Année scolaire 2015-2016

REPRÉSENTATION

« CHÈRES CAMILLES, CHERS MARCELS … » 

PAR LES ÉLÈVES DE LA CLASSE DE 3e D

 Acte I

Camille, Capucine, Manon, Anna, Julie, Lorenzo, Tom B, Lucas et Hugo affalés sur et autour d’un canapé beaucoup sur leur portable, ne se regardent pas, ont l’air de s’ennuyer, une malle en retrait. Entrée du grand-père.

Le grand-père : Bah, alors, les jeunes, c’est pas le brevet dans quelques semaines ?

Les ados, sans lever le nez de leur portable : Mmm….

Le grand-père : Vous n’étiez pas censés vous retrouver ici pour réviser ????

Tom B : Mouais… mais on comprend rien… La Première Guerre mondiale, papé, c’est la préhistoire… Qu’est-ce que tu veux qu’on s’intéresse à des vieux croulants morts y a des siècles parce qu’ils ont pas été foutu de s’entendre…

Le grand-père : Préhistoire… Des siècles… Ah, ça c’est sûr, vous n’avez pas compris grand-chose… Et sur vos machins, là, vous trouvez des réponses ?

Les ados, même attitude : Nan, on tchate…

Le grand-père : ???

Tom B : On discute, papé, on s’envoie des… des sortes de lettres.

Le grand-pèrel’air entendu : Hum, hum… Va chercher la malle, se fait une place au centre du canapé, ouvre la malle et commence à en sortir des objets. Un ou deux ados commencent à s’intéresser.

Tom B : Qu’est-ce tu fabriques, papé ? C’est quoi tout ça ?

Le grand-pèrefaussement désinvolte : Oh, laisse tomber. Des trucs de la préhistoire… des trucs de vieux croulants…

Lorenzo, sortant un masque à gaz : Oh, excellent, t’as vu le casque, trop bien… Eh, eh, téma, ” Pchhhh…

Pchhh… Luc, je suis ton père… Pchhh… Pchhhh…”.

Tom B : Arrête, t’es grave, respect pour les trucs de papé, mec.

Le grand-père : Ah, mais ces affaires, elles sont autant à moi qu’à toi… Qu’à nous tous, même… Tout ça c’est notre histoire, notre patrimoine commun… Il sort la photo de Marcel projetée au vidéoprojecteur. Tu vois ce monsieur, c’était mon arrière-grand-père, Marcel Méron…

Certains regardent la photo avec intérêt, d’autres fouillent dans le coffre d’où ils sortent des accessoires de la guerre dont ils s’affublent, fusent des « excellent », « classe », « trop », « chelou », etc…

Manon, trouvant une autre photo projetée au vidéoprojecteur : Et là, c’est qui ? Z’ont pas l’air de s’marrer…

Le grand-père, au fur et à mesure, les ados entourent le grand-père, commentent par des mimiques : Là, c’est Camille, mon arrière-grand-mère… Aimé, son père, l’arrière-arrière si vous voulez… Deux employés de la maison… La grande fille, c’est ma grand-tante Henriette… et la ch’tiote, c’est mamie Momone, ma grand-mère Léone…

Julie, sortant un paquet de lettres ficelées : Et ça, c’est quoi ?

Le grand-père, faussement désintéressé : Oh, ça, d’autres vieilleries, de la paperasse… Bon, bah, c’est pas tout ça mais j’ai du jardin, moi… Mais si ça vous intéresse, vous pouvez fouillasser, du moment que vous n’abîmez rien…

Le grand-père s’éloigne. Tous les ados sont maintenant autour de la malle, prennent chacun une lettre et se plongent dans la lecture. Noir. Vidéoprojecteur, sons d’écriture, lettres, facteur, etc…

Désinstallation du décor.

Acte II

Noir, juste la bougie… Une table (Djibril et Arthur) avec deux chaises (Tom B, Lorenzo), un fauteuil (Lucas), (malle sur le côté par Hugo), des paniers, un couffin, un bougeoir, verres, bouteille, terrine. Tous les comédiens assis en tailleur autour de la scène comme dans une veillée autour du feu sauf Tanou et Capucine, déjà installées au centre.

Scène 1

Camille : Neuville, le 7 juin 1915…

Charles : Le 10 juin 1915…

Kimberley : Ce matin j’ai reçu ta lettre du 3 juin…

Alexandre : Je viens de recevoir ta carte…

Axelle : Je suis bien heureuse de te savoir toujours en bonne santé…

Adrien : Aussitôt, je te renvoie la réponse…

Manon : Je t’envoie cette simple carte car aujourd’hui j’ai pas le temps…

Lorenzo : Je te raconterai…

Anna : Ce soir je saurais trop fatiguée pour te faire une longue lettre…

Antoni : Alors tu as du savoir la réponse…

Julie : Demain je t’écrirai plus longuement…

Tom B : Il m’a dit qu’il écrivait que tous les 20 jours ; moi je ne saurais pas…

Eva : Tout va bien ne t’inquiète pas…

Valentin Che : Á demain…

Julia : Allons du courage la guerre va vite finir maintenant…

Valentin Cha : Ma petite amie, je te quitte en t’embrassant de bon cœur…

Agathe Je termine en t’embrassant de tout cœur…

Lucas : Ton ami qui t’oublie jamais…

Manon : Ton amie pour toujours qui t’oubliera jamais…

Djibril : Marcel Méron.

Agathe : Camille Méron.

Scène 2

Lettre Marcel Méron à Camille 16 septembre 1915 : les pommes de terre et les harengs

Tanou et Capucine, assises autour de la table, allument la bougie, joyeuses, en train de manger : Ma chère petite Camille aimée, C’est avec plaisir que j’ai reçu ton colis, hier aussitôt que ta lettre a été partie; et hier, au soir, j’ai reçu ta lettre qui m’a fait grand plaisir. Justement Roussillon se trouvait avec moi et n’avait pas de nouvelles, alors je lui ai fait part des deux mots que tu parlais d’elle. Il était content. Ce matin, au casse-croûte, on a goûté aux harengs, et tu peux croire qu’on s’est régalé. Il était content. On a pas eu la peine de les faire cuire. Je l’ai bien rincé avant d’en manger. Il avait bonne couleur. Roussillon en a gouté lui aussi. Quand il a quelque chose, il ne m’oublie pas lui non plus. Ça me fait beaucoup de plaisir. Je te remercie beaucoup. Tu m’as encore mis de la toile neuve, je vais tenter de la garder pour te la remporter si c’est possible. Ma chère Camille, j’ai reçu une carte de Clément hier soir. Il me raconte le résultat de son opération. Il me dit qu’il a souffert 4 jours terriblement. Je le crois mais enfin il est encore mieux que ici depuis 14 mois. Je commence à trouver le temps long. Je voudrais bien que ça serait fini mais personne n’en voit la fin. C’est vrai qu’il y en aura bien une. Cela me fera toujours durer c’est l’argent qui manquera le premier.

