Le lundi 1er février 2016, la course à la Présidentielle américaine débutait dans l’Iowa, petit Etat de 3 millions d’habitants. Du côté républicain le fantasque Donald Trump semblait favori, talonné de près par l’ultraconservateur Ted Cruz sénateur du Texas. En ce qui concerne les démocrates, si Hillary Clinton était toujours donnée gagnante à la veille du caucus elle doit toutefois faire face à un adversaire politique de taille qui a su rassembler un large électorat autour de sa campagne ; Bernie Sanders. A l’aide d’un article du journal New-yorkais Rolling Stones relayé en août dernier par le Courrier International n°1294, nous allons nous efforcer de faire le portrait de ce candidat assez atypique tant dans son parcours que dans ses propositions politiques.
Fils d’une famille juive, Sanders a grandi dans le quartier ouvrier et cosmopolite de Flatbush à Brooklyn où il côtoie Italiens et Irlandais. En 1968, il quitte définitivement son Brooklyn natal pour s’installer dans le Vermont aux côtés de sa première épouse. Bernie Sanders a alors les cheveux longs et un goût marqué pour la “contre-culture”. Selon ses amis, il n’est pas pour autant un hippie – ces jeunes adeptes du mouvement “retour à la terre”. Il jongle entre les petits boulots comme celui de menuisier et s’intéresse à d’importantes figures socialistes comme celle de Eugene V. Debs, un syndicaliste maintes fois candidat aux élections présidentielles. A la fin des années 1960, il présentera sous une étiquette socialiste sa candidature au sénat et au poste de gouverneur, en vain. En 1981, un ami le convainc de se présenter aux élections de la mairie de Burlington, plus grande ville du Vermont. Alors parfait inconnu, il se présente cette fois sans étiquette face au maire démocrate sortant de six mandats. Contre toute attente, il l’emporte de 10 voix. Sa carrière politique est alors lancée.
La formation peu orthodoxe de Sanders contribuera à façonner sa politique et ses idées. Il se veut socialiste et s’inspire des pays scandinaves pour développer ses propositions. Il propose ainsi la mise en place de “généreux programmes sociaux” financées par une hausse des prélèvements obligatoires sur les entreprises et les ménages les plus riches ainsi que par une baisse de certaines dépenses dans le domaine militaire notamment. Concrètement, il voudrait mettre en place un salaire minimum à 15 dollars de l’heure, la séparation entre banques d’affaires et banques de dépôts, la gratuité de l’enseignement dans toutes les universités publiques, la taxation des émissions de CO2 pour promouvoir la transition énergétiques, la gratuité et l’universalité de l’éducation pour les moins de 5 ans, l’indemnisation des congés maladies ou encore deux semaines de congés payés pour l’ensemble des travailleurs américains. Ces propositions plutôt singulières aux Etats-Unis révèlent la volonté affichée par Sanders de bouleverser le système politique. Il est toutefois important de noter que le maire de Burlington ne reste pas moins un candidat pragmatique. Par exemple il est l’un des fervents défenseurs du port d’arme, la puissante National Rifle Association l’ayant soutenu au début de sa carrière politique.
Tous ces éléments expliquent l’engouement médiatiques qu’il s’est créé autour de Bernie Sanders. Pour les jeunes, il est porteur d’un nouveau message audible. Si sa personnalité est plaisante, il n’hésite pas pour autant à porter le débat autour des questions de fonds plutôt que sur le charisme de chacun des candidats. Ce personnage qui a “le don d’ensorceler son auditoire” s’est lancé dans la course à la présidentielle avec l’ambition de l’emporter et non dans l’unique optique de tirer Hillary Clinton vers la gauche. Il estime qu’en se concentrant sur le volet économique il a ses chances. Certains sujets tels que le salaire minimum, l’égalité salariale homme-femme ou la création d’infrastructures génératrices d’emplois faisant consensus selon lui. L’immigration ou l’avortement sont au contraire des questions que le sénateur du Vermont aborde peu. S’il a fait ce choix c’est qu’il est convaincu que le thème des inégalités, en perpétuelle hausse aux Etats-Unis où les 1% les plus riches possèdent autant que les 90% les moins favorisés, est celui qui importe le plus pour les électeurs. Il a donc proposé une série de mesures dites socialistes pour répondre à ces problèmes. Sa campagne semble en tout cas porter ses fruits puisque grâce à des centaines de petits donateurs il a réussi à amasser un budget de campagnes aussi importants que celui de son adversaire républicain et ses généreux mécènes.
Le parti démocrate annonçait le mardi 2 février 2016, la victoire d’Hillary Clinton dans l’Iowa de seulement 0,2% des suffrages exprimés. Cet écart si faible, encore impensable il y a quelque mois, entre Berniers Sanders et l’ex vice-présidente montre à quel point le candidat ouvertement socialiste a su convaincre. Aujourd’hui ils semblent avoir tout deux de fortes chances de remporter l’investiture démocrate. Et si l’ancien New-yorkais ne bénéficie pas de l’expérience politique de la famille Clinton, il pourra à coup sûr s’appuyer sur son discours novateur qui saura fédérer autour de son personnage.