William Shakespeare, “Roméo et Juliette”, acte II, scène 2
[ Cette page, écrite par Mme Alberty, est un complément à la séance d’histoire des arts sur les mises en scène de l’acte II, scène 2 de Roméo et Juliette. Les élèves de troisième peuvent la consulter pour enrichir leur projet de scénographie pour le cours d’arts plastiques.]
Roméo et Juliette est la deuxième pièce de William Shakespeare. Le dramaturge anglais a commencé sa carrière au théâtre par deux tragédies, Titus Andronicus (1594) puis Roméo et Juliette (1595). Une des scènes les plus célèbres est certainement la scène 2 de l’acte II, souvent improprement désignée par l’expression “scène du balcon”. Improprement car dans le texte de Shakespeare, il n’est fait mention d’aucun balcon. En effet, la didascalie shakespearienne est la suivante : “Enter Juliet aloft”, que l’on pourrait traduire ainsi : Juliette paraît en haut, c’est-à-dire au premier étage de la galerie. Mais qu’est-ce qu’une galerie dans un théâtre anglais au seizième siècle ? Voici la réponse à cette question en images.
Vidéo 1 : Sam Wanamaker Playhouse
Attention : la vidéo est en anglais… Un riche américain, Sam Wanamaker, a reconstruit à l’identique sur les bords de la Tamise le théâtre de Shakespeare, le Globe. La vidéo a pour but de lever des fonds pour compléter la reconstitution, d’où les plans et les maquettes. Ce qui nous intéresse est la reconstitution, donc le bâtiment déjà construit. En conséquence, je vous propose de faire des pauses régulières en suivant mes indications de temps.
0:31 : regardez la position de Dominic Dromcoole : il est à côté du Globe et tourne le dos à la Tamise. Le théâtre est donc face à la ville : il la regarde mais en est séparé par le fleuve.
0:35 : observez la situation du théâtre : à l’extérieur de la ville, de l’autre côté de la Tamise. Au XXIe siècle, les constructions à Londres se sont considérablement développées des deux côtés du fleuve mais pensez qu’au XVIe siècle, les Londoniens doivent traverser le pont, donc sortir des murs de la ville, pour aller au théâtre.
Première caractéristique du théâtre élisabéthain : être à la marge de la ville.
0:50 : si vous écoutez bien Patrick Spottiswoode, vous entendrez certainement le mot : “Blackfriars”. C’est le nom d’un théâtre privé, établi au cœur de Londres, par opposition aux théâtres publics, comme le Globe, qui se trouvent hors de la ville.
1:10 : vue de la salle de répétition
1:48 : Eh oui, ce théâtre est à ciel ouvert ! Seules les galeries, sur les côtés, sont couvertes. Avant de jouer dans des théâtres construits en dur, les comédiens jouaient dans des cours d’auberge, en plein jour et en plein air. Ils adossaient leurs tréteaux à l’un des côtés d’une galerie, les spectateurs les plus riches s’installaient sur les trois autres galeries qui entouraient les tréteaux, les moins riches étaient debout dans la cour. Cette disposition a été conservée quand les théâtres ont commencé à être bâtis.
Deuxième caractéristique : un théâtre de plein air où les pièces étaient jouées en journée.
3:32 : Zoé Wanamaker est installée à la première galerie, sur le côté. Regardez ce qu’un spectateur, placé à cet endroit, peut voir de la scène .
Vidéo 2 : Roméo et Juliette, acte II, scène 2
Un visiteur du Globe a filmé une répétition de l’acte II, scène 2 de Roméo et Juliette. C’est encore en anglais ! Si vous voulez suivre le texte de la tragédie de Shakespeare, prenez votre manuel p. 259-260. Le début du texte commence à 2:10 et s’achève à 4:10.
00:08 : soyez attentifs à la place des spectateurs : ils sont très proches de la scène, donc très proches du comédien qui incarne Roméo. Celui-ci s’adresse d’ailleurs à eux en faisant des apartés.
00:13 : la scène est légèrement surélevée, les spectateurs sont debout un peu plus bas, au parterre.
00:31 et 1:28 : regardez bien derrière les piliers : vous remarquerez une porte au fond derrière chacun d’eux. Ces deux portes de chaque côté donnent accès aux coulisses. Eh oui, les coulisses ne se situent pas de chaque côté de la scène mais au fond. La porte centrale, elle, sert aux entrées et sorties des personnages.
