04. avril 2020 · Commentaires fermés sur L’Horloge de Baudelaire : l’image du Temps · Catégories: Commentaires littéraires, Lectures linéaires, Première · Tags:
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Lorsque Baudelaire publie son recueil Les Fleurs Du Mal en 1857, il se situe encore au carrefour de trois influences majeures pour la poésie  au dix-neuvième siècle : le romantisme qui privilégie l’expression personnelle des sentiments, le symbolisme qui s’efforce de révéler le sens caché des choses au moyen des symboles ; l’expression des sentiments devient alors indirecte; et le Parnasse qui accorde une attention particulière à la forme et refuse l’engagement de l’Art ainsi que le préconise Théophile Gautier, son chef de file, dans une formule originale : “il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien” 

L’Horloge clôt la section du recueil intitulée “Spleen et Idéal” et il a pour thème principal le Temps . Comment le poète a-t-il choisi de représenter le Temps  qui passe ?   Plus »

31. mars 2020 · Commentaires fermés sur Les récits de migrants : des récits pas comme les autres .. · Catégories: Seconde

Voilà un padlet qui a été élaboré à partir de vos récits : merci à tous les contributeurs ; leurs textes ont été parfois modifiés ; Vous trouverez également des témoignages authentiques du parcours de ceux qui cherchaient l’Eldorado ..l’ont-ils parfois atteint ? Tous évoquent la mélancolie de l’exil , les difficultés de l’intégration, des belles rencontres parfois et la déception aussi pour certains .

Fait avec Padlet
30. mars 2020 · Commentaires fermés sur Le parcours de Soleiman dans Eldorado de Gaudé · Catégories: Seconde

Laurent Gaudé a choisi, dans ce livre qui évoque l’espoir des migrants de parvenir en Europe, de nous montrer les difficultés du parcours de Soleiman, une jeune soudanais qui , au départ, décide de quitter Port- Soudan avec son grand frère . Il va tout d’abord devoir affronter l’inconnu : se retrouver seul, entourés de gens qu’il ne connaît pas ; Il voyage dans des conditions rudimentaires et doit , en permanence, surveiller ses voisins , de peur de se faire voler le peu d’argent qu’il a réussi à emporter; ses compagnons de misère sont nombreux et tous ces jeunes gens, de jeunes hommes le plus souvent, sont à la merci de la férocité des passeurs; Le romancier présente, en effet, dans ce récit, des figures de passeurs cruels et sans scrupules qui exploitent la pauvreté humaine ; Entrons dans les détails du roman.

Comment Soleiman a -t-il réussi à rallier l’Espagne ? Et que va -t-il se passer à son arrivée ?

Parti du Soudan, il a du renoncer au passage par la voie maritime  pour emprunter la route et traverser une partie du continent africain , à pied, sans bagage et ne volant de l’argent pour subsister; Il a subi la violence des passeurs, redouté celle de ses camarades  et a affronté  le combat contre les policiers  qui gardent les frontières . L’Europe apparait ainsi comme une citadelle qu’il faut préserver des assauts de tous ces miséreux dont les yeux brillent à la pensée de réaliser leur rêve; Qu’imaginent-ils en Europe ? La liberté bien sûr, la paix et l’abondance pour ceux qui peinent à se nourrir dans leur pays; dans la réalité, ils sont souvent déçus losrqu’ils arrivent car les pays qui les accueillent au nom des droits de l’homme, ne veulent pas d’eux ; Ils doivent alors apprendre une nouvelle langue, chercher du travail et un hébergement et es mettre en règle au regard de la loi ; ce qui signifie obtenir un titre de séjour , le seul moyen d’éviter l’expulsion dans leur pays d’origine; En vous demandant d’écrire les premières impressions du personnage de Soleiman à son arrivée en France, je souhaitais voir si vous alliez privilégier l’espoir ou la déception , l’enthousiasme ou l’amertume et la nostalgie de son pays natal. Vos devoirs pour la plupart ne sont guère réalistes . Soit vous résumez son parcours et me rappelez ce qu’il a du endurer pour parvenir en Europe (ce qui n’est pas le sujet demandé ) soit vous lui faites vivre un conte de fées ou un enfer . C’était intéressant d’envisager sa séparation ou le maintien d’une relation avec son compagnon Boubakar mais ce n’était pas l’objet du devoir ; L’idée, je le rappelle , était de se mettre dans la peau de quelqu’un qui a quitté se racines pour réaliser un rêve, celui d’avoir une “belle ” vie et qui se retrouve réfugié dans un pays étranger dont il ne parle pas la langue. Vous auriez pu vous documenter sur cette réalité en consultant notamment, sur internet, les informations de la Cimade et en lisant des témoignages de migrants . Qu’est-ce qui leur manque le plus ? de quoi ont-ils peur ? comment font -ils pour obtenir des papiers et la régularisation de leur statut ? Où vont-ils majoritairement ? Des associations comme la CIMADE ou Amnesty International tentent de venir en aide aux migrants partout dans le monde : découvrez-les

Le personnage de Soleiman illustre les difficultés d’un migrant pour parvenir jusqu’en Europe; Mais il n’est pas au bout de ses peines . Regardez ensuite ce qu’il doit faire pour obtenir peut- être  la régularisation de sa situation de clandestin.

Au titre de prolongement de notre réflexion sur les migrants , je vous suggère de regarder le film WELCOME de Philippe Lioret et de déposer vos impressions  en créant des mi-notes ( 5 lignes max)  sur le mur collaboratif de lycée connecté qui a pour titre WELCOME .

26. mars 2020 · Commentaires fermés sur Voltaire fait dialoguer des volailles : quand les animaux jugent les hommes · Catégories: Spécialité : HLP Première

Voltaire est un écrivain  mais également un philosophe majeur qui fit partie du courant des Lumières . Il combattit pour un certain nombre d’idées comme la tolérance religieuse ; déiste, il pensait que Dieu existait mais qu'il était le grand horloger de l'univers et qu'il n'intervenait pas dans les décisions des hommes. Dans ses contes philosophiques comme Candide ou Zadig,ou encore l’Ingénu il dénonce la cruauté de l’homme envers ses semblables et particulièrement  ceux qui ne lui ressemblent pas ainsi que le fanatisme qui pousse , notamment certains religieux, à faire tuer ceux qui ne partagent pas leurs croyances. Humaniste, il dénonce également, de manière plus générale, la pratique de la torture notamment, ordonnée par des juges lors des procès et  lors des interrogatoires de prisonniers ou dans le cadre de l’inquisition, ces tribunaux religieux où l’on condamne des hérétiques à mourir dans d’atroces souffrances ; Il fustige également également les pratiques des esclavagistes qui considèrent leurs esclaves comme des objets et leur infligent les pires châtiments ; Tous ces actes de barbarie , Voltaire les juge infâmes .

 Ce qu’il faut retenir de ce dialogue entre un chapon et une poularde  : En choisissant deux animaux et en les faisant dialoguer, Voltaire imite la forme du dialogue philosophique, qui sert de base , à la méthode de Platon et de Socrate; Un maître s’efforce d’inculquer des idées à son disciple qui l’interroge longuement. Cette tradition peut mener à la dispute : lorsque les deux interlocuteurs ne parviennent à se mettre d’accord sur la thèse défendue par le maitre . Ces dialogues ont pour fonction de faire “accoucher de la vérité “ on les appelle maieutiques.

Voltaire se sert de deux animaux pour dénoncer la cruauté des hommes et le fait qu’ils infligent de la souffrance soit à des animaux , soit à d’autres hommes . S’ils tuent les volailles pour les manger, il les font d’abord engraisser en les mutilant; Voltaire donne  deux exemples où l’on inflige la même barbarie à des hommes : les chanteurs castrats et les eunuques, gardiens des harems. On les mutile pour qu’ils ne puissent pas avoir de relations avec les épouses des sultans.

Les souffrances des volailles font référence à celles subies par certains prisonniers qu’on envoie se faire exécuter publiquement (mettent en prison, font rôtir ) ; En se servant des volailles, Voltaire rappelle les tortures commises par des hommes de pouvoir comme les empereurs chrétiens ;Même dans la mythologie, on inflige des souffrances et des supplices à ceux qu’on considère comme des criminels particulièrement lorsqu’ils se révoltent contre le pouvoir des Dieux comme Prométhée ou Tantale ou Atlas. Voltaire fait allusion à des rituels religieux comme celui de l’eucharistie dans lequel , symboliquement, les fidèles absorbent une partie du corps du Christ sous la forme d’une hostie.

Cependant tous les hommes ne sont pas aussi cruels envers les animaux  et les volailles ont entendu parler d’un pays où on ne mange pas de chair animale car on croit en la réincarnation et donc, il est possible qu’un homme se réincarne sous une forme végétale ou animale; Ces croyances dérivent de deux philosophies antiques initiées par Pythagore et Orphée  ;  les disciples de ces philosophies épargnent les animaux car ils voient en eux “des alliés et parents des hommes ” Pour Voltaire, les animaux sont des êtres vivants dotés de sens donc sont capables de sensations et comme ils sont également dotés d’un cerveau, sont capables de penser et donc de sentiments ; du moins , ils peuvent ressentir de  la souffrance ; Les philosophes établissent une différence entre les sensations qui découlent de nos 5 sens et les sentiments qui se forment ensuite à travers notre cerveau , qui sont une sorte d’intellectualisation de nos sensations  ou peuvent en être indépendants ; par exemple, on peut , parfois ,se sentir bien physiquement et souffrir moralement même si bien souvent, il existe une corrélation entre nos sensations physiques et nos sentiments .

