Cet article provient du numéro d’Alternatives Economiques d’octobre 2015. Son auteur Christian Chavagneux – éditorialiste du journal – y parcourt les raisons qui ont conduit la réserve fédérale américaine à repousser la date de relèvement de ses taux d’intérêt directeurs. Il montre ensuite pourquoi cette décision est vraisemblablement la bonne, avant d’énumérer les possibles conséquences d’une remontée des taux.
Le mandat de la FED est d’assurer le plein-emploi et d’encadrer l’inflation autour des 2%. Ces deux conditions n’étant pas réuni, l’organisation présidée par Janet Yellen a décidé de maintenir sa politique monétaire d’expansion qui vise à soutenir l’économie américaine. En effet, si le taux de chômage des Etats-Unis s’établit autour des 5% il est en réalité plutôt de l’ordre de 10% si l’on tient compte des emplois précaires subis. En ce qui concerne l’inflation, les salaires n’augmentant que très peu, celle-ci peine à franchir la barre des 1,5%. Cette faiblesse de l’économie américaine additionnée au ralentissement de la croissance chinoise et le risque qui en résulte pour l’économie mondiale ont alors convaincu les banquiers centraux d’attendre pour relever les taux.
A la vue de ces arguments, la décision de la réserve fédérale semble tout à fait légitime. La croissance américaine n’est pas encore assez robuste pour s’entretenir d’elle-même, sans une politique monétaire qui l’encourage. De plus, un relèvement des taux aurait pu porter atteinte à l’économie mondiale. Cette décision aurait en effet pu avoir des effets désastreux pour les pays émergents et particulièrement ceux déjà touchés par la chute du cours du pétrole. Une hausse des taux d’intérêt directeurs aurait conduit à une appréciation du dollar américain qui attirerait alors les investisseurs des pays émergents en recherche de lucrativité. Les capitaux ayant alors fui les pays en développement, ces derniers verraient leur monnaie se déprécier ce qui nuirait à leur économie et provoquerait des troubles financiers dont l’économie mondiale se passerait bien. Quant à l’argument qui consiste à dire qu’il fallait remonter les taux pour éviter les dérives spéculatives sur les marchés financiers, ce sont plus les réglementations qui sont en cause ici que les taux de prêts aux banques.
Toutefois, à terme, la remontée des taux est inévitable. Des taux d’intérêt directeurs faibles répondent à une situation de crise qui ne peut perdurer éternellement. En théorie, cette remontée devrait alors se répercuter sur les prêts faits aux ménages et induirait une économie qui s’auto-entretiendrait grâce à une inflation maîtrisée et un taux de chômage bas. Cependant, pour certains, la politique de relance monétaire américaine a été tellement importante que les répercussions sur l’économie réelle tarderont à arriver. D’autres, estiment que les marchés risquent de surréagir et de faire s’envoler les coûts de crédit ce qui nuirait à une reprise pérenne de l’économie américaine.
Christian Chavagneux conclut son article en expliquant que la banque centrale a plutôt bien réagi à la situation économique mondiale et qu’elle doit désormais attendre de voir comment la conjecture va évoluer pour prendre de nouvelles décisions.