Blog Back – un bel été pour préparer une belle saison à venir
Le covid et d’autres imprévus à la fois personnels et professionnels ont suspendu pendant quelques mois ce blog, dont la reprise est annoncée dès aujourd’hui ! La douleur générée par l’épidémie ne doit pas nous empêcher de vivre et de rire, “à en crever” s’il le faut, comme l’écrivait Albert Cohen dans un autre contexte, ou à la manière tendre et délicate de Roberto Benigni dans son film “la vie est belle” (1997). Deux suggestions de lecture présentées sur France Info le rappellent avec force et intelligence.
L’émission s’écoute sur la page de la radio.
Bel été, bonnes lectures et courage !
Les Indes fourbes
Aventurier par nécessité, escroc par vocation, maqueraud par opportunisme, toujours gibier de potence en sursis, don Pablos de Ségovie monte l’arnaque du XVIIe siècle, servie en plusieurs dizaines de planches par deux auteurs inspirés. De l’Espagne à l’Amérique, du garnement des rues de Ségovie, au maraud des montagnes andines, Pablos nous prend dans son rêve de folie et de grandeur. Ses pieds entraînent les nôtres dans une quête incroyable, celle du mythique El Dorado.
Un déroulement en trois séquences, des cascades d’humour, de références et d’imagination, fondé sur une recherche historique et une littérature prolongée par l’esprit d’Ayroles et le dessin de Guarnido. Le vagabond filou, fraudeur et faussement lâche, oscille entre zénith et nadir d’une carrière finalement réussie de magouilleur magnifique. Embarquez pour les Indes fourbes ! Esclaves, hidalgos, courtisans, soldats, marchands, marins et va-nus-pieds sont du voyage.
Maria et Salazar
Parce que Maria a quitté Salazar pour rejoindre son mari en France et servir la famille de Robin Walter, l’auteur de ce récit témoignage, le.a lecteur.rice est peu à peu immergé.e dans une histoire à plusieurs entrées. L’histoire de Maria tout d’abord, qui vient de Ramalheiro, lointain village portugais. L’histoire de Manuel, son mari, qui cherche du travail en France. L’histoire de Robin, l’auteur et narrateur, transcripteur et passeur d’une mémoire et d’une histoire qui dépassent celles de ce couple portugais et de sa famille qui ouvre sa maison à Maria, son employée. C’est l’histoire de deux pays séparés de quelques encablures, une dictature qui pousse à l’exil, une démocratie qui a besoin de main d’oeuvre. C’est l’histoire d’une maison et d’une terre. L’auteur, finalement, prend peut-être conscience qu’il n’a pas seulement habité la maison de sa famille, mais aussi le Portugal. C’est l’histoire d’une femme qui, pour habiter sa maison, a dû quitter sa terre et fonder sa famille ailleurs. C’est l’histoire d’un voyage parmi d’autres, par-delà les frontières et le temps, comme en ont vécu des centaines de milliers de Portugais, portée, non sans émotion, par un trait sobre et réaliste, et une narration sûre qui alterne récit d’histoire et récit contemporain, en noir et blanc, sur quelques dizaines de pages, par un auteur qui mérite une belle diffusion.
Une maternité rouge
Christian Lax nous offre un récit intelligent et subtil, qui interroge nos rapports à l’autre, à l’art, à l’histoire.
Quand un arbre explose, il libère une statue et une histoire. Grâce au doigté de Lax, dans le trait comme dans la narration, nous suivons Alou, jeune Malien, qui reçoit la mission de protéger cette statue. Il doit alors suivre un route peu ordinaire, qui le portera jusqu’en France, au coeur des réserves africaines du Louvre.
Cette histoire contemporaine est aussi une reconstitution du parcours de ces hommes et de ces femmes souvent traités comme des envahisseurs, dont l’histoire est ignorée mais dont les traits sont jetés en pâture à l’ignorance et à la haine. Alou ne doit pas seulement sauver sa vie : il porte, en cette statue du XVIème épargnée de la convoitise des Français quand ils quittèrent le Mali en 1960, la patrimoine et l’identité d’un peuple. Protéger cette statue, c’est protéger toute l’humanité qu’elle véhicule en ce qu’elle l’expression artistique d’un groupe humain. L’art n’est pas seulement fédérateur, il devient, selon Jean-Paul Changeux, “le fondement de l’humanité”.