2:10 : au-dessus de la scène se trouve le premier étage de la galerie – upper stage en anglais -. C’est là que se trouve, par exemple, le balcon de Juliette. Derrière la scène se trouve un second espace, appelé second étage de la galerie. C’est là que se place l’orchestre. Quelquefois, cet espace peut faire partie de la fiction et être investi par les comédiens. Observez bien Juliette au début : elle se trouve sur le premier étage de la galerie, au-dessus de la scène. Derrière elle, au fond, vous remarquez des instruments de musique : c’est le second étage de la galerie.
3:16 : après s’être découvert, Roméo se cache à nouveau derrière un pilier. C’est là qu’il se trouvait pendant que Juliette parlait, mais de l’autre côté de la scène.
3:42-4:10 : soyez sensibles au jeu des comédiens : Roméo lève la tête, se déplace en arc de cercle de l’avant-scène vers le balcon, lève le bras pendant que Juliette s’appuie à la balustrade et regarde en bas : la hauteur et la distance qui séparent les deux amoureux est particulièrement mise en avant.
Troisième caractéristique du théâtre élisabéthain : la scène comporte plusieurs niveaux.
Vidéo 3 : trailer Globe on screen 2014
Le trailer présente trois pièces de Shakespeare jouées au Globe en 2014 : Le Songe d’une nuit d’été, Macbeth et La Tempête. Vous remarquerez qu’au XXIe siècle, on joue de nuit ! Je vous laisse découvrir les trois décors.
00:11 : la scène est filmée en plongée. Vous voyez la pointe qui va jusqu’au milieu du parterre et les escaliers de chaque côté ? Tout est fait pour que les personnages entrent en contact, au sens propre comme au sens figuré, avec le public. Vous remarquerez également que la scène est recouverte par un auvent, ce qui protège les comédiens, mais pas les spectateurs. Je vous rappelle que le théâtre est à ciel ouvert.
00:31 : entrée en scène du personnage par la porte centrale.
00:58 : La Tempête : un personnage lit sur la première galerie pendant qu’une tempête est jouée sur la scène.
Quatrième caractéristique : plusieurs actions peuvent avoir lieu en même temps à différents endroits de la scène. Les rapports entre la scène et le public sont proches.
Vidéo 4 : Roméo et Juliette au cinéma
Les vidéos 4 et 5 sont toujours en anglais ! Suivez en français avec votre manuel : l’extrait reproduit correspond exactement aux scènes filmées.
La sélection de séquences regroupe les versions de Cukor (1936), Zeffirelli (1968) et Rackoff (1976) : les trois réalisateurs ont fait le choix de costumes rappelant la Renaissance, c’est-à-dire le XVIe siècle. Les balcons donnent sur un jardin luxuriant, Roméo semble loin de Juliette et court pour se rapprocher. Cette impression de distance est bien plus difficile à rendre au théâtre. En 1996, Luhrmann choisit de supprimer la verticalité au cœur de la scène : Juliette et Roméo sont au bord d’une piscine. Juliette n’a pas vu Roméo, caché derrière elle. Elle s’adresse aux étoiles. La menace qui pèse sur les deux amoureux s’incarne en l’homme à l’affût derrière des écrans de vidéosurveillance.
La sélection se termine par une captation théâtrale d’une mise en scène de la Royal Shakespeare Company en 2010. La scène est sombre, la verticalité est accentuée par la présence de Roméo dans la fosse. Il se découvre en montant sur scène. S’il porte des vêtements contemporains – pantalon et sweat à capuche – qui insistent sur la jeunesse du personnage, ce n’est pas le choix qu’a fait le metteur en scène suivant.
Vidéo 5 : Roméo et Juliette de William Shakespeare, LCU production, 2007. Roméo (Jérémy Goeckner), Juliette (Kelsey Foster)
Le choix du metteur en scène n’est pas de rappeler la scène élisabéthaine mais d’insister par les costumes et le balcon sur le contexte d’écriture de la pièce : la Renaissance. C’est toutefois une Renaissance revisitée par le sentimentalisme qui est présentée : Roméo, prince charmant, escalade les feuillages pour atteindre sa belle.