Mar
19
2011

Faut-il protéger la nature ?

Les bords de cours d’eau, et les cours d’eau en général, ont été aménagés depuis longtemps, des siècles pour certains d’entre eux. Tous ces aménagements ont modifié fleuves et rivières d’une façon qui est généralement considérée comme négative, c’est à dire allant dans le sens d’une dégradation des écosystèmes. Il y aurait donc aujourd’hui nécessité non seulement de protéger l’existant mais aussi de restaurer ce qui a été dégradé.
L’artificialisation des cours d’eau se traduit d’abord par une modification du chenal lui-même.  Le cours d’eau, continuum de la source jusqu’à la mer, peut être fractionné par les aménagements, comme dans le cas des barrages qui empêchent les poissons et les sédiments de transiter de l’amont vers l’aval et qui, en modifiant fortement les flux, bouleversent les écosystèmes.
Mais l’artificialisation peut également concerner les berges pour des raisons agricoles, pour l’implantation de lotissements ou de zones commerciales, …. Les écosystèmes associés au cours d’eau peuvent ainsi être également fragmentés : sur certains secteurs du Rhône moyen par exemple, les forêts ripisylves se réduisent très nettement entre 1960 et 1990, avec le développement des zones agricoles, industrielles et résidentielles. Les forêts sont fragmentées en îlots ce qui peut limiter par exemple le déplacement de certains animaux.

Des progrès ont été réalisés dans la compréhension scientifique des cours d’eau, dans la façon dont les activités anthropiques les ont impactés et dans les possibilités de réparation. De nouvelles disciplines ont émergé, comme l’écologie de la restauration.
Les associations ont également fortement encouragé cette évolution. On ne voit plus la rivière comme un tuyau qui fournit de l’eau : c’est un écosystème lieu de vie (les poissons, les arbres,…).

La mise en œuvre des projets de restauration s’amorce clairement à partir des années 1980-1990, à la fois dans le milieu scientifique et dans le milieu associatif. A l’origine, la restauration signifiait le retour à un état précédant la perturbation (un barrage, par exemple), l’idée sous-tendant cette restauration étant que l’état précédent était meilleur que l’état actuel car jugé plus naturel, plus dynamique.

En fait, ce n’est pas si simple. Quand on remonte dans le temps, on a déjà des bords de cours d’eau très aménagés.  Dès qu’une société s’installe à proximité d’un cours d’eau, on ne peut plus qualifier celui-ci de sauvage.  Par conséquent, des objectifs comme ceux de l’association Loire Sauvage (contribuer à la conservation d’un état sauvage et naturel), peut paraître amusant : la Loire est un des fleuves français les plus utilisés et les plus aménagés (il y a des traces qui remontent au XIIème siècle et même au Néolithique…). Dans certaines régions (Amérique, Australie), l’arrivée des Européens est souvent considérée comme la date de référence pour retrouver des écosystèmes encore sauvages. Cependant, des études montrent que les sociétés indigènes qui habitaient en Australie ou en Amérique avant l’arrivée des Européens modifiaient déjà leur environnement de façon non négligeable. Ainsi certains Indiens d’Amazonie, en prélevant des espèces, modifiaient la composition végétale des bords de cours d’eau.
Ainsi, les éléments les plus intéressants du paysage sont parfois liés à l’homme. Une des plus belles forêts alluviales du Rhône aval est complètement artificielle : elle a poussé à l’arrière de digues construites aux XIXème et XXème siècles. Son origine est artificielle. La naturalité est donc compliquée à définir. La géographie a un grand rôle à jouer.

