BD et Révolution française: l’exemple d’Olympe de Gouges

Posted by Michaël PIAT on 10 novembre 2022 in Histoire with Comments closed |

Catel et Bocquet sont les auteurs d’une épaisse mais passionnante biographie en bande dessinée d’une des femmes les plus fascinantes de son temps, Olympe de Gouge.

José-Louis Boscquet / Catel

 

 

 

 

Les deux couvertures présentées ci-dessous nous dévoilent une certain nombre de particularité de cette femme du XVIIIe siècle: une femme sachant écrire, qui n’est pas sans esprit mordant, capable de manier l’ironie aussi bien que celle dont elle a décidé de se faire une adversaire, Voltaire – auteur de fléches aux pointes acérées contre l’auteur de ses jours.

 

Cette planche se prête à plusieurs analyses: documenter historiquement ce à quoi fait référence le récit de la planche (1); documenter historiquement les éléments de contextes (2); s’intéresser bien sûr à Olympe de Gouges, à la fois au personnage historique et à la mise en scène de ce personnage dans une biographie en bandes dessinées (3).

Louis XVI recevant la Constitution de 1791 des mains de la France – estampe BNF/Gallica, auteur inconnu

Revenir en détails sur le contexte révolutionnaire à partir de cette planche est un défi que le format de ce blog n’autorise pas et dépasse largement les modestes compétences de l’auteur. Néanmoins, sans recherche érudite, le lecteur/rice comprendra que l’action de la planche se situe à la mi septembre 1791, quand Louis XVI vient “enfin” de ratifier la Constitution par le serment qu’il jure le 14 septembre. La deuxième case rappelle ensuite ce que les parlementaires, dont Robespierre, très investi sur cette position, avait décidé: une fois la Constitution proclamée, l’Assemblée Nationale Constituante doit se démettre; de nouvelles élections portent à la nouvelle assemblée, l’Assemblée Législative, de nouveaux parlementaires, entièrement nouveaux: aucun député des Etats Généraux devenus Assemblée Nationale n’avait le droit d’y siéger. “Tant de lois à créer” encore, soupire Olympe…

Plus encore que le temps court de cette conversation, des éléments qui nous semblent aujourd’hui d’une grande banalité, peuvent être relevés dans la planche et documentés pour tenter de mesurer la pertinence de la mise en scène et approfondir les faits historiques qui leur correspondent. En clair, un café, deux hommes, deux femmes ensemble attablés, qui discutent de l’actualité politique de leur pays. Mais en 1791, une telle scène est-elle possible ?

C’es tout le paradoxe de la Révolution française largement souligné par ailleurs dans 1789-1799: combats de femmes, sous la direction de Evelyne Morin – Rotureau (Autrement, 2003, Collection Mémoires, 247p.): “les femmes entrent en politique” en même temps que “la Révolution exclut les citoyennes”. Elles sont dans les manifestations, les combats, les débats – qu’elles suivent à l’Assemblée avec leurs enfants, ce qui leur vaut le surnom de “tricoteuses” (voir les travaux de Dominique Godineau, incontournable.s) – mais n’ont pas voix au chapitre. Aucune Constitution ne leur reconnaît par exemple le droit de vote, encore moins la “majorité”. Parmi les “lois à créer”, Olympe attend assurément de la Révolution, une loi qui proclame l’égalité des femmes avec les hommes.

Les Tricoteuses – Jean-Baptiste Le Sueur, 1793 – source: Wikipédia, article les Tricoteuses

Elles sont à l’image d’Olympe de Gouges: en rien silencieuses ! Dans un entretien avec Carla Fournet, Christine Le Bozec insiste: “au cours de la Révolution, elles renouvellent les pratiques lorsqu’un groupe de femmes, certes restrzeint, ne se limite plus à des revendications frumentaires mais pose de manière radicale des questions de type politique, social et sociétal. Pendant quelques mois, elles pèsent sur la vie politique réunions, discussions, lectures de journaux, rédaction de pétition, assistance aux débats de l’Assemblée et création d’une Société de républicaines révolutionnaires” (crée en 1793). Elles fondent jusqu’à 56 clubs entre 1789 et 1795. Les femmes ne sont donc pas en retait des événements ni de la scène politique, même si la majorité d’entre elles ne participe pas à ces mouvements minoritaires et d’abord urbains.

