A connaître pour le 30 octobre
Catégorie : Tous
“Courage” de Paul Eluard (1942)
Paris a froid Paris a faim
Paris ne mange plus de marrons dans la rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieilles
Paris dort tout debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé aux pauvres
Et la sagesse et la folie
De Paris malheureux
C’est l’air pur c’est le feu
C’est la beauté c’est la bonté
De ses travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris
Tu es vivant d’une vie sans égale
Et derrière la nudité
De ta pâleur de ta maigreur
Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux
Paris ma belle ville
Fine comme une aiguille forte comme une épée
Ingénue et savante
Tu ne supportes pas l’injustice
Pour toi c’est le seul désordre
Tu vas te libérer Paris
Paris tremblant comme une étoile
Notre espoir survivant
Tu vas te libérer de la fatigue et de la boue
Frères ayons du courage
Nous qui ne sommes pas casqués
Ni bottés ni gantés ni bien élevés
Un rayon s’allume en nos veines
Notre lumière nous revient
Les meilleurs d’entre nous sont morts pour nous
Et voici que leur sang retrouve notre coeur
Et c’est de nouveau le matin un matin de Paris
La pointe de la délivrance
L’espace du printemps naissant
La force Idiote a le dessous
Ces esclaves nos ennemis
S’ils ont compris
S’ils sont capables de comprendre
Vont se lever.
Marseille de Jules Supervielle in Débarcadères (1922)
Marseille sortie de la mer, avec ses poissons de roche, ses coquillages et l’iode,
Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants,
Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont luisants d’eau marine,
Le beau rendez vous de vivants qui lèvent le bras comme pour se partager le ciel,
Et les cafés enfantent sur le trottoir hommes et femmes de maintenant avec leurs yeux de phosphore,
Leurs verres, leurs tasses, leurs seaux à glace et leurs alcools,
Et cela fait un bruit de pieds et de chaises frétillantes.
Ici le soleil pense tout haut, c’est une grande lumière qui se mêle à la conversation,
Et réjouit la gorge des femmes comme celle des torrents dans la montagne,
Il prend les nouveaux venus à partie, les bouscule un peu dans la rue,
Et les pousse sans un mot du coté des jolies filles.
Et la lune est un singe échappé au balluchon d’un marin
Qui vous regarde à travers les barreaux légers de la nuit.
Marseille, écoute moi, je t’en prie, sois attentive,
Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur,
Reste donc un peu tranquille que nous regardions un peu
Ô toi toujours en partance
Et qui ne peut t’en aller,
A cause de toutes ces ancres qui te mordillent sous la mer.
“Oradour” de Jean Tardieu in les Dieux Etouffés (1944)
Oradour n’a plus un homme
Oradour n’a plus de feuilles
Oradour n’a pas plus de pierres
Oradour n’a plus d’église
Oradour n’a plus d’enfants.
plus de fumée plus de rires
plus de toits plus de greniers
plus de meules plus d’amour
plus de vin plus de chansons.
Oradour j’ai peur d’entendre
Oradour je n’ose pas
approcher de tes blessures
de ton sang de tes ruines,
je ne peux, je ne peux pas
voir ni entendre ton nom
Oradour je crie et hurle
chaque fois qu’un cœur éclate
sous les coups des assassins
une tête épouvantée
deux yeux larges deux yeux rouges
deux yeux graves deux yeux grands
comme la nuit la folie
deux yeux de petit enfant :
ils ne me quitteront pas.
Oradour je n’ose plus
Lire ou prononcer ton nom
Oradour honte des hommes
Oradour honte éternelle
Nos cœurs ne s’apaiseront
que par la pire vengeance
haine et honte pour toujours.
Oradour n’a plus de forme
Oradour femmes ni hommes
Oradour n’a plus d’enfants
Oradour n’a plus de feuilles
Oradour n’a plus d’église
plus de fumées plus de filles
plus de soir ni de matins
plus de pleurs ni de chansons.
Oradour n’est plus qu’un cri
et c’est bien la pire offense
au village qui vivait
et c’est bien la pire honte
que de n’être plus qu’un cri
nom de la honte des hommes
le nom de notre vengeance
qu’à travers toutes nos terres
on écoute en frissonnant
une bouche sans personne,
qui hurle pour tous les temps.
Récitation 3 : Alexandre à Persépolis de Philippe Berthelot.
😯 LA RECITATION DEFI !!!!!!!!!! 😯
De même que Philippe Bethelot et son frère s’étaient lancé le défi d’écrire un sonnet en rimes en “omphe’ – ce qui était réputé impossible,
à vous de défier votre mémoire et d’apprendre entièrement ce poème pour le Mardi 14 janvier !
Au-delà de l’araxe où bourdonne le gromphe,
Il regardait sans voir, l’orgueilleux Basileus,
Au pied du granit rose où poudroyait le leuss,
La blanche floraison des étoiles du romphe,
Accoudé sur l’Homère au coffret chrysogomphe,
Revois-tu ta patrie, ô jeune fils de Zeus,
La plaine ensoleillée où roule l’Enipeus
Et le marbre doré des murailles de Gomphe ?
Non ! Le roi qu’a troublé l’ivresse de l’arak,
Sur la terrasse où croît un grêle azedarac,
Vers le ciel, ébloui du vol vibrant du gomphe,
Levant ses yeux rougis par l’orgie et le vin,
Sentait monter en lui comme un amer levain
L’invincible dégoût de l’éternel triomphe.
Philippe Berthelot (1866-1934)




