CHOC

 

L’hiver a recouvert la Grande-Bretagne d’un manteau blanc quand M.Choc fait l’acquisition d’un immense et lugubre manoir. M.Choc, c’est le chef de la plus grande organisation criminelle du pays : la Main Blanche. Poursuivi par la police mais surtout par son passé, qu’est-ce que cet homme mystérieux au masque de chevalier cache-t-il ?

 

Aux origines…

Ce n’est pas la première fois que M. Choc, le redoutable héros de cette histoire, se manifeste dans une bande-dessinée. Sa première apparition remonte à 1938, dans la série Tif et Tondu. Tif et Tondu sont deux détectives qui ont souvent affaire au gang de « la Main Blanche », dirigé par un inquiétant chef casqué, j’ai nommé … Choc !

Et lorsqu’on regarde le nom des dessinateurs de Choc et Tif et Tondu, on soupçonne la filiation… Le dessinateur de la BD Choc, les fantômes de Knightgrave, Éric Maltaite n’est autre que le fils de Willy Maltaite – alias Will -, dessinateur de Tif et Tondu. Un clin d’œil d’Eric à son père ?

Bien que l’on retrouve les mêmes protagonistes, ces bandes-dessinées sont différentes en de nombreux points. Tif et Tondu se place plutôt du côté des « gentils » tandis que Choc nous fait passer du côté « obscur » (de la force). On y découvre une partie de son passé ainsi que les activités illicites de la Main Blanche … Cette BD lève (enfin!) le voile, ou le masque, sur le célèbre méchant de Tif et Tondu.

Au cœur du polar

Si vous aussi, avec ce graphisme dynamique et cru, ces courses-poursuite et ce charismatique protagoniste vous avez entendu  cette chanson [écouter ci-dessus] : vous conviendrez que l’univers de gangster de la BD est celui d’un pur polar. Choc avec ses costumes chics, ses sorties fracassantes mais aussi son aura insaisissable serait le célèbre James Bond passé du côté obscur (de la force) et nous serions les mêmes lecteurs avides de suspens. Dur, dur, de déterminer qui va rester en vie ou de s’attacher au moindre personnage tant le gang de la Main Blanche à la gâchette facile ! Avec son atmosphère énigmatique et explosive, la BD nous tient en haleine de la meilleure façon qui soit.

Nous devenons les détectives de l’histoire. L’auteur nous mène habilement sur la piste de deux enquêtes simultanées.

La première est officielle et se déroule aux côtés de la police avec laquelle nous poursuivons la Main Blanche pour mettre un terme à ses méfaits (sans grand succès malheureusement pour la justice britannique).

La seconde est une enquête tacite que le lecteur mène sur l’histoire de Choc dont le passé et des plus tourmenté. Nous sommes guidés pour cela par une succession de flash-back courts sans transition graphique avec le présent. Ce procédé nous a d’ailleurs désorientées dans notre lecture. Pourquoi ne pas avoir mieux délimité le passé du présent ? Il est possible que ce soit un fait exprès de l’auteur qui avec cette temporalité décousue cherche à mettre en relief l’esprit détraqué de M. Choc.

Mais ce qui nous plonge vraiment dans l’atmosphère d’un policier bouquiné en sécurité au coin de sa cheminée, ce sont ses personnages. Toutes les figures du thriller classique sont là, nous les avons recensés pour votre plus grand plaisir :

M.CHOC

Le Grand méchant

Maigre, élégant, impassible, Choc a tout de

la parfaite machine à tuer. Il est impitoyable

et machiavélique. Son passé crée un voile

de mystère autour de lui…

LE MAJORDOME

L’homme de main incorruptible

Avec une aura proche de son maître, le

majordome fait froid dans le dos.

Taciturne et mortel, il semble dévoué

entièrement a M.Choc.

L’ENQUÊTEUR

Le bon génie de la police

On le voit peu dans ce premier

tome, mais il semble profondément

bon et interpellé par les motivations

de M.Choc.

L’atmosphère

Choc, les fantômes de Knightgrave, nous plonge dans une ambiance très particulière qui nous rappelle les nouvelles de Maupassant. On y retrouve la même incompréhension des événements, la même perte de repères, on ne sait plus où l’on est …

L’auteur nous guide à travers des détails : un oiseau, une pie précisément, rôde dans cette BD et nous prévient des événements funestes. A chaque meurtre, à chaque drame, la pie est présente.