Ma chère Camille, ce soir je vais 4 jours avec monsieur Bonneuil. Demain je t’écrirai quand que l’on se sera vu. Pour le moment je ne connais pas d’autres nouvelles. Je vois le journal tous les jours, mais ça fait pas de grands progrès. Les Russes avancent un peu mais pas si vite qu’ils ont reculé peut-être. Ça viendrait. Soi-disant que la Turquie est prête à capituler. Le sultan serait disparu. Peut-être qu’il surgira des choses imprévues et c’est ce qui pourrait avancer la fin de la guerre. Autrement il y en a encore pour un an. Elles restent à leur place.

Scène 3

Lettre de Marcel à Camille 8 octobre 1915 : la photographie

Agathe et Eva, devant la table, se piquant lettres et photos : Ma chère petite amie, Tu m’excuseras si je t’ai écrit hier à peu près en désordre. J’étais pressé mais j’espère que le petit mot t’a fait plaisir, ainsi que mes photographies. Tu vois que je ne t’ai pas oublié. Je ne suis pas mieux mais enfin ça fera un souvenir ; tu te rendras compte que je suis toujours le même. Ma chère Camille chérie, j’ai reçu tes charmantes lettres je suis toujours heureux de recevoir de tes charmantes nouvelles qui m’intéressent beaucoup. Enfin tu as fait ce que tu as voulu mais, d’après mon idée, je crois que tu as bien fait. On aura peut-être la chance que je suis arrivé pour ensemencer les pommes de terre malgré qu’en ce moment il n’y a rien à y comprendre entre les puissances balkaniques. Il n’y a pas d’entendement. Je ne sais pas ce qui va se produire. C’est bien triste de vivre une terrible guerre comme cela. Ma chère Camille comme je t’ai dit avant-hier, en ce moment, je suis toujours au même endroit, mais ma section est de travail et on ne prendra pas la  garde et dans quelques jours je retrouverai mon ami Bonneuil. On s’entretiendra un peu sur la situation. Ma chère Camille ta lettre de hier m’annonce un colis, je ne l’ai pas encore reçu mais je mettrai ta lettre à la dernière heure. Je te le mettrai sur un coin de la lettre. C’est vrai que l’on pourra se payer quelques petits plaisirs comme cela. Tu remarqueras sans doute sur la photo que ce n’est plus les mêmes têtes. Ma chère petite Camille, je ne vois plus grand-chose à te raconter. En ce moment, il fait un temps magnifique. Je suis toujours en bonne santé et je désire que toute la famille en soit ainsi. Je t’embrasse du fond de mon cœur. Ton ami qui t’oublie pas et qui pense qu’à toi. Au revoir, à bientôt. Je t’embrasse très fort. Marcel Méron. Elles s’assoient.

Scène 4

Lettre Henriette Méron à Marcel le 8 novembre 1915 : Léone et la tabatière

Hugo, arrivant du fond de salle, cartable sur le dos : Mon cher papa, Je t’envoie deux mots pour te dire que je suis en bonne santé Mon cher papa, maman lit ta lettre ; elle dit que elle va aller te voir pour Pâques ; elle est bien contente. Je viens d’apprendre mes leçons. Leone s’amuse avec la tabatière à grand-père ; heureusement qu’il y a pas de tabac dedans. Mon cher papa maman va coucher Léone ; j’attends mon cher papa, il y de l’école demain. Je t’embrasse je tout cœur, ta fille pour la vie, Henriette Méron. Léone t’embrasse de tout cœur. Petit papa je t’embrasse encore une autre fois. Il s’assoit.

Scène 5

Lettre Marcel Méron à Camille le 5 décembre 1915 : Pauvre Serbie

Lorenzo, Tom Berton, se lèvent, enroulés dans des couvertures, passent en avant-scène, à jardin, déroulent une carte par terre et l’observent à quatre pattes, projection carte : Ma chère Camille chérie, J’ai reçu de tes nouvelles hier au soir toujours très bonnes. Les miennes en sont ainsi. Je désire que cela dure jusqu’à cette fin tant désirée pour tout le monde. On ne sait qui en penser pour le moment. Toujours  que cette pauvre Serbie est envahie complètement. Que c’est triste de voir des choses pareilles. Ce pauvre petit peuple qui est dispersé partout et la moitié d’entre eux qui sont tués et beaucoup qui meurent de froid et de faim. Ces pauvres malheureux qui se battent et qui songent que leur famille est entre les mains de ces bourreaux. Quel désespoir. Moi, je suis heureux de savoir que je suis pas dans cette circonstance. C’est toujours un grand soulagement. C’est bien ennuyeux mais si j’ai le bonheur de m’en revenir, je trouverais mes affaires en état et que je pourrais reprendre mon travail du jour au lendemain. Mais quand ça sera fini, personne n’en sait rien. Aucune chose nous le fait entrevoir. L’Allemagne voudrait la paix, oui, c’est vrai, mais quelle paix, à son avantage, bien entendu. Mais nous on la voudrait à le nôtre. Cependant, il n’y aura pas deux vainqueurs. Il n’y en aura qu’un, et c’est nous qu’on le sera. Il le faut, sans quoi nous sommes foutus. C’est ce qui nous laisse à entrevoir que la guerre sera encore longue. A moins qu’il y ait de grands chez nos ennemis. Espérons toujours plus tard on aura le plaisir d’en causer davantage. Je te quitte en t’embrassant du fond du cœur ainsi que toute la famille. Ton ami pour toujours. Marcel Méron. Enroulent la carte et retournent à leur place, transis.

