Regard de Charly Bost sur les suivis réalisés lors de cette mission

11 03 2011

“Cette année, des Manchots royaux ont pu être équipés de balises Argos et de GPS, permettant la localisation précise de leurs
déplacements alimentaires à très grande échelle.
Les Manchots royaux sont des athlètes hors pairs, capables d’aller régulièrement à chacun de leur voyage alimentaire (qui dure entre 12 et 25 jours habituellement), à plus de 450 km, dans les eaux du front polaire.
Cette « barrière océanographique » est la limite d’influence des eaux de l’antarctique et abrite des stocks de ressources importants. Accomplies à la nage, dans l’océan Austral souvent démonté, ces performances sont encore plus étonnantes lorsqu’on sait que ces manchots accomplissent plusieurs dizaines de grandes plongées par jour, pouvant dépasser 300m.
Cette année, les manchots ont été plus loin que d’habitude. Certains comme le manchot baptisé “Crush” par le programme Argonimaux (et A2 par l’équipe du 394), est allé à plus de 780 km pour pêcher sa nourriture. La présence d’une anomalie chaude dans l’océan Indien, au nord de Crozet en est probablement la cause. Le suivi par balises Argos des Manchots royaux a
été lancé à Crozet il y a près de 20 ans. Un tel suivi fournit aux scientifiques une base de données unique pour étudier les déplacements interannuels des manchots en rapport avec la distribution de leurs principales proies, les poissons lanternes. Ces minuscules poissons (1 à 9g) sont à la base de l’alimentation d’une grande partie de la biodiversité des prédateurs marins  de cet océan (pétrels, otaries, éléphants de mer,..).  L’étude de ces trajets en mer est en train de permettre aux scientifiques du CNRS de Chizé de modéliser l’impact du changement climatique sur les manchots et leur survie. Les premières analyses sont pessimistes : si les eaux sont réchauffées dans le prochain siècle comme l’indique les modèles climatiques, les manchots devront aller beaucoup plus au sud,  400 km plus loin, ce qui va doubler leurs voyages en mer. Or, si les manchots restent trop longtemps en mer, ils reviendront trop tard à la colonie pour nourrir à temps leurs jeunes qui mourront d’inanition. La population de manchots de Crozet, une des plus au nord de l’aire de répartition, devra émigrer à moyen terme pour survivre, dans des localités plus au sud, comme Kerguelen ou la Péninsule Antarctique. ”

Charles-André BOST, Chargé de Recherche au CEBC.

Responsable du programme de recherche N° 394 : “Oiseaux plongeurs”, soutenu par l’Institut Polaire Français, mené dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises.



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