Pourquoi imaginer de nouveaux scénarios pédagogiques ? Pourquoi transformer sa salle de classe et les espaces d’apprentissages de son établissement ? Le numérique a-t-il si radicalement changé la donne qu’il faille questionner l’ensemble de la forme scolaire ? Comme le montre la photo de gauche ci dessous prise au Lycée Pilote Innovant International en 2015, l’usage de la technologie peut venir améliorer, amplifier des pratiques existantes, sans pour autant modifier fondamentalement la forme scolaire : la façon d’enseigner et d’apprendre.
Une classe au LP2I en 2015 | Un cours dans la Salle Collaborative du FCLP2I |
Si le numérique ne suffit pas à expliquer les transformations et expérimentations qui s’opèrent un peu partout en France, notamment dans le cadre du projet Future Classroom Lab, c’est que la maîtrise des technologies pour apprendre ne constitue qu’une compétence parmi l’ensemble plus vaste de ce qu’on appelle communément aujourd’hui les “Compétences du 21ème siècle”.
Pourquoi chercher à développer chez les élèves et les enseignants, les compétences du 21ème siècle ?
Commençons par l’adéquation aux emplois de demain (qui ne recouvre pas la question !). L’étude de Dell Technologie mentionnant que 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui, a de quoi interpeller. Évidemment, il ne faut pas interpréter cette estimation comme témoignant d’une disparition des métiers d’aujourd’hui, mais plutôt envisager une grande diversification des domaines professionnels. Pour le travailleur ou la travailleuse de demain, cette diversité peut constituer une richesse, mais également créer de l’anxiété si on entrevoit “l’adaptabilité” qui lui sera, de fait, demandée. Quant à l’enseignant.e… que doit-on enseigner à nos élèves si leurs métiers n’existent pas encore ?
Le rapport entrevoit également l’inversion de la recherche d’emploi : “work chasing people”, c’est le travail qui cherchera les gens et non l’inverse, sur la base notamment de portfolio de compétences. Peu importe dans quelle mesure ce sera le cas, la construction des compétences de l’individu tout au long de sa vie sera non seulement une réalité (ne l’est-elle pas déjà ?) mais également un élément de valeur fondamental pour l’individu; un jardin à cultiver certes, mais en sachant cette fois que le monde entier pourra l’observer ou, tout du moins, qu’il faudra consciemment et activement en contrôler l’accès, total ou partiel.
Le rapport pose aussi la question du positionnement de l’Intelligence Artificielle vis-à-vis de l’humain (ou l’inverse !). Une complémentarité entre les deux formes d’intelligences doit s’installer. Mais que nous reste-t-il si l’IA fait déjà tant et tant de chose ? Il reste beaucoup et pour longtemps : la créativité, l’empathie, la résolution de problème complexe – tenant compte notamment des aspects (ou biais) culturels -, l’éthique… Qu’on les nomme compétences ou non, ces spécificités de l’humain font et feront partie des bagages essentiels de nos enfants pour adresser les défis du 21ème siècle. Là encore, l’École a un rôle indispensable : non pas de préparer les enfants à la société d’aujourd’hui mais de leur donner les clés (de connaissances, de compétences et comportementales) pour construire, dans cette société qu’est l’École, celle qui sera la leur demain (paraphrase évidente de John Dewey).
Ainsi, que ce soit dans le but de pouvoir s’adapter à un marché du travail en mutation rapide, celui de construire un partenariat efficace et éthique avec l’Intelligence Artificielle ou pour doter le futur citoyen des outils nécessaires à la compréhension du monde, de l’autre, de la différence et des défis de la planète, le développement des compétences du 21ème siècle est un enjeu majeur de l’Éducation d’aujourd’hui.
Comment développer chez les élèves et les enseignants, les compétences du 21ème siècle ?
Il y a des dizaines de façon de rassembler, classer, lister les compétences du 21ème siècle. L’essentiel pourtant ici n’est pas de s’attacher à une exhaustivité forcément trop complexe (voir le cadre européen des compétences clés) ou à un schéma simplifié, beau mais inutilisable dans la pratique (exemple des 4C de l’organisation P21 au États-Unis).Ainsi, le projet FCL en France s’est rapproché des six compétences issue de la recherche du laboratoire ITL Research pour traduire et utiliser les 6 “Rubrics” (rubrique ou schéma) de compétences qui, au delà d’une classification, permettent :
- d’estimer le niveau de mobilisation d’une compétence clé,
- de posséder un cadre pour aménager son scénario pédagogique afin d’atteindre un niveau supérieur de développement de cette compétence.
En effet, les travaux de Deirdre Butler (IRL) ont montré que, pour qu’une telle compétence soit effectivement sollicitée (et développée) en classe, elle doit être intégrée de façon consciente par l’enseignant dans la construction de sa séance. On le sait bien dans le cas de la compétence “Collaborer” : ce n’est pas en rassemblant les élèves par quatre qu’ils développent naturellement leurs compétences collaboratives (chacun peut travailler dans son coin, un des membres du groupe peut porter le travail à bout de bras, ou au contraire, l’un deux peu en être exclus, etc.).
L’exemple de la Collaboration
Faites le test : prenez un de vos scénarios pédagogiques.
- Vos élèves travaillent-ils en groupe ? Vous avez atteint le niveau 2 (c’est déjà ça).
- Vous souhaitez atteindre le niveau 3 ? Assignez-leur des rôles (ou proposez-leur de se les attribuer eux-même !)
- A ce stade, chacun peu encore faire son travail, sa “partie” dans son coin. Alors faite en sorte de leur faire prendre des décisions substantielles ensemble (comme la nature de la production, le thème étudié, la méthodologie de travail, etc.). Cela vous permettra d’atteindre le niveau 4.
- Une collaboration “ultime” ? Construisez le scénario de sorte que le travail de chacun soit indispensable à la réussite de la production. C’est l’ambition par exemple du scénario des experts.
Précisons enfin qu’il n’est pas question d’atteindre les niveaux supérieurs de toutes les compétences à tous les cours ! Ces modèles offrent seulement un cadre de réflexion pour analyser sa pratique et faire des choix nouveaux. A noter que toutes les disciplines et les projets peuvent contribuer au développement de ces compétences, c’est une coresponsabilité de l’équipe éducative qui par là-même aura besoin elle aussi de les développer. Il sera difficile en effet de promouvoir la collaboration chez les élèves, sans la développer chez les adultes qui les accompagnent ! Développer ensemble les compétences du 21ème siècle, c’est un des conseils du Future Classroom Lab en France pour construire une communauté éducative locale apprenante.
Si vous souhaitez essayer ces rubriques de compétences, c’est ici. N’hésitez pas à laisser un témoignage !