Voltaire ridiculise la théorie de Descartes des animaux -machines qu’il qualifie de “comble du ridicule et vaine excuse de la barbarie ” . Le philosophe  critique également les coutumes religieuses qui exigent que les animaux soient tués selon des rituels sacrés et qu’on prétende ne pas consommer leur sang ou des parties soi disant impures . Pour  le philosophe, qui dénonce ainsi la pratique des sacrifices d’animaux dans le judaïsme et dans l’ islam ( rite casher et  viande hallal ), l’essentiel est d’éviter à l’animal de souffrir donc de le tuer le plus rapidement possible ;

Les volailles traitent les hommes de monstres  et leur cruauté s’étend à de nombreux domaines .  “ils ne font des lois que pour les violer, et ce qu’il y a de pis, c’est qu’ils les violent en conscience.” Voltaire se sert ici du point de vue des animaux pour dénoncer la cruauté de son espèce , la plus cruelle de toutes selon lui sur cette planète : les êtres humains.  Et il condamne les dogmes des religions qui selon, lui, sont  contradictoires  .Ce dialogue se termine avec l’arrivée du cuisinier qui vient chercher les volailles pour les faire cuire;  le chapon accepte son destin avec philosophie et s’en remet à dieu auquel il recommande son âme . Il paraît résigné  et se console avec la religion . Voltaire fait de l’ironie ici  .La poularde ,elle, se révolte  et aimerait se venger en donnant une indigestion à celui qui la mangera ; Voltaire conclut sur une remarque désabusée  “mais les petits se vengent des puissants par de vains souhaits, et les puissants s’en moquent ”

Pour prolonger ces réflexions de Voltaire, je vous fais découvrir un extrait d’une intervention de la philosphe Elisabeth de Fontenay, qui s’exprimait sur France Inter en 2012 à propos des sacrifices d’animaux . 

“Beaucoup de nos concitoyens ont été scandalisés par la campagne publicitaire pour la viande hallal, qui a eu lieu il y a quelques mois: cette vache triomphante regarde le ciel en le remerciant d’avoir été égorgée sans étourdissement préalable…Dans cette société à la fois chrétienne et laïque qui est le cadre dans lequel vivent beaucoup d’entre nous, on a peine à expliquer comment il peut y avoir aujourd’hui, en France, des sacrifices animaux. Il faut comprendre que la question est à la fois historique et politique. Historique, parce que le rite qui consiste à offrir des animaux aux dieux ou à dieu est la manifestation la plus ancienne de la piété humaine : chez les Hébreux et chez les Grecs de l’Antiquité. Politique, parce que les sacrifices animaux ont toujours encore cours dans l’Islam et que pour les juifs religieux, comme pour les musulmans, la viande ne peut être consommée qu’à la condition que l’animal ait été sacrifié, ce qui veut dire qu’il ait été égorgé et se soit vidé entièrement de son sang sans avoir été préalablement étourdi.

Pourquoi ? Parce que, dans ces traditions religieuses, le sang c’est l’âme et qu’on ne doit pas manger l’âme d’un animé, d’un animal, car ce serait commettre un terrible péché que de lui prendre son âme en plus de son corps. Il faut donc que l’âme s’écoule avent qu’il ne meure Vous allez dire ce sont des bêtises, tout ça. La seule chose à retenir c’est la manière cruelle dont cette mort est administrée.

J’ai longtemps pensé, pour ma part, que le sacrifice était radicalement différent de l’abattage industriel, le rapport sacrificiel à l’animal me semblait plus acceptable que l’incorporation de viande sans autre forme de procès. Mêler Dieu ou les régles liturgiques à la mise à mort implique un certain respect de la créature vivante. Dans le sacrifice, effet, il y a trois éléments : l’animal offert, l’homme qui fait l’offrande et la divinité à laquelle on s’adresse. Dans le sacrifice, l’animal n’est pas une chose, on le respecte c’est en quelque sorte un partenaire.

C’est donc ainsi que je tentais de penser les choses. Mais ce que j’ai pu lire sur cette mort sacrificielle infligée désormais dans les abattoirs m’a fait changer d’avis. La cruauté particulière de cette obligation de la saignée à vif, de ces vingt minutes parfois que l’animal met à mourir s’aggrave encore de l’emploi technique fait des blocs de contention rotatifs qui font basculer l’animal la tête en bas ? Certaines vaches cherchent à se relever. Il y a beaucoup de mauvaise foi et beaucoup de profits douteux derrière ces rites et j’ai compris que le sacrifice finissait par ne plus se distinguer de l’abattage industriel, du fait notamment de la considérable production de viande hallal. Du reste, dans certains abattoirs, on profite de la dérogation accordée aux Juifs et aux musulmans, de l’autorisation d’égorger des bêtes en pleine conscience, et l’on égorge sans prendre la peine et le temps de les étourdir, parce que c’est plus rapide.”

Elisabeth de Fontenay, indique dans cet entretien, qu’elle a changé sa manière de considérer le sacrifice des animaux

1 Quel est le point de départ de sa réflexion ? 2. Quelles différences fait- elle entre un animal sacrifié et un animal juste tué pour être consommé ? 3.Relève des éléments  précis du texte qui prouvent et explique pourquoi elle a changé d’avis

Fabrique un tract sous la forme d’une affiche ( photo montage ) dans lequel tu dénonces les violences infligées aux animaux.    Tu peux regarder quelques exemples avec le lien suivant

https://www.out-the-box.fr/x-publicites-puissantes-protection-animaux/

 

21. mars 2020 · Commentaires fermés sur L’homme est -il vraiment un animal comme les autres ? · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags:

Pour aborder la seconde partie du programme d’Humanités, intitulée Les représentations du monde , nous pouvons nous poser plusieurs questions et notamment quelle est notre place dans le monde et comment nous le représentons nous . Il conviendra donc d’aborder la découverte des nouveaux mondes , de l’altérité ( la rencontre avec l’Autre ) , nos possibilités de connaître le monde qui nous entoure ; à travers les voyages , les découvertes scientifiques et les progrès de la Science . On pourra également s’interroger sur nos représentations du monde , de nos espaces de vie et de socialisation comme les villes, les mondes imaginaires également , utopiques ou dystopiques. Mais pour aborder ce nouveau volet de notre second thème, nous intéresserons tout d’abord, à l’évolution de  la relation entre l’homme et l’animal. Comment l’homme considère-t-il l’animal ? L’espèce humaine a -t-elle des devoirs envers les animaux ? L’animal est-il le miroir de l’homme ? Comment les deux espèces peuvent-elles communiquer ? Commençons par ce premier chapitre inspiré  : de l’animal à l’homme , une frontière énigmatique ou l’homme est-il vraiment un animal comme les autres ?

L’animal est -il dépourvu de raison ?  N’est-il qu’ une machine ?  à partir du texte de Descartes p 244 édition Hachette

 On définit l’homme par l’usage qu’il est capable de faire de sa raison : il serait donc un animal doué de raison contrairement aux autres espèces . Comment cette théorie a -t-elle été construite ? Commençons tout d’abord par chercher ce qui pourrait nous différencier de l’animal. Des philosophes , et notamment René Descartes , ont ainsi émis l’idée que les animaux seraient dépourvus de raison . Selon lui, les bêtes agissent naturellement et par ressort , ainsi qu’une horloge, écrit -il en 1646 . Il prend l’exemple de la migration des hirondelles, des grues, des animaux qui  cherchent à enterrer , par instinct, dit -il leurs excréments.  Pour lui  ” bien que les bêtes ne fassent aucune action qui nous assure qu’elles pensent, toutefois, à cause que les organes de leur corps, ne sont pas fort différents des nôtres, on peut conjecturer qu’il y a une pensée jointe à ces organes. ” .  Descartes poursuit en expliquant que si les animaux pensaient alors ils “auraient une âme immortelle ” et ceci lui parait tout à fait invraisemblable. Il n’exclut pas que pour certaines espèces comme les chiens ou les chats ou certains oiseaux, on puisse aller jusqu’à le penser mais il le réfute pour des espèces qu’il juge “trop imparfaits” : il cite comme exemple les huîtres, les éponges ; On pourrait ajouter de nombreux animaux à cette liste; Descartes pose donc la prépondérance de l’instinct chez les animaux  et relie la présence d’une pensée à celle de l’existence de l’âme alors qu’aujourd’hui, de nombreux éthologues ont démontré la présence d’un raisonnement  et d’opérations mentales liées à l’apprentissage chez de nombreuses espèces animales .  Cette théorie  dite des animaux-machines sépare donc radicalement les deux espèces : l’homme possède une âme et  il est doué de  raison ; Ce n’est pas le cas des animaux pour Descartes.

Un siècle plus tard, le philosophe Jean -Jacques Rousseau poursuit le raisonnement de son prédécesseur et affirme ” Je ne vois dans l’animal qu’une machine ingénieuse ,à qui la nature a donné des sens pour se remonter elle-même , et pour se garantir, jusqu’ à un certain point , de tout ce qui tend à la détruire ou à la déranger. ” Il pense que l’homme est une machine également mais qu’il concourt en tant qu’agent libre à effectuer les opérations que la bête effectue en tant que prisonnière de son instinct; L’homme aurait donc des choix de comportements là où l’animal serait contraint de suivre ce que lui dicte son instinct .L’homme suivrait parfois sa volonté au détriment de sa nature et se livrerait à des excès dommageables pour lui et sa survie .Rousseau utilise l’exemple  d’un animal qui mange  habituellement des graines et qui  serait incapable de se nourrir de viande ; Il  mourrait ainsi près d’un tas de nourriture  faute d’avoir pu changer son régime alimentaire . L’homme serait ainsi davantage capable de s’adapter mais surtout d’aller vers les excès .  ” Tout animal a des idées puisqu’il a des sens, il combine même ses idées jusqu’à un certain point, et l’homme ne diffère à cet égard de la bête que du plus au moins ” Rousseau cherche donc à montrer que le Mal existe chez l’homme mais pas chez l’animal : l’homme peut choisir et décider d’être raisonnable ou au contraire de se livrer à des actes barbares ; Cette comparaison entre l’homme et l’animal a été établie dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes  , en 1755.