club de femmes patriotes dans une église, Chérieux dessinateur, 1793 – club de femmes par Jean-Baptiste Le Sueur, 1789 – 1795

Sources: Chérieux / BNF ; Le Sueur / France Culture

 

Autre mise en scène des femmes de la Révolution dans la bande dessinée, par Grouazel et Locard, dans Révolution !, chez Actes Sud. Ci-dessous la planche page 174:

 

Elles discutent mais se battent, aux côtés des hommes, sans distinction dans la volonté d’en découdre et montent à l’assaut de la Bastille – combien parmi elles de ces fameuses “Poissardes”, femmes du marché parisien érigées en porte-parole du peuple ! Voir à ce propos l’article de Ouzy Elyada sur “la mère Duschêne et les poissardes”. Dans cette planche d’une bande dessinée postfacée par le très sérieux historien Pierre Serna, la succession de champs et contre-champs, de plans serrés et de plans large, combinés à une suggestion de travaling (3ème et 4ème cases) pour finir sur un plan large en plongée dans le dos des assaillants à contre-sens d’une fumée noire qui annonce la planche suivante, créé un rythme exaltant et frénétique, offre aux lecteurs.rices la sensation d’être au coeur de l’événement. Le mouvement est général, l’angoisse est à son comble et le lecteur.rice retient sa respiration comme les Parisiens dans les rues étroites de leur ville.

Dans l’ouvrage sur Olympe, cette dernière porte la même coiffe que les femmes qui partent à Versailles, mais en plus, dans la planche que j’ai choisie, elle porte la cocarde tricolore. C’est une femme engagée non seulement dans la défense de la cause des femmes mais aussi dans celle des plus faibles et dans celle des esclaves. Dans ses combats, elle réclame la liberté et l’égalité. Liberté et égalité politiques et économiques: hors de question de réduire les revendivations aux droits civiles que la Révolution accorde.

 

Sources: wikipédia ; blog de Catel

On notera au passage, à moins que ma perception du personnage influence ma lecture de ces deux portraits, que la peinture comme le dessin, valorise le regard impertinent et franc d’une femme qui ne l’est pas moins. Les portaits de Catel ont cette récurrence qu’ils s’attachent souvent à mettre en scène Olympe dans une posture d’écrivaine, plume en main comme d’autres s’arment de fusil.

Cette détermination lui coûte la vie…Mais la pousse à rédiger un des plus beaux textes de la Révolution française:

Source: Gallica – BNF

Le texte est en ligne sur Gallica Essentiels

“La femme doit prétendre jouir de la Révolution et proclamer ses droits à l’égalité” – tels sont les mots que les auteurs de la BD placent sur les lèvres d’Olympe, le doigt levé, loin de toute sentence mais pour exprimer sa résolution.

La dernière case est graphiquement intéressante: plan serré à hauteur de poitrine, pas de case dessinée au trait noir, un regard d’Olympe déterminé, tourné vers la droite à la fois sens de lecture et direction “traditionnelle” de l’avenir. Sortir Olympe de la case, c’est aussi faire d’Olympe bien plus que la porte-voix des femmes, c’est faire de cette femme l’incarnation de la femme en révolution qui se bat pour ses droits. Les auteurs, consciemment ou non, peut-on supposer, nous offrent à la fois Olympe personne d’une bande dessinée historique, Olympe personnage de sa propre biographie en bande dessinée, Olympe allégorie personnifée de la Révolution et la Liberté, une femme choisie par la Révolution pour la représenter, en même temps que la Révolution exclut la femme, les femmes – et décapite Olympe en 1793.

