Le film Sans Toit Ni Loi, cinécrit et réalisé par Agnès Varda, est une œuvre majeure dans l’histoire du cinéma français. Agnès Varda a su dans ce film casser certains des codes cinématographiques ancrés chez les spectateurs afin de leur proposer un film moderne qui nous questionne à la fois sur des questions sociétales qui étaient taboues lors de la sortie du film et sur le cinéma en lui-même. Nous pouvons de la même manière noter qu’Agnès Varda a réussi à mélanger à cet aspect de nouveauté certains éléments des plus classiques tels que la lente descente aux enfers de Mona, ou bien sa mort qui est annoncée dès les premières scènes du film.
Mona est un personnage atypique. Nous avons très peu d’informations à son sujet, même après avoir visionné la totalité du long-métrage. Les premières scènes à l’écran nous montrent le cadavre de Mona qui a été retrouvé par les policiers, cette construction est la même que celle des tragédies classiques où le protagoniste va fatalement perdre face à son destin et mourir, ainsi Mona est illustrée comme une héroïne tragique.Vient ensuite la scène où pour la première fois nous voyons Mona en vie, toujours avec la volonté de s’inspirer de l’art d’autrefois, cette scène reproduit le célèbre tableau de Botticelli La naissance de Vénus, avec une Mona comparée à Venus qui semble sortir de la mer. Nous assisterons ensuite aux pérégrinations de Mona dans lesquelles elle rencontrera de nombreuses personnes, quasiment toutes interprétées par des non-professionnels, qui vont être influencées par Mona et par sa personnalité excentrique. Il y aura du début jusqu’à la mort de Mona un total de douze travellings dans lesquels nous pouvons nous rendre compte de la déchéance de Mona, ces travellings sont accompagnés de musique, une musique discordante d’instruments à cordes. Il y a douze travellings avant la mort de Mona, cette référence biblique explicite permet de mettre l’emphase sur sa qualité d’héroïne tragique en la comparant avec la mort de Jésus qui est une des fondations de la culture Occidentale et donc qui sera facilement comprise pas le spectateur. Tous ces éléments permettent à Agnès Varda d’exprimer son opinion sur un problème de société : la condition des SDF, elle utilise l’empathie des spectateurs pour faire passer un message.
J’ai beaucoup apprécié l’effort qu’Agnès Varda a fait pour essayer de casser les tabous sur la situation des sans-abris et sur les traitements qu’ils subissent. J’ai également aimé le fait qu’elle s’inspire d’un fait divers pour écrire son film : cela lui permet d’avoir plus de crédibilité et d’être plus réaliste qu’une œuvre entièrement fictive. Et je pense qu’il serait fâcheux d’oublier de citer dans les points positifs le fait qu’Agnès Varda a puisé son inspiration dans de nombreuses œuvres du registre classique pour créer ses plans.
J’ai en revanche été déçu par l’amateurisme des acteurs, car même si le but de cette démarche m’a été expliqué après mon visionnage du film je n’ai pas été convaincu.
Je conseille ce film à tout le monde, car après tout il nous permet de prendre conscience d’un problème que la plupart de nos concitoyens préfèrent ignorer, alors si vous ne l’avez pas vu : allez le voir et faites-vous votre propre idée sur la question.
E. Thevenet