L’avant-dernière séance de l’année a élargi l’enseignement de défense de la C-DEF au thème du soldat. Être soldat au XXIe siècle était ainsi le nouveau sujet d’étude abordé par les lycéens ce mercredi 3 avril 2024.
Officier de carrière ayant servi dans l’arme du Train, ancien DMD adjoint de Charente, le lieutenant-colonel (R) Marcel est encore, aujourd’hui, en service au 515e Régiment du Train de La Braconne où il sert comme réserviste opérationnel. Il exerce parallèlement des responsabilités au sein de la police municipale d’Angoulême, et est aussi correspondant défense de sa commune. C’est donc en tant que militaire de carrière, soldat dans l’âme et acteur engagé dans la sécurité de son pays que le L/C Marcel est venu apporter son témoignage aux lycéens de la classe défense Antoine de Saint-Exupéry. Ce témoignage s’est organisé autour de trois parties : 1- La présentation du soldat 2- Le soldat en opération 3- Les valeurs du soldat.
Qu’il soit aviateur, marin, sapeur, gendarme… Le militaire est avant tout un soldat. Le L/C Marcel a voulu rappeler cette réalité à travers une première présentation historique autour du mot « soldat », de ses usages et expressions dérivées. Faisant porter à un élève son képi ainsi que son haut d’uniforme, l’officier a expliqué les codes à travers lesquels tous les soldats se reconnaissent : du salut aux grades en passant par les insignes distinctifs des unités d’appartenance ainsi que les décorations. Pour les non avertis ce qui ressemblerait à un simple apparat dit, en fait, 1- un niveau de compétence et de responsabilité (le grade) 2- des états de service (les décorations) 3- une appartenance à une tradition historique (les insignes d’unité).
Tout en faisant circuler une ration de combat, le L/C Marcel expliqua les différentes armes et services de l’Armée de Terre, la nécessité de l’entraînement (le drill), la vie sur le terrain, l’hygiène en tant qu’acte élémentaire pour tout soldat afin d’éviter la transmission des maladies et l’affaiblissement du potentiel des combattants. Avec le thème du soldat en opération, il mit en avant l’arme du Train dans laquelle il a servi et continue encore de servir ainsi que les deux OPEX accomplies en avril-octobre 2010 et janvier-mai 2012. Afgantsy, le L/C Marcel est un vétéran de l’engagement français en Afghanistan (2001-2012).
À partir de plusieurs photographies, il fit revivre aux élèves ses missions et sa vie quotidienne au milieu de ses soldats mais aussi des soldats afghans. Armée multiethnique dont les unités sont toujours flanquées d’un officier religieux et d’un interprète, l’Armée Nationale Afghane (ANA) était une entité particulièrement difficile à former tant le fossé culturel et technique avec les Occidentaux était grand. Commandant une Operational Mentoring Liaison Team (OMLT), le L/C Marcel (commandant à l’époque) avait en charge cette formation ainsi que l’encadrement tactique des convois à organiser dans un pays largement inconnu, hostile et dangereux pour les soldats français au-delà des limites de leur Forward Operation Base (FOB). La mission de l’arme du Train est de convoyer le plus rapidement et le plus régulièrement le matériel et le ravitaillement aux unités afin que ces dernières puissent rester opérationnelles; afin qu’elles ne pèsent pas non plus sur les populations loacales. Pour cela, il faut rouler vite sans s’arrêter (conduite opérationnelle): tout ralentissement pouvant être une opportunité pour une embuscade. Tout était donc suspect du vélo pouvant être piégé à la « femme » pouvant dissimuler sous sa burqa une ceinture d’explosif. La crainte des roadside bombs (1) était, elle aussi, permanente.
