Nouvelle 1 : sous le ciel de Provence

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C’était un dimanche ensoleillé comme les autres au petit village de Provence. Armand se rendait à la gare, costume beige, cravate bleue, manteau sous le bras et valise à la main. Une fois de plus, il décidait de partir loin d’ici où l’on s’ennuie et où il fait trop chaud. Le train ne partait qu’à quinze heures vingt, cela lui laissait un petit quart d’heure pour dire au revoir à ceux ou plutôt à celui qui était présent, son ami de toujours, Balthazar Burkal. Ce dernier portait un ensemble de soie rose. Comme à son habitude, il fit des recommandations à son ami :

« Ne vous couchez pas trop tard, mangez sainement et surtout ne dépensez pas trop ! »

Dépenser, ce mot semblait donner des boutons à M.Burkal. Dépenser, quelle idée ! Il semblait que pour lui, l’homme vivait pour amasser et non pour… vivre. C’est ce que pensa Armand lorsqu’il monta dans le train après avoir promis à son ami qu’il serait prudent.

Après un séjour sans histoire et de retour à la maison, notre voyageur se rendit chez son fidèle camarade. Puisqu’il avait bon cœur, il souhaitait lui offrir un service de vaisselle en porcelaine ramené de ses vacances. Armand frappa à la porte mais personne ne répondit. Un voisin l’informa que Balthazar était parti voir de la famille, ce qui étonna Armand car son ami sortait peu ou pas. Quelques jours plus tard, il lut dans le journal que Balthazar s’était en réalité absenté pour investir dans une distillerie. Armand pensa :

« Cet Harpagon s’enrichit mais ne profite pas. Alors que moi, je profite mais je me ruine.»

Finalement, il décida de rendre visite à notre investisseur. Il le trouva plus petit que d’habitude mais encore plus poilu !

« Mon ami, vous vous sentez bien ? demanda Armand.
– Mettons ça sur le compte de la vieillesse et puis cette excursion n’a pas été de tout repos.
– Allons, traverser la Manche pour se rendre en Écosse, ce n’est pas sorcier.
– J’aurais bien voulu vous y voir, » répondit Balthazar.

Après lui avoir donner le cadeau et prit de ses nouvelles, Armand repartit. Lorsqu’ils se retrouvèrent au marché, ce dernier trouva Balthazar encore plus mal en point que la veille. Il ne dit rien et s’en retourna au volant de la voiture de sport qu’il avait achetée. Armand décida alors d’inviter son ami à diner chez lui. Il prit le combiné et composa le numéro du convié :

« Oui. Allô Balthazar ? Comment allez-vous depuis hier ?
– Bonjour Armand. Oh mon pauvre ami, je meurs de chaud et je me sens faible.
– J’espère que cela ne vous empêchera pas de venir manger à la maison ? demanda Armand.
– Hélas, je crains que si, puis il changea de ton et s’exclama soudain, oh ! Et le téléphone n’est pas offert, je vais devoir raccrocher ou le forfait va augmenter. »

Il stoppa la conversation au nez du pauvre Armand abasourdi.

Un mois passa, et l’état de Balthazar ne changea pas. Pour se faire pardonner, il invita Armand. Ce dernier ne put refuser et fut même étonné que son ami soit prêt à dépenser pour un repas. Armand se rendit alors chez son ami, M. Burkal. Malheureusement, la discussion tourne rapidement au débat.

« Voyons mon ami, cessez vos dépenses, commença l’hôte. Prenez cette recommandation comme vitale et importante.
– Allons Balthazar, il faut bien profiter de la vie et je vous trouve bien pâle. Il faut sortir de temps en temps.
– Mais si je sors, qui veillera sur mon argent ?
– Votre argent se gardera tout seul, il est assez grand, depuis le temps que vous le possédez.
– Je n’accepte pas de conseils de la part d’un dilapidateur.
– Je ne vous le permets pas, et n’oubliez pas celui qui vous rapporte un souvenir à chaque voyage. D’ailleurs, où se trouve l’horloge ramenée de Suisse ?
– Oh ! Ce bibelot ! Je l’ai vendu : il m’a rapporté plus que vous en quinze ans d’amitié !
– Au moins lorsque vous veniez dîner chez moi, je vous servais un vrai repas, pas des boîtes de conserves réchauffées !
– Si vous n’êtes pas content, sortez de chez moi et n’osez pas revenir. Mon fusil, lui, je ne l’ai pas vendu.
– Mon pauvre ami, ou plutôt confrère, vous ne savez pas ce que l’argent ne peut pas acheter. Vous aviez un ami, vous l’avez perdu.
– Le bonsoir Monsieur.
– Au revoir Monsieur. »

Quelques jours après cette malheureuse histoire, ce qui devait arriver arriva et à force de dépenser, Armand se ruina. Le cœur gros, il se résigna à aller voir Balthazar. Il frappa à la porte et un petit homme velu ouvrit la porte :

« Oui ? demanda-t-il.

Sa voix aussi avait changé. Finalement il le fit entrer et Armand, surpris du nouvel état de son ami, lui expliqua tout.

« Hmm, tu me demandes de te prêter de l’argent. Pourquoi le ferai-je ? Tu es bien comme les autres, dépensier.
– Quoi ! C’est moi que tu insultes de dépensier ? Tu es avare, cupide.
– Je te faisais confiance et tu étais mon ami.»

Sur ces mots, il commença à se recroqueviller et des poils roux poussèrent sur son corps. Ses oreilles s’allongèrent, son nez devint une truffe brune, et ses yeux rétrécirent. Une queue touffue se mit à pousser. Et pendant cette transformation, Balthazar criait, gémissait puis glapissait car il était devenu un écureuil pas plus gros qu’une assiette. Puis il s’enfuit par la fenêtre ouverte en direction de la forêt. Armand
ne parla à personne de cette histoire et, puisque le disparu n’avait pas de famille directe, ce fut lui qui hérita de sa fortune.

Alors chers amis, vous voilà prévenus : ne soyez pas avares et profitez de la vie. Mais pas trop non plus !

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