Mardi 4 juin 2019, les élèves de 1ère L ont rencontré l’écrivain Omar Youssef Souleimane*. Voici le regard de Rose sur cette rencontre :
“Omar Youssef Souleimane nous a tout de suite tutoyés et nous a raconté des bribes de sa vie d’écrivain. Il vient d’une famille où chacun est une photocopie de l’autre, dans le sens où tous les membres de sa famille ont étudié et travaillent dans des domaines scientifiques. Or, bien qu’il ait également passé un bac scientifique, il a toujours préféré la littérature. La société syrienne ayant “un regard” constant sur ses habitants, il était inacceptable pour les parents d’Omar qu’il fasse des études littéraires. Ça ne l’a pourtant pas empêché de partir dans une université qui rencontrait ses envies. Sa famille n’a pas apprécié. Pour elle, un “intello scientifique” est plus intelligent qu’un professeur de français. Il nous raconte qu’ensuite il est devenu journaliste, ce qui est pour lui un “métier excitant”. Il ne regrette rien car, dit-il, “quand on aime quelque chose, on s’en fout des autres”.
Apprendre le français avec Plus belle la vie
Arrivé en France en 2012, il a appris le français très vite, mais ça n’a pas été facile car notre langue n’a rien de similaire à l’arabe. Il a surtout des difficultés avec les déterminants : “j’avais le vertige” dit-il. Sa technique pour ne pas faire d’erreur ? Acheter tout par deux (c’est ce qu’il fait à la boulangerie : « deux baguettes, s’il vous plaît »). Pour améliorer son français il a avoué regarder Plus belle la vie à la télévision. On peut comprendre que son vocabulaire lui vient de ce qu’il entend autour de lui… genre, il parle comme nous, les ados, et s’exprime dans un langage plus familier que soutenu. Cependant, il maîtrise la langue, et son éditrice a exigé de lui qu’il réécrive lui-même son livre, Le Petit terroriste, en français.
Écrire est pour lui un moyen de comprendre ce qui lui est arrivé. Il nous confie que dans le monde arabe, les médias véhiculaient une bonne image de Ben Laden, image malheureusement fausse. Il a commencé à se poser des questions sur sa religion. Il a relu le Coran sans préjugés et pris ses distances avec la religion. Il nous pose d’ailleurs cette question : “A-t-on le droit de critiquer tout ce qu’on veut ? »
Penser en français et rêver en arabe
Il pense en français et rêve en arabe, car c’est la langue de sa mémoire. Mais il s’énerve toujours en français. Selon lui, c’est une langue “tellement mignonne”, même si, en arrivant à Paris, la première phrase qu’il a entendue et réentendue un peu partout a été : “putain ! fait chier, j’en ai marre!”, phrase qu’il a apprise par cœur sans en comprendre le sens. Les premières choses qui lui venaient à l’esprit quand il pensait à la France étaient le fromage, le vin, les vêtements chics et le parfum. Il dit, “les souvenirs restent dans la tête toute la vie”. Il fait partie des gens qui disent “pain au chocolat”, ce qui n’a pas plus aux élèves de ma classe, qui préfèrent dire “chocolatine”. Il est venu en France parce qu’il cherchait la liberté. Il a trouvé l’administration française ! Mais il continue de chérir le poème d’Eluard, “Liberté”.
Cette rencontre fut pour moi très enrichissante et amusante, il faut avouer qu’Omar Youssef Souleimane a beaucoup d’humour.”
Rose P., 1ère L, LJM, 2019
* Omar Youssef Souleimane est né en 1987 sur les plateaux du Kalamoune à une quarantaine de kilomètres au nord de Damas. Entre 1999 et 2004 sa famille s’installe en Arabie Saoudite. Après avoir obtenu un baccalauréat scientifique en 2005, il étudie la littérature arabe à l’Université de Homs. Entre 2006 et 2010, il a été correspondant de la presse syrienne, et a collaboré avec de nombreux journaux arabes. Exilé en France depuis 2012, il a publié plusieurs recueils bilingues et un premier roman écrit en français, Le Petit Terroriste en 2018. (Source : Festival Littératures métisses)
Écouter et voir Omar Youssef Souleimane
Bibliographie :
L’enfant oublié, Editions Sigmum, 2016
Loin de Damas, Le Temps des cerises, 2016
Le Petit Terroriste, Flammarion, 2018
Rencontre organisée dans le cadre du dispositif ‘Écrivains en partage’, dans un partenariat élargi associant la librairie le Texte Libre de Cognac et le festival Littératures Métisses d’Angoulême, qui proposait pour la première fois des rencontres Hors Les Murs.