Jean de La Fontaine , dans ses Fables , a cherché lui aussi à comparer le comportement de l’homme et celui des animaux ; La comparaison n’est pas en l’honneur de l’homme et plusieurs apologues comme L’homme et la couleuvre, par exemple,  ou Le loup et les bergers montrent sa cruauté envers les autres espèces; Le fabuliste a beaucoup observé les animaux et il est admiratif de leur ingéniosité ; Dans son Discours à Madame de la Sablière, il critique explicitement la théorie de Descartes et prête aux animaux des sentiments, et la capacité d’effectuer des choix volontaires.  Il prend l’exemple des castors et montre que leur travail est organisé; Les plus vieux forment les jeunes et chacun est utilisé pour ses compétences ; C’est ainsi que leurs barrages sont qualifiés de ” savant ouvrage ” et de “fruit de leur art ” . La Fontaine conclut ”  que ces castors ne soient  qu’un corps vide d’esprit / Jamais on ne pourra m’obliger à le croire “; Cependant si la Fontaine démontre que les animaux sont capables de penser , de réfléchir et de  mettre en place des  systèmes perfectionnés d’organisation du travail ( on pourrait penser aux insectes, aux fourmis par exemple, aux abeilles ), il n’ évoque pas le point principal pour Descartes, à savoir la présence ou l’absence d’une âme qui serait indissociable de la raison.

Un philosophe contemporain, Pascal Quignard , démontre même que dans L’ Odyssée d’Homère, le premier être qui est capable de reconnaître Ulysse sous son déguisement alors qu’il est de retour à Ithaque après plus de 10 ans d’absence, c’est son vieux chien Argos. Ce dernier grâce à son flair a su démasquer son maître et l’a reconnu à son odeur; Homère aurait utilisé, en grec,  le verbe penser pour désigner l’action du  très vieux chien qui meurt de joie en retrouvant son maître . L’intelligence animale consiste ici à voir ce que les humains ne peuvent voir , à démasquer la vérité sous les apparences ; Ulysse est déguisé en mendiant et seul son chien est capable de lui redonner sa véritable identité . On dit que les animaux sentent la peur, ressentent, dans l’air l’arrivée des séismes et certains  chiens détectent des cellules cancéreuses invisibles à l’oeil nu. S’agit-il de pensée animale ou d’instinct supérieur à celui de l’espèce humaine dans certains domaines ?

Lisez le texte suivant : partagez-vous l’opinion de La Mettrie ? Sur quel point n’est-il pas d’accord avec Descartes ? Proposez une définition claire du matérialisme en philosophie

HOMME MACHINE *

 L’homme est une machine.

Il n’y a, dans l’univers, qu’une seule substance diversement modifiée. L’homme est une machine fort bien faite qui remonte elle-même ses ressorts qui ne sont rien d’autre que la vie elle-même. Ces ressorts se distinguent entre eux par leur fonction et leur degré de force, et non par leur nature. Le principe de l’animal-machine de  Descartes s’applique également à l’homme ; le dualisme corps-esprit est une illusion. L’âme n’est rien d’autre que la partie pensante du corps physique dont elle dépend totalement, et sans lequel elle ne saurait exister.

L’athéisme n’est pas plus un signe de dépravation que la religion ne garantit la probité. L’Être Suprême existe probablement mais il représente une théorie qui ne nécessite en rien l’obligation d’un culte religieux. La raison d’être de l’existence se justifie par l’existence elle-même. « La Nature nous a tous créés uniquement pour être heureux ; oui tous, depuis le ver qui rampe, jusqu’à l’aigle qui se perd dans la nuée. »

Dans cet ouvrage paru en 1748, ce médecin  part d’une hypothèse : l’homme aurait reçu la capacité de distinguer le Bien du Mal et pas l’animal . La Mettrie n’est pas convaincu et il va le démontrer ; “Nous savons que nous pensons , dit il ” et que nous avons des remords ” mais nous ne pouvons juger les autres d’après notre connaissance de notre conscience car “pour juger des remords d’autrui, ce sentiment qui est dans nous est insuffisant”  Autrement dit , nous ne pouvons pas savoir ce que pensent vraiment les autres hommes ; Nous ne pouvons qu’observer “les signes sensibles et extérieurs que nous avons remarqués en nous-mêmes lorsque nous éprouvions la même conscience et les mêmes tourments ”  Et  le savant donne l’exemple d’un chien qui après avoir mordu, semble le regretter . Il cite également des témoignages  de cas d’animaux sauvages qui se prennent d’affection pour les hommes qui les recueillent et  les nourrissent . Un animal, si l’on en croit , ses signes , serait ainsi capable d’éprouver du regret, de la culpabilité, de la reconnaissance . En réalité, c’est plus complexe car nous interprétons des signes comme s’ils avaient été émis par un humain dans les mêmes circonstances et nous ne pensons qu’avec des outils qui nous sont propres; Nos déductions sont parfois faussées ; Ainsi un chien qui a détruit un meuble ou un canapé ou fait ses besoins dans la maison sera apeuré par la voix que nous prendrons pour le gronder ; Il ne s’agit pas ici de culpabilité mais de peur quand il entend qu’on est en colère .

La littérature a souvent utilisé les animaux pour faire ressortir la cruauté des hommes et leur pseudo supériorité; En 1960 , le romancier Pierre Boulle imagine une dystopie dans laquelle la Planète terre est gouvernée par des espèces de singes qui utilisent les humains comme du bétail ; dans ce roman, les singes sont des êtres savants, des scientifiques intelligents et les hommes eux, ne savent pas parler, Leur intelligence est rudimentaire; Les singes proposent l’explication suivante : ” le cerveau du singe s’est développé, compliqué et organisé, tandis que celui de l’homme n’a guère subi de transformation. Certains savants songent à une mystérieuse intervention divine ; D’autres soutenaient que l’esprit du singe tenait avant tout à ce qu’il possédait quatre mains agiles.  Avec deux mains seulement, aux doigts courts et malhabiles, il est probable que l’homme a été handicapé dès sa naissance, incapable de progresser et d’acquérir une connaissance précise de l’univers. ” Ici le romancier a réutilisé, avec humour,  certains des arguments dont les hommes se  servent pour expliquer leur évolution “supérieure “: soit parce que Dieu les a créés supérieurs, pour dominer les autres espèces, soit parce qu’ils sont devenus bipèdes.. Pierre Boulle s’amuse à reproduire , dans la bouche des grands singes, les principaux raisonnements que l’homme utilise pour justifier sa supériorité.

Que faut -il retenir de ce corpus ?  Voilà les éléments essentiels du cours résumés .

La question de l’âme : pour Aristote chaque être vivant , homme, animal et plante, possède une âme ou principe de vie ( appelée psyché en grec ) mais ce principe est plus ou moins développé et l’homme disposerait de mémoire et d’imagination , deux facultés qu’il ne partagerait qu’avec certaines espèces animales.

Descartes lui soutient que les animaux n’ont pas d’âme, de principe spirituel ; ce sont juste des machines et ils agissent mécaniquement : c’est la théorie des animaux-machines.

Les philosophes des Lumières réfutent la théorie de Descartes et affirment la primauté des sensations dans la formation de nos émotions et de nos pensées; Ils attribuent aux animaux une sensibilité mais doutent , comme Rousseau,de l’existence d’un libre-arbitre chez l’animal .

Qu’est-ce qui est le propre de l’homme ? C’est une méthode qui consiste à rechercher ce qui fait la particularité de l’espèce humaine : certains évoquent le langage et la pensée ; Aristote utilise le mot grec logos qui désigne à la fois la pensée et le fait de parler. L’homme est donc un animal doué de logos . Le romancier de la Renaissance , Rabelais a lui pensé à définir l’homme par le rire , faculté qui n’existerait pas , selon lui, chez les animaux, à l’exception toutefois des singes. Rousseau ,lui, définit l’homme par sa capacité à agir librement, sans être dépendant de son instinct. Cette théorie sera remise en cause par les découvertes de la psychanalyse deux siècles plus tard.

De nos jours, on cherche encore à identifier certaines de nos facultés propres comme la conceptualisation , notre capacité à nous projeter dans le futur et notre sens esthétique , notre production artistique. Nous sommes donc des animaux pas tout à fait comme les autres  : nous avons des ancêtres communs avec les singes mais l’évolution de notre espèce a été différente

Exercice : Pourquoi les animaux ne parlent-ils pas ?

Voilà des éléments de réponse d’un savant appelé Buffon qui vivait au siècle des Lumières. Selon lui, le langage servirait à l’homme à rendre compte de ce qui se passe en lui; il communiquerait sa pensée par sa parole; Les hommes sauvages eux aussi peuvent parler et  ils parviennent à apprendre le langage des autres hommes , de ceux , par exemple, qui viennent conquérir leurs territoires ; Pour Buffon ce n’est pas une histoire d’organes mais c’est le signe que les animaux n’ont pas de pensée . Même si on parvient, selon lui, à enseigner des mots aux animaux , notamment à leur faire répéter des sons comme on entend parfois certains perroquets reproduire des mots qu’ils ont entendus, il est ,  toujours selon Buffon, impossible à un animal d’avoir l’idée que ce mot représente; Les animaux donc ne parleraient pas parce qu’ils ne penseraient pas  et  parce qu’intellectuellement , ils n’ont pas accès au monde des idées .  Il réfute ainsi l’idée selon laquelle il s’agirait d’une déficience liée à leur constitution physique : il donne comme preuve incontestable le fait que certains animaux sont justement capables de reproduire des sons similaires à ceux du langage  humain . On peut toutefois objecter à Buffon que les animaux communiquent , entre eux, en émettant des signes que nous ne comprenons pas toujours mais qui constituent une forme de langage élaboré.

