La colonie de Manchot royaux occupe entièrement la plage et les premières centaines de mètres de la vallée. C’est la “Grande manchotière”constituée de 20 à 30 000 manchots royaux.
Le manchot royal et son poussin, Crozet janvier 2011. © A.Joris
Plusieurs autres espèces d’oiseaux fréquentent aussi la crique, toutes ou presque étant intimement associées à la présence des manchots. Il y a les Chionis (ou Bec-en-fourreau), drôles de petits oiseaux blancs de la taille d’un pigeon, très curieux et voleurs. Ils courent partout entre les manchots, entre les jambes des scientifiques, entrent dans les locaux pour y voler un crayon, donnent des coups de bec à une paire de jumelles qui traîne ou sur les bottes d’un chercheur assis sur la plage. Ils se nourrissent de tous les petits déchets associés à la présence des manchots : oeufs cassés, fientes, bouts de cadavres. Ils ont donc un rôle important de nettoyage de la colonie.
Les Chionis, Crozet janvier 2011. © A.Joris
Deux autres espèces ont également un rôle prépondérant dans la bonne santé d’une colonie de Manchots royaux : le skua (ou Labbe subantarctique) et le pétrel géant (en fait deux espèces : Pétrel géant antarctique et Pétrel géant subantarctique, on ne les différencie que par des détails de plumage).
Le Pétrel géant, Crozet janvier 2011. © A.Joris
Le skua se charge d’évacuer les oeufs abandonnés et les petits poussins morts, dont il se nourrit. Il ne volera pas un oeuf ou un poussin couvé par un manchot adulte, ceux-ci sont inaccessibles dans la poche incubatrice du manchot qui défendra férocement son unique petit. Quant au pétrel géant, son rôle est plutôt de débarrasser la colonie des cadavres de manchots adultes ou de poussins de grande taille. Il lui arrive aussi d’abréger les souffrance d’un manchot malade et devenu incapable de se défendre. Par contre il n’aura aucune chance de tuer un manchot en bonne santé, il se prendrait de violents coups de bec qui auraient vite fait de le décourager. Lorsqu’un manchot meurt, la curée des Pétrels géants a très vite fait de nettoyer entièrement le cadavre, dans un ballet très impressionnant de grognements, de sang, de tripes et de coups de becs, les pétrels étant très agressifs les uns envers les autres quand vient ‘heure du repas.
Le skua ou Labbe subantarctique, Crozet janvier 2011.© A.Joris
Ces trois espèces, Chionis, Skua et Pétrel géant, sont donc les nettoyeurs et charognards indispensables à la bonne santé d’une colonie de manchots royaux comme celle que l’on trouve dans la baie du Marin. Sans eux, les oeufs abandonnés et les cadavres pourriraient au milieu de la colonie et mettraient en péril la bonne santé des autres manchots.
D’autres oiseaux fréquentent la Baie du Marin… Le manchot papou et le Gorfou macaroni. Alors que le Papou est présent tous les jours (quelques dizaines d’individus, qui se tiennent généralement à l’écart des Manchots royaux), le Gorfou quant à lui est un visiteur plus irrégulier.
Le manchot papou(Pygoscelis papua), Crozet janvier 2011. © A.Joris
En d’autres endroits de l’archipel par contre il peut être extrêmement abondant et ses effectifs à Crozet se situent entre 2,4 et 3,9 millions de couples soit deux à trois fois plus que les effectifs de Manchot royal.
Le Gorfou macaromi, Crozet janvier 2011. © A.Joris
Il existe une seule espèce de goéland/mouette à Crozet : le Goéland dominicain. Ce n’est pas un endémique puisque cette espèce opportuniste est présente sur toutes les côtes de l’hémisphère sud, et jusqu’en Antarctique.
Le Goéland dominicain, Crozet janvier 2011. © A.Joris
Par contre ce sont deux espèces de sternes qui nichent à Crozet : la Sterne antarctique, largement répandue sur pratiquement toutes les îles subantarctiques et la très rare Sterne de Kerguelen. Les effectifs mondiaux de cette dernière s’élèvent à seulement 2500 couples, dont 80% sur Kerguelen et le reste sur les îles Crozet et Marion. Les milliers de chats (sans doute plus de 10 000) présents sur les îles Kerguelen constituent une grave menace pour tous les oiseaux marins de petite taille, ayant déjà exterminé des millions de petits pétrels.
La Sterne de Kerguelen, Crozet janvier 2011. © A.Joris
Ces deux sternes fréquentent la Baie du Marin en petits nombres. Elles adoptent un comportement différent, celui de la Sterne de Kerguelen ressemblant plus à celui d’une guifette qu’à celui d’une sterne (les ornithos sauront ce que je veux dire !). Leur période de nidification diffère également, puisque si la Sterne antarctique est en pleine incubation en ce moment, celle de Kerguelen a terminé de se reproduire et arbore déjà son plumage hivernal, au front blanc caractéristique.
La sterne antarctique, Crozet janvier 2011. © A.Joris
L’oiseau le plus discret de la baie du Marin est lui aussi un endémique des TAAF (Crozet et Kerguelen uniquement): c’est le Canard d’Eaton. On dit ici que c’est le canard « le plus lourd du monde ». Je vous laisse comprendre pourquoi … Plus sérieusement, ce canard autrefois chassé par les membres des expéditions subantarctiques ressemble beaucoup à notre Canard pilet mais en nettement moins coloré, surtout à cette saison quand les mâles sont en plumage d’éclipse. La population de Kerguelen est elle aussi très menacée, pour le même motif que la sterne dont je parlais plus haut : les chats, oubliés sur l’île par nos prédécesseurs du 20ème siècle. En Baie du Marin, nous ne voyons pas le Canard d’Eaton tous les jours. Un ou deux couples se montrent de temps en temps.
Le canard d’Eaton, Crozet janvier 2011. © A.Joris
Voilà pour la seconde partie de la présentation des oiseaux de la Baie du Marin. Il y manque encore les trois espèces qui nichent un peu plus haut sur les pentes herbeuses : Albatros hurleur, Albatros à dos clair et Pétrel à menton blanc. J’y reviendrai ultérieurement, ainsi que sur un autre endémique : le Cormoran de Crozet.
A très bientôt
Antoine.