidèle à mes éditeurs quand j’ai affaire à un bon compagnonnage.

 

Est-ce qu’il y a un de vos livres que vous souhaiteriez retravailler?

Un Jour mes princes sont venus.

Les Mains libres

Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire Les Mains libres ?

Deux ans, peut-être trois. C’est difficile à compter. Les choses prennent forme avec ce qu’on dit, ce qu’on lit : l’écriture ne fonctionne pas avec le temps des horloges. L’écriture fait appel à un autre temps, un temps qui varie selon les saisons qui génèrent une énergie différente.

  Comment vous est venu le sujet des Mains libres ?

Il y a toujours, à la source de mes livres, une émotion éprouvée suite à une rencontre, une lecture, etc. Une émotion forte et durable.

Je n’ai pas de plan déterminé à l’avance, seulement un squelette et des « actions obligées » pour mes personnages.

Je sollicite beaucoup l’imagination du lecteur, le travail d’imagination est une forme de pratique artistique. C’est pour cela qu’il est si difficile d’obliger autrui à lire.

 

Le campement de Vargas est-il un lieu réel ou imaginaire ?

J’ai aperçu, au pied des arches du métro aérien, un mobile home, un tissu rouge et trois personnes. L’imagination a fait le reste.

 

Aviez-vous pensé à un autre titre pour les Mains libres ?

La Place vide était le titre du « chantier » mais ce titre était trop proche de celui d’Annie Ernaux : Les Armoires vides.  Petit à petit un autre titre a fait son chemin.

 

Les personnages des Mains libres sont-ils réels ou imaginaires ?

Ce sont des personnages imaginaires mais ils ont tous quelque chose de moi autrement le livre ne serait pas habité.

 

Pourquoi avoir dédicacé votre livre à votre fils ?

Parce que j’en avais envie.

Peut-être aussi à cause de la tablette de chocolat que vole Vargas.

L’inconscient joue un rôle important dans l’écriture.

 

Pourquoi votre écriture est-elle si hachée ?

Je suis une fille au souffle court : chaque mot doit se laisser aller à ses vibrations. Chaque mot résonne au fond de moi. Je travaille beaucoup pour trouver le mot juste. Mon travail est très proche de celui de l’écriture poétique.

 

Que s’est-il passé entre Madame Lure et sa mère ?

C’est une histoire obscure, probablement douloureuse, qui a fait que Madame Lure s’est retrouvée marginalisée. L’histoire n’en dit pas plus, chacun fait ce qu’il veut.

 

Les prénoms et les noms des personnages des Mains libres ont-ils une signification particulière ? Les personnages font-ils référence à des êtres réels ?

J’ai découvert après coup que j’avais déjà donné le prénom d’Yvonne. Je connais une Yvonne qui était l’épouse d’un écrivain aveugle. Elle n’avait pas le même rapport au livre que Madame Lure, mais comme elle, elle occupait la place de « l’à côté. » Quand je choisis des noms, ce qui importe, ce sont les sonorités : il me fallait un monosyllabe pour Madame Lure, et des « a » pour Vargas.

 

Que pensez-vous de l’illustration de couverture des Mains libres (éditions folio) ?

C’est la moins mauvaise parmi toutes celles qui m’ont été présentées mais elle ne me satisfait pas totalement. Les maquettistes n’ont pas le temps de lire les livres pour lesquels ils présentent des illustrations, c’est regrettable.

  Auriez-vous aimé faire la même rencontre que Madame Lure ?

Je n’aimerai pas vivre la même rencontre, mais je crois à la vertu éducative du livre.

Pour moi, un livre est une rencontre, le livre est une éducation à la rencontre.

La rencontre est une aventure car chaque être humain est une énigme que l’on ne résoudra jamais. L’être humain est très mystérieux. La rencontre permet d’accéder à des choses mystérieuses à l’intérieur de nous.

             Madame Lure a le droit de poser des livres et d’aller à la rencontre d’autre chose que le contenu du livre.

     Pourquoi trouve-t-on peu de dialogues?

            Je préfère les monologues intérieurs.

 

Réalisé par Delphine Lourdez et la classe de Première ES

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