L’argent ne fait pas le bonheur

J’y étais, depuis des mois que j’attendais, j’étais enfin arrivée à Boston. Un taxi m’attendait en affichant mon nom, le chauffeur, habillé en costume et qui portait des lunettes de soleil, porta mes bagages et m’ouvrit la porte comme si c’était mon chauffeur privé. Cela me dérangea un peu, moi qui viens d’un milieu, où pour se déplacer on doit prendre le bus ou le métro.

Trente minutes après le départ de l’aéroport, nous étions arrivés au portail d’une immense demeure, la propriété était tellement grande que l’on n’en voyait même pas la limite.

Une femme et deux petites filles attendaient sur le pas de la porte, sûrement pour m’accueillir. Pour descendre, le chauffeur m’ouvrit à nouveau la porte, et la femme, après avoir remercié celui-ci par son prénom, Jack, si je me rappelle bien, se dirigea vers moi :

-Bienvenue ! Vous devez être Émilie Doucet, la fille au père que mon mari a engagé ? Mon nom est Margaret Clark, vous pouvez m’appeler Margaret. Et voici mes deux filles, Susie qui a sept ans et Julia qui en a onze.

-Merci de m’accueillir chez vous, répondis-je assez timidement. Et vous pouvez me tutoyer.

-Très bien comme tu voudras ! Viens, je vais te faire visiter la maison, répliqua Mme Clark avec enthousiasme.

Quand nous sommes rentrées dans la maison, je fus abasourdie par la grandeur, la maison devait être trois voire quatre fois plus grande que la mienne, je m’y serais perdue. Elle était magnifique, toutes les nouvelles technologies y étaient installées, il avait aussi une cheminée électrique, chaque pièce était immense et peinte de tons clairs. Ensuite nous sommes allées dehors, il y avait une immense piscine, des écuries, moi qui rêvais de faire du cheval mais je n’avais pas les moyens, j’aurais peut-être l’occasion d’en faire, il y avait une aire de jeux aussi, pour les filles et encore plein d’autres aménagements que je ne pourrais jamais m’acheter.

Après la visite, Margaret m’accompagna jusqu’à ma chambre, où le chauffeur avait déposé mes valises. Cette chambre aussi devait être trois fois plus grande que la mienne. Tous les murs étaient peints en blanc avec une ou deux bandes horizontales rose pâle. Un immense lit était placé au milieu de la pièce, surplombé d’un magnifique lustre, et il y avait aussi un dressing, une commode et aussi une porte qui menait à une salle de bains privée avec une baignoire et une douche. Je ne pouvais pas rêver mieux comme chambre.

Mme Clark et ses filles me laissèrent ensuite m’installer. En même temps, je me demandais comment ces sept mois allaient se passer, avec cette famille riche, moi qui venais de Saint-Denis. C’est vrai que Margaret était belle et jeune et ses deux filles, elles, qui n’avaient pas dit un mot de la visite, paraissaient très et trop gâtées. Et M. Clark où était-il ?

Il était vingt heures, déjà, et j’entendis quelqu’un arrivé, sûrement M. Clark, monter et toquer à ma porte. Lorsque la personne entra, qui était bien M. Clark, je découvris un homme d’une cinquantaine d’années, grand avec les cheveux grisonnants. Il me souhaita la bienvenue et m’expliqua ce que j’aurais à faire durant mon séjour, je gagnerais 2700 $, l’équivalent de 2500 €, ce qui était énorme pour moi. Après cela nous sommes allés manger et la journée fut déjà terminée.

Un mois était déjà passé, je m’étais en fin de compte très bien intégrée, lorsqu’un jour, quand j’étais dans ma chambre, Julia entra avec une petite mine triste :

-Que t’arrive-t-il ? demandai-je, inquiète, tu sais que tu peux tout me dire, je suis là.

-C’est papa, répondit-elle avec une larme sur sa joue, il m’avait promis qu’on irait faire une balade ensemble mais comme d’habitude il a encore oublié.

-Ce n’est pas grave, la rassurai-je, tu auras d’autres occasions pour être avec ton père.

-Mais tu ne comprends pas ! C’est tout le temps comme ça, il n’y a que le travail qui compte pour lui ! dit-elle en fondant en larmes.

-Ne dis pas ça c’est ton père quand même !

-Mais c’est vrai ! Il ne s’occupe jamais de nous, et maman, elle aussi est trop submergée par le travail pour voir qu’on est triste avec Susie. Tu sais, tu n’es pas la première qui vient à la maison pour nous garder et s’occuper de nous, nos parents ne se sont pas beaucoup, voire jamais occupés de nous et ce n’est pas en étant là une semaine par mois et nous en nous couvrant de cadeaux que ça va changer. Nous ce qu’on veut c’est qu’ils soient là, avec nous.

Julia m’avait donné envie de pleurer, je n’étais peut-être pas riche mais ma mère me couvrais d’amour, ce qui était le contraire de Julia et Susie.

-Ne pleure pas ! Ne t’inquiète pas si tu veux j’irais parler à tes parents de ce que tu ressens et peut-être que cela va les faire réfléchir, lui dis-je avec la plus grande sincérité.

La réaction de Julia me surprit, elle arrêta immédiatement de pleurer, afficha un grand sourire, me sauta au coup pour me faire un câlin et sortit de ma chambre en dansant et en chantonnant.