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3 février 2023
Andy Van Drom
APPRENDRE COMMENT APPRENDRE POUR CROIRE QU’ON PEUT APPRENDRE: LES ACTIVITÉS MÉTACOGNITIVES AU SERVICE DE L’ÉTAT D’ESPRIT
Pour inciter mes étudiantes et étudiants en anglais langue seconde au Cégep Limoilou à croire qu’ils et elles peuvent apprendre, j’ai conçu des activités métacognitives leur montrant comment apprendre. Je vous présente ici ces activités, qui ont donné des résultats positifs, afin que vous puissiez les adapter à vos propres cours.
Avez-vous déjà entendu…
«L’anglais n’est pas ma force» ou, au contraire, «l’anglais me vient intuitivement»: voici 2 commentaires que j’entends souvent quand des personnes étudiantes m’expliquent leur manque de motivation dans un cours d’anglais de la formation générale. Dans les 2 cas, ces étudiants et étudiantes ont une idée préconçue de leur aptitude à apprendre l’anglais qui affecte négativement leur motivation.
Quelle que soit la matière que vous enseignez, il y a fort à parier que vous avez déjà entendu une variation sur ces propos dans vos cours. En effet, cette attitude ne se limite pas à l’apprentissage de l’anglais ni des langues; beaucoup de compétences, toutes disciplines confondues (par exemple, les mathématiques, le travail manuel ou le sport), sont considérées comme des «talents».
Les états d’esprit: croire qu’on peut apprendre
Pour mieux comprendre pourquoi des perceptions positives autant que négatives peuvent mener à un manque de motivation, je me suis tourné vers le concept d’état d’esprit (mindset) dans les travaux de la psychologue Carol Dweck.
Carol Dweck suggère que les individus ont des croyances qui encadrent la façon dont ils perçoivent et expliquent leur monde social. Ces «états d’esprit» peuvent les amener à considérer leurs qualités personnelles comme statiques (état d’esprit fixe) ou malléables (état d’esprit de croissance), ce qui les motive à penser et à agir différemment. Ce concept offre ainsi une lentille intéressante pour comprendre la motivation scolaire.
Les personnes qui manifestent un état d’esprit fixe ont tendance à:
- attribuer leurs échecs à un manque d’intelligence ou de talent
- douter de leur capacité à s’améliorer
- éviter des situations menaçantes pour protéger leur estime de soi
- se sentir plus impuissantes et anxieuses
Les personnes qui adoptent un état d’esprit de croissance sont enclines à:
- attribuer l’échec à leur propre effort
- travailler plus fort parce qu’elles croient qu’elles peuvent s’améliorer en y mettant l’effort requis
- considérer les défis comme des opportunités d’apprentissage
- rester plus optimistes et persévérantes
L’état d’esprit de croissance est lié à une motivation axée sur l’apprentissage plutôt que sur la performance, comme c’est le cas pour l’état d’esprit fixe.
Cela dit, l’état d’esprit peut varier chez une même personne au fil du temps et des situations et il peut se développer [en anglais].
En favorisant l’activation de la métacognition—la conscience explicite qu’une personne a de son apprentissage—, j’ai donc voulu mener mes étudiantes et étudiants à cultiver un état d’esprit de croissance afin d’augmenter leur degré de motivation.
Les boucles métacognitives: apprendre comment apprendre
Les boucles métacognitives (terme que je propose comme équivalent de «metacognitive wrapper», faute de traduction existante) sont des activités, souvent sous forme de questionnaire, qui entourent une tâche pédagogique pour inciter la personne apprenante à:
- se questionner et réfléchir sur ses habitudes d’étude et de travail avant (et pendant) la tâche
- analyser le déroulement et les résultats de la tâche après l’avoir complétée
Les boucles métacognitives visent ainsi à permettre aux personnes étudiantes d’améliorer leurs stratégies d’apprentissage et, conséquemment, leurs aptitudes métacognitives.
