#continuitépédagogique et reprise

Vendredi 13 mars : on nous annonce que l’école est finie !

Réunion à 11 h 30 en salle de conférence avec la direction pour avoir les consignes principales…

Notre direction a eu l’information en même temps que nous, la veille en écoutant notre président de la république.

Cours le vendredi après midi. Les élèves pour la plupart savent que le lycée sera fermé “jusqu’à nouvel ordre” dès lundi !

Deux réactions :

  1. on est en vacances
  2. oh non madame, on va s’ennuyer 

J’en profite pour leur réexpliquer qu’avec Pronote, l’ENT, on restera en contact et on fait quelques tests.

 

Premier week end passé à préparer un mur collaboratif pour pouvoir y déposer des ressources suite à de nombreuses, très nombreuses demandes de collègues… 

Utiliser les outils numériques c’était déjà ma manière de faire : une chaine YouTube (pratiquement 5 000 abonnés, un million de vue), des murs collaboratifs pour chacune de mes classes, des outils que les élèves aiment utiliser comme Genially (start up espagnole au top), Canva, des quiz, des images interactives…
D’un seul coup, tous mes outils prennent un nouveau sens. Après avoir entendu entre autre, tout ça c’est … chronophage et ça ne fonctionnera pas… et bien si ! ça marche et là pour le coup ça va marcher encore plus…

 

Une première semaine longue avec des vidéos, des échanges sur Pronote surtout, des outils institutionnels qui, parfois, ne tiennent pas le choc… donc on se rabat sur des choses moins évidentes en termes de protection de données… mais l’important c’est de garder le contact, de continuer à avancer…

Vendredi 20 mars : j’ai la chance d’avoir été invitée par un professeur exceptionnel de SVT du Lycée de la Venise Verte à sa classe virtuelle avec une classe de 34 élèves de terminale S ! Tous les élèves sont présents. Des échanges, des questions et le cours démarre.. Impressionnée je suis…

Allez ! lundi première classe virtuelle avec ma classe de 1 CAP EVS qui ont déjà “consommé” tout ce que j’avais produit et sont demandeurs, enfin pour la plupart parce que hélas certains n’ont ni internet, ni ordinateur…

10 élèves présents sur 15 ! Le pari est gagné. Des échanges, des questions, et ça fait du bien de les voir, de les entendre, de les rassurer…de leur dire que l’important c’est surtout et avant tout leur santé ! Oui on va perdre un peu de temps scolaire mais on sera là pour eux quoiqu’il arrive… ça se passe bien !

Mardi 24 mars : classe virtuelle avec l’assistante américaine et la section européenne ! eh oui l’assistante américaine confinée avec deux autres assistants ! Mais oui je n’y avais même pas pensé ! Finalement elle préfère être en France me dit-elle ! (no comment !)

Un joli moment d’échanges avec les jeunes de la section européenne. Plus tard l’assistante américaine repartira aux Etats Unis mais continuera de faire cours avec nous de chez elle.

Mercredi 25 mars : classe virtuelle avec ma classe de seconde bac pro MRC2. Naïvement j’avais cru pouvoir faire “presque” aussi bien que mon collègue de SVT. Pratiquement 25 élèves présents mais trop difficile de faire cours car ils manquaient de discipline. Peu importe, je leur ai parlé et on a reprogrammé deux classes virtuelles car on va scinder la classe en deux groupes.

Les classes virtuelles, les échanges sur pronote, les mails, les sms, tout cela s’enchaîne et donc on reste en contact.

Dernière classe virtuelle de mars un peu compliquée car une élève nous dit avoir son oncle contaminé, une autre qui vit en foyer est en confinement total et ne sort quasiment pas, une élève me dit qu’elle n’arrive pas à ouvrir les documents en PDF… ça commence à fléchir !

 

Bref, on essaie de prendre un rythme entre classe virtuelle et quelques travaux à faire que je dépose sur un espace de travail. Les élèves ont l’habitude : la chaîne YouTube puis le blog et un espace par classe.

Les travaux sont plus simples qu’en classe : des quiz, des jeux, des mots cachés et surtout la consigne c’est : “on fait ce qu’on peut” C’est à dire que si on ne dispose pas des outils, on peut trouver d’autres solutions comme par exemple réaliser l’exercice sur une feuille puis photographier la feuille et me l’envoyer par mail ou même par sms. Tous les élèves ont mon numéro de téléphone.

 

Le 17 avril ce sont les vacances mais je leur ai proposé que la deuxième semaine on fasse quand même un peu classe virtuelle et même la première semaine des vacances car j’ai deux volontaires. Quelques-uns sont d’accord. La classe virtuelle, même si elle n’est pas magique et si ce n’est pas LA solution unique et idéale, permet tout de même de garder le contact, de leur parler, de les voir et aussi qu’ils retrouvent quelques copains de classe.