Voilà une petite présentation de la tentative d’un écrivain :Tristan Garcia pour “traduire ” le langage d’un chimpanzé  nommé Doogie dans Les Mémoires de la Jungle . Qu’en pensez-vous ? Cela vous donne-t-il envie de lire le roman ? Quel est le parti-pris de l’écrivain ?

 

19. mars 2020 · Commentaires fermés sur Un dénouement tragique et une passion tragique : la mort de Ruy Blas · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

Le drame romantique, inventé par Victor Hugo , est un type de spectacle qui  tente d’effectuer la synthèse entre des éléments issus de la tragédie  , et d’autres  issus de la comédie. En 1827 Hugo dans la Préface d’une de ses pièces , définit ce théâtre comme un mélange de sublime te de grotesque. Avec son drame  Ruy Blas ,  en 1838 il mêle une intrigue amoureuse et une trame politique; Un valet, manipulé par son ancien maître chassé de la cour, va révéler  progressivement son amour à la reine d’Espagne mais il cache un terrible secret: son identité véritable. Lorsque Don Salluste revient à la Cour et fait éclater la supercherie, il le tue sous les yeux de la reine. Cette dernière est atterrée par ce qu’elle vient d’apprendre et demeure sans voix “immobile te glacée” ; Quel dénouement Hugo a -t-il choisi ? la passion va-t-elle triompher ? On peut en douter . Commençons la lecture linéaire …

Ruy Blas reste à distance comme l’indique la didascalie interne du vers 2 : “je n’approcherai pas “ . Cet aspect solennel est celui de la tragédie classique dans laquelle les personnages s’expriment avec solennité. Le personnage de Ruy Blas tente de se faire pardonner ce qui peut être qualifié de “trahison ” comme on le lit au vers 6 . Il a, en effet, accepté de se faire passer pour un noble alors qu’il est d’origine modeste et a menti sur sa véritable identité, allant même jusqu’à accepter les fonctions de premier ministre en l’absence du roi . On remarque que les alexandrins sont “disloqués ” ainsi que le voulait Hugo qui a tenté de créer ainsi un langage théâtral plus naturel . L’agitation du personnage se traduit également par un bouleversement de la syntaxe et de nombreux enjambements comme aux vers 5 et 6 . Le champ lexical de la faute est très présent au début du passage avec le terme trahison déjà mentionné au vers 6. Ruy Blas se sent fautif mais il tente de se justifier et on le remarque notamment l’atténuation de sa culpabilité avec la négation partielle je ne suis point coupable autant que vous croyez ” au vers 3. L’aveu  explicite de la faute apparaît au vers 9, à la fin de la première tirade et la cause est précisée : “cet amour m’a perdu ” ; On retrouve un thème important dans la tragédie classique: les dangers de la passion qui mène les hommes à leur perte; Il n’est plus question ici de fatalité ou de malédiction divine comme dans Phèdre mais le personnage, sous l’effet de sa passion amoureuse pour la reine, est devenu malhonnête et a renoncé à des valeurs comme la droiture, la sincérité. Il a, malgré lui, accepté de participer à la tentative de disgrâce de la reine; Il est devenu complice d’un criminel et criminel à son tour, en devenant le meurtrier de Don Salluste.

A genoux, dans une attitude de supplication , devant la reine, il ne la laisse pas s’exprimer et poursuit, au vers 11 , ses aveux , qu’il diffère pourtant à plusieurs reprises je vais de point en point tout dire ” lit-on aux vers 13 et 14 avec un nouvel  enjambement qui marque une sorte d’étirement de la révélation. Le personnage répète, comme pour mieux nous en convaincre qu’il n’a pas l’âme vile ; l'adjectif vil rappelle qu'il est de basse extraction (c'est un valet au départ, un serviteur ) ; Hugo veut montrer dans ce drame que les qualités morales et intellectuelles  d'un homme ne sont pas liées à sa condition sociale et qu'on peut devenir un dirigeant politique même lorsqu'on n'est pas de haute naissance. Les idéaux révolutionnaires ont fait leur chemin et au moment où la France est redevenue provisoirement une royauté, Hugo marque ici son engagement pour le peuple qu'il souhaite associer au pouvoir. Le personnage de Ruy Blas se transforme , à ce moment , en une sorte de figure christique et le dramaturge utilise des symboles pour accentuer la ressemblance entre son héros et le Christ; Ainsi, “une femme du peuple “ au vers 18 est venue essuyer la sueur de son front; Ce geste symbolique rappelle celui de la Passion . Dans  ce récit religieux qui décrit le parcours du Christ qui a du porter sa croix jusqu’au mont Golgotha , on distingue 13 étapes qui sont les 13 stations du chemin de croix; A l’étape 6, une femme prénommée Véronique  s’approche et brave l’hostilité de la foule pour essuyer le visage du Christ souffrant sous le poids de son fardeau; A l’époque romantique, les auteurs se servent des images de la passion du Christ pour décrire leurs héros. Ici, Hugo cherche à faire naître la pitié du spectateur et applique ainsi le principe  que recommande Aristote pour réussir une tragédie . La tirade d’ailleurs se termine avec un vers pathétique : “Ayez pitié de moi, Mon Dieu, mon coeur se rompt ” La métonymie finale illustre à la fois la douleur du personnage mais préfigure également sa mort et la rend imminente.

Les échanges vont alors devenir plus intenses et plus resserrés comme une sorte de duo final . Au mots vont bientôt succéder les gestes tragiques car au théâtre , la parole se fait geste et devient action. Les didascalies externes qui précèdent les vers 25 et 27 montrent le héros qui se lève et avale un liquide ; Hugo s’est ici fortement inspiré de la  tragédie  classique et notamment de Phèdre qui offre un dénouement du même genre ; La coupable s’empoisonne de remords et sa mort purifie le jour qui se lève ; Ruy Blas se comporte donc comme un personnage de tragédie : il met fin à ses jours pour expier sa faute  et demande le pardon de ses offenses.  Alors que Phèdre se punit par sa mort , d’avoir provoqué celle d’un innocent, Ruy Blas se punit d’avoir menti, sur son identité et  trahi celle qu’il aimait ; D’autant qu’il risque de provoquer sa perte car si leur liaison est découverte, elle sera déshonorée et  contrainte d’abdiquer ainsi que l’avait prévu Don Salluste.

Le suicide dans le drame romantique était préparé et il apparaît comme la conséquence directe du refus du pardon de la reine qui, par deux fois ,affirme qu’elle ne pardonnera “jamais ” vers 23 et 26. C’est pourquoi le revirement de situation qui suit a pu paraître un peu étrange aux spectateurs de l’époque qui étaient habitués aux dénouements tragiques plus classiques. Lorsque  Ruy Blas s’écrie ” Triste flamme , Eteins -toi ” , on pourrait penser que ce sont ses dernières paroles .  Il indique qu’il meurt d’amour ; La construction ici associe la métaphore amoureuse à l’image d’une vie qui s’arrête; En effet, la flamme désigne à la fois le sentiment amoureux mais également la vie du personnage: ils ne font plus qu’un .La fin de l’amour marque donc irrémédiablement la fin de la vie.

A partir de ce moment, la tragédie devient un drame et offre aux spectateurs des moments déconcertants . Tout d’abord le changement d’attitude de la reine peut surprendre : elle se précipite vers le héros mourant pour l’entourer de ses bras et d’ailleurs , il donnera d’abord l’impression de mourir dans ses bras : “ l’entourant de ses bras”,  tenant la reine embrassée  “la reine le soutient dans ses bras ” au vers 45; Hugo reprend ici l’image du Christ avec plusieurs allusions comme l’obtention du pardon qui évoque les dernière paroles du Christ adressées à son père . La reine qui jusque là , était demeurée stoïque, se met alors à vibrer d’une passion qui a pu surprendre ; Elle lui dit qu’elle l’aime et l’appelle dans un premier temps , César, qui était son faux nom avant de lui donner , au dernier vers, sa véritable identité. Mais ce pardon arrive trop tard ! Et c’est aussi ce qui rend ce dénouement particulièrement tragique !

Qu’a t-on reproché encore au dramaturge dans ce dénouement inédit ? En plus du revirement de la reine, on a également  reproché au dramaturge d’avoir “allongé “la mort du personnage sur scène avec une agonie spectaculaire et surtout un dernier merci qui a été critiqué de nombreuses fois, pour son caractère invraisemblable. On se souvient en effet qu’une des règles du théâtre classique insistait sur le caractère vraisemblable des actions qui devaient être montrées au public; Ici, ce n’est pas du tout vraisemblable et les gens ont trouvé que Victor Hugo en faisait trop avec le risque que cela devienne ridicule. Il faudra, en effet, attendre des dizaines d’années, pour que ce drame obtienne un certain succès. En accentuant la dimension spectaculaire, le dramaturge prive le public d’une partie de ses repères ; Jusque là habitué à voir dans les tragédies des personnages exprimer des souffrances “dignement ” et en se touchant à peine,  le public a réagi assez mal à cette fin : Hugo  livre ici sa version théâtrale de la mort passionnelle .