Scène 6

Lettre Marcel Méron à Camille le 6 décembre 1915 : les cadeaux de Noël

Adrien, nostalgique, vient s’assoir en avant-scène à cour : Ma chère Camille, tu me dis que tu as pas reçu de mes nouvelles le jour que ta lettre a parti mais j’espère que tu en recevras le lendemain. Enfin ne t’inquiète pas je suis en parfaite santé et je désire que tu en sois ainsi. Tu me parles pour les pommes. Je te dis c’est toi la maîtresse. Ce que tu voudras. Ma chère Camille aimée, tu m’annonces un colis. Je ne l’ai pas reçu. Je le recevrai peut-être ce soir. Je te le mettrai sur ta lettre si c’est possible. Tu ne m’en enverras plus d’ici Noël. Moi, je vais faire mon possible pour vous envoyer à tous, chacun un petit cadeau : un colis de tabac pour le père Ratault et Daniel, et toi, et mes petites, chacune le vôtre, peut-être un à Germaine aussi et à Hélène. Il ne faut pas encore trop y compter. Je ferai mon possible. Je t’embrasse du fond du cœur ainsi que toute la famille. Ton ami pour toujours. Marcel Méron. Il reste assis en avant-scène.

Scène 7

Lettre de Marcel Méron à Clément le 13 décembre 1915 : considérations sur les politiques

Alexis et Arthur, apportent une couverture à Adrien et se serrent tous les trois : Mon cher Clément, J’ai reçu ta charmante carte qui me fait grand plaisir surtout en apprenant que tu partais en permission. J’espère que tu seras heureux de passer une petite période avec ta petite famille, mais malheureusement c’est que cela n’est pas fini et que ce qui te fera de la peine, c’est de revenir par des temps si pitoyables. Je sais ce que cela est depuis 18 mois de cauchemars que l’on a éprouvé et se voir encore arriver ce terrible hiver que sur 14 heures de nuit, il faut n passer en moyenne de 8 dehors. Non, vraiment, ce n’est pas cela de la civilisation. J’admets que la guerre n’était pas inévitable  [ben oui !] L’heure était sonnée. Il fallait marcher et bien, on a marché. On a sacrifié sa vie bien des fois et le résultat est toujours le même. On a patienté jusqu’à présent. On devait pas faire une deuxième campagne d’hiver mais aujourd’hui on y est et il faut y rester. Les gourbis fondent sur nous dans l’eau jusqu’au ventre. Qu’est-ce qu’on attend pour faire la paix puisque depuis bientôt un mois on voit que cela sur les journaux. Cependant je crois qu’il y a assez de sang de verser pour mettre fin à cette terrible guerre qui met tant de familles au désespoir. Cependant je crois que l’on en est encore loin ou je serais bien trompé. Enfin que veux-tu, il faut bien prendre courage puisque notre existence et notre liberté en dépend mais je te fais remarquer que la guerre est comme toute autre chose, l’on s’y habitue. Triste métier, oui, c’est bien triste quand il faut s’entretuer les uns les autres. L’on devrait tous se tendre la main et s’entre-aider dans les besoins, car en réalité, soyons Français, Russe, Italien ou Boches, doit-on avoir des raisons de haine ; et bien, mon cher Clément, gare cela dans ta mémoire : la seule raison que les peuples de toute la terre devrait avoir comme haine, ce n’est pas entre eux, mais entre tous ces empereurs et rois, parce que pour un caprice, pour la gloire et la grandeur de leur nom, ils lancent des guerre qui font tuer des milliers d’hommes, des centaines de mille infirmes et des centaines de veuves et de petits orphelins que n’auront jamais le plaisir de connaître leur pauvre père et de pouvoir les embrasser avant de tomber au champ d’honneur, plutôt au champ d’horreur. Voici le plaisir des… damnés de la terre. A toi d’en conclure, fais en la lecture à tes amis et tu verras qu’ils diront que c’est la vérité. Je t’embrasse, à bientôt. Marcel. Ils restent assis à se tenir chaud.

Scène 8

Lettre de Marcel Méron à Camille le 20 décembre 1915 : croix de Lorraine et bagues

Julia et Axelle, rejoignent le salon de jardin(Julia) et cour(Axelle), avec des paquets à mettre dans un colis : Ma chère Camille chérie, Ce soir, on était pour les avant-postes, vu que les permissionnaires ont été augmentés. Alors, il faut  renforcer les sections, ce qui fait que l’on est que deux jours ici maintenant. On y retournera pas d’ici la fin de janvier. Ça sera un peu plus fatiguant pour nous mais mon tour de permission sera rendu plus tôt. Ai lieu de fin avril, je pourrais peut-être partir à la fin de mars. Les jours seront plus longs. On aura mieux le temps de se voir et il fera moins chaud qu’à la dernière fois ce que je veux dire. Ma chère Camille chérie, aujourd’hui par Aguillon de Furigny, je t’envoie un colis et une lettre. Je mets dans le colis quelques paquets de tabac et trois petits souvenirs, un pour ma petite Léone et l’autre pour Henriette et le troisième pour toi. Mais mon amie, donne les petites croix de Lorraine aux petites et toi l’autre qu’il y a nos noms dessus ; et autre chose à te dire, il y avait un mois que j’avais une bague pour toi ou pour Germaine, et en faisant le colis je cherche dans mon porte-monnaie pour te l’envoyer et je l’avais perdue. J’aurais perdu 10F, j’aurais pas été plus vexé, mais il n’y a rien de perdu, je suis en train d’en faire 4, 2 pour les filles, et les autres tu en feras ce que tu voudras. Je vais en faire une pour le père Ratault et l’autre pour toi ou pour Germaine. Ma chère Camille chérie, pour d’autres nouvelles, je n’en connais pas. Je suis toujours en parfaite santé et je désire que toute la famille en soit ainsi. Ce qui m’embête c’est que le colis par la gare n’est pas rendu. Les lettres seront perdues. Enfin, ma chère Camille chérie, aussitôt je te donnerai des nouvelles, je t’écrirai tous les jours, te raconterai ce qui se passe. Tu verras souvent quelques permissionnaires à présent. Il y a Gris d’Etables, et Moine, et Maury Albert, et Roussillon qui partiront d’ici quelques temps et te donneront de mes nouvelles. je te quitte ma chère Camille chérie en t’embrassant de tout mon cœur, ainsi que toute la famille et les amis. Au revoir, à bientôt. Marcel Méron. Elles s’assoient.