A chaque classe, j’essaie de mettre du positif, de répondre à leurs questions, de leur parler de leur hygiène de vie : comment se passent leur quotidien ? J’ai envoyé des petites plaquettes avec des exercices en EPS.

Mais ça devient bien compliqué ! Ils se couchent tard, dorment mal, s’alimentent mal également et font beaucoup d’écrans…

Reprendre le lycée pour la plupart c’est non seulement une énorme envie mais aussi un réel besoin de retrouver une vie “normale” comme ils me disent.

 

J’ai toujours été dans la bienveillance avec mes élèves mais là j’avoue que la bienveillance est la ligne directrice. Je vois bien que, même moi, dans l’organisation de ma vie personnelle et de prof, c’est compliqué, c’est fatigant… donc comment pourrait-il en être autrement pour eux. Et je pense à toutes les interrogations que cette période a pu générer dans leurs têtes d’adolescents !

Le travail de préparation, de recherche, de veille, de mise en oeuvre est énorme. Une heure de classe virtuelle c’est bien plus difficile qu’une heure de classe classique. C’est à la fois être là pour eux, les laisser parler, aborder les notions prévues au programme, mais aussi et surtout leur donner la motivation pour travailler en autonomie.

 

Deux jours avant le déconfinement mais hélas le retour en classe pour les lycéens sera peut être seulement au mois de juin, j’ai une vraie crainte pour la santé de mes élèves qui lâchent ! La semaine théorique de reprise après les vacances, ils étaient beaucoup moins nombreux. Il est vrai qu’ils se perdent aussi dans les outils qu’on leur propose car tout le monde n’utilise pas toujours la même chose. 

Il me tardait de les retrouver. Ils auraient dû (en lycée professionnel) aller en stage au mois de juin mais les stages ont été annulés à juste titre car il aurait été trop compliqué pour les entreprises de les accueillir et je pense sincèrement qu’ils sont dans un état de fatigue trop important pour tenir un rythme de travail en entreprise.

 

Le 4 juin, retour au lycée pour les profs volontaires ! On nous forme aux gestes barrière, on nous explique le protocole… Un énorme travail d’aménagement a été réalisé par les agents. Notre direction a fait un travail exceptionnel pour les élèves, pour les profs.. auprès des familles. Je les remercie sincèrement.

 

Jeudi 6 juin : mes premières heures de cours avec des élèves volontaires. Ce sont des élèves des filières industrielles. 9 élèves de première que je ne connais pas et 4 élèves de terminale que je connais. On est obligé d’adapter, de composer pour répondre aux obligations sanitaires ! Je suis à la fois heureuse et angoissée de les retrouver … Comment vont-ils ? Quels sont leurs sentiments ?

Je leur demande de me remplir un document justement sur leur vécu et de résumer le confinement avec un mot ou un groupe de mots. J’ai de fabuleuses réponses au milieu de réponses que j’attendais du style « ennui », « ch… » ! Mais aussi de jolies réponses : “une renaissance”, “oiseaux”, “se retrouver”, “bien”…

Difficile de les voir isolé à une table avec leur masque, difficile d’entendre parfois leur ressenti, difficile de répondre à leur questionnement… mais que c’est bon de les retrouver même dans ces conditions.

Difficile aussi de les entendre me dire que leur bac, leur CAP ne vaudra rien ! Je me suis énervée plus d’une fois (peut-être pas de la meilleure façon) sur les réseaux sociaux pour que ceux qui disent ça, réfléchissent un peu avant de parler. J’ai dit à mes élèves que ça ne leur enlevait pas toutes les compétences acquises en amont et que pour moi le bac aura d’autant plus de valeur qu’on ne leur aura pas donné les moyens de faire autrement et qu’ils auront réussi à traverser tout ça parfois avec bien peu de moyens mais qu’ils ont su trouver des solutions quand l’ordi ne fonctionnait pas, quand le wifi était défaillant… et que donc, oui ils ont mérité leur bac ou leur CAP et que je suis fière d’eux !

 

On nous parle déjà d’un aménagement possible pour la rentrée de septembre et je suis horrifiée de devoir leur annoncer ça. Cette génération qui me dit pratiquement à chaque cours d’économie : “mais madame, on le sait que c’est la crise, c’est la crise depuis qu’on est né !”, cette génération qui s’inquiète du dérèglement climatique, du chômage, de leur avenir… et qui maintenant doit affronter une pandémie ! Je me dis vraiment que nous professeurs nous devons d’être là pour eux le plus possible ! Et j’ose espérer qu’on en sortira et qu’on leur offrira un avenir plus rose !

MA Dupuis
Professeur Lycée Professionnel