Une femme écrivain observe son fiancé en silence . Elle tâche de le respecter. Sa soeur, sa mère et sa grand-mère le lui ont dit : l’amour qu’une femme doit à un homme commence avec le respect et finit avec la soumission . Mais le regard de l’écrivain est implacable . A ses yeux qui scrutent et épient, le fiancé n’a bientôt plus de corps, mais seulement des parties, des humeurs, des couleurs, des odeurs . Et comme elle dissèque mentalement sa carcasse , elle morcelle également son langage. Elle s’arrête sur ses balbutiements, s’attarde sur sa grammaire ou sa prononciation, son ridicule . Son esprit focalisé malgré lui sur tel détail rédhibitoire, elle ne voit plus l’homme. Alors elle le quitte . Pour un autre aperçu dans un café . Mais bien sûr elle emporte avec elle ce regard chirurgical qui la constitue, et auquel ce nouvel amant ne résistera guère mieux .
Ici chaque scène du présent renvoie à des souvenirs familiaux lourds, les mollesses du père se mêlent au grotesque du fiancé, les voix de femmes de trois générations se confondent, dans la transmission maladive de l’incapacité d’aimer .
Dessous , c’est l’enfer est également une mise en abyme du style de Claire Castillon, de son obsession glaciale à tout noter, tout retenir, tout ausculter, quitte à tout détruire . ( Fayard )