 

 

BDNF > Webtoons

Posted by Michaël PIAT on 8 novembre 2022 in Ressources with Comments closed |

La Bibliothèque Nationale de France a eu, voilà quelques années, la riche idée, de créer et proposer gratuitement à l’usage, en trois versions, mobile, tablette et ordinateur, une magnifique petite application, BDNF, reliée aux ressources de Gallica:

Les tutoriels sont pléthoriques, mais l’un proposé par l’Alliance française de Delhi se penche sur la version mobile, tandis qu’un autre, mis en ligne par la BNF, s’intéresse à la version ordinateur. Dans tous les cas, les possibilités sont variées.

Le recours à cette application sur smartphone fait penser aux webtoons, dont la presse se fait régulièrement l’écho : Télérama en 2019 [article gratuit], Le Monde en février 2021, The Conversation en juin 2022, encore Le Monde en juillet 2022 [article payant] La Dépêche, en 2021, complète son article d’une vidéo notamment sur … la réalisation d’un webtoon.

source image: article Le Monde, février 2021, en ligne, déjà cité.

Une sélection de webtoons: par ici ou par 🙂

 

La BD est de retour… teaser n°1…

Posted by Michaël PIAT on 16 octobre 2022 in BD Reportage with Comments closed |

La Cité internationale de la Bande dessinée et de l’Image – magie du 9ème art

Posted by Michaël PIAT on 16 octobre 2022 in Expos, Ressources with Comments closed |

La Cité internationale de la Bande dessinée et de l’Image…c’est un lieu et un portail incroyables – attention, cet article n’a rien d’objectif, et tant mieux !

La Cité, c’est:

 

Cliquer ici pour accéder à des ressources et des informations sur comics – BD – manga. Un autre article présentera et guidera dans les onglets et les sujets que traite le portail.

La Cité, est aussi des expos. Actuellement, trois expos en même temps et d’une richesse presque indicible !

Une expo que je reverrai sans aucun doute une troisième fois tant je ne me lasse pas, tant les effets madeleinesques proustiens sont automatiques et chaque fois renouvelés: Un teaser la présente sur youtube:

 

 

Dans le prolongement de cette expo, le visiteur débouche sur la salle de l’exposition permanente dont les documents sont renouvelés régulièrement, ce qui permet de découvrir, sur le même thème, l’histoire et les genres de la BD, des archives nouvelles. C’est ce que la cité nomme le parcours muséographique, présenté dans cet article:

 

 

Enfin, dernière expo, qu’il faut voir, lire, revoir, relire, celle consacrée à Fabcaro (auteur à rererelire: article du Parisien, vidéo interview, et puis cert article consacré sur le blog à une planche de zaï zaï zaï):

 

 

Bref, par train, par voiture, bus ou char à voile, direction Angoulême – Cité Internationale de la BD et de l’Image !

 

 

 

 

Nom de code: père Noël

Posted by Michaël PIAT on 9 décembre 2021 in Non classé with Comments closed |

Nom de code : père Noël

Mission officielle : apporter des cadeaux

Sa véritable mission : faire exploser les codes de Noël !

 

La figure du père Noël que nous offrent Béatrice Tillier et Philippe Bonifay avec Mon voisin le père Noël, Sfar et Munuera dans Merlin contre le Père Noël ou encore Tronchet dans Houppeland (le tome 1), bouscule les habitudes prises avec les traditionnels et bien mièvres téléfilms de Noël.

 

 

 

Georges n’est pas un mauvais bougre, un cadre supérieur totalement banal, que sa rencontre avec son presque voisin de palier, bouleverse totalement. Georges n’est peut-être pas si lisse, en fin de compte…Ce premier père Noël est comme l’ange du destin qui révèle les fautes, les siennes, celles des autres, mais pas ses propres failles. Le plus fou des deux n’est peut-être pas celui que l’on croit – pas forcément le moins sage non plus.

