Sylvain Coher est venu rencontrer les élèves de 1ère L au lycée le 10 mars 2016 pour évoquer son roman, Nord-nord-ouest, paru en janvier 2015 chez Actes Sud pour lequel il a reçu plusieurs prix dont le prix Ouest France Étonnants Voyageurs – 2015. (Voir la page que l’éditeur lui consacre.)
Retour sur ce moment privilégié au cours duquel les élèves sont littéralement tombés sous le charme de ce quadragénaire issu d’un milieu modeste, qui a grandi en Bretagne et y a fait du bateau avec son grand-père, héritage familial qui lui a non seulement permis de sortir de sa solitude pudiquement exprimée à l’aide d’une métaphore – « c’était comme une fenêtre qui s’ouvrait sur le monde » – mais aussi donné l’envie d’enseigner la voile alors qu’il cherchait un moyen pour financer ses études de lettres modernes. Puis il a successivement et parfois simultanément été libraire, éditeur, maçon et demandeur d’emploi.
Sa relation à l’écriture
Il est féru de lecture depuis son plus jeune âge et attaché aux textes patrimoniaux, entre autres pour sa formation d’écrivain, tels que Les leçons américaines d’Italo Calvino (disponible au CDI du lycée), ouvrage essentiel selon lui pour « les novices en écriture ». Parmi ses autres auteurs élus, il évoque spontanément Juan Carlos Onetti, pour Ramasse-Vioques (1964) et Le Chantier (1961), ou Herman Melville avec Moby Dick et Victor Hugo, à qui il voue une réelle admiration pour son « art du langage moderne ». Enfin, il nous informe porter maintenant un autre regard en tant qu’adulte sur les ouvrages qui l’ont nourri, en précisant qu’« un livre n’a pas la même saveur en fonction de la période à laquelle on l’a lu ».
Sylvain Coher n’a pas de peine à capter son auditoire, immédiatement séduit par son naturel et sa capacité à transmettre son plaisir de la lecture et de l’écriture. Il nous confie avoir mis à profit ses longs moments d’oisiveté pour lire et a écrit son premier roman dans sa chambre d’internat « à la fois par jeu et par ennui,» alors qu’il était surveillant d’internat dans un lycée de Rennes.
Son statut d’écrivain
Avant d’accéder à ce statut, il a été libraire, puis a travaillé durant deux années chez un petit éditeur de poésie, se convainquant qu’il « allait lui-même devenir éditeur ». Pour ce faire, il choisit une formation technique d’un an à Nantes, ville dans laquelle il a fait un stage chez un éditeur dans lequel il lisait des manuscrits en exerçant simultanément le métier de maçon pour gagner sa vie. A cette période, il a volontairement laissé sur la pile des manuscrits à découvrir, un livre qu’il avait écrit dix ans auparavant et qui lui a valu la récompense d’être publié grâce à son entêtement et ce désir profond pour l’écriture qui ont fini par payer : il n’avait rien à perdre ce jour là, surtout que depuis, il a toujours été publié !
Il a également écrit pour le théâtre et l’opéra (Trois cantates policières, Actes Sud, 2015) et intervient depuis une quinzaine d’années lors de lectures publiques ou de rencontres et anime régulièrement des ateliers d’écriture.
Ses thèmes de prédilection
La mer est un sujet qui le touche personnellement, compte tenu de la relation qu’il a développé avec elle, dans le cadre notamment de son métier de moniteur de voile.
Il est également séduit par les adolescents et notamment l’inconscience de la jeunesse et les thématiques de la fuite et du passage (les frontières et les limites).
Dans son roman, Nord-nord-ouest, démarré en 2011, il nous confie ne pas avoir souhaité influencer les lecteurs, d’où une forme « d’indéfinition » avec « quelques indices et le choix de l’anonymat pour ses trois personnages », à savoir, deux garçons âgés de 21 ans (Lucky et le Petit) qui vont rencontrer une bourgeoise de ST Malo, (la Fille) qui les rejoint pour échapper à l’ennui.
Ces trois personnages vont être confrontés à l’épreuve océanique qu’ils ne maîtrisent pas et leurs certitudes vont s’effondrer. L’auteur est parti d’un fait divers lu et conservé dans un carnet de notes, le vol d’un bateau sur la côte nord de la Bretagne, bateau récupéré en Irlande, sachant qu’à cette époque Sylvain Coher possédait un petit voilier à proximité de ST Malo.
Ce voyage initiatique qu’il a tenté de reconstituer à partir du voilier qui lui était familier, le Slangevar, n’est-il pas proche de sa propre destinée, qui a basculé au moment où « il allait devenir maçon, alors qu’il a raté sa formation d’éditeur et qu’il a fini par devenir écrivain » ? Une histoire qui nous indique que notre intuition peut parfois nous réconcilier avec nos rêves d’enfants.