Sans toit ni loi est un film d’Agnès Varda, cinéaste et photographe, qui traite le sujet des nouveaux pauvres à la fin du second millénaire. Ce film raconte le périple de Mona Bergeron, une routarde ingrate et moqueuse. Cette marginale a choisi de vivre au jour le jour plutôt que de vivre une vie « de bureau traditionnelle ». Le film commence par un paysan qui retrouve une jeune fille morte dans un fossé. Celui-ci appelle la police qui décide de constater une simple mort naturelle de vagabonde. Naturelle ? C’est à cette expression révoltante que veut nous faire réfléchir la cinéaste. Nous allons donc suivre le trajet de Mona par le regard et les témoignages de ceux qui l’ont côtoyé et souvent méprisé. Le regard de la photographe donnera un tout autre sens au film. Elle qui avait pris en stop une vraie routarde et qui fut touchée et inquiète par l’histoire de cette jeune femme. Elle lui offrira même un rôle dans le film. Nous verrons donc que le talent de la photographe ressortira dans certaines scènes, comme au début du film où nous voyons un long zoom, comme une entrée dans un tableau, vers le cadavre de Mona. Nous voyons alors le registre tragique du film. Nous remarquons également certains jeux de mots comme la parole de la voix « off » : « Cette morte ne laissait pas de trace », suivi des traces de pattes d’oiseau sur le sable. Tous ces petits détails nous font penser que le film est engagé contre l’ignorance des ces personnes rejetées de la société. Cela créera la légende de Mona, avec les récits de ceux qui l’ont côtoyée. Une petite référence à Vénus avec les paroles de la voix « off » : « Il me semble qu’elle venait de la mer » qui nous rapproche un peu plus de cette légende. Nous verrons donc comment réagissent des personnes de la vie de tous les jours face à son malheur, car certains acteurs ne sont pas des professionnels. Nous les entendrons témoigner face à la caméra comme dans un banal documentaire, méprisant souvent, compatissant parfois…. Nous verrons donc la déchéance du personnage au fil de son voyage notamment avec sa façon de marcher, de s’habiller ou ses expressions du visage. Cette déchéance due à l’incompréhension et la non tolérance de cette société pourtant bien inégalitaire et sans issue. Enfin pas tout à fait sans issue. En effet, plusieurs indices comme la métaphore du cinéma avec Madame Landier qui a une vision lors de son électrocution ou la métaphore de la maladie des platanes qui représente la maladie que sont les nouveaux pauvres pour la société. Tous ces indices veulent nous dire que pour que les pauvres s’en sortent, il faut les aider et pas se contenter de les regarder mourir, comme Madame Landier et Jean Pierre qui recherchent le remède contre la maladie des platanes.
J’ai bien aimé le côté engagé, un peu comme dans les romans réalistes du XIXe siècles. En effet, le fait de mettre en film ceux que l’on ne veut pas voir est assez amusant au début, mais au final cela nous fait réfléchir. Le dégoût du personnage mêlé à la compassion que l’on peut éprouver est bien réalisé. J’ai également bien aimé le fait d’inverser les rôles méchant/gentil comme avec Jean Pierre qui a tout du bon personnage si ce n’est son égoïsme. Ainsi que les personnages protecteurs comme Assoun ou Madame Landier qui améliorent un peu l’image de la société dans ce film. Mais ce que j’ai le plus apprécié, c’est la manière dont les plans et les scènes ont été tournés. En effet, rien a été laissé au hasard comme le fait qu’à chaque nouveau plan de Mona qui marche « Travelings » il y a une barrière ou des ronces au premier plan. Cela représente les obstacles qui se dressent toujours devant elle. Ou encore le plan un peu religieux en contre plongé, où l’on voit Mona devant deux grands cyprès qui représentent le cimetière. Ce plan se passe juste avant sa mort.
Ce que j’ai le moins aimé, c’est la lenteur du film, presque ennuyeux par moments même si cela est fait exprès pour nous faire prendre conscience de la vie des sans-abris. On décroche assez facilement de ce film à cause de la façon de jouer des figurants qui ont été recrutés spécialement pour le film. Ce film aurait pu avoir un plus grand impact si la plupart des scènes du film avaient été plus accrochantes et moins monotones.
Pour finir, je conseillerais ce film a un public assez âgé, qui peut comprendre la situation des sans-abris et la société qui nous entoure. Certains passages du film sont un peu vulgaires. Cependant ce film peut s’adresser à tout le monde, ou plus précisément à ceux qui ignorent la vie des sans-abris, car il reste engagé et cherche à dénoncer.