Une pie, comme le costume Queue De Pie de M. Choc, le commanditaire de tous ces désastres. Une pie, symbole de mauvais augure, une pie qui peut aussi faire référence au corbeau d’Edgar Allan Poe. Le Corbeau est un poème qui raconte l’histoire d’un homme recevant la visite d’un corbeau, l’oiseau finit par plonger l’individu dans la folie.

La pie de Choc amène la désolation partout où elle passe.

L’atmosphère de cette bande-dessinée ne se limite à un oiseau calamiteux. C’est aussi un incroyable mélange de mélancolie et de nostalgie. Les dessins semis-réalistes accentuent le mystère et la cruauté de l’histoire. Les images sont violentes, il n’y pas de censure ce qui créé un effet « choc ». Tout est orchestré d’une main experte pour que le lecteur soit entraîné dans l’univers du gangster et ne ressente à son égard, non pas du dégoût lié aux nombreux méfaits qu’il commet, mais de la curiosité et de la compassion. Grâce aux flash-back qui sont disséminés dans cet ouvrage et nous montre M.Choc comme un garçon miséreux et éprouvé.

Pourquoi M.Choc est -il si Méchant ?

M.Choc est le chef cruel d’un gangster aux desseins noirs dont “Tif & Tondu” nous avait donné un aperçu. Dans CHOC, nous redécouvrons ce personnage et son histoire. Il est hanté par les souvenirs de son enfance, profondément marqué par la souffrance et un désir de revanche.

Grâce aux flash-back qui ponctuent la BD, nous explorons le passé de M.Choc, à l’époque un petit garçon nommé Eden.

Son histoire commence lorsque sa mère française tombe amoureuse d’un soldat anglais, Eden Cole, pendant la 1ère Guerre Mondiale. Ils sont séparés par les combats, mais ils se font la promesse de se retrouver. A la fin de la guerre, elle retourne le voir en Angleterre accompagnée d’un nourrisson qui n’est autre que le petit Eden, – celui qui deviendra par la suite M.Choc.

C’est là que ça se gâte, Eden n’est pas le fils du grand Amour anglais mais du viol de la jeune française, survenu peu de temps après le départ des troupes anglaises. L’Anglais accepte néanmoins son rôle de paternel bien que la guerre ait laissé des séquelles irréparables en le plongeant dans l’alcool. Cet homme brisé finit tué sous les coups de policiers lors d’une manifestation communiste sous les yeux de son fils adoptif. Sa mort marque un tournant dans la vie de l’infortuné Eden.

Le fils et sa mère sont désormais livrés à eux-mêmes. Ils seront alors employés dans le manoir de Knightgrave, tenu par le comte Essex. Ce comte deviendra le troisième père d’Eden, lui apportant un modèle riche et juste que le jeune garçon admirera profondément.

C’est alors qu’un énième drame survient et l’enfant est envoyé en maison de correction. Un endroit abject où il y vivra les moments les plus rudes de sa vie. Quand il s’en échappe, il apprend que sa mère a elle aussi connu un sort tragique et a succombé à ses blessures.

Tous ces éléments ont traumatisé le petit Eden qui, aujourd’hui devenu un adulte mûr, est encore poursuivi par ses fantômes. C’est du moins l’explication que semble vouloir nous donner ce premier tome de la bande-dessinée…

La pièce manquante du puzzle

C’est fini ?!


Inutile de chercher une dernière page, le premier tome s’arrête aussi énigmatiquement qu’il a commencé. Au cours de la bande-dessinée le passé tourmenté de Choc a été mis en lumière. On pouvait commencer à émettre des pistes sur les raisons qui l’ont poussé à rejoindre le monde du crime, mais pas expliquer comment. A-t-il été initié dans cette voie ou bien, a-t-il construit lui-même sa mafia ? Dans le présent, on ressent fortement l’obsession que Choc a pour son passé et tout ce qui s’y rattache, comme s’il désirait rétablir la justice à laquelle il n’avait pas eu droit. Il est donc difficile de déterminer si toutes ses actions ont pour but de se venger de ses bourreaux où s’il sert d’autres intérêts plus… lucratifs. Il faudra attendre le prochain volet de la série pour résoudre le mystère.

Jazzbow, La Pie Jacasse & Cibiche