Scène 9

Carte postale de Marcel à Camille le 29 décembre 1915

Kimberley et Anna, très pépettes : « Baiser victorieux », Ma chère petite Camille chérie, à l’occasion du nouvel an, je t’envoie tous mes vœux ainsi qu’à ma petite famille. Je vous souhaite à tous une bonne et heureuse année. Ton ami qui pense à toi. Marcel Méron. Elles s’assoient rêveuses.

Scène 10

Lettre Marcel Méron à Camille le 3 janvier 1916 : jour de l’An sur le front

Anna, Julie et Valentin Bransolle, plus de noir, capuches, parapluie, verres pour trinquer, bougies scintillantes, avant-scène à jardin : Ma chère petite Camille chérie, J’ai reçu hier soir ta charmante lettre qui m’a fait grand plaisir, et j’ai reçu aussi la charmante carte à Germaine, ainsi que celle de Daniel. J’ai été très heureux que vous me souhaitiez tous la bonne année. Je vous en souhaite tous une pareille en espérant de grand cœur que la prochaine je la souhaiterai de plus près, le cœur un peu plus gai. Ma chère Camille chérie, on a fait la relève hier au soir, le 2, tout c’est bien passé. La position est plus agréable que celle qu’on vient de quitter. Et j’ai une petite nouvelle à t’apprendre. La nuit du 1er de l’An (Antoni apporte discrètement la pancarte)… j’étais de garde. Les boches sont venus nous planter une pancarte à 40 mètres de nous. Il faisait tellement noir que l’on a rien vu. Ils nous ont souhaité la bonne année et nus remercie de les avoir laissés tranquilles pour les fêtes de Noël. C’est vrai qu’en ce moment on est assez tranquille. On a pas eu à se plaindre à part le mauvais temps. Mais du courage nous vient demain, le 4, on va vers les beaux jours. Je te dirai que Roussillon part en permission le 5 et je t’enverrai du tabac et je t’enverrai ta bague et celle de Léone. Pour la croix de Lorraine à Germaine, je l’ai pas en ce moment à ma disposition mais qu’elle soit tranquille. Je lui promets, je m’en occuperai demain car aujourd’hui je suis dans un poste écarté et je suis relevé à 4 heures et cette nuit je suis de repos. Le courrier ne va pas être bien sûr ces huit jours ici. Pour Daniel, je lui en promets un lui aussi, une bague, mais il faut attendre un peu ; je n’ai pas ce qu’il me faut en ce moment. Ma chère Camille chérie, je n’ai pas encore reçu ton colis, peut-être demain. Je te l’écrirai aussitôt. Je ne vois plus grand-chose à t’apprendre. Tout mon grand regret c’est que je n’ai pas passé ces charmantes fêtes en famille. Enfin espérons toujours le temps n’est rien, moyennant que l’avenir nous amène à tous nos désirs. Je t’embrasse toujours de bon cœur ainsi que toute la famille. Ton ami qui ne t’oublie pas. Ma seule pensée est toujours pour toi. Au revoir, à bientôt. Marcel Méron. S’assoient à leur place. Noir.

Scène 11

Lettre Marcel Méron à Camille, le 2 mars 1916 : Verdun, la plus terrible bataille qui se soit vue

 Manon, presque noir, tenant une bougie, debout sur une chaise, terrifiée : Ma chère Camille aimée, je profite d’avoir un petit moment après une terrible journée et une nuit pour te dire que je suis toujours en bonne santé. Tu sais sans doute que je suis arrivé à Verdun, je ne te dis rien car j’ai peur que la lettre serait arrêtée. Mais je ne peux m’empêcher de te dire que cela ne s’est jamais vu des choses pareilles. Les boches ont devant nos lignes plus de 200 milles cadavres et il y en a des tas de plusieurs mètres de haut. Ne parlons plus de ça, j’espère que d’ici quelques jours cela s’arrêtera et que je pourrais aller te le raconter. Jusqu’à présent, je suis sain et sauf, et espérons que cela continue. Aujourd’hui 24 heures de grands bombardements et de gaz as… Les boches ont attaqués 3 fois, toutes les fois repoussés, avec de terribles pertes. On a fait un capitaine bulgare prisonnier et des soldats, 3. Je m’arrête ma chère Camille. Je te quitte en t’embrassant du fond du cœur ainsi que toute la famille. J’ai dans ma grande confiance de m’en sauver. Marcel. Vidéoprojecteur, obus, sons, etc… Ils retirent le décor Tanou, Capucine, Manon, chaises. Julia, Pancarte. Axelle, Agathe, table.

Acte III

 Noir, le chœur installe sa tranchée avec des lampes torches, lampe à gaz.

Valentin Chenu, Tom B, installent la tranchée (deuxième table, sacs de sable, palette de bois).

Scène 1

Lettre Marcel Méron à Camille, le 3 mars 1916 : les nuits à Verdun

Tom Berton, Tom Violeau, Adrien et Valentin Chenu, admirant et testant leur construction : Ma chère petite amie. J’ai reçu ta charmante lettre ce matin à 2 heures qui m’a fait grand plaisir, au plus vite je m’en vais te répondre, car c’est 6 heures et on part au travail à 7heures. Comme je te l’ai dit on ne sort que la nuit, je me suis couché ce matin à 5 heures et à 11heures on s’est levé manger et à 1 heure on s’est recouché, jusqu’à 5 heures. Tu vois que l’on peut se reposer quand même, mais ce n’est jamais pareil comme la nuit. Depuis deux jours, sur ma droite il a tombé quelque chose juste dans l’endroit où l’on était avant de venir ici, je ne sais pas encore s’il y a eu des attaques d’infanterie. Dans notre petit secteur, c’est calme jusqu’à présent quelques obus ont été tirés sur le patelin, mais ce n’est pas ce qui m’a empêché de dormir. Il y a de la place à côté. Ma chère Camille, il a toujours fait un temps magnifique. Ca fait de la peine que cette guerre finisse pas, que l’on serait si heureux chez soi avec ma petite famille, faut espérer que ça viendra. Je ne vois pas grand-chose à t’apprendre, tous les copains sont en bonne santé. Je t’embrasse du fond du cœur. Marcel qui t’aime toujours bien tendrement, à bientôt. Se mettent au garde à vous.

