Sans Toit ni Loi, un film d’Agnès Varda sorti en 1985, traite de la tolérance dans la société. Ce film est tourné sous la forme d’une enquête policière, car il commence en voyant Mona morte, et la présence de témoins nous permet de visualiser le dernier hiver avant sa mort. Mona est une jeune routarde qui veut et qui vit librement, sans dépendre de personne. Au début, la narratrice (voix off d’Agnès Varda) dit qu’avant de mourir, elle n’a pas laissé de trace, ce qui est contradictoire avec l’image car on voit les traces de pattes d’oiseaux, puisqu’elle est libre comme un oiseau. Lors de sa mort, elle trébuche sur un tuyau avant de tomber dans la fosse ; sa cape vole, comme un oiseau : elle est libre du début à la fin. On ne sait rien de Mona ; son passé est flou comme le chemin qu’elle empreinte. Celui-ci est semé d’embûches (forêts…), tout comme au sens figuré, sa vie. Elle rencontre diverses personnes comme Assoun et Mme Landier qui l’ont nourrie, l’ont hébergée, et Assoun lui a en plus donnée un petit travail. Elle vit dans une tente, une caravane, une voiture, une gare… Elle reste marginale et continue sans cesse son chemin. On ne sait pas quel est son but, mais on sait qu’elle va mourir. Elle semble faire beaucoup de route, voyager, mais elle est toujours sur les mêmes chemins. Cela donne l’effet qu’elle effectue sans cesse la même boucle infernale et reprend au départ lorsque quelqu’un la laisse sur la route. C’est d’ailleurs dans ces moments, lorsqu’elle marche que vient une musique mélancolique : celle-ci intervient douze fois dans le film : ce sont les douze travellings. Après avoir subit violence, faim, froid, elle est très mal. Lorsqu’elle marche, elle traîne des pieds et est prise en caméra contre-plongée pour montrer que son supplice augmente. Ensuite, on voit Assoun respirer son écharpe rouge, ici couleur de la rébellion ; cela amplifie la pitié éprouvée envers elle, car c’est à ce moment qu’elle s’apprête à mourir. Nous nous en apercevons lorsqu’elle se trouve en travers de la porte de la serre. On la voit de dos, en plan moyen, regardant les cyprès qui représentent la mort : elle s’apprête à rentrer dans le royaume des morts. De plus, ses bottes sont neuves au début du film, et très abîmées à la fin. Elles s’usent, de la même manière que la vie de Mona. Mona a, après Assoun, été hébergée par Madame Landier, spécialiste et chercheuse en ce qui concerne un champignon responsable de la maladie et de la mort des platanes. Cette maladie est la métaphore de la maladie de la société ; celle-ci n’est pas assez tolérante envers les gens différents (par exemple, les policiers du début sont racistes) alors que nous sommes tous pareils. De plus, après avoir laissé Mona, Mme Landier se fait électrocuter dans sa salle de bain. Elle voit beaucoup d’images de sa vie défiler, notamment celles de Mona qui surgissent comme un reproche (de l’avoir laissé dans la forêt où elle subit un viol). Les lampes l’illuminent afin qu’elle soit meilleure à l’avenir. Par ce film, Agnès Varda cherche à nous faire comprendre qu’il faudrait être plus attentif à ceux qui nous entourent et à être plus empathique. C’est du cinéma social, mais il n’est pas réaliste : tous les personnages ont un lien entre eux. Il est seulement un message d’appel à la solidarité. C’est d’ailleurs un an après la sortie de ce film, en 1986 qu’ont ouvert les restos du cœur. Elle veut aussi montrer que vivre trop librement dans notre société est impossible.
J’ai bien aimé ce film, car au début, on a l’impression de rentrer dans un tableau. Il y a un effet de zoom et le plan est lent comme si l’on découvrait peu à peu le monde du film. Cela indique directement que ce film est irréaliste. J’ai aussi aimé le fait qu’il y ait plein de symboles comme les cyprès qui représentent la mort ; l’écharpe rouge pour la rébellion (elle est d’ailleurs en forme de point d’interrogation sur l’affiche du film, car Mona n’a pas de but). Ainsi que des allégories comme l’illumination de Mme Landier lors de son électrocution, la maladie de la société par la maladie des platanes… J’apprécie le fait que ces symboles et allégories fassent beaucoup réfléchir sur la société actuelle, les comportements des gens… Comme l’a dit Agnès Varda, toutes les scènes ont été finement préparées, tout a été pensé pour faire passer un message au public.
Ce que j’ai moins aimé, c’est que nous sommes aussi perdus que Mona, même si c’est le but de la cinéaste, nous n’avons aucun repère. Mona n’a aucun but, ce qui est assez dérangeant, on la suit seulement. La seule chose qui change entre le début et la fin de l’hiver (donc du film), c’est la fatigue de Mona et donc sa mort. A part cela, on a l’impression qu’il n’y a pas vraiment d’action, puisque lorsque que quelqu’un la laisse sur la route, on dirait qu’elle recommence tout, elle revit la même boucle infernale. Pourtant, cela permet de voir les difficultés de la vie de Mona. Aussi, on ne sait pas vraiment qui elle est, à part qu’elle s’appelle Simone Bergeron. On ne connaît pas non plus les raisons pour lesquelles elle mène ce mode de vie. L’a-t-elle choisi ou le subit-elle ? On pourrait croire qu’elle l’a choisi car elle reste butée, ne veut rien faire, rejette souvent les autres et veut vivre sa vie sans contrainte, juste libre. Elle est marginale. Mais nous pouvons aussi croire le contraire, car quand Assoun lui dit qu’elle ne peut pas rester chez lui, elle est vexée et furieuse. Mona est une bête traquée, elle est errante.
Je conseillerais ce film à tout le monde sauf aux enfants car ils ne comprendraient pas. Je le conseillerais à deux catégories de personnes :
– à la société car elle peut se voir représentée par les personnages de ce film, ressentir de la pitié à l’égard de Mona, donc envers les plus pauvres et les marginaux, même si certains ne veulent pas d’aide. C’est le but de la réalisation de ce film par Agnès Varda.
– aux personnes qui veulent toujours plus de liberté car il faut qu’elles comprennent que dans notre société actuelle, il est très peu probable de réussir à vivre de cette manière.
De plus, le mode de vie des marginaux ou des plus pauvres est difficile car, par l’exemple de Mona avec sa couverture et ses bottes, cela lui fait une cape et des vieilles chaussures : elle vit comme à l’époque médiévale et ne reçoit plus d’aide. Plus elle avance dans le temps, plus elle recule au niveau de l’époque, cela signifie que personne ou presque ne peut sortir de ce cercle vicieux.