Le héros , au moment de mourir, se retrouve lui-même : “je m’appelle Ruy Blas ” et semble ne plus réagir aux marques d’amour de la reine ; Il ne la regarde pas mais se tourne , comme l’indique la didascalie externe vers Dieu “levant les yeux au Ciel ” qu’il implore . La dimension christique du héros est réaffirmée avec la mention de son “coeur crucifié ” au vers 48 . La construction  du vers 49 précise les enjeux du drame et reflète les contradictions . ” vivant par son amour ,mourant par sa pitié “; Il faut comprendre ici que  l’amour de la reine a réjoui le coeur du héros quand il était vivant et que maintenant la pitié de  la reine réjouit son coeur au moment où il est mourant . Le caractère inexorable de la mort du héros est reprécisé sur scène dans les répliques finales; Alors que la reine se sent, à son tour , coupable et se demande ce qui se serait passé si elle avait pardonné plus tôt, Ruy Blas rappelle d’une manière claire que cela n’aurait rien changé . L’avant dernière réplique “ je ne pouvais plus vivre ” souligne cette idée . On remarque que si les personnages se tenaient à distance respectueuse l’un de l’autre au début de cette scène , ils se sont très vite rapprochés pour s’étreindre et l’ une des  dernières didascalies montre la reine “ se jetant sur son corps ” ; On peut retrouver dans ce choix l’influence d’un dramaturge comme Shakespeare que Hugo admirait particulièrement.

Ce final comporte donc de nombreux éléments tragiques : certains sont habituels et d’autres le sont un peu moins pour le public. La mort du héros est , à la fois prévisible et attendue ; elle vient sceller une passion impossible entre deux personnages qui s’aimaient sincèrement mais qui n’ont pas d’avenir ensemble; Si le dramaturge montre, sur scène, et pour la première fois,  la possibilité d’un amour entre un “ver de terre “et une “étoile ” il ne permet pas à ces deux personnages d’être heureux; la mort demeure l’unique issue pour un homme qui a menti sur ce qu’il est et cette femme pourra toujours se reprocher de ne pas avoir choisi l’amour à temps; Le drame romantique tente une synthèse entre un héritage tragique et des préoccupations contemporaines et il est parfois difficile de comprendre ce nouveau genre. La passion amène toujours l’homme à effectuer des choix souvent irréversibles et qui le condamnent à se perdre .

 

18. mars 2020 · Commentaires fermés sur Eldorado : l’aventure des migrants · Catégories: Seconde

Laurent Gaudé est un écrivain soucieux de développer dans ses fictions, des événements en lien avec la réalité ; Ainsi, après avoir écrit un roman sur les souffrances des jeunes combattants dans les tranchées  en 14/18 intitulé Cris, il a ensuite publié un roman en relation avec l’ouragan nommé Katrina , ce cyclone tropical qui a dévasté une partie de la Louisiane en 2005 , défigurant la ville de la Nouvelle-Orléans et plongeant ses habitants dans le chaos; Pour écrire Eldorado, il s’est inspiré d’une réalité tragique , celle que les journaux illustrent presque quotidiennement et  qui touche aux vagues migratoires . Chaque jour ,  en effet, nous entendons parler, depuis plusieurs années , de  ces milliers de migrants qui quittent leurs pays en guerre pour tenter de rejoindre l’Europe, leur Eldorado à eux ! Examinons ensemble comment les réalités des flux migratoires sont présentées à travers le roman.

L’histoire commence à Catane , une ville portuaire du Sud de la Sicile,  construite sur les pentes de l’Etna  et célèbre pour son marché aux poissons . Elle se situe en Sicile , à quelques centaines de kilomètres au Nord de l’île de Lampedusa   qui voit arriver des centaines de bateaux de migrants . Dans notre roman, il est question de plusieurs candidats à l’émigration; Tout d’abord une jeune femme  raconte sa traversée à bord du Vittoria, en 2004. Victime de passeurs criminels, elle a payé 4500 dollars pour un passage en Europe ,pour elle et son bébé , qu’elle a vu mourir, jeté par dessus bord . Voilà comment le romancier raconte leur rencontre à bord du bateau qui dérivait ”  Jusque là il n’avait vu qu’un corps emmitouflé, qu’une femme éreintée de fatigue, une pauvre âme déshydratée qui ne voulait pas quitter la nuit. mais lorsqu’il croisa son regard, il fut frappé par cette tristesse noire qui lui faisait serrer la rambarde de toute sa force. C’était le visage de la vie humaine battue par le malheur.Elle avait été rouée de coups par le sort. Cela se voyait.Elle avait été durcie par mille offenses successives”

Quel est le parcours de cette migrante ? Son point de départ est Beyrouth, capitale du Liban, pays ravagé par une guerre avec son puissant voisin Syrien ;le pays est lui-même divisé entre les sunnites et les chrétiens maronites ; en 2004 l’ancien premier ministre Rafic Hariri se range aux côtés des opposants à la Syrie mais les militaires syriens occupent toujours une partie du territoire libanais. Avant de prendre le bateau, elle doit attendre sur un quai où s’entassent des centaines de personnes ” tant de gens. tant de silhouettes peureuses qui convergeaient vers ce quai. des jeunes hommes pour la plupart. N’ayant pour seule richesse qu’une veste jetée sur le dos. ”  p 25  ” Il y avait là de tout ; des Irakiens; Des Afghans, des Iraniens, des Kurdes, des Somalis. ”  Tous ces pays sont en guerre et pour certains s’ajoutent les famines et les sécheresses . Durant la seconde nuit, l’équipage abandonne le navire et sa cargaison humaine. Le bateau dérivera ensuite trois jours durant lesquels les passagers ne purent ni manger ni boire . Sur 500 passagers, seuls 386 survécurent ( p 28 ) Cette terrible traversée s’inspire bien sûr des récits de migrants ; dans l’intrigue du roman, la femme demande une arme à Piracci afin de se venger : elle veut tuer l’armateur Hussein Marouk , celui qui a affrété le navire , battant pavillon Ouzbek . ce dernier est un homme d’affaires libanais , proche  des services secrets syriens et l’opération est, selon elle, politique; Damas entend ainsi faire comprendre à l’ Europe qu’elle n’a aucun intérêt à faire entendre qu’elle se prononce contre l’occupation du Liban par la Syrie; C’est une sorte de chantage qu’on retrouve , en ce moment , avec la Turquie qui ouvre ses frontières , laissant ainsi des milliers de personnes affluer vers l’espace européen.  ” ils nous ont envoyés sur la mer comme on envoie à son ennemi un paquet contenant  un animal mort; et nous avons payé notre mort.” ( p 33 )

Piracci s’interroge alors sur les vrais responsables de ces atrocités ; qui doit payer ? les membres de l’équipage qui n’ont aucun honneur ? les organisateurs qui exploitent la misère de “pouilleux condamnés à l’agonie ? ”  La femme sait qu’elle va repartir parce que pour elle “ la boucle est bouclée. Vous avez été le premier visage de l’Europe, vous en serez le dernier.” Plus tard, avec son ami Angelo, il essaiera d’imaginer le destin de cette femme et il prendra alors conscience qu’il ne peut plus supporter sa vie  : “Des barques vides . Des barques pleines. La migration des nations” Il décidera alors , à son tour, de devenir un migrant .

Le second chapitre s’ouvre sur les préparatifs du départ de deux frères qui vivent au Soudan : ils font les adieux à leur ville et sont déjà nostalgiques ; la mélancolie de l’exil est un thème majeur chez les migrants qui perdent leurs racines : ” J’ai vingt cinq ans; Le reste de ma vie va se dérouler dans un lieu que je ne connais pas et que je ne choisirai peut être même  pas.Nous allons laisser derrière nous la tombe de nos ancêtres; Nous allons laisser notre nom, ce beau nom qui fait que nous sommes ici des gens que l’on respecte.”..” Là où nous irons, nous ne serons rien; des pauvres, sans histoire, sans argent “( p 44 ) Les deux frères sont conscients des difficultés qui les attendent mais semblent déterminés à partir ; ils pensent notamment à leurs enfants qui seront appelés “fils d’immigrés” mais leurs petits- enfants , eux seront libres , ce “seront des lions au regard décidé ” Soleiman est bien décidé à dire adieu à sa vie et le romancier emploiera les mêmes mots pour évoquer le départ de Piracci  au chapitre VII  ” je suis sur le point de dire adieu à ma vie , pensa-t-il ” . Les deux frères quittent leur maison en emportant “la longue traîne” de leur vie passée, tous leurs souvenirs d’enfance et de famille. On voit bien ici que le départ est un déchirement pour ceux qui laissent leur vie derrière eux .

Au moment où les deux frères se mettent en route, le capitaine sort en mer pour tenter de sauver des migrants  clandestins, pour la plupart “de jeunes chiots de vingt ans partis pour tenter leur chance, ou pour braver le sort “. Leur parcours est tout tracé : centre de détention d’abord et peut être renvoi dans leur pays d’origine. Pour beaucoup d’entre eux, un échec renouvelé qui n’en décourage pas certains.

