L’artiste du jour : Carine Kermin
Carine Kermin est écrivaine de plateau, danseuse et chorégraphe. Elle a travaillé cette année avec les élèves de la CHAAR qui l’ont interviewée.
– Comment te vois-tu ?
Je suis très déterminée, frondeuse, pleine d’énergie et facétieuse. J’aime la vie passionnément, l’humanité, l’amour, l’amitié, les arts, les voyages, les relations humaines, la nature, la littérature… Je suis avide d’apprendre, curieuse de tout même si certains sujets me passionnent moins. Je veux toujours comprendre les choses, les gens. J’adore mon métier qui me passionne plus que tout. Je suis heureuse d’avoir fait ce choix envers et contre tout il y a vingt ans.
Je pense qu’aujourd’hui, je me connais bien. Ce métier te permet de travailler sur toi, aussi. Je sais que je suis exigeante envers moi-même et les autres. Je pense que c’est pas toujours facile d’être à mes côtés parfois, je prends de la place et je peux être radicale. Je prône l’authenticité, la générosité, l’effort, la bienveillance. Ce sont mes valeurs suprêmes. J’essaie d’aller vers ce chemin dans la rencontre avec les autres.
– Comment vous êtes-vous rencontrés Nicolas et toi ?
Nous nous sommes rencontrés avec Nicolas Beauvillain par l’intermédiaire de Bruno de Beaufort, le directeur du CNAREP de la Rochelle. Il nous a choisis pour être les artistes associés à ce projet de la CHAAR. Nous nous étions croisés auparavant comme nous évoluons dans le milieu artistique mais nous ne nous connaissions pas.
– Pourquoi as- tu choisi d’être artiste de rue ?
J’ai d’abord choisi d’être artiste ce qui n’était pas simple vu d’où je venais. Comme je le disais auparavant, ce fut un choix à l’encontre de celui de mes parents… Il m’a donc fallu de la pugnacité pour y arriver. La rencontre avec les arts de la rue s’est d’abord faite avec des compagnies dont j’ai croisé le travail : la Cie Ecart en danse, la Cie Carabosse, la Cie Rosen’co avec qui j’ai fait mon premier spectacle en septembre 2001 aux Accroches Cœurs à Angers. Puis très vite, en 2003, j’ai monté ma propre compagnie, Mastoc Production, avec deux compagnons de route Vincent Gillois et Anne-Sophie Alland. Nous avons réalisé des spectacles sur scène mais, comme nous avons travaillé des formes dont le rapport au spectateur est propre aux arts de la rue, notre réseau s’est ouvert. Mon solo « Variation poétique pour une personne » est un concept dansé pour un spectateur à la fois qui dure sept minutes. Ça a tourné quatorze ans et ça nous a fait beaucoup connaître dans le milieu des arts de la rue. Je dois beaucoup à l’atelier 231, à Daniel Andrieu et à Anne le Goff qui nous ont programmés avec cette pièce et accompagnés de suite avec toutes les autres pièces. Bruno du CNAREP m’a découverte aussi avec «Variation» à Aurillac. Nous ne connaissions que peu de monde dans ce milieu à cette époque et d’un coup, la jauge du public ne s’est fermée qu’aux professionnels. Puis il y a eu la presse, le bouche à oreille et ça nous a propulsés… Ça nous a confortés dans notre écriture et on a développé notre travail artistique au fur et à mesure des années. Nous sommes devenus une compagnie identifiée au niveau des arts de la rue nationalement et internationalement. Mais il faut toujours prouver, œuvrer car le travail d’une compagnie n’est pas linéaire et la vie est mouvement… Je suis retournée sur des scènes jouer d’autres styles de théâtre et la rue m’a manqué. Je crois qu’il y a une vraie dépendance quand on y a goûté, un rapport au public unique, vrai et tellement intense. Et puis se frotter au bitume, aux éléments, c’est jouissif mais parfois c’est dur… Jouer dehors, en espace public, faut y aller. Pas de demi-mesures, tu dois te positionner et batailler pour exister aussi fort que les éléments, c’est un défi et une aventure à chaque fois. Rien n’est gagné…
– Quel art de la rue que tu ne pratiques pas préfères-tu ?
J’adore le cirque… Forcément, j’aime ce qui a trait au corps, au mouvement, à la performance donc je suis très sensible à ce que développe aujourd’hui les jeunes circassiens. Je les trouve très inventifs, audacieux en mêlant les disciplines tous azimuts (cirque, danse, théâtre, musique, clown) et techniquement de plus en plus forts. Ils m’impressionnent dans leur créativité et dans leur ingéniosité.
– Quels sont les moments les plus durs quand on est artiste de rue ?
Y’en a quelques-uns… Les aléas des intempéries… Jouer dans le froid, sous la pluie, dans un courant d’air, sur un sol trempé sur lequel tu peux te blesser… Ça, ça peut devenir épuisant physiquement et psychologiquement. Tu n’es pas protégé comme dans une boite noire. Il faut t’installer avec ton décor parfois c’est lourd, t’es épuisé avant même d’avoir joué. Parce qu’en rue, tu mets la main à la pâte sur tout. Et en plus, quand tu diriges une compagnie, tu dois être au taquet, vigilant depuis la mise en place jusqu’à la fin du jeu en passant par la gestion de ton équipe et gérer tout en amont et en aval. Mais ça, c’est pour tous les directeurs de compagnie, rue ou salle. Je crois que c’est le manque de confort parfois qui est rude mais ça fait partie du jeu et du choix surtout de jouer en espace public.
Pour aller plus loin
N’hésitez pas à aller voir le portrait dansé de Carine publié par le CNAREP-Sur le pont.