Exemple (en anglais) d’une boucle métacognitive, complétée au 1er cours, après la rédaction d’un court texte. Les questions invitent les personnes étudiantes à jeter un regard critique sur leurs forces, les points à améliorer et les moyens pour y arriver
Dans mon cours, j’ai intégré les boucles métacognitives à la séquence d’apprentissage hebdomadaire en les présentant dans mes notes de cours diffusées en format électronique par le biais du bloc-notes pour la classe de OneNote. Toutefois, elles se prêtent à bien d’autres formats:
- formulaire électronique (Microsoft Forms, par exemple)
- quiz interactif (Wooclap ou Genially, par exemple)
- réflexion orale (Flip ou entrevue individuelle, par exemple)
- papier
Les boucles métacognitives concernent 3 éléments importants de l’apprentissage. Cela est illustré par des exemples concernant la thèse (thesis statement) d’une dissertation en anglais, exemples (en anglais) tirés des notes d’une étudiante:
- la préparation à la tâche (connaissances et stratégies)
- les défis rencontrés et les types d’erreurs commises
- les potentiels ajustementsExemple (en anglais) de 2 questions invitant les personnes étudiantes à verbaliser leurs défis, erreurs et besoins
En appliquant ce principe, les boucles métacognitives s’adaptent facilement à tous les contenus et disciplines.
Étant donné que, dans mon cours, les dissertations prennent toujours la même forme, j’ai conçu une série de boucles métacognitives plus élaborée, articulée autour de l’évaluation de mi-session, dans laquelle les personnes étudiantes ont été amenées à:
- se questionner de façon critique sur la préparation requise
- utiliser des listes de vérification pour s’assurer de répondre aux objectifs et exigences
- identifier les problèmes et établir des stratégies pour les éviter dans le futur
- référer aux grilles d’évaluations descriptives pour porter un jugement de plus en plus précis sur leurs propres apprentissages
Série de boucles métacognitives relatives à la dissertation de mi-session
Il est donc possible d’ajuster la fréquence des boucles métacognitives selon les besoins du cours et de les relier aux activités d’apprentissage ou d’évaluation formative ou sommative.
Leur but demeure le même: rendre les personnes étudiantes plus autonomes dans la sélection et l’application de leurs stratégies d’apprentissage. Ainsi, dans mon cours, la dernière boucle métacognitive les invite à se fixer un objectif pour l’évaluation finale et à établir les moyens et les stratégies pour y arriver.
Une étude qui démontre l’influence des boucles métacognitives sur l’état d’esprit
Pour comprendre l’influence potentielle de ces activités métacognitives sur l’état d’esprit des personnes étudiantes, j’ai mené, dans le cadre de ma maîtrise en pédagogie de l’enseignement supérieur au collégial avec Performa, une étude exploratoire à la session d’automne 2022. Une cinquantaine de personnes inscrites dans 2 de mes groupes du cours 604-103-MQ Culture anglaise et littérature au Cégep Limoilou ont accepté d’y participer.
L’étude comportait 2 volets:
- quantitatif: un questionnaire à échelle de Likert portant sur l’état d’esprit, la motivation et la métacognition, passé aux cours 1, 6, 10 et 15
- qualitatif: des entretiens semi-dirigés avec 6 volontaires, effectués après la remise des notes finales
Les résultats préliminaires du traitement quantitatif des questionnaires démontrent qu’au cours de la session, il y a eu une progression positive, statistiquement significative, des scores indiquant l’aptitude métacognitive et l’état d’esprit de croissance. Il y a aussi une corrélation significative dans les données entre la métacognition et l’état d’esprit.
Ces observations peuvent donc suggérer que le gain en aptitudes métacognitives a contribué à développer l’état d’esprit de croissance. En d’autres mots, apprendre comment apprendre permettrait aux personnes étudiantes de croire davantage qu’elles peuvent apprendre.
Même si des analyses plus approfondies des données sont nécessaires et qu’il serait intéressant de répéter cette étude dans d’autres cours, ces observations indiquent le potentiel et l’intérêt de l’intervention.
À vous de boucler la boucle!
En plus d’influencer positivement les aptitudes métacognitives et l’état d’esprit de croissance des étudiants et étudiantes, les boucles métacognitives ont aussi eu d’autres impacts positifs :
- Leur conception m’a incité à planifier consciemment les apprentissages réalisés.
- Les personnes étudiantes ont été amenées à mieux identifier les apprentissages essentiels et leurs raisons d’être.
La pertinence des boucles métacognitives n’est pas limitée aux cours d’anglais, langue seconde, car elles peuvent:
- s’adapter à tous les cours et toutes les disciplines
- prendre différentes formes
- s’intégrer à différentes activités d’apprentissage et d’évaluation
- s’utiliser de façon soutenue ou plus sporadique
Polyvalentes et faciles à insérer dans une séquence pédagogique, les boucles métacognitives ont donc un potentiel certain et il serait intéressant d’en observer les retombées dans d’autres disciplines au collégial. Comptez-vous utiliser les boucles métacognitives dans vos cours? Partagez vos idées et astuces dans les commentaires!