Scène 2

Lettre Marcel Méron à Camille, le 4 mars 1916 : Verdun plus terrible que jamais

Valentin Bransolle, Maxence, Hugo et Lucas, arrivent par derrière et en dessous, les autres partant à jardin, au pas : Ma chère petite Camille, au plus vite je t’envoie cette petite lettre pour te dire que je suis toujours en bonne santé et je désire que tu en sois ainsi. Pardonne-moi si je ne t’écris pas davantage, c’est presque impossible pour le moment. Je ne peux écrire que demie (un jour sur deux) les jours mais je ne suis pas sûr que les lettres partent, mais enfin je t’écris quand même. La bataille de V…   (Tous les autres assis autour répètent comme un secret passant de bouche à oreille) devient plus terrible que jamais. Je me demande si cela va durer longtemps. On est toujours bien malheureux comme jamais j’ai été encore. Je ne peux te raconter la situation, c’est presque impossible. Ma chère Camille, j’ai reçu comme je te l’ai dit, des lettres de toi, mais pas de colis. J’espère le recevoir bientôt, je n’ai rien aujourd’hui encore. Tu penses que cela va mal pour tous.

Ma chère Camille chérie, j’ai une triste nouvelle à t’apprendre, ça me fait pourtant peine de te le dire mais tu le garderas pour toi en attendant que cela soit su ailleurs. Le pauvre Albert Maury, il a été tué dans la nuit du 2 au 3 par un obus. Il y a 3 morts et 7 blessés. Il est enterré dans le cimetière de Verdun. C’est bien malheureux, sa pauvre femme quand [elle] va savoir cela. Enfin je crois qu’elle ne sera pas longtemps à le savoir. Je vais te quitter encore une fois de plus en t’embrassant du fond du cœur, ainsi que toute la famille. Ton ami qui pense souvent à toi. Marcel… Hier on a fait 500 prisonniers. Ils nous ont dit qu’ils ne croyaient pas que les Français étaient si forts, que maintenant que leur coup est manqué, qu’ils ne prendraient jamais V… à présent. Tu ne peux pas te figurer ce que c’est. C’est affreux, voici 3 jours que les 75 (les canons de 75 mm) n’ont pas cessé de tirer. Je me fais une grande joie de pouvoir un jour te raconter ça. Annonce de mes nouvelles aux parents et aux voisins, ça m’est impossible d’écrire davantage. Marcel. Lèvent le drap, disparaissent derrière, rejoignent les bords en rampant.

Scène 3

Lettre Marcel Méron à Camille, le 20 mars 1916 : les tranchées

Alex, Lorenzo, Djibril et Valentin Charré, comme en observation du champ de bataille, avec des lampes ? : J’ai reçu hier au soir, ta charmante lettre qui m’a fait grand plaisir, et aujourd’hui, après quelques minutes de repos, je m’empresse de te répondre. Ma chère Camille, voici 48 heures que l’on était à faire des tranchées de 2ème ligne, on a travaillé 2 nuits et un jour sans lâcher. On a plus l’air d’homme tellement que l’on est fatigués, mais peu m’importe si on peut sauver sa tête. La fatigue n’est rien. Mais ce sera dur, je n’aurai jamais cru que l’on pouvait résister comme cela, sous une rafale de fer et d’acier. Par moment on ne se voit pas dans la fumée. 4 de ma compagnie ont été blessés hier, mais pas grièvement. Si on n’avait pas eu de tranchées ça aurait fait un drôle de gâchis. On se demande tous les jours si ça va s’arrêter, mais personne n’en sait rien. Hier nos classes d’actives ont attaqué deux fois, cela a réussi aux deux mais je n’en connais pas au juste le résultat. Je sais que cela s’est tourné à notre avantage mais, hélas, quel prix que cela va coûter, que de têtes de tombées depuis ces jours. Je viens d’apprendre à la minute qu’Edgar Garassée y avait été tué et Denis Saulau ? Je te le donne sous toute réserve. Ma chère Camille je n’ai pas vu Clément, mais je sais qu’il est un peu à l’arrière tout auprès de Verdun. Je lui ai écrit et donné l’endroit où je prends mon repos, je ne sais pas s’il pourra venir me voir. Soit disant même que c’est la division qui remplacera la mienne lorsque l’on sera relevé. Je ne peux t’en raconter davantage à ce sujet. J’ai reçu aussi une lettre de Valentine et d ’Edmond, je m’en vais leur répondre aujourd’hui. Je ne sais pas ce que réserve l’avenir à Edmond mais je ne peux m’empêcher de dire qu’il a été plus chanceux que moi, enfin, je ne me plains pas beaucoup, des malheureux qui sont arrivés 6 mois après moi qui n’y sont plus. Il faut toujours espérer quand même. J’ai toujours la grande confiance de mon retour, et après avoir passé une épreuve pareille, je serai forcé de le croire. Allons ma chère Camille chérie, je m’en vais te quitter avec tous mes regrets en t’embrassant du fond du cœur ainsi que toute la famille. Ton ami pour toujours, Marcel. Disparaissent sous le drap, rejoignent les bords en rampant.

Scène 4

 Lettre Marcel Méron à Camille, le 10 avril 1916 : bientôt la grande offensive

Maxence, assis sur la table, à la chandelle, deux militaires faisant la ronde en fond de scène : Ma chère Camille, je crois savoir que c’est cette nuit que l’on part dans la direction de Lorraine prendre un secteur, j’en suis bien content, si on restait au repos, il y aurait peut-être de la place  pour nous ailleurs  où l’on serait encore plus exposés. Bientôt la grande offensive générale va commencer et ça sera pas le rêve d’assister à de pareils carnages, cependant il y en aura. Mais en général ceux qui y seront ce sera beaucoup d’actives, que sur 20 mois de guerre, ils ont été la moitié en arrière, et beaucoup qui n’ont jamais vu le feu, et moi, je n’ai encore jamais vu que les 8 jours que j’ai passé avec toi. Maintenant il n’est pas encore question de permission, je ne sais pas si elles vont reprendre, je l’attends avec plaisir, tu peux le croire. Je serais [heureux] de vous revoir tous et ma petite Léone que j’ai, pour ainsi dire, jamais vue, ça sera la fête le jour que j’apprendrais cette nouvelle. Enfin, espérons que ça viendra, pour le moment, je suis heureux, je me soigne, si je suis 15 jours sans aller en permission ça se connaîtra pas que j’ai passé 40 jours aussi malheureux. Disparaît derrière, rejoint les bords en rampant.