Franchir une frontière avec Astérix…
La BD Astérix et les Goths met en scène, sur le limes rhénan, un des critères de définition de la frontière retenu par Michel Foucher : « la distinction entre le dedans et le dehors, en délimitant le cadre de la définition de citoyenneté ». Il s’agit bien de marquer l’identité sur l’espace. Selon le même auteur, « la frontière internationale est la limite entre deux souverainetés étatiques, entre deux ordres juridiques, deux systèmes politiques, monétaires, deux histoires nationales. Elle est une discontinuité et un marqueur symbolique ». De part et d’autre de la frontière dans la bande dessinée, le sol est différent : le pavé romain, soit la nature domestiquée par le génie militaire, pour ne pas dire la civilisation ; de l’autre côté, la terre à nue, non domestiquée et non romanisée, soit l’espace dénuée de civilisation. Représentée dans la bande dessinée non par une ligne continue, mais par des pointillés, elle est ligne en mouvement, toujours susceptible de nouvelle définition, difficile à marquer définitivement et clairement dans l’espace, ce qui est le cas pour le limes rhénan. Les pointillés rappellent que la ligne peut être traversée, la frontière est zone de passage entre deux espaces de natures différentes. Au passage, on peut supposer que Uderzo et Goscinny savaient que le limes rhénan avait été tracé selon une ligne arbitraire sans prendre en compte la topographie et cette dernière doit s’adapter aux usages de la frontière : les pointillés sont tracés dans la BD sans lien avec la nature, qui est aménagée pour que la frontière soit visible. Elle est donc espace d’interface et d’interaction. Elle concrétise une séparation mais aussi une extension et une réduction des espaces dont une possible compétition dans la cohabitation. Assurément, une volonté de contrôle, qu’elle soit démilitarisée ou non. Il faut être autorisé.e pour franchir la frontière ; Astérix se plaint des « formalités », puisqu’il doit exposer une identité qui lui semble évidente. La frontière est sécurité donc espace protecteur mais à protéger aussi, pour garantir cette sécurité. Les usages de la frontière précisent sa définition : barrière, interface, territoire.
Prix BD – Bilan de la saison 1
La Médiathèque de Saintes nous a accueillis fin juin en plein chaleur caniculaire pour le vernissage de l’exposition et la remise officielle du prix à Emile Bravo dont la présence était matérialisée par le dessin dédicacé qu’il nous avait envoyé.
Le Lycée nous a fait l’honneur d’accompagner ce moment de partage et de premier bilan d’appétissantes sucreries et autres rafraîchissements.
Une trentaine de personnes, dont des élèves, des professeurs, des parents et de curieux, ont assisté à cette manifestation. Nous espérons que la prochaine édition rencontre encore plus d’écho !
Un avant-goût de 2020…avec de la géo !
Le but est de travailler avec cette planche sur les notions de distance, de proximité, de connectivité.
Dans un road movie exceptionnel, Fabcaro profite d’une planche pour se moquer de la perception de l’espace par les Parisiens. Ici, un rédacteur en chef envoie son journaliste dans le département de l’Hérault.
Les élèves doivent identifier les modes de transport utilisés, remarqué leur succession dans la narration qui se double d’une chronologie inversée : du mode de transport le plus moderne et le plus rapide, qui reste l’apanage des grandes villes et métropoles, jusqu’à la marche dans la jungle. L’association jungle / département de l’Hérault doit les faire réagir : par comparaison avec une carte des densités et des localisations urbaines, ils comprendront que la réalité socio-spatiale ne correspond pas à la représentation de l’espace dans la dernière case et que la distance n’est pas seulement affaire de temporalité et de kilomètre mais aussi de perception, de regard, de représentation de l’autre. La caricature est poussée à son extrême : l’avion symbolise la modernité ; l’arrivée à pied et à la machette, un retour en arrière dans le temps, une régression pour accéder à un espace dominé, écrasé par la nature, une nature sauvage et indomptable telle que les premiers colons en terres extra-européennes ont pu sans doute la découvrir. Pour le Parisien moqué ici, l’Hérault est le contraire de la civilisation, ce qui construit une distance extrêmement difficile à franchir et rend tout autre espace que le sien difficile, voire impossible d’accès.
(Planche extraite de Fabcaro, Zaï, zaï, zaï, zaï, Paris, 6 pieds sous terre, 2015 (lien surprise)