 Après la séparation des deux frères , en raison de la maladie de Jamal, Le voyage de Soleiman sera mouvementé : il passe d’abord par la Libye, pays frontalier du Soudan ; Il a payé un passeur qui doit l’y conduire en voiture , jusqu’à la ville de Al-Zuwarah où un nouveau réseau de passeurs doit lui permettre d’accéder à un navire en partance pour Lampedusa.  Le trajet en voiture dura deux jours et deux nuits ; ensuite, il dut se cacher , avec d’autres migrants ,dans un appartement vide pour attendre les passeurs  “tout le monde craint de se faire voler; tout le monde est si fatigué que seul le silence convient à notre usure.” Lorsque le camion arrive, Soleiman a vraiment hâte de quitter l’Afrique et il est prêt à travailler comme un chien pour pouvoir envoyer l’argent des médicaments à son grand frère ( p 116 )  Mais subitement le camion s’arrête et les migrants  sont , frappés et dépouillés par les conducteurs armés; Soleiman qui attaque l’un d’entre eux , se retrouve mis à l’écart et roué de coups; Lorsqu’il  reprend conscience et qu’il parvient à se relever , il constate que tous les hommes sont partis sauf un, âgé de 35 ans environ, qui se prénomme Boubakar ; ce dernier  lui raconte qu’il est en route depuis 7 ans . Ensemble, ils décident de choisir une autre voie  que la voie maritime : la voie pédestre, beaucoup plus longue car il leur faudra parcourir des milliers de kilomètres pour  rallier l’Europe par l’Espagne en traversant l’Algérie et le Maroc. Ils vont prendre des camions dans lesquels s’entassent des hommes  qui cherchent à s’enfuir d’Afrique mais également des  Libyens  et des  Egyptiens qui se déplacent de village en village pour vendre leurs marchandises, le plus souvent.  En route pour Ghardaïa, Soleiman réalise qu’ils n’ont presque plus rien  et il décide alors d’agresser un passager, un Algérien nommé Ahmed, pour lui voler son argent au cours d’un arrêt à Ouargla.  Il se sent alors honteux ” je suis une bête charognarde qui sait sentir l’odeur de l’argent comme celle d’une carcasse faisandée”  ( p 146 ) .Soleiman partage l’argent avec Boubakar et lit dans les yeux de ce dernier une étrange tristesse; cet argent volé et obtenu par la violence, va leur permettre d’ économiser des semaines de travail pour payer la suite de leur voyage mais ce geste a ôté au personnage une part de son humanité . Il est devenu l’égal de ceux qui le dépouillent et profitent de sa faiblesse .  “le dégoût s’empare de moi; je suis laid. Je ne suis plus rien, plus rien qui vaille d’être sauvé ” . Les deux hommes vont pouvoir payer leur trajet de Ghardaïa à Oujda et Soleiman va offrir son collier à Piracci qu’il prend pour l’une des ombres du Dieu Massambalo. Il leur reste une dernière étape à franchir : traverser la frontière.

Que sait -on des conditions dans lesquelles ils voyagent ? Avec la chaleur, la peur des contrôles et des barrages, de se faire voler , les hommes dorment peu et mal. Ils sont éprouvés par la promiscuité et l’incertitude de leur sort. Ils montent à bord de camions bruyants et inconfortables  et parcourent des routes poussiéreuses . Souvent, ils sont obligés de mendier dans la rue et craignent que les policiers tentent de les disperser et d’évacuer leurs campements provisoires . Alors ils courent comme des rats dans la nuit pour échapper aux chiens qui les mordent et aux policiers qui les frappent . Cela fait maintenant 8 moi que Soleiman est parti alors que la traversée  par la Libye devait durer moins de 4 jours. Les migrants doivent également se ruer à l’assaut des frontières en franchissant les barbelés; C’est le cas notamment entre le Maroc et l’Espagne pour atteindre Ceuta . ( p 179 ) Il sont plus de 500 entassés dans la forêt : Maliens, Nigérians, Togolais, Camerounais , Guinéens, Libériens et décident de  passer en force et  de construire des échelles pour franchir les barbelés et dépasser les patrouilles de policiers espagnols qui montent la garde. L’assaut est brutal, dangereux et violent. “Nous allons courir comme des bêtes et cela me répugne..le temps de l’assaut nous allons redevenir des bêtes ” (180 ) Les policiers tirent des balles en plastique et les corps sont de plus en plus nombreux dans la bande de terre qui sépare les deux pays; c’est alors que Soleiman aperçoit une brèche dans le grillage et les deux hommes réussissent à ramper sous les barbelés .  Ceux qui ont réussi à passer sont alors regroupés et pris en charge, sur le territoire espagnol  par des associations humanitaires  d’aide aux migrants : ils sont cependant en état d’arrestation et vont être conduits dans un centre de détention . Ils seront ensuite relâchés et libres , explique Boubakar.

Les émigrants continueront à se presser aux portes de l’Europe, toujours plus pauvres, toujours plus affamés . Les matraques seront toujours plus dures mais la course des damnés toujours plus rapide. Un continent est à venir.. Nous laissions là des années perdues dans la misère et les guerres intestines, pensent les personnages à la fin du roman.  Les hommes du continent africain  continueront-ils à se lancer  encore longtemps à l’assaut des frontières de l’Europe ?

Ce roman est donc inspiré de faits réels : Laurent Gaudé a lu des articles de presse et a constitué un fonds documentaire avant d’écrire son roman: il a étudié notamment les itinéraires empruntés par les populations africaines pour passer en Europe, par la mer ou par les terres ; Il se sent préoccupé par le sort des migrants et souhaite changer le regard que nous autres , Européens, portons généralement sur ceux que nous appelons les “immigrés”  ou les clandestins . Ils voyagent et fuient  sans papiers peut être mais ne leur ôtons pas leur humanité ; Ce sont des hommes avant tout et pas simplement des réfugiés ou des étrangers .

01. mars 2020 · Commentaires fermés sur Les derniers mots de Phèdre : lecture linéaire de la dernière tirade de l’héroïne tragique · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: , ,

  Dès sa première apparition sur scène, Phèdre veut mourir pour échapper à sa passion dévorante et interdite. Oenone, sa vieille nourrice, qui a peur pour elle, décide de la faire renoncer à ses noirs projets et réussit à la convaincre de  la laisser mentir  à Thésée . Au début de l’acte IV, Oenone, en brandissant l’épée d”Hippolyte comme preuve accuse ce dernier d’avoir tenté de violer sa belle-mère:  Phèdre ne dément pas. Thésée, furieux, accable son fils et demande à Neptune de le punir. Ce dernier est banni et Phèdre, quant à elle, se sent terriblement coupable d’avoir sali la vertu d’un innocent :elle accuse Oenone et la chasse; Cette dernière se suicide en se jetant dans la mer. Hippolyte dans sa fuite mais il meurt,  est tué par un monstre marin.  le récit de sa mort est relaté par Théramène, son plus fidèle serviteur . C’est en père éploré que Thésée vient annoncer à son épouse la mort de son fils. Phèdre es décide alors à  tout lui avouer.

 En quoi la mort de Phèdre illustre-t-elle le tragique de la passion amoureuse ? L’extrait que nous étudions débute au vers 1622 et se termine au vers 1644.  “De : les moments me sont chers …à toute sa pureté” 

 Juste avant la  dernière tirade, on entend l’aveu de la culpabilité de Phèdre : On note d’abord la fermeté du ton  : – « Non » est son premier mot au vers 1617 et il marque, à la fois , une  rupture et annonce négation. L’utilisation de la forme injonctive avec « il faut » qui est répété deux fois (v.1617-1618) souligne la détermination du personnage qui exécute son devoir .Elle coupe la parole de Thésée qui est dans la lamentation : elle n’a pas le temps d’écouter Thésée et sa douleur car il lui faut agir , et donc parler vite .

L’emploi de l’impératif présent : « écoutez-moi » traduit le fait que Phèdre est consciente de l’urgence de la situation; sa mort est proche, et elle ne peut pas perdre du temps : « les moments me sont chers » reprend cette idée d’urgence . Phèdre vient rendre justice à un innocent : Le champ lexical de la justice : « injuste », « innocence », « coupable », « condamné »  illustre ce point . Avant d’expirer, Phèdre veut rétablir la vérité. On assiste à une sorte de plaidoirie et elle se désigne comme la principale coupable avec une forme emphatique : “ c’est moi qui “qui semble faire peser tout le poids de la culpabilité sur le personnage ; L’objet est séparé du verbe comme pour accentuer l’horreur de son crime “jeter un oeil profane, incestueux. L’adjectif profane rappelle ici qu’elle n’a pas respecté les liens sacrés de la famille : elle a donc offensé les Dieux et son crime s’apparente à une forme de sacrilège. Le contraste est alors maximal entre les deux personnages : l’innocent mort injustement et la coupable dont la vie paraît injuste. L’idée est peut -être de faire davantage accepter cette mort par le public en la justifiant ici de manière naturelle.Ce n’est plus seulement l’héroïne qui cherche à échapper à sa passion en se donnant la mort, c’est une femme criminelle qui mérite de mourir pour le mal qu’elle a fait.  Phèdre reprend alors l’enchainement dse faits qui ont mené à la tragique mort d’un innocent : au  vers 1625 : « le ciel mit dans mon sein » :  les deux métonymies   rappellent l’origine de sa funeste passion, cette malédiction dont elle fut ma victime . C’est une manière de rejeter en partie sa  culpabilité car elle est seulement en position d’objet : « dans mon sein ». Elle se présente,une  fois de plus , victime de cette cruauté des Dieux qui s’acharnent à punir son sang pour une faute commise par les ses ancêtres ( le Soleil, son grand-père qui  a dénoncé les amours secrètes de Mars et Vénus  ) . Ensuite, dans un second temps, le personnage dresse un véritable réquisitoire contre Oenone qu’elle qualifie, au moyen d’ un vocabulaire dépréciatif:  de «détestable», au vers 1628 et de « perfide » au vers 1630. – Elle l’accuse d’avoir “conduit ” la trahison et même d’avoir abusé de la situation car elle se trouvait dans une “faiblesse extrême ”  v 1629 .  Le dramaturge rappelle une dernière fois les circosntances qui ont mené à cet enchaînement tragique : l’aveu de l’amour de Phèdre s’est déroulé alors qu’elle croyait son époux mort et le retour de Thésée a modifié la donne ; le danger , c’est désormais que le jeune homme confie à son père, à son arrivée, les révélations de sa belle-mère; c’est pour prévenir ce danger que la nourrice a alors l’idée d’accuser Hippolyte;  Phèdre peut-elle vraiment passer pour une victime de la fidélité poussée à l’extrême d’Oenone ?  Elle apparaît en position d’objet, comme si elle subissait la volonté de la vieille femme: « abusant de ma faiblesse » tandis qu’Oenone est le sujet de tous les verbes d’action : « a conduit », « a craint », « s’est hâtée »: Phèdre donne sa version de la mort d’Oenone car Thésée voulait la faire chercher ; “elle s’en est punie” : la mort est ici un choix assumé lié sans doute au remords de la nourrice; Ensuite, elle a été chassée par Phèdre qui évoque sa colère “fuyant mon courroux”  Cette réécriture  n’est pas totalement fidèle dans la mesure où Phèdre cache , en partie, sa complicité : elle n’a rien fait pour dissuader Oenone : acte II, scène 4 : elle lui confie en effet  ” fais ce que tu voudras, je m’abandonne à toi/ dans le trouble où je suis, je ne peux rien pour moi” En gardant le silence , Phèdre a une part de responsabilité. Quant à la périphrase qui désigne la mort comme un  « supplice trop doux » , on peut entrevoir le caractère identique de la situation des deux femmes .   