Scène 5

Lettre Camille Méron à Marcel, 24 septembre 1916 : Germaine au bal avec une lettre

Lucas, apportant deux paniers, tranchée recouverte de plusieurs draps blancs installés par Camille, Manon, Tanou, clientes, place d’Henriette : Julie ? : Mon Cher Marcel Chéri, aujourd’hui Dimanche le marché est bon mais nos marchandises sont arrivées à tous les trains. C’est désagréable, ça retarde les ventes. J’ai bien reçu ta lettre hier soir me disant que tu as 39 de fièvre. Ça m’ennuie bien. Ça te rend malheureux. Ce soir j’envoie Henriette à la poste. Elle revient, elle dit qu’il y en a une mais que Germaine l’a prise et elle est partie au bal ; je pense bien qu’elle sera pas longtemps à rentrer souper ; c’est la 1ere fois qu’elle passe la chercher. Je lui avais pourtant pas commandé mais elle a cru bien faire. En attendant moi je grille de savoir ce que tu me dis ; je vais pas achever ma lettre, je te répondrai selon ce que tu me diras. Lucas s’assoit parterre contre la tranchée à cour comme lisant une lettre, Julie prend un drap, s’assoit de même à jardin et le berce comme un poupon.

Scène 6

Lettre Camille Méron, 1er décembre 1916 : Camille se débrouille seule

Camille, Manon, Tanou, mettent les paniers sur les côtés de l’étal, s’assoient sur l’étal, avec au centre livre de compte, des pièces qui seront dans les paniers dans un torchon : Mon cher petit Marcel, J’ai bien reçu hier soir ta petite lettre qui me fait toujours grand plaisir de te savoir en parfaite santé. Moi c’est pareil, malgré que ce soir, j’ai un fort mal à la tête mais je connais le but et toi tu le devines ; aujourd’hui j’ai fait une journée comme jamais. La Meraut m’avait mis ( ??? ???) poisson je me suis fait 17 f. de bénéfice. Je suis contente. J’étais seule et je l’ai fait sentir tout si cher. Cette semaine je me suis fait 35 f dans mes 4 matinées, je prends toujours courage car j’espère qu’un jour que nous serons heureux vivre tranquille. Tu le dis bien souvent : où est-il ce jour tant désiré. Mon Cher Marcel Chéri, soi-disant que Chargelègue doit être rendu. Enfin je pense que c’est toujours votre même situation, l’avenir me le dira ; Clément doit partir ce soir sans doute j’ai rien à lui donner. J’ai tout vendu et, après tout, moi, personne me donne rien, je me débrouille toute seule avec ma famille. Rien autre chose à te dire, tout va bien à part l’ennui que j’ai toujours pour toi. Au revoir et à bientôt. Je t’embrasse de mille fois. Camille, tu me répondras de l’autre côté. Se lèvent, Camille et Manon prennent un panier et partent à cour et jardin par le fond de scène, Tanou installe un drap plus ou moins en forme de corps parterre à cour et Julie le sien à jardin, puis rejoignent les côtés. Toujours Lucas.

Scène 7

Lettre Camille Méron, 10 décembre 1916 : sardines et pâté de lapin

Capucine, Agathe, Julia, Axelle, l’une arrive avec une valise rempli de denrées qu’elle pose d’un côté, une autre avec un carton avec une ficelle, elles tournent autour de la table en confectionnant le paquet : Mon Cher Marcel aimé, Je n’ai pas eu de tes nouvelles ce soir ; sur ta lettre de hier tu me demandes si je t’enverrai quelque chose pour Gris et bien je m’en suis occupé aujourd’hui. Il passera demain soir chez nous. Je lui donnerai un petit colis de sardines. J’en ai reçu des fraîches aujourd’hui et hier j’ai tué un beau lapin bien gras. J’ai fait un bon pâté et je t’en ai fait un petit pour toi. Tu te régaleras. Un pâté de lapin ! je lui remettrai aussi 20 fr. qu’il te donnera. Je lui donnerai peut-être 25 fr car je vois pas de permission tout de suite que je connais. Allons mon ami aujourd’hui dimanche il a fait un temps pitoyable et froid. Le marché est pas mauvais quand même ; Demain on ira pour Modéré mardi pour les cailloux. J’espère que ça va marcher. Nous verrons, mon Cher ami, si c’est vrai que vous allez à la Côte 304. Je m’ennuie tant bien. Quelle maudite guerre ! Léone est toujours sur moi. Je  peux ficèle précautionneusement le colis, une autre ferme la valise et repartent en fond de scène. Les deux autres installent deux draps cour et jardin et rejoignent les côtés. Toujours Lucas.

Scène 8

Carte postale Henriette Méron, 21 décembre 1916 : bonnes fêtes papa

 Charles, Antoni, Djibril, vidéoprojecteur avec des cartes postales, se levant des côtés quand ils prennent la parole : ” Henriette & Léone : Lettre au papa chéri / Toutes les deux nous sommes confiantes / reçois les meilleurs vœux de tes enfants ” Mardi 21 décembre, Mon cher papa chéri, je t’envoie de mes nouvelles. Marcelle est Lucie sont là. Mon cher papa je te souhaite une bonne fête, j’espère que tu sois rendu à Pâques. Je t’embrasse. Ta fille Henriette.

« Tous mes meilleurs vœux. Bonne année. L’année 1917 ramènera notre bonheur. Dans un rêve fleuri notre amour s’abandonne / Et d’un simple bouquet se tresse une couronne. Bonne année. Bonne santé. Amitié sincère Je t’embrasse. Ton amie qui t’oublie pas. Camille

« Je porte Bonheur » Souvenirs de ton papa chéri qui t’aime de tout son cœur  et qui t’embrasse bien tendrement. Marcel Méron. Se rassoient.

