Nouvelle 21 : Gaspiller n’apporte rien de bon

Dans la petite ville d’Arnac-la-Poste, en Haute-Vienne, un beau lundi 15 Avril, deux amis de longue date ne s’étant pas vus depuis trois ans se rencontrèrent dans une petite coop. Pierre est un homme avec beaucoup de valeur mais qui ne peut s’empêcher de faire ses courses moins de trois fois par semaines, il est grand et un peu en surpoids. Et Kevin lui est un peu égoïste mais très gentil, il ne peut s’empêcher de finir son frigo avant de refaire les courses, physiquement il est mince et plutôt petit.

« Bonjour Pierre comment vas-tu aujourd’hui ? Ça faisait longtemps !

– Bonjour Kevin ! Tout va bien et toi ?

– Parfait ! répond-il.

– Allons donc faire nos courses ensemble, cela nous permettra de discuter.»

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Kevin étant d’accord, ils se dirigèrent vers l’entrée de la coop. Ils passèrent de rayons en rayons pour acheter de la viande, du poisson, de la brioche…Tout en discutant de choses et d’autres. Jusqu’à ce qu’ils croisent un écureuil en train de voler divers aliments. Ils s’inquiétèrent car c’était l’été et que malgré que la ville soit en pleine campagne, on ne voyait jamais d’écureuils. Mais ils n’étaient pas au bout de leurs peines… Quelques mètres plus loin, ils aperçurent deux autres écureuils. Kevin demanda à Pierre :

« Que doit-on faire ? Faut-il prévenir la caissière ?

– La caissière ne pourrait rien y faire, et puis il faut bien qu’ils fassent leurs provisions, s’exclama Pierre.

– Tu as sans doute raison, » conclut Kevin.

Ils continuèrent donc leurs courses, payèrent et rentrèrent chez eux chacun de leur côté.

Quelques jours plus tard, Kevin croisa Pierre en voiture et décida de la suivre pour lui dire bonjour. Pierre s’arrêta à la coop ce qui l’étonna car il y était allé trois jours plus tôt. Kevin s’arrêta à côté de la voiture de Pierre et le rattrapa. Ils se saluèrent puis Kevin demanda :

« Tu fais de nouveau des courses ?

– Oui, je fais mes courses tous les deux, trois jours. Pas toi ?

– Avec ma femme on ne retourne pas faire les courses avant d’avoir tout mangé dans le frigo. Mais toi, as-tu le temps de finir ce que tu as acheté ? s’étonna Kevin.

– Effectivement, j’ai rarement le temps de finir et donc une fois les aliments périmés je les jette et en rachète.

– Il est inacceptable de faire cela ! Tu gâches de la nourriture qui pourrait servir à d’autres, répondit Kevin énervé par l’attitude irresponsable de son ami.

– Tu as peut-être raison mais ce que je fais ne te regarde pas ! En plus, ma consommation fait marcher l’économie de cette petite coop de campagne, et au moins je ne manque de rien !» cria Pierre en se dirigeant vers les portes de la coop.

Kevin ne savait plus quoi en penser et demanda à la caissière qui avait entendu la discussion pendant sa pause :

« Et vous qu’en pensez-vous ?

« Mon avis a peu d’importance, mais je suis plutôt d’accord avec votre ami. Moi-même, j’achète plus que ce dont j’ai besoin. En plus votre ami contribue beaucoup au fonctionnement de cette coop ou peu de gens s’arrêtent faire leurs courses. » répondit la caissière gênée. Kevin la remercia, et s’avança vers sa voiture, bouleversé et sachant plus quoi penser.

En rentrant chez lui, Pierre repensa à ce que lui avait dit son ami. Il était vrai qu’il gâchait beaucoup mais en même temps, il ne pouvait s’empêcher d’aller faire ses courses. Il décida donc d’appeler ses amis Maxime, Philippe, Jean et Léo ainsi que son frère, Gilles pour leur demander leurs avis car eux aussi gâchaient énormément de nourriture. Seuls Léo et Gilles ont répondu. Il leur demanda donc leurs avis et ils répondirent tous deux qu’il ne fallait pas changer en fonction de l’avis d’une personne ou d’un ami. Pierre se sentit rassuré mais en même temps inquiet car seul un de ses amis et son frère avait répondu à son appel. Il décida donc d’essayer de les appeler tous les jours mais aucun ne répondait. Il rappela Léo pour lui dire mais lui aussi ne répondait plus. Il appela son frère qui, lui, décrocha et lui raconta la situation. Gilles qui maintenant s’inquiétait dit à Pierre qu’il prenait sa voiture et qu’il arrivait. Après deux cents kilomètres, Gilles arriva chez son frère et lui dit qu’il allait voir la police pour leur signaler des disparitions.