 

 

Une tempête de folie agite les esprits de merlin, l’enfant Merlin, déjà en possession du pouvoir de faire une soupe incroyable mais peu recommandable, assaisonnée au croupion de cochon. Le père Noël en perd tant la raison qu’il devient un ogre… un ogre qui, comme tous les ogres, c’est évident, veut manger les enfants ! Voilà un prétexte drôlissime pour entrer dans la société des ogres, des « monstres [qui] valent mieux que ceux qui les nomment et le spectacle de ces ogres de tous les pays s’avère assez réjouissant ». On est terrifié de rire autant, on est rassuré quand les auteurs nous rappellent que Noël ne concerne pas tout le monde sur terre…

 

 

Mais dans la société que dessine Tronchet, tout le monde fête Noël. Tous les jours. C’est une obligation imposée par le président de Houppelande. Des joyeux drilles circulent pour vérifier, jusque dans les maisons à l’heure du réveillon, que les convives sont heureux et célèbrent Noël avec des cadeaux amusants et de bonnes blagues. René Poliveau est le grain de sable – par amour pour une femme qui a mauvaise réputation, chaque fois dénoncée par les braves gens que le pouvoir sollicite. De coups de théâtre en révolutions de palais, René Poliveau devient, sans en revêtir le costume, un père Noël de liberté.

On l’aura, j’espère, deviné : ces trois BD dénoncent à leur façon, avec humour et tendresse, l’obligation d’être servilement heureux dans une société de consommation dont le cadeau de Noël devient l’emblème, plus encore que le père Noël lui-même. On peut devenir pour soi-même son propre père Noël, et se libérer, si on s’accorde un peu de temps et de repos – joyeux Noël ! …

 

Le monde cartographique d’Astérix – épisode 2

Posted by Michaël PIAT on 30 septembre 2021 in Géographie with Comments closed |

Le Tour de Gaule d’Astérix reste une promenade dans l’humour et la gastronomie franco-gauloise, entre Romains et sangliers. Nous avons tous en tête la carte tracée au sol par Astérix – carte qui, étymologiquement, désigne le support sur lequel est tracée la carte, la représentation.

La carte se veut similaire à l’espace qu’elle donne à voir, mais pas la Gaule ! Elle se veut aussi conforme par la correspondance annoncée entre les villes traversées, nous devrions dire les cités, et les villes dans le monde physique. Un internaute s’est amusée à retracer sur une carte interactive le chemin suivi par nos deux héros…

Le décalage est frappant, l’effet de réel de la carte d’Astérix ne tient pas face à la conformité de la seconde carte ! Le tour de Gaule semble plus assurée dans le second cas 🙂

Le monde cartographique d’Astérix – épisode 1

Posted by Michaël PIAT on 13 juillet 2021 in Géographie with Comments closed |

Chaque album des aventures de l’incroyable et surpuissant petit Gaulois est introduit avec un texte et une carte. Nous en proposons ici une lecture particulière…

La page de garde de chaque album d’Astérix est sans doute une des pages les plus familières du grand public comme des élèves. Elle offre une belle initiation à la transposition en langage cartographique d’un texte géographique. Bien sûr, la rigueur scientifique attendue dans les épreuves d’E3C n’est pas le souci de René Goscinny et d’Albert Uderzo, qui utilise le langage de la bande dessinée pour transposer leur texte et faire correspondre la carte et le texte. Il n’empêche : une corrélation intéressante existe entre le texte et la carte.