Scène 9 

Lettre Marcel  Méron, 2 janvier 1917 : la raison du plus fort est toujours la meilleure

Arthur, Antoni, Charles : Ma chère petite Camille, j’ai reçu ce soir ta dépêche ainsi que le certificat, mais comme je te l’ai dit c’est des permis qui ne serviront à rien, je ne m’en occupe pas je sais que c’est inutile. Ma chère Camille, cette nuit nous rejoignons V (Verdun) et demain nous prenons les avant-postes. Nous avons été ramenés par ici rapport à l’attaque que les boches on fait le 28 au cas où ils auraient avancé. Mais leur attaque a consisté à prendre une tranchée et quelques prisonniers qu’ils nous ont faits, ce qui fait que nous reprenons le secteur que nous comptions, je te l’écrirais aussitôt après y être rendu. Ma chère Camille aimée, nous avons toujours de tristes temps vivement la fin de l’hiver et la fin de cette terrible guerre qui nous [donne] bien des tourments ; les journaux nous racontent quelques bruits de paix mais il n’y a rien à y croire vu leurs succès qu’ils (les Allemands) ont sur nous et les alliés, sont trop appréciables… Quand même [que] l’on dira qu’ils ont violé tous les droits des conventions, mais comme ils disent la raison du plus fort est toujours la meilleure. Et je crois que notre raison d’attendre que nous en serons la dupe (!), il vaudrait mieux en finir de suite si c’était possible, à demain ma chère Camille… je t’enverrais des nouvelles tous les jours si c’est possible, je t’embrasse de toute mon affection ainsi que toute la famille, ton ami qui t’oublie pas. Je vous envoie à toute la famille tous mes vœux de bonne année, dans le plaisir de la passer en grande partie avec vous, ton ami qui ne t’oublie pas. Marcel. Repartent avec Lucas en installant chacun un drap.

Scène 10 

Lettre Marcel  Méron, 3 janvier 1917 : je dis au revoir aux copains

Tom Violeau, seul debout au milieu des draps : Ma chère petite Camille, Je n’ai pas de tes nouvelles ce soir mais avec les encombrements ce n’est pas étonnant. Nous voici retournés à V (Verdun). Bataillon est parti en ligne ce soir. J’ai dit au revoir aux copains  Gaudron  et compagnie, et demain, c’est mon tour on fait pour 12 j. Je ne sais pas si je pourrais t’écrire pendant ce temps-là. Je ferai toujours mon possible ? Ce soir j’ai causé avec Maurice Pouqueteau lieutenant au 277. Je ne l’avais pas vu depuis Bernecourt  il vient demain en ligne lui aussi. D’après les copains qui s’y rendent, c’est beau. Ils ont beaucoup d’évacués comme maladie mais très peu de pertes par les obus, je t’en donnerai des résultats plus précis aussitôt que je pourrais t’écrire de là-bas. Je date la lettre du 23, mais on n’est que le 22 (je ne comprends pas ces dates ??? moi non plus !), mais elles partent que demain le jour où je prendrai les 1er lignes. Je ne vois rien d’autre chose à te dire. Je suis en parfaite santé et je désire que tu en sois ainsi sans oublier la famille. Ton ami qui t’oublie pas. À Bientôt M Marcel. Reste debout au garde à vous.

Scène 11

Lettre Marcel  Méron, 5 janvier 1917 : dernière lettre de Marcel

Camille, errant parmi les draps, leurs regards ne se croisent jamais : Ma chère petite Camille, Je t’écris deux mots seulement pour te dire que je suis en bonne santé, nous sommes pas trop heureux mais je ne t’en raconte pas davantage puisque c’est des atrocités incompréhensibles, tous les copains sont jusqu’à présent sains et saufs. Je voudrais bien être 15 jours plus vieux, espérons toujours. Je t’écrirai quelques mots tous les jours si c’est possible mais il faut pas trop y compter. Je t’embrasse de toute mon affection ainsi que toute la famille, ton ami toujours pour toi, à bientôt. M Marcel. S’accroupit devant un drap. Noir. Tom rejoint les côtés.

Scène 11

Courrier camarade Marcel  Méron, 22 janvier 1917 : la mort de Marcel

Valentin Chenu, debout derrière la table avec deux autres au garde à vous autour de lui, Julie, Anna et Eva s’installent comme Camille, projection tombe  : 22 janvier 1917 – Madame Méron. Je réponds de suite à votre lettre que je viens de recevoir à l’instant. Tout le nécessaire a été fait pour ce pauvre Marcel tué sur le coup par un obus. Il repose en paix au Cimetière Bévaux Tombe n°161, Carnet du G. B.D. ¼ de 1 à 170 – une croix est sur sa tombe avec son nom Col Méron, 17e cie – 232e – . Les objets personnels lui appartenant ont été versés régulièrement à l’officier de détails qui les enverra par la voie régulière. Ils vous parviendront par la voie du dépôt du régiment de Châtellerault. Cela mettra un peu de temps, mais vous parviendra sûrement. L’acte de décès a été régulièrement dressé. Il vous sera facile après la guerre en conservant précieusement les indications que je vous donne pour sa tombe et que j’ai aussi donné à Bonneuil de retrouver la tombe de ce pauvre ami. Hier soir, je vous ai envoyé tous ces mêmes renseignements au nom du lieutenant. Recevez Mme Méron l’expression de mes plus sincères condoléances pour le terrible deuil qui vous frappe en la personne du brave ami et vaillant poilu qu’était votre mari qui ne comptait que des amis à la cie. St Major A Nesnier 232e 17e Cie S – P – 94. Les gars repartent au pas en fond de scène. Les filles ramassent les draps et s’en entourent.