La mort semble cerner le personnage qui évoque  sa première véritable tentative de suicide : lorsqu’elle a demandé à Hippolyte de lui ouvrir la poitrine et, symboliquement de lui percer le coeur; :  « Le fer aurait déjà tranché ma destinée ; Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée » Dans ces vers, Racine rompt avec la tragédie de Sénèque dans laquelle Phèdre se donne la mort avec une épée. Ce refus d’une mort prématurée s’explique par sa volonté de prendre la parole pour rétablir l’innocence d’Hippolyte te le choix du poison peut sans doute renvoyer à cet amour qui l’a littéralement empoisonné. Elle présente Hippolyte comme l’incarnation de la vertu : « la vertu soupçonnée », rétablissant ainsi l’honneur qu’elle a bafoué. On peut aussi penser qu’il s’agit d’une forme de repentir : elle ne peut réparer le mal commis mais elle s’efforce de rendre au jeune homme sa dignité. D’ailleurs elle prononce le terme remords et justifie le délai qu’elle s’accorde pour disparaitre :   elle peut prendre le temps de s’expliquer face à Thésée. Pour le spectateur, c’est aussi l’occasion de découvrir une forme de sacrifice : la précision « chemin plus lent » :  peut être interprétée de deux manières :  on peut, en effet, comprendre qu’elle a agi pour retarder sa propre mort mais cela montre également une forme de souffrance plus longue car on imagine le poison qui se diffuse, goutte à goutte, dans ses”brûlantes veines” . On retrouve également l’image de la descente aux Enfers qui peut évoquer les voyages de  Thésée .
En précisant l’origine du  poison “que Médée apporta dans Athènes »  1638 , Racine introduit une autre figure de femme meurtrière : la magicienne Médée, première femme de Thésée et sorcière qui elle  aussi, sera victime d’une passion pour son  nouvel époux, le perfide Jason, passion qui va la conduire à tuer sa rivale, le père de cette dernière avant d’immoler ses propres enfants .  Les deux figures féminines dessinent une sorte de  filiation,  qui rappelle la dimension monstrueuse de la famille de Phèdre: un demi-frère taureau qui mourra sous les coups de Thésée et une mère, Pasiphaé qui mit au monde un monstre.

 La tirade s’achève avec l’agonie du personnage qui est détaillée : elle indique avec précision l’écoulement du poison dans son corps  Sur scène , le spectateur assiste à chaque étape de sa mort : “j’ai pris, j’ai fait couler » :  la dimension pathétique est mise en oeuvre ici avec le parallélisme de construction ; L’héroïne met en scène sa mort et le dramaturge doit ici, mimer l’agonie. Ce qui explique que le discours de Phèdre se fait moins assuré et un peu plus maladroit comme le montrent les répétitions de l’adverbe « déjà » (1639-1641) :la parole semble se ressentir des effets du poison comme si elle se déréglait. Les conséquences physiques des effets du poison  sont précisées elles aussi :  elle ressent un « froid inconnu »  qui atteste de l’approche de la mort; sa vue se trouble également :  « je ne vois plus qu’à travers un nuage » . La nuit, métaphorique de la fin de la vie, tombe en même temps que le rideau qui viendra marquer la fin du spectacle  .L’ annonce de la mort apparaît encore comme un soulagement  pour le personnage : c’est la fin de  la brûlure incessante causée par la passion amoureuse. Phèdre s’éteint en chrétienne avec  la présence du champ lexical de la réparation de la faute : « outrage », « souillaient ».  La faute est rappelée dans sa double dimension : religieuse et conjugale  : « et le ciel et l’époux que ma présence outrage ». L’héroïne rappelle qu’elle a offensé les Dieux par la faute de ses ancêtres et qu’elle a offensé son époux en laissant condamner un innocent après l’avoir laissé accuser d’un crime odieux. L’imminence  de la mort se lit aussi à travers le champ lexical de l’ombre : « dérobant la clarté », je ne vois plus qu’à travers un nuage » mais cela s’oppose avec avec la lumière retrouvée, celle de la pureté : « rend au jour (…) toute sa clarté ». Ce retour de la lumière peut être interprété comme le signe que, par sa mort, Phèdre atteint la rédemption.

Si on se réfère aux règles du théâtre classique et notamment à la règle dite de bienséance, les personnages ne devaient pas offrir leur mort , à la vue du public: : « Elle expire, seigneur » :ces quelques mots peuvent laisser penser que  Phèdre meurt bien sur scène : cela accentue le pathétique mais aussi le tragique . Cette mort agit presque comme une fin moralisatrice : la passion conduit à la perte, à la destruction et à la mort. Les spectateurs doivent alors se purger de cette émotion.

 En conclusion : La fin répond au début de la pièce où Phèdre apparaissait déjà comme une mourante. Cette mort sans cesse reculée a permis de mettre en scène tout au long de la pièce la honte, la culpabilité et le tragique. Cette agonie du personnage est cependant ambiguë car jusqu’au dernier moment elle ne semble pas vraiment se remettre en question en rejetant la faute sur Vénus ou bien sur Oenone. Par ailleurs, elle ne mentionne pas la mort d’ Hippolyte et ne fait nullement référence au chagrin de son époux.  Elle ne revient que sur son malheur et choisit de quitter la  vie comme on sort de scène , par un dernier éclat .

20. février 2020 · Commentaires fermés sur Le tragique de la mort de Phèdre : une passion mortelle , ingrédient de la tragédie classique ? · Catégories: Première

 Au dix-septième siècle, la tragédie classique propose aux spectateurs des histoires dont ils connaissent déjà la fin . Le mythe permet ainsi au dramaturge de puiser dans une matière préformatée qu’il peut toutefois légèrement accommoder à sa guise . Ainsi Racine , en 1677, met en lumière dans sa  version de Phèdre, le destin cruel de l’héroïne qui annonce sa mort dès son entrée en scène . De la tragédie Anouilh disait ceci, avec beaucoup d’humour : “C’est propre, la tragédie. C’est reposant, c’est sûr… (…) Dans la tragédie on est tranquille. D’abord, on est entre soi. On est tous innocents en somme ! Ce n’est pas parce qu’il y en a un qui tue et l’autre qui est tué. C’est une question de distribution. Et puis, surtout, c’est reposant, la tragédie, parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir”  Au milieu de la seconde guerre mondiale, il met en scène une version d’Antigone , cette jeune fille qui refuse de choisir la vie et qui s’obstine à désirer la mort; A sa manière , Phèdre, elle aussi, se tourne résolument vers une issue fatale. Voyons comment …..

A peine entrée en scène, elle veut déjà mourir pour ne plus souffrir de ce mal d’amour qui l’affaiblit : “Soleil , je te viens voir pour la dernière fois “( 41 ) ; C’est de cette manière qu’elle s’adresse à son grand-père et son attitude résignée fait le désespoir de sa nourrice Oenone : “Vous verrai-je toujours renonçant à la vie / Faire de votre mort les funestes apprêts ? ” Le registre élégiaque est dominant dans les échanges des deux femmes. La nourrice tente de lui rappeler ses devoirs ” De quel droit sur vous-même osez-vous attenter / Vous offensez les dieux auteurs de votre vie/ vous trahissez l’époux à qui la foi vous lie/ Vous trahissez enfin vos enfants malheureux. ” ; on entend ici clairement la condamnation du suicide considéré comme un péché par la religion . La mort semble la seule issue pour le personnage de Phèdre qui ne peut révéler son terrible secret : ” Je meurs, pour ne point faire un aveu si funeste” ; le spectateur aura noté que les aveux ne changeront rien : parole empêchée, ou parole libérée , Phèdre est déjà condamnée et rien ne semble pouvoir faire faiblir sa détermination : pas plus le chagrin de sa nourrice que la pensée de ses enfants ” Quand tu sauras mon crime et le sort qui m’accable/ Je n’en mourrai pas moins, j’en mourrai plus coupable ” Un alexandrin qui affiche le caractère implacable de cette mécanique tragique que rien ne peut enrayer comme le dira Anouilh en 1944″ et voilà maintenant le ressort est bandé ” . Ainsi , Phèdre annonce sa fin inéluctable  et Racine emploie même ici le présent  d’énonciation  qui rend l’action concrète : ” Je péris la dernière et la plus misérable ” annonce-telle au vers 258. Les aveux de Phèdre ne diffèrent que de quelques instants le moment où elle choisira de mourir : ” J’ai pris la vie  en haine et ma flamme en horreur  ; Au vers 308, le dramaturge établit  ainsi le lien entre son amour criminel et son désir d'en finir: l'amour est donc clairement la cause de sa mort et elle prie sa nourrice de la laisser se donner la mort . L'annonce de la mort de Thésée pourtant va faire passer le projet de Phèdre au second plan: sa situation a changé te son amour n'est plus extra-conjugal : ce qui devrait la libérer des interdits de la morale . Elle paraît même suivre avec empressement le conseil d'Oenone : " Vivons..si vers la vie on peut me ramener ” ( 364) L’acte I se clôt sur cette résolution qui est , en quelque sorte, une volte-face.  .

