Et si… Témoignages imaginaires

Et si…

Et si les esclaves à bord de l’Utile avaient pu se confier à l’écrivain de bord, si Keraudic avait laissé une place à la parole des esclaves malgaches dans son journal de naufragé ? Voici ce qu’ils auraient pu lui confier et nous laisser comme témoignages, selon l’imagination de quelques élèves…

(Extraits)

Le naufrage. (Témoignage proposé par Léa)

31 juillet 1761

On est tous entassés dans cette cale, je commence à étouffer. Je me demande ce que ces blancs nous veulent. Je les entends crier, pourquoi paniquent-ils ? Je ressens des secousses. Je ne comprends pas, je ne peux plus respirer, je ne vois plus.

Je peux enfin respirer. Il faut que j’atteigne la berge, là-bas, au loin.

J’y suis, j’ai enfin atteint la terre ferme. Il fait nuit, je ne vois rien. Où suis-je ? Je suis épuisé. J’ai faim, j’ai soif, j’ai sommeil.

1er août 1761

Le soleil se lève, j’ai dormi sur le sable. J’ai des courbatures, je n’ai toujours pas bu. Tout le monde s’active sur la plage. J’ai trouvé des œufs à manger. On n’a toujours pas trouvé d’eau. On fait des abris et on essaie de faire du feu.

On a distribué de l’eau, qui provient des tonneaux échoués. Je peux enfin boire.

Rescapée : le témoignage de Tsimiavo (Témoignage proposé par Jade)

31 juillet 1761

Il fait nuit. Un énorme fracas retentit au fond de la cale dans laquelle ces monstres nous ont enfermés. Je ne sais pas ce qu’il se passe, mais les autres s’agitent. Puis d’un coup, l’eau froide et glaçante me submerge et j’ai beau me débattre et lutter contre ces chaînes, je n’arrive pas à atteindre le dernier bout d’air qu’il reste pour reprendre mon souffle tandis que mon corps devient lourd.

1er août 1761

Je me réveille sur le sable chaud. Lorsque j’ouvre les yeux, je vois des hommes et des femmes en larmes, sûrement à cause des corps inertes qui flottent sur le vaste océan, tandis que les étrangers essaient tant bien que mal de rassembler des morceaux du bateau. J’entends alors au loin une femme m’appeler « Tsimiavo, Tsimiavo… », je découvre que ma mère a survécu au naufrage.

L’île est déserte, juste quelques buissons, juste du sable et le vaste océan. A la tombée de la nuit, tout le monde est allongé et presque serein face au ciel étoilé.

2 août 1761

Ce matin, les blancs nous ont réveillés avec des sauts d’eau. Nous hurlons de souffrance tellement l’eau salée brûle nos blessures. Ils nous donnent des instructions pour reconstruire le bateau ; aux femmes, ils demandent de trouver de quoi manger et s’abriter.

Le naufrage (Témoignage proposé par Erina)

La douleur aux chevilles est de plus en plus atroce. Je ne me souviens même plus à quoi ressemble la lumière ; le temps semble arrêté à l’intérieur de la cale, où nous sommes entassés les uns sur les autres, pouvant à peine bouger.

Les vagues de l’océan viennent frapper la proue du bateau. A chaque déchaînement des vagues, la peur de voir le bateau chavirer est constante, je donnerais beaucoup pour sortir de là.

Soudain, un craquement plus fort que les autres vient étouffer nos hurlements. L’eau s’infiltre par un trou gigantesque. Tout le monde essaie de sortir, mais les chaînes à nos chevilles nous empêchent de partir. La vague nous recouvre. Le bateau se brise. Je m’accroche à une planche, mais je ne sais pas nager. J’ai peur. Je commence à avaler de plus en plus d’eau. Une vague me pousse vers la surface mais ma tête heurte un débris du bateau et je perds connaissance.

Je me réveille allongé sur du sable chaud, avec une grosse bosse à la tête. J’entends des pleurs et des cris autour de moi, certainement à cause des corps sans vie des autres prisonniers.