Scène 12

Lettre sœur de Marcel, 22 janvier 1917 : condoléances

Julie, Anna et Eva : Ma chère belle-sœur, J’ai reçu la lettre de maman hier soir qui me dit le  terrible malheur qui te frappe et nous frappe tous. Oh, ma pauvre Camille que je voudrais être auprès de toi pour adoucir un peu ton chagrin et t’aider à porter cette grand-croix. Oh mon pauvre frère, lui qui était si bon, oh pauvre sœur, prends courage pour surmonter tes peines, pour avoir la force pour élever tes chères petites mignonnes, lui qui les aimait tant. As-tu besoin de quelque chose ? Nous serons tous là pour te porter secours ; moi qui connais le chagrin, je te souhaite du courage. Peut-être demain nous serons comme toi. Sylvain n’est pas au feu mais à leur travail tous les jours il y en a des blessé et puis si cela dure encore un an, Henri partira. Oh quel malheur d’élever des enfants pour les voir dans une boucherie pareille et ne pas avoir la consolation d’aller verser nos larmes sur leur tombes. Ma chère sœur dans quelques jours pour me donner de vos nouvelles et de dire ses peines quelque fois ça soulage. Le bonjour à ton père. Heureusement que tu as un bon soutien d’avoir ton père avec toi. Ton chagrin te paraîtra moins lourd. Henri, André et moi nous t’embrassons bien fort. Mille gros baisers aux chères petites mignonnes. Notre bonne amitié à ton père. Noir, vidéoprojecteur. On retire les décors.

Acte IV

Les élèves se serrent par groupe sous des draps. Se servent de leur téléphone comme lampe torche qui s’allument les unes après les autres.

Tom B, Marcel : Ma chère petite amie

Camille B, Camille : Cher petit Marcel

Eva B, Henriette : Mon cher papa chéri

Adrien D, Marcel : Ma chère petite Camille chérie

Tanou S, Camille : Mon cher Marcel aimé

Hugo B, Henriette : J’ai bien reçu de tes nouvelles

Alexis R, Marcel : J’ai reçu ta charmante lettre qui m’a fait grand plaisir

Julie B, Camille : J’ai reçu ta lettre

Maxence G, Henriette : Je t’envoie deux mots pour te faire savoir de mes nouvelles

Djibril K, Marcel : Un petit brin de réséda pour ma petite Léone

Axelle B, Camille : Une bonne fête pour tes 31 ans. Pour tes 32, je te le souhaiterai de plus près

Arthur G, Henriette : Léone s’amuse avec la tabatière à grand-père ; heureusement qu’il y a pas de tabac dedans

Lorenzo L, Marcel : Je vous envoie chacune une petite fleur

Anna S, Camille : Je n’ai rien reçu depuis 2 jours

Antoni P, Henriette : Mademoiselle Roie dit que je fais bien mes devoirs et que je vais passer la première

Alex B, Marcel : Moi, je vais faire mon possible pour vous envoyer à tous, chacun un petit cadeau

Capucine T, Camille : tu peux croire que j’ai du chagrin

Kim V, Henriette : Je vais étrenner dimanche un beau manteau que maman m’a acheté

Valentin Charré, Marcel : es-tu contente de ta petite bague et ta petite croix de Lorraine ?

Julia M, Camille : c’est dur quand même d’être si longtemps sans revoir ce que l’on aime

Tom V, Henriette : Léone dès qu’elle aura 2 ans ou 3 ans, elle recevra bien son papa

Charles R, Marcel : Je compte sur toi, ma chère petite Henriette, pour lire cette lettre à ton grand-père

Manon M, Camille : tu as reçu le colis où il y avait le beurre pour ces fêtes prochaines ?

Valentin Chenu, Henriette : Léone a fait que de parler de toi : toute la journée elle disait « pauvre papa »

Valentin B, Marcel : les colis m’ont bien rendus service, tout était excellent, les sardines et les fromages

Agathe R, Camille : Henriette hier soir avait perdu sa croix de Lorraine. Si tu peux en trouver une autre

Lucas G, Henriette : maman t’a envoyé un colis de fromage

Tom B, Marcel : Quand on est fatigué d’obus et de gaz, on mange pour se désennuyer

Camille B, Camille : J’ai eu tes frères à dîner. Ils étaient bien contents, ils se sont bien régalés

Eva B, Henri : ta petite Léone est toujours mignonne. Tu la trouverais grande depuis que tu l’as vue

Adrien D, Marcel : les fromages et les harengs étaient excellents

Tanou S, Camille : Rien d’autre chose à te dire. A Neuville toujours pareil

Hugo B, Henriette : Léone se mit à appeler son papa. Personne lui répondait. Elle s’est trouvée bête

Alexis R, Marcel : les permissions sont reprises

Julie B, Camille : après tout, moi, personne me donne rien, je me débrouille toute seule avec ma famille

Maxence G, Henriette : Je me suis occupée de ma petite Léone. J’ai fait la petite ménagère

Djibril K, Marcel : Embrasse bien ma petite Léone pour moi

Axelle, C : hier j’ai tué un beau lapin bien gras. J’ai fait un bon pâté et je t’en ai fait un petit pour toi

Arthur G, Henriette : maman a reçu deux lettres de toi à la minute, et une qui était décachetée

Anna S, Camille : et peut-être que la guerre sera finie

Lorenzo L, Marcel : ton ami pour toujours

Capucine T, Camille : je t’embrasse de tout cœur

Antoni P, Henriette : mon cher papa, en attendant ton retour, je t’embrasse

Alex B, Marcel : En t’embrassant du fond du cœur ainsi que toute la famille

Julia M, Camille : ton amie pour toujours

Kim V, Henriette : j’espère bien te revoir

Valentin Charré, Marcel : ton ami qui pense à toi

Manon M, Camille : ton amie qui t’aime

Tom V, Henriette : ta petite Léone

Charles R, Marcel : ton ami qui t’oublie jamais

Agathe R, Camille : je t’embrasse mille fois

Valentin Chenu, Henriette : ta fille qui t’aime

Valentin B, Marcel : ton ami qui t’aime toujours

Camille B, Camille : ton amie qui t’oublie jamais

Eva B, Henriette : en t’embrassant de tout cœur

Tom B, Marcel : ma seule pensée est toujours pour toi

Tanou S, Camille : ton amie qui pense à toi

Lucas G, Henriette : je souhaite mon cher papa que tu reviennes pour toujours

Adrien D, Marcel : ton papa qui pense à toi

Lucas G, Henriette : mon cher papa je t’embrasse

Alexis R, Marcel : j’embrasse la famille de bon cœur