On ne retrouve Phèdre qu’ à la cinquième scène de l’acte II : elle fait face à son beau-fils et lui annonce , sa mort prochaine ” Mon fils n’a plus de père  et le jour n’est pas loin / qui de ma mort doit le rendre témoin” ; elle évoque ainsi  les conséquences de la mort de Thésée: leur enfant est désormais sans défense et Hippolyte pourrait vouloir s'emparer du trône de son père ou éliminer son demi-frère ; c'est à ce moment que Phèdre, emportée par ses paroles , avoue son amour à Hippolyte et aussitôt  lorsqu'elle réalise ce qu'elle vient de faire, , elle le supplie de la tuer pour mettre fin à sa honte et à son déshonneur " Voilà mon coeur, c’est là que ta main doit frapper ..frappe, délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite” . ( 701 et 704 ) L’acte II s’achève avec le départ d’Hippolyte qui vient d’apprendre que Thésée est peut -être vivant .

Le troisième acte s’ouvre sur les reproches de Phèdre qui voudrait être morte et s’en prend à Oenone : elle lui reproche d’avoir voulu la sauver et elle préfèrerait être déjà morte : ”  quand sous un joug honteux, à peine je respire / quand je me meurs ..”  (763 ) Elle a alors l’idée de proposer à Hippolyte de devenir roi à sa place afin de le retenir et de pouvoir ainsi continuer à le voir. Mais le projet de Phèdre est contrecarré par l’arrivée de Thésée : cette dernière résume l’évolution de sa situation de manière lapidaire : “ Je mourais ce matin digne d’être pleurée/ J’ai suivi tes conseils,je meurs déshonorée” ( 838 )  .Sa mort a donc changé de sens mais elle demeure imminente. Le temps dans la tragédie est extrêmement resserré . L’héroïne semble pressée d’en finir “Mourons ” dit-elle au vers 857 ” De tant d’horreurs qu’un trépas me délivre /Est-ce un malheur si grand que de cesser de vivre ? / la mort aux malheureux ne cause point d’effroi. ” ( 859 )  Considérée comme un aveu de faiblesse au début de la tragédie, la mort est ici vue comme une délivrance . Phèdre accepte le mensonge d’Oenone et laisse la vertu du jeune homme souillée . Thésée, quant à lui , est extrêmement déçu par l’accueil qui lui est réservé et il est bien résolu à savoir ce qui s’est passé durant sa longue absence. Hippolyte, innocent, pense qu’il n’a rien à redouter. Il se trompe ..

Comme les trois autres, le quatrième acte débute par une révélation qui va précipiter le dénouement ; Mais le mensonge d’Oenone aura des conséquences imprévues : la mort de Phèdre est cette fois, racontée par sa nourrice sous une forme pathétique  ” Phèdre mourait Seigneur, et sa main meurtrière / éteignait de ses yeux l’innocente lumière j’ai  vu lever le bras/ j’ai couru la sauver ( 1019 ) La servante raconte ici que sa maîtresse a tenté de se donner la mort : elle a une manière bien à elle de présenter les faits. Furieux Thésée chasse son fils et le maudit . Ce dernier proteste de son innocence; En vain ! Il quitte la scène  en insinuant que le sang de Phèdre est criminel .Alors que Phèdre s’apprête à révéler qu’elle a menti, Thésée lui apprend qu’Hippolyte est épris d’Aricie : du coup, elle se tait et souffre d’une jalousie terrible qui lui fait , à nouveau, entrevoir la mort, comme un aboutissement : “la mort est le seul dieu que j’osais implorer/ j’attendais le moment où j’allais expirer ( 1244 ) . Rendue folle sous l’effet de la jalousie, elle souhaite se réfugier dans les enfers car elle se considère comme monstrueuse   “fuyons dans la nuit infernale ” ( 1277 ) Oenone lui rappelle qu’elle n’est qu’une faible mortelle et qu’on ne peut vaincre sa destinée ” ( 1297 ) et Phèdre la chasse en la traintant de monstre .

Le dernier acte débute  par un dialogue entre Hippolyte et Aricie : il lui propose de fuir avec lui et de l’épouser; elle semble y consentir . Thésée, troublé par les paroles d’Aricie qui défend Hippolyte, continue à chercher ce qu’on lui cache et il décide d’interroger Oenone ; le conseiller du roi Panope lui rapporte ses inquiétudes pour l’état de santé de la reine : “Un mortel désespoir sur son visage est peint/ la pâleur de la mort est déjà sur son teint” ( 1463 ) Au moment même où le roi comprend qu’on lui a menti en apprenant la mort d’Oenone qui s’est jetée dans la mer, il tente d’infléchir Neptune qu’il a chargé d’exécuter sa vengeance ; Mais il est trop tard: Théramène vient nous apprendre la mort d’Hippolyte qui a succombé à ses blessures ; Un monstre furieux l’a attaqué et la pauvre Aricie s’est évanouie de douleur; Tout est prêt désormais pour la mort de Phèdre : “le fer aurait déjà tranché ma destinée “, avoue-t-elle au vers 1633. Elle a finalement décidé de s’empoisonner mais auparavant ,elle innocente Hippolyte : “déjà jusqu’à mon coeur le venin parvenu / dans ce coeur expirant jette un froid inconnu..et la mort à mes yeux dérobant la clarté/rend au jour qu’ils souillaient, toute sa pureté ” Ce sont ses derniers mots : elle se définit donc comme une femme monstrueuse , en partie à cause de son sang maudit et également parce qu’elle n’a pas su surmonter son amour criminel .

Sa mort traduit à la fois sa faiblesse face à la force de la passion et la faiblesse de l’individu confronté à un destin qui l’écrase.Il est bien difficile de démêler ce qui l’emporte ici ; le tragique se construit à partir de cette impuissance de l’homme. Les interprétations diffèrent sur la nature du personnage de Phèdre ; certains y voient une chrétienne à qui la grâce  a manqué ; d’autres une femme prisonnière de son désir et qui combat  son odieux amour parce qu’elle a un certain sens moral ;

Phèdre incarne bien l’héroine tragique qui lutte contre son atavisme et son destin . Le tragique provient également de l’aveuglement des personnages en proie à leurs passions , Littéralement, ils ne peuvent plus voir les choses et ils ne peuvent plus se voir: ce qui justifie sur le plan dramaturgique les départs et les exils. Enfin , le tragique passe par la parole : retenue, mensongère ou libérée ; Le tragique est également lié à la mort inéluctable , à sa présence sur scène tout au long de la pièce, comme une menace à peine voilée .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

18. février 2020 · Commentaires fermés sur Quelle vision de l’amour au XXI ème siècle ? Mariage et famille ? · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags:

Aujourd’hui avec l’augmentation du nombre de divorces et les bouleversements liés à l’accélération de nos rythmes de vie, à l’augmentation de notre longévité, aime-t-on de la même manière qu’autrefois ? Comment les individus parviennent-ils encore à concilier leur désir d’épanouissement personnel avec une vie de couple, des contraintes familiales et souvent professionnelles ? Alors que les mariages de raison, imposés par le groupe familial se raréfient , du moins en Europe, on constate que beaucoup de couples sont malheureux ; certains envisagent même des thérapies , des médiations car ils craignent, en se séparant, de briser leur cellule familiale; Comment expliquer cette faillite de l’amour libre et quelles en sont les causes ? Et si l’amour n’était pas fait pour durer ?  Les histoires d’amour finissent-elles mal ne général? Allons faire un  petit tour du côté de la littérature ….

Les romans d’amour nous enseignent le plus souvent la douleur de l’amour et les dangers des passions . Les moralistes classiques mettent l’homme en garde contre les excès en matière de sentiments; L’amour nous rend malade et peut nous faire mourir dans de nombreux cas et particulièrement dans les tragédies te les romans d’analyse psychologique . Les philosophes des Lumières incitent leurs contemporains à faire preuve d’esprit critique et condamnent le libertinage  mais Don Juan , Casanova et les personnages des Liaisons dangereuses fascinent les lecteurs  en transgressant la morale et les codes . 

Stendhal invente alors le concept de cristallisation amoureuse  avec ses couples impossibles . Le siècle suivant  montrera les tourments de  la génération romantique : les héros trainent leurs âmes en peine et les poètes rivalisent d’images sombres : spleen baudelairien, mélancolie de Verlaine, folie avec Nerval , Méditations et lamentations avec Lamartine. On célèbre l’automne, la fuite du temps, le caractère inéluctable de la vieillesse  et on mêle ces thèmes aux déboires amoureux; Les sanglots, les violons et les paysages tristes dominent .   Le réalisme s’intéressera surtout à la puissance du désir et des instincts  en révélant que nous agissons sous l’influence de nos pulsions ;  L’amour peut y mener au crime et on tue souvent par amour : les crimes passionnels intéressent particulièrement les écrivains comme Zola avec Thérèse Raquin ,et La Bête humaine.

La psychanalyse et l’inconscient remplacent progressivement la transcendance et la fatalité des Anciens . L’individu aliéné par son désir , peut tenter de s’en affranchir mais, au même moment, l’amour fou est célébré par les surréalistes qui déclarent leur flamme à travers les images surprenantes de leurs vers libres. Quelle est , de nos jours, la place de l’amour dans la littérature  et comment les écrivains actuels le décrivent-ils ? En soulignent-ils la force ou la faiblesse , les bons ou les mauvais côtés ? Regardons ce  débat entre deux philosophes qui confrontent leur vision de l’amour : écoutons-les et essayons de noter les points essentiels qui les opposent pour pouvoir ensuite ,étendre notre réflexion à certaines oeuvres littéraires contemporaines