L’entretien des ripisylves est également une question intéressante pour illustrer ces notions. Au XIXème, on avait très peu de ripisylve car le bois était utilisé pour se chauffer, pour faire des sabots, pour la construction, … Au cours du XXème siècle, la pression sur ce milieu va changer : sur une grande partie du réseau (hormis là où la pression foncière reste forte), on est passé de milieu ouvert à une forêt beaucoup plus présente, en partie parce que l’on a arrêté de couper la forêt. Cette forêt repousse car elle n’est plus entretenue. Le bois finit par tomber dans le cours d’eau, produisant des embâcles. Ce dépôt de bois est intéressant pour la faune, les pêcheurs le savent : cela crée des habitats intéressants, des zones de repos. La présence de bois dans le cours d’eau est positive pour les écosystèmes aquatiques : du bois dans le cours d’eau, c’est plus d’espèces de poissons et plus de biomasse. Par contre, ces morceaux de bois peuvent provoquer des dommages sur les petits ouvrages, le long des piles de pont par exemple. S’ils sont donc un atout écologique, cette présence de bois peut être problématique en termes de gestion des infrastructures, et donc avoir un coût (par exemple pour EDF). Par ailleurs, la loi impose aux propriétaires riverains l’entretien régulier du cours d’eau, pour contribuer au bon état écologique : cela passe par l’enlèvement des embâcles. Or, comme nous venons de le voir, les embâcles sont favorables à la vie piscicole. On est donc dans une situation contradictoire, la loi ne semblant pas avoir intégré certaines connaissances récentes.

La suppression des barrages, grands ou petits, qui est souvent proposée comme action de restauration des cours d’eau, prend de plus en plus d’importance et représente un autre exemple intéressant. Il y a là un enjeu sur la continuité du réseau hydrographique. Aux États-Unis, on utilise parfois des bateaux pour transporter les poissons de part et d’autre des barrages ! Le transfert des sédiments est un autre problème. Beaucoup de ces barrages ont été construits pour faire tourner des moulins, dans de nombreux cas dès le Moyen Age. Un mouvement de suppression de ces barrages se développe, en particulier aux États-Unis. Le long de la Snake River, les habitants se sont mobilisés pour faire supprimer quatre barrages hydroélectriques afin de restaurer la migration du saumon, pour des raisons économiques. Les trois quarts des 700 barrages supprimés aux États-Unis l’ont été depuis les années 1980. En France, un recensement des obstacles à l’écoulement ou au passage des poissons indique qu’il y a plus de 60 000 obstacles, du grand barrage au petit clapet. Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, il a été décidé qu’il fallait en “dé-aménager” 1 200 d’ici 2012.  Ces restaurations ne font pas que des heureux : peur de l’inondation, disparition d’une base nautique située sur le lac de retenue,… Depuis que les barrages ont été créés, des nouvelles pratiques se sont développées autour de ceux-ci. Les gens s’y sont attachés et ont l’impression d’avoir toujours pratiqué ces activités associées au plan d’eau.

Notons également que la recherche d’informations par les populations qui s’opposent aux projets de suppression des ouvrages est de plus en plus poussée. Les riverains et les usagers se renseignent beaucoup sur Internet, auprès d’associations, … et utilisent dorénavant des informations très pointues. Un exemple typique : on envisage dans le cas de la Sélune de retirer des seuils de moulins (présents depuis le Moyen-âge) pour reconstituer les stocks d’anguilles qui diminuent depuis une trentaine d’années ; certains riverains s’interrogent sur l’efficacité de ces mesures  et d’eux-mêmes conduisent des études sur les pollutions qui ont pu affecter la rivière.

Cette question de la suppression des ouvrages pose de nombreuses autres questions pour lesquelles nous n’avons pas toutes les réponses scientifiques : ne facilite-t-on pas la dispersion des espèces exotiques en supprimant ces obstacles ? De même, à l’amont des plans d’eau, dans des espaces particulièrement humides, une végétation peut se développer, des micro-deltas peuvent se former d’une grande richesse écologique ; détruire le barrage, c’est perdre ce potentiel.
Comment concilier les différents enjeux ? Il y a également des ambiguïtés apparentes : faut-il développer les énergies renouvelables, dont l’hydroélectricité fait partie, ou supprimer les barrages pour restaurer les cours d’eau ?

J’ai trouvé ça sur:http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=2047

Aylan

Ecrit par Ayllan dans : Réflexions sur la planète |

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