Sur la route, il aperçut pleins d’écureuils ce qui l’étonna car il n’en avait jamais vu dans les alentours. Il se rendit aussi compte que tous les magasins étaient fermés et que personne n’était dans les rues, ce qui l’inquiéta vraiment pour samedi après-midi. De son côté, Kevin s’en voulait de plus en plus de ce qu’il avait dit à son ami. Il essaya donc de l’appeler avec un vieux numéro qu’il avait gardé. Pierre répondit et avant même que son ami ait le temps de s’excuser, il lui demanda de venir chez lui, et qu’il lui expliquerait lorsqu’ils seraient ensemble.Étant donné que tous les magasins, restaurants et commissariats de police étaient fermés, Gilles rentra chez son frère. Kevin arriva avant, ce qui laissa à Pierre le temps de lui expliquer la situation avant que Gilles n’arrive.

En arrivant, le frère de Pierre expliqua aux deux amis ce qu’il avait vu et Kevin l’appuya en disant que lui aussi n’avait pas vu un seul magasin ouvert ni aucun humain mais avait vu beaucoup d’écureuils. Ils partagèrent tous trois leurs inquiétudes. D’un coup, Gilles se leva et partit en courant dans la cuisine. Pierre et Kevin se regardèrent, inquiet, puis se levèrent et allèrent dans la cuisine à la rencontre de Gilles. Il était en train de vider tous les placards en marmonnant le mot « noisette ».

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Pierre s’exclama choqué : « Gilles que fais-tu donc ? Pourquoi retournes-tu toute la cuisine ? » Gilles se contenta de se retourner quelques secondes pour après de nouveau vidé tous les placards. Pierre et Kevin étaient choqués. Gilles avait le visage recouvert de poils marron et rapetissait à vue d’œil. Ne pouvant rien faire sans le blesser, ils décidèrent de juste le regarder en se disant qu’il allait bien arrêter. Une quinzaine de minutes plus tard, Gilles avait disparu sous ses habits. Lorsqu’il réapparut, Pierre et Kevin crièrent ! Ils n’étaient plus devant un simple humain devenu fou à cause de la disparition de toute une ville mais en face d’un écureuil roux avec des vrais poils, une vraie queue, des vraies oreilles à poils longs et de vraies longues incisives. Pierre et Kevin se regardèrent et s’enfuirent en courant dans la salle à manger en fermant la porte de la cuisine.

« Y a-t-il d’autres sorties que cette porte ?  demanda Kevin à Pierre.

– Aucune, à part la fenêtre. Tu ne comptes pas parler de ce qui vient de se passer ?

– Bien sûr que si ! Pense à ton frère qui est bloqué dans la cuisine ! Il faut bien le faire sortir de là !

– Tu as raison, faisons-le sortir de là.

– Es-tu prêt ? on va d’abord ouvrir la porte de dehors et après on ouvre la porte de la cuisine pour qu’il puisse partir.

– OK, on ouvre à trois, 1,2,3 ! Go ! »

Tous deux ouvrirent les portes de la cuisine et de dehors simultanément. L’écureuil sortit en courant. Après son passage, ils refermèrent vite la porte de dehors et commencèrent à se regarder avec un regard inquiet.

« Qu’allons-nous faire maintenant ? Tout le monde dehors s’est transformé en écureuil, s’inquiéta Pierre.

– Pourquoi ont-ils fait cela ? Je n’y vois aucun intérêt ! »

– Je sais que cette ville et ses habitants sont réputés pour gâcher et faire des réserves de course mais de là à se transformer en écureuil, je ne comprends pas. Moi qui suis aussi comme ça, je n’ai jamais eu cette idée !» s’exclama Pierre.

En réalité, Pierre était extrêmement rationnel mais ce qui était en train de se passer le rendait un peu fou. Kevin demanda que faire à son ami. Ne sachant pas quoi faire, Pierre lui proposa un verre de cognac pour essayer d’oublier la situation. Kevin refusa, ayant arrêté l’alcool, mais dit que lui pouvait en boire s’il le souhaitait. Pierre prit donc un verre et se servit. Tout en essayant de trouver des solutions, il en prit un deuxième, puis un troisième jusqu’à ce que son ami lui enlève la bouteille et lui dise d’arrêter. Pierre commença à s’énerver et répondit :

« Laisse-moi boire Kevin ! De toute façon, il n’y a rien d’autre à faire à part peut-être aller dehors pour être comme tout le monde et devenir écureuil.

– Il n’est pas question de sortir ! Tu tiens réellement à devenir écureuil ? Pour moi, il est hors de question de sortir. Je déteste les écureuils, ces petits animaux qui ramassent pleins de noisettes pour l’hiver et qui n’en mangent pas la moitié ! Il est hors de question que je devienne une de ces créatures.

– Alors je sortirais tout seul ! Fais ce que tu veux !» s’énerva Pierre se dirigeant en boitant vers la porte de sortie, à moitié saoul.

Kevin laissa donc sortir son ami persuadé de faire le bon choix. Il referma ensuite la porte derrière Pierre et alla dans la salle de bain. Il se regarda et se promit à lui-même de ne jamais devenir écureuil même s’il ne devait pas revoir sa femme avant quelques jours.

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