Bilan d’une année pas comme les autres

L’année avait pourtant si joliment commencé. De nouveaux référentiels prenant en compte l’évolution des métiers, de nouvelles classes, de nouveaux challenges à relever, des beaux projets, des rencontres, des échanges… Je me suis servie de tout ça pour que mes élèves voient le verre à moitié plein quand j’ai senti que ça commençait à lâcher. Je leur ai même fait une vidéo pour chaque classe : la seconde MRC2, la première CAP, la section européenne… J’ai créé des décors dans mes classes virtuelles pour qu’ils se sentent un tout petit peu en cours, j’ai utilisé des outils ludiques, j’ai multiplié les tentatives…

Mais rien n’y a fait, j’ai perdu des élèves le long du chemin…

Nous sommes aujourd’hui le mercredi 1er juillet et les cours se sont arrêtés hier. Je n’ai pas pu dire au revoir à une bonne partie de mes élèves car les effectifs ont diminué depuis notre reprise le 3 juin de semaine en semaine. Ils n’étaient déjà pas très nombreux soit parce que leurs parents ne souhaitaient pas qu’ils reprennent par crainte du virus, soit parce que les transports ne leur permettaient pas de se rendre au lycée, soit par découragement… J’ai même continué un peu les classes virtuelles pour celles et ceux qui ne pouvaient se rendre au lycée mais là aussi de moins en moins d’élèves voire aucun élève !

Faire cours en présentiel à quelques élèves (parfois des cours à deux ou trois) en respectant les règles sanitaires (masque, distanciation, gel hydroalcoolique…) n’était pas facile mais était important. Je ne regrette pas d’être retournée au lycée. L’ambiance était pesante, les cours n’avaient rien à voir avec ce que l’on faisait avant mais certains étaient là, heureux de retrouver un peu de ce qui fait leur vie d’habitude ou bien un peu contraints par leurs parents ou un mélange des deux. Il fallait faire avec leurs interrogations, leurs incertitudes, leurs craintes. J’ai essayé de trouver des moyens de leur redonner de l’envie. Je ne peux pas dire que cela a toujours bien fonctionné mais globalement ça s’est bien passé. Et si ça s’est bien passé, c’est aussi grâce à l’énorme travail de notre direction, de nos agents que je remercie vivement pour tout ce qu’ils ont fait pour nous, pour nos élèves malgré des conditions bien difficiles.

Quand je repense à tout ce qui était programmé pour les trois mois qui nous restaient à faire : notre projet développement durable avec les CAP, notre sortie à Paris avec les secondes pour rencontrer une classe de seconde parisienne et une classe de BTS, la journée de l’innovation, les rencontres avec le CARDIE, la journée RADNUM avec la DANE, la rencontre ENVRAI avec P@tChwOrk… tous ces moments qui font la richesse de notre année scolaire… comment digérer tout ça ? Très certainement en commençant déjà à préparer l’année suivante et en gardant espoir…

Maintenant pour moi c’est la préparation de la rentrée 2020 donc même si les interrogations sont nombreuses. Demain ça sera une réunion pour programmer deux journées en août pour nos élèves car j’ai envie de faire ça pour eux même si je sais que l’idée ne remporte pas tous les suffrages. Mais pour moi c’est une situation particulière qui fait que nous devons proposer quelque chose de particulier…

C’est aussi le temps des commissions et l’année devrait se terminer le 10 juillet après le dernier jury de délibération suite aux oraux de contrôle. Là encore ça ne sera pas bien évident pour moi qui adore les fins d’année et toute l’aide qu’on peut apporter aux élèves. Ce maudit virus me privera décidément de beaucoup de choses car leurs cris de joie en lisant leur nom sur la liste des admis ne sera pas possible ou ne sera pas comme d’habitude car ils ont cette angoisse (et l’entendent déjà tellement) que leur diplôme n’aura pas la même valeur. Idée que je ne partage absolument pas car cela fait trois ans qu’ils travaillent pour le décrocher ce bac ou deux ans pour le CAP et ils n’ont pas failli. Les compétences ils les ont acquises même s’il va manquer deux mois, et on ne peut pas, on n’a pas le droit de leur dire que leur diplôme n’a pas la même valeur que d’habitude. Il sera sans doute différent mais il récompensera leurs efforts et pour certains les efforts ont été énormes surtout dans nos lycées professionnels et compte tenu de tout ce qu’ils ont à gérer par ailleurs…

Cette année (enfin surtout à partir du 13 mars) aura été la plus compliquée à vivre pour moi en tant qu’enseignante. Elle me laisse un goût amer pour de nombreuses raisons. D’une part, je me sens responsable de n’avoir pas pu conserver tous mes élèves malgré des efforts que beaucoup ne croient pas si importants que ça (mais ça c’est un autre débat) et d’autre part, parce que ça aura créé de nombreuses, très nombreuses, trop nombreuses tensions. Nous avons, je pense, tous souffert à des degrés différents sans doute de cette période. Nous n’en mesurons peut-être même pas l’importance ni même les répercussions que cela a eu, a et aura sur notre façon d’être et de faire. Je regrette profondément l’agressivité que cela a fait naitre mais qu’il est difficile de contrôler (j’en suis consciente puisque moi aussi j’ai pu me montrer agressive sur certains points qui me dérangent). Et pourtant…

Je rêve d’une rentrée plus sereine mais je sais pertinemment que c’est un rêve !

Malgré tout, je me réjouis à l’idée de pouvoir être là pour mes élèves, de les guider, de les accompagner, de les rassurer car au delà de toutes les polémiques, de tous les “ratages”, de toutes les incohérences, c’est bien la seule chose qui doit rester notre objectif. Et j’essaie de ne pas m’autoriser à dire que ma situation était pire que celle des autres, au contraire, j’essaie (je dis bien j’essaie) de me dire qu’il y a bien pire situation que la mienne même si rien n’a été simple et de ce fait, j’essaie (je dis bien j’essaie) de ne pas me plaindre en continu…

On n’a pas digéré, je n’ai pas digéré certaines choses mais je place de l’espoir dans mes élèves, dans les professeurs géniaux (ma #teammimi, mon écogestfamily, mes PE, mes profs de SVT chouchous…) avec lesquels j’échange sur Twitter ou ailleurs, de l’espoir dans ce mur collaboratif qui s’est enrichi au fur et à mesure du confinement, de l’espoir dans les projets que nous sommes en train de mettre en place avec mes collègues donc de l’espoir dans l’entraide que l’on peut renforcer et qui nous aidera très certainement à construire un beau chemin pour nos élèves.

Et je remercie donc toutes les personnes qui m’ont aidée à traverser cette période, je remercie mes élèves pour leurs efforts, pour avoir été assez forts pour traverser tout ça, et j’espère sincèrement ne plus jamais revivre un épisode aussi compliqué et que les blessures finiront par s’estomper, s’effacer… même si je sais que ça sera difficile.

MA Dupuis
PLP Economie Gestion