Nous disposons d’un certain nombre d’informations de temps et d’espace. Placées au Ier siècle avant J.-C., les aventures d’Astérix se déroulent dans un contexte géopolitique particulier : après la conquête des Gaules, présentées comme « la Gaule », tandis que la carte expose une nomenclature confuse, entre une Gaule en majuscule et des provinces aux dénominations inexactes, qui doivent parler tant de l’Antiquité que de la France des années 1950, dans une nomenclature également en majuscule mais dans une taille de caractère inférieure. Difficile de se situer dans l’espace historique des Gaules romaines avec ces indications ! La conquête elle-même ne se lit pas de manière conventionnelle : aucun graphisme ne montre aux lecteurs l’emprise des Romains sur ces territoires. Un seul élément polysémique la suggère : le [xxx]. Tel que Goscinny le plante, il produit un impressionnant effet de 3D, avec une vue en plongée et une ombre terrifiantes. L’objet est en effet planté : le choc contre la terre la fissure, non seulement, peut-être, en plusieurs provinces romaines telles qu’elles sont dites par la nomenclature, mais sans doute aussi pour suggérer l’écho de l’implantation et de la diffusion du pouvoir romain sur toute la « Gaule » au singulier. Diffusion à venir puisque nous ne sommes qu’au début de la romanisation de ces espaces. Les fissures peuvent aussi suggérer l’enracinement en profondeur à venir de la romanisation. Un seul élément pourtant confirme la romanisation au-delà de l’emblème du pouvoir romain : la cité de Lutèce, ancêtre de Paris, alors que Lyon devient la première capitale des Gaules – à qui s’adressent alors les auteurs avec cette carte ? Question déterminante en cartographie. La BD est-elle pour un lectorat qui ne peut penser l’organisation contemporaine de la France dans les années 1950 sans envisager une autre centralité que la centralité parisienne, ou les auteurs refusent-ils de s’affranchir de cette centralité pour conquérir commercialement le lectorat habitué à cette fausse centralité dans la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C. ? La cité reste néanmoins associée au figuré ponctuel du cercle, ce qui n’est sans doute pas par hasard : le carré suggère en sémiotique de la cartographie une certaine stabilité, pour ne pas dire une fixité certaine, tandis que le cercle est perçu comme une figure qui peut s’étendre – de Lutèce à Paris ?

Le texte envisage ensuite une résistance sur ce territoire : un « village » s’oppose aux Romains, le village des célèbres « irréductibles » Gaulois. Changement d’échelle donc, avec une traduction dessinée aussi forte que l’effet produit : une loupe posée sur le village. Le changement d’échelle correspond à un effet de zoom mais sur la carte elle-même, ce qui laisse les deux espaces, l’espace gaulois sous l’empire de Rome et l’espace du village encore indépendant, totalement associé. Une question se pose : où se trouve ce terrible village que César ne soumet jamais ? Normandie ou Bretagne ? La forme du trait de côte et l’effet de loupe suggère les deux littoraux du nord-ouest de la France actuelle mais la présence de trois rochers dans la mer rappelle le cap d’Erguy dans le nord du Finistère. Au fond, peu importe, sinon pour la gloire touristique des lieux qui revendiquent cette association géo-bédésque. Nous pouvons remarquer que cet effet de loupe est une réponse à l’emblème romain qui n’écrase pas finalement toute la carte.

Cette carte, enfin, évoque cette géographie vidalienne des années 1950, tout entière consacrée au relief, aux formes physiques du territoire, premières études de tout manuel de géographie. Les massifs montagneux et l’hydrographie sont reproduits avec une exactitude impressionnante, comme une page de manuel ou de livre de géographie, que chaque petit.e Français.e doit savoir reconnaître, comme si cette France existait dès la Gaule – remarquons que la carte semble à l’échelle nationale, celle de la France, pas vraiment à l’échelle des Gaules, ni à l’échelle des peuples celtiques, ni élaborée selon les informations que les Romains affectionnent de spatialiser.

Finalement, la codification du texte en image – une carte est avant tout une image – produit un discours bien plus complexe que le texte lui-même, riche de sens et d’ambiguïtés. Les deux sont indissociables, mais la carte enrichit le texte. Dans ce cas de figure, la carte n’est pas reproduction graphique du texte, ni équivalence stricte, elle transpose dans un autre langage les informations que contient le texte, et l’enrichit de représentations propres à l’époque des auteurs, même si certains éléments de leur langage cartographique sont encore utilisés aujourd’hui. Pour que fonctionne ce passage d’un langage à l’autre, il faut établir un compromis entre leur travail d’écriture de l’histoire racontée dans le texte d’introduction aux aventures d’Astérix et Obélix, et leur travail de maîtres de la bande dessinée qui ne font pas œuvre de géographique historique ou contemporaine, mais qui veulent spatialement informer leurs lecteurs et les faire rire – on peut supposer que l’effet de loupe annonce aussi les « gros nez » des personnages, les exagérations à venir, les mécanismes de la caricature, donc les déformations. Les auteurs provoquent avec la carte et la loupe, avec les informations spatio-temporelles, un effet de vérité qu’il faut impérativement contextualiser et déconstruire, au risque sinon de prendre cet effet au pied de la lettre. La vérité de la carte est donc relative et reste un point de vue, celui des auteurs. N’oublions pas que l’effet de loupe est un effet grossissant, donc déformant, comme si l’histoire qui doit se dérouler sur la carte est une histoire déformée mais qui prend pied sur un espace qui a existé – de tout temps comme la carte physique pourrait le laisser entendre ?

