08. décembre 2016 · Commentaires fermés sur RUY BLAS m’a tué : le meurtre de Salluste sur scène · Catégories: Première · Tags:
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Le spectateur a vu progressivement la relation se dégrader entre le maître et son valet qui a pris goût à la liberté et qui a également pris de l’assurance grâce à son déguisement de ministre et à l’amour partagé de la reine d’ Espagne ; Il pressent donc que l’issue sera fatale d’autant qu’avec le retour de Salluste, le piège se referme sur les deux amants . Hugo va-t-il aller jusqu’à faire mourir le méchant sur scène , en rupture avec la tradition du théâtre classique ? 

Tout d’abord , précisons le contexte et la situation exacte. Il s’agit de montrer sur scène la vengeance de Salluste comme l’indique le dramaturge : “ma vengeance est assez complète de la sorte” ; Ce point est à mettre en relation avec le début de la pièce; le spectateur assiste à une partie du dénouement qui voit la victoire de Salluste dont le plan a fonctionné. 

Le personnage est présenté sous un jour particulièrement sarcastique et il se moque de la naïveté du héros tout en se montrant irrespectueux envers la souveraine; les anaphores révèlent , à la fois , le passé et les sentiments du personnage qui met en relation ce qu’on a lui a fait avec ce qui s’accomplit sous les yeux du spectateur : “Vous m’avez cassé ! je vous détrône; Vous m’avez banni,  je vous chasse” On note que dans le premier hémistiche, on trouve une action mise en relation avec les agissements de Salluste qui sont ainsi présentés comme les conséquences logiques de ce qu’a fait la reine; Mais la faute initiale a été commise par le marquis de Finlas et les deux vers suivants , construits à la fois sur des antithèses et sur un chiasme, donnent à lire la nature de cette vengeance : “vous m’avez pour femme offert votre suivante /” moi je vous ai donné mon laquais pour amant.”

Ruy Blas a donc été l’instrument de la vengeance de ce grand d’Espagne dont le mépris est affiché ainsi que les préjugés de classe : la didascalie “éclate de rire ” montre que pour Salluste il est inconcevable qu’une telle union entre deux personnes de rang social différent, soit réalisée; l’amour tiendrait donc compte de la position sociale de la personne aimée; le marquis es montre clairement menaçant à la fin de sa réplique et la gradation qu’il emploie traduit sa fureur : “vous m’aviez brisé, flétri, mis sous vos pieds” ; il termine en traitant la reine de folle "vous dormiez en paix, folle que vous étiez ” ; Folle ici est à prendre au sens d’insensée ; Salluste veut dire que la reine ne s’est pas suffisamment méfiée de lui et qu’elle a sous-estimée l’offense qu’elle lui avait faite en lui ordonnant de s’exiler .

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Ruy Blas va réagir violemment après cette insulte qui déclenche sa propre colère; les didascalies nous montrent les préparatifs de ce qui s’apparente à un meurtre prémédité: il a condamné la porte en poussant le verrou et s’avance l’épée à la main “terrible ” ; cette indication fait de lui un héros de tragédie. Sous l’effet de cette colère, on sent le personnage capable de tout: c’est à son tour de se montrer menaçant et de justifier ce qu’il s’apprête à faire; Hugo multiplie les analogies avec le Diable et Salluste devient une incarnation diabolique : ” Satan te protégea, on écrase un serpent ou même “personne n’entrera ni tes gens ni l’enfer.” Le héros doit faire en sorte que le public le soutienne et qu’aux yeux de la reine, il passe pour un protecteur ou un justicier et pas pour un vulgaire assassin.

Ruy Blas se livre alors à un portrait charge de Salluste pour rappeler le danger qu’il représente pour la jeune femme : “c’est un monstre..il n’a point d’âme ” ou bien , “il m’étouffait ” et il m’a broyé le coeur” ; Ici les métaphores renvoient d’une part, à l’image diabolique du serpent ou à une figure surhumaine à la force herculéenne, et d’autre part, à la capacité de destruction du personnage. Mais on sent bien que le valet n’agit pas seulement pour protéger la reine du danger de la calomnie, il agit également pour se venger des offense subies qu’il rappelle, quelques vers plus bas : “il m’a fait fