Un boulanger devenu peintre. Léa G.

 Les élèves du collège Anne Frank vous livrent ici quelques histoires en lien avec le roman de F.Place, Le vieux fou de dessin, qu’ils ont imaginées.

Un boulanger devenu peintre de Léa G.

« Pain frais, pain frais, qui veut du pain frais ? » Voilà ce que criait François dans la grande rue qui borde les arènes d’Arles. Les gens n’étaient pas très généreux ce matin, il restait encore la moitié du stock que son père lui avait confié. Il fallait qu’il se dépêche s’il ne voulait pas aller à la cave. C’était la punition que lui infligeait le chef de famille lorsqu’il ne vendait pas assez de pain. Le petit garçon décida d’aller voir du côté de l’auberge du coin de la rue, on ne sait jamais, le commis aurait peut-être encore oublié d’aller chercher le pain à la boulangerie ce matin. François n’aimait pas cette auberge miteuse où les odeurs de vomi et de poisson pas frais lui donnaient l’impression d’être dans les égouts dès qu’il y entrait, où la saleté rendait l’air irrespirable et où quelques hommes étaient à terre, ayant trop bu pour tenir debout. Le jeune boulanger s’approcha de l’aubergiste :

« – Qu’es’ tu veux toi ? dit celui-ci.

-Auriez-vous besoin de pain M. Brunet ?

-Non, l’commis y a pensé c’matin. J’ai pas besoin de toi. Alors à moins que tu veuilles boire ou manger va-t’en ! »

François dit au revoir et sortit en courant. Une fois dehors il prit une grande bouffée d’air frais et repris sa tournée. Il eut alors l’idée d’aller vendre directement les pains chez les gens en faisant du porte-à-porte. Il essaya quelques maisons mais n’essuya que des refus. Il croisa alors un homme roux d’une trentaine d’années, plutôt large d’épaules portant une toile représentant Arles. François reconnut sa ville grâce à cette maison qu’il avait quelquefois aperçu sans jamais oser s’approcher car son frère lui avait raconté que l’homme qui vivait dans cette maison était en fait un ogre sanguinaire qui mangeait les enfants, Il aborda l’homme roux :

« – Bonjour, voulez-vous du pain cher Monsieur ?

– Oui, déposez-le chez moi, j’irai vous payer tout à l’heure à la boulangerie,

    – Je ne crois pas que mon père soit très content que je vous accorde ce privilège.– Très bien dans ce cas-là, attends-moi chez moi.– Je voudrais bien mais … je dois vendre mes autres pains.

    – Bon, Théo, mon frère vient de m’envoyer de l’argent, je te les achète tous si tu m’attends chez moi.

    – Marché conclu M. …

    – Van Gogh, Vincent Van Gogh et toi ?

    – François Dupont.

    – Bon tu vas m’attendre chez moi, tu reconnais cette maison sur ma toile ?

    – Oui.

    – Bien c’est la mienne. »

    François hésita un instant car il se rappelait les paroles de son frère. Mais il se dit qu’après tout M, Van Gogh avait l’air très gentil et ce ne serait pas la première fois que son frère lui mentait. Il alla donc devant cette fameuse maison quelques rues plus loin et attendit le peintre. Au bout d’une heure, Van Gogh revint et retrouva notre ami endormi sur ses marchandises. Il le réveilla et lui proposa de lui montrer ses toiles. François accepta joyeusement et suivit le hollandais dans une grande pièce remplie de toiles magnifiques. Il fut tout de suite attiré par l’une d’elle, celle-ci représentait un paysan en train de faucher. Vincent expliqua au jeune garçon qu’il aimait faire « crier » les couleurs fortes les unes contre les autres. François remarque alors la position du soleil :

    « – Oh la la il faut que je rentre sinon mon père va se mettre en colère.

    – Ah et que fait ton père lorsqu’il est en colère ?

    – Il m’enferme à la cave, il y fait froid et noir.

    -Je vois … mon père a toujours été très sévère avec moins mais jamais méchant ou violent, toujours très juste. Malgré cela, je me sentais à part dans ma famille, seul mon frère, Théo, me comprend et ne me prend pas pour un simplet minable qui a raté sa vie. Mais si ton père t’attend dépêche-toi avant qu’il ne se fâche.– Vous avez raison. Au revoir !– Attends, je ne t’ai pas payé le pain.

    – Je dirai à mon père que je me le suis fait voler !

    – Merci, en échange je vais t’offrir le tableau qui t’as beaucoup plus tout à l’heure.

    – Merci énormément monsieur. »

    François arriva chez lui les yeux brillants de bonheur et d’impatience à l’idée de revoir le peintre. Mais sa bonne humeur retomba vite lorsque son père lui fonça dessus rouge de colère et le gifla si fortement que son oreille se mit à siffler.

    « – Petit incapable ! Où étais-tu ? J’espère que tu as tout vendu ! Des clients fidèles sont venus se plaindre de toi ! Qu’est ce qui t’es passé par la tête ? Pourquoi es-tu venu directement chez eux les importuner avec le pain que tu es censé vendre dans la rue ?

    – Pardon mon père, je ne voulais pas vous causer de tort, je voulais juste vendre plus de pain.

    – Parlons-en du pain ! Tu n’en a plus et ta bourse n’a pas l’air très rempli ! Qu’en as-tu fait ?

    – On m’en a volé la moitié.

    – Tu n’as donc pas fait ton travail, et tu ne les as pas surveillés ? Tu ne seras jamais un bon boulanger va-t-en et ne reviens pas ! Tu es la honte de la famille ! »

    Deux jours plus tard, alors que François errait dans Arles, il croisa M. Van Gogh. Celui-ci, très étonné de voir son jeune ami qu’il avait rencontré si joyeux tellement morne, alla à sa rencontre et apprit comment son père l’avait chassé. Il lui proposa alors de devenir son apprenti. François accepta avec joie. Petit à petit, jours après jours, l’apprenti peintre apprenait comment les fonds bleu vif faisaient ressortir l’éclat des fleurs et le vert des tiges et des arbres, comment le rouge strident créait un choc visuel. Après deux mois d’apprentissage, Van Gogh décida que François était prêt à peindre. Celui-ci pratiqua donc cet art qui le fascinait de plus en plus.

Durant quatre années de dur labeur, François se perfectionna jusqu’au jour où il égala le Maître. Aujourd’hui c’est décidé, il peindra de nuit ! Il prépara donc son matériel et sa toile dans les règles de l’art et suivit comme d’habitude les conseils du peintre : pas de grands traits mais des points, des virgules, des hachures, ne jamais mélanger les couleurs sur la palette, prendre la peinture du bout du pinceau. Le résultat fut magnifique. Tellement magnifique et si proche du style de Van Gogh que celui-ci fit passer cette toile pour sienne et qu’elle devint l’un de ses plus grands tableaux : « Nuit étoilée ».

Van Gogh et François continuèrent de travailler ensemble jusqu’à l’internement du peintre en hôpital psychiatrique. Ils se perdirent alors de vue. François sombra dans l’alcool et cette auberge qu’il trouvait si répugnante lui devint peu à peu familière. Quelques années plus tard, lorsqu’il apprit la mort de Van Gogh, il eut comme un électrochoc et se remit à peindre. Il devint assez connu dans la région et rendit hommage dès qu’il le pouvait à cet homme qui lui avait permis de devenir ce qu’il est aujourd’hui et de réussir sa vie : VINCENT VAN GOGH.

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