Blog Back – un bel été pour préparer une belle saison à venir

Posted by Michaël PIAT on 13 juillet 2021 in Non classé with Comments closed |

Le covid et d’autres imprévus à la fois personnels et professionnels ont suspendu pendant quelques mois ce blog, dont la reprise est annoncée dès aujourd’hui ! La douleur générée par l’épidémie ne doit pas nous empêcher de vivre et de rire, “à en crever” s’il le faut, comme l’écrivait Albert Cohen dans un autre contexte, ou à la manière tendre et délicate de Roberto Benigni dans son film “la vie est belle” (1997). Deux suggestions de lecture présentées sur France Info le rappellent avec force et intelligence.

UN AN DEJA... ET CE N\'EST PAS FINI !

L’émission s’écoute sur la page de la radio.

Bel été, bonnes lectures et courage !

Les Indes fourbes

Posted by Michaël PIAT on 21 janvier 2020 in Histoire with Comments closed |

Aventurier par nécessité, escroc par vocation, maqueraud par opportunisme, toujours gibier de potence en sursis, don Pablos de Ségovie monte l’arnaque du XVIIe siècle, servie en plusieurs dizaines de planches par deux auteurs inspirés. De l’Espagne à l’Amérique, du garnement des rues de Ségovie, au maraud des montagnes andines, Pablos nous prend dans son rêve de folie et de grandeur. Ses pieds entraînent les nôtres dans une quête incroyable, celle du mythique El Dorado.

Un déroulement en trois séquences, des cascades d’humour, de références et d’imagination, fondé sur une recherche historique et une littérature prolongée par l’esprit d’Ayroles et le dessin de Guarnido. Le vagabond filou, fraudeur et faussement lâche, oscille entre zénith et nadir d’une carrière finalement réussie de magouilleur magnifique. Embarquez pour les Indes fourbes ! Esclaves, hidalgos, courtisans, soldats, marchands, marins et va-nus-pieds sont du voyage.

Maria et Salazar

Posted by Michaël PIAT on 20 janvier 2020 in Histoire with Comments closed |

Parce que Maria a quitté Salazar pour rejoindre son mari en France et servir la famille de Robin Walter, l’auteur de ce récit témoignage, le.a lecteur.rice est peu à peu immergé.e dans une histoire à plusieurs entrées. L’histoire de Maria tout d’abord, qui vient de Ramalheiro, lointain village portugais. L’histoire de Manuel, son mari, qui cherche du travail en France. L’histoire de Robin, l’auteur et narrateur, transcripteur et passeur d’une mémoire et d’une histoire qui dépassent celles de ce couple portugais et de sa famille qui ouvre sa maison à Maria, son employée. C’est l’histoire de deux pays séparés de quelques encablures, une dictature qui pousse à l’exil, une démocratie qui a besoin de main d’oeuvre. C’est l’histoire d’une maison et d’une terre. L’auteur, finalement, prend peut-être conscience qu’il n’a pas seulement habité la maison de sa famille, mais aussi le Portugal. C’est l’histoire d’une femme qui, pour habiter sa maison, a dû quitter sa terre et fonder sa famille ailleurs. C’est l’histoire d’un voyage parmi d’autres, par-delà les frontières et le temps, comme en ont vécu des centaines de milliers de Portugais, portée, non sans émotion, par un trait sobre et réaliste, et une narration sûre qui alterne récit d’histoire et récit contemporain, en noir et blanc, sur quelques dizaines de pages, par un auteur qui mérite une belle diffusion.

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