Le L/C Marcel a consacré une partie importante de son exposé sur le moral du soldat. La question se décline sous plusieurs aspects que l’officier a particulièrement bien expliqués et illustrés. Il y a d’abord les aspects du « confort » quotidien : la qualité de la nourriture, les repas cohésion pour que personne ne se sente isolé, le sport, les barbecues, les parties de « babyfoot vivants » (2)… La question des communications avec la famille est essentielle même s’il était difficile d’étendre les moyens de communication modernes dans certains secteurs du pays. D’un point de vue personnel, le L/C Marcel désirait par ailleurs rester concentré sur sa mission et ne pas se laisser perturber par de lointains problèmes fort différents. Pour l’officier, la notion de “problème” par exemple c’était d’abord une attaque, des blessés ou des morts et non une fuite d’eau dans sa cave en France…
Attirant l’attention sur le fait que les transports modernes mettent désormais à quelques heures seulement la Kapisa de son domicile, le L/C Marcel a aussi expliqué l’heureuse initiative mise en place par le commandement de l’Armée de Terre autour de la notion de sas de décompression. Le retour en France ne doit pas être trop rapide pour un soldat qui, en quelques heures, bascule d’un environnement de stress et de combat de plusieurs mois à un environnement de paix qui pourra lui sembler incompréhensible. C’est avec la guerre en Afghanistan que la question du stress post-traumatique a été véritablement prise en compte au sein des Armées et qu’un séjour de transition a été mis en place durant des années à Paphos (Chypre) pour les troupes de retour d’Afghanistan. Durant une semaine, les Afgantsy sont mis au repos dans un hôtel où soins et détente leur permettent de se réhabituer à une vie normale. Cela n’empêche pas les « mauvaises surprises » comme ce feu d’artifice qui, un soir, déclencha la panique parmi les soldats du L/C Marcel. Ces derniers se jetant à terre dans leur chambre d’hôtel, éteignant les lumières et cherchant leurs armes…
Le retour parmi les siens est aussi porteur d’épreuves. Le jeune papa qui n’a pu voir son enfant naître est dans un premier temps perçu comme un étranger et repoussé par le nourrisson… Dans les phraties nombreuses, il y en aura toujours un ou une qui fuira la présence de ce père qui réapparaît brutalement. Les adolescents poseront des questions directes : « papa as-tu tué ? » ou « par ta faute beaucoup d’innocents sont morts »…
Le L/C Marcel n’a pas cherché à cacher les aspects les plus rudes et les plus sensibles d’un métier qu’il a exercé par vocation et avec passion. Ce qui fait tenir tout ceci c’est la foi en certaines valeurs que les Armées et, notamment l’Armée de Terre, érigent en valeurs cardinales : le mérite, l’altruisme, la fraternité, l’exigence, le dépassement, l’équité. L’officier décrivit chacune de ces valeurs aux lycéens présents, leur apprenant également à plier le drapeau national.
C’est donc avec beaucoup de pédagogie et d’anecdotes, dans un langage simple, que le L/C Marcel est venu clôturer le dernier enseignement de défense de la C-DEF Antoine de Saint-Exupéry. Nul doute que son témoignage fera réfléchir certains élèves présents qui se destinent d’ores et déjà à l’engagement militaire. Si d’aucuns ont déjà choisi l’Armée de l’Air et de l’Espace, ils auront d’emblée compris qu’être Aviateur c’est d’abord et avant tout être un Soldat au service de la France.
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- Cf. Également appelés de manière générique Improvised Explosive Device (IED) – Engin Explosif improvisé ou de Circonstance (EEC) en français -, les IED sont des charges explosives fabriquées de manière artisanale à partir de munitions classiques opportunément disponibles (obus, bombes, roquettes, grenades…) ou de stock d’engrais comme ce fut fréquemment le cas en Afghanistan. Les IED sont plus ou moins complexes selon les compétences de l’artificier. Certains sont déclenchés par du cordeau détonant classique quand d’autres le sont par des téléphones portables. Laissés à l’imagination des artificiers, souvent enfouis sur le bord des routes (roadside bombs), les IED se sont d’abord généralisés en Irak à partir de 2003. Certains sont suffisamment puissants pour éventrer une route au passage d’un convoi militaire ou détruire un char de combat M1 Abrams. La plupart des soldats occidentaux tués ou mutilés en Irak, en Afghanistan ou au Mali l’ont été par des IED.
- Cf. Il s’agit d’un babyfoot grandeur nature où les joueurs sont des personnes. Le périmètre est traversé par des cordages qui jouent le rôle des barres de jeu d’un babyfoot et auxquels sont attachés les joueurs.