Nouvelle 13 : Méduse

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En se réveillant ce matin-là, Grenadine ne pensait pas passer une journée aussi éprouvante ! Le 22 juin 2018 restera gravé dans sa mémoire pour toujours. Il était dix heures du matin, comme tous les samedis quand elle se rendit à son cours de yoga. Elle y rejoignit son amie Jeanne. Elles étaient l’opposée l’une de l’autre mais inséparables. En effet, Grenadine était toujours pleine de joie, très souriante, prête à aider et elle voyait le bien en tout le monde. Alors que Jeanne était beaucoup plus stricte, toujours très sérieuse, plutôt méfiante et préférait se centrer sur elle-même. Cela faisait trois ans qu’elles se connaissaient et malgré leurs nombreux points de désaccords, elles ne s’étaient jamais disputées. Mais toutes les bonnes choses ont une fin.

Soudain, alors que le cours allait commencer, une énorme bulle d’eau arriva dans la salle. Toutes se mirent à crier ! Grenadine resta figée, Jeanne se sentit offusquée de ce qui, pour elle, était une humiliation.

– Comment une chose pareille peut-elle se produire ? protesta Jeanne.

– Que se passe-t-il ? s’enquit Grenadine.

Les deux amies étaient choquées par ce spectacle : une méduse se trouvait à l’intérieur de la bulle ! Elle fut rapidement chassée par les autres participantes qui ne toléraient pas une telle intrusion.

– Une méduse ! enragea Jeanne.

– Ce n’est qu’un animal, tempéra la souriante jeune femme.

– Je ne comprends pas comment on peut faire une chose aussi abominable. C’est intolérable! se plaignit Jeanne.

Cette irruption a mis fin au cours malgré le fait qu’il n’était pas encore commencé. Les deux complices ont donc décidé d’aller parler de cet événement exceptionnel chez Jeanne.  Grenadine répondait brièvement pour ne pas vexer son amie Jeanne. Mais elle n’en pensait tout de même pas moins ! Pour elle, on ne peut pas se permettre de jeter nos déchets dans la nature. Pourtant, Jeanne répétait sans cesse :

– Si les tortues faisaient plus attention ; elles ne s’étoufferaient pas !

– Ne sois pas aussi méchante, s’il-te-plaît. Tu sais bien que les tortues prennent ces sacs pour de la nourriture, radoucit Grenadine.

– C’est bien ce que je disais : les tortues devraient faire attention. On parle bien de l’intelligence animale alors qu’elles confondent des sacs avec leur nourriture, se moqua Jeanne.

– Les animaux marins n’ont pas les capacités de s’adapter : c’est à nous de ne pas être égoïste ! affirma Grenadine.

– Décidément, tu seras toujours trop gentille, se lamenta Jeanne. Puis de toute façon, il n’y a pas de quoi faire tout un drame de la mort de deux ou trois tortues !

– Deux ou trois tortues ! Tu plaisantes, j’espère ? s’inquiéta l’ardente défenseure des animaux. Il y en a plutôt des centaines !

– Calme-toi. Ce n’est pas si grave : tu ne les connais même pas ces tortues

– Comment peux-tu dire une chose pareille ! C’est cruel ! s’offusqua Grenadine.

– Excuse-moi Grenadine. Mais laisse-moi te dire que tu es trop sensible, renchérie Jeanne. Tu ne me feras pas culpabiliser pour la mort de ces tortues.

– Sache que je n’abandonnerai pas aussi facilement ! Mais je crois que notre discussion n’aboutira pas aujourd’hui, alors changeons de sujet, conclut Grenadine.

Alors qu’elles avaient repris leur calme et discutaient tranquillement, Jeanne se sentit mal.

– Comment te sens-tu ? s’inquiéta Grenadine. Tu es toute pâle !

– Je me sens faible, murmura Jeanne.

Elle donnait l’impression de s’affiner à vue d’œil, son teint était blanc au point que l’on crut qu’elle devenait transparente.

– J’ai peur pour toi : je devrais peut-être t’emmener aux urgences, s’affola Grenadine.

– Je préférerais que tu me fasses couler un bain, susurra Jeanne. J’étouffe, toussota-t-elle.

En revenant de la salle de bain, Grenadine n’en crut pas ses yeux : elle trouva Jeanne au sol, quasiment réduite de moitié, les membres allongés, étirés et comme multipliés ! Sa peau devenait gluante. Son corps se mouvait tel un mollusque : comme si son squelette était mou. Alors qu’elle ne mesurait plus que cinquante centimètres, que l’on pouvait presque voir à travers elle, que son corps était sans forme réelle, que ses membres s’apparentaient à des filaments : elle se mit à suffoquer. Grenadine la transporta donc dans le bain où la transformation se termina : Jeanne était devenue une méduse !

Après avoir traversé plusieurs rues, Grenadine comprit que Jeanne et sa camarade yogini n’étaient pas des cas isolés : elles étaient, au contraire, la norme ! Horrifiée par ces transformations, Grenadine se devait de réagir ! Elle entreprit donc une campagne anti-méduse pour empêcher ce fléau de détruire le monde. Mais elle se rendit rapidement compte que le problème n’était pas nouveau : cela faisait des dizaines d’années que des personnes se battaient pour lutter contre la pollution qui ravageait la nature. Désormais, la crise avait pris une autre ampleur : l’humanité était directement touchée.

Face à la vitesse de propagation de ce désastre, il fallait agir vite ! Grenadine créa alors un gigantesque meeting où elle tenta de convaincre les derniers humains de l’importance de ne pas se transformer, elle leur dit de lutter plutôt que de céder. Mais un tiers de l’assistance devint une méduse durant son discours. Elle ne se découragea pourtant pas et continua son combat anti-méduse et acharné.

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Au fur et à mesure du temps qui est passé, Grenadine a perdu des alliés, mais ceux qui sont restés sont aussi convaincus qu’elle concernant leur bataille contre la pollution. Mais la lutte ne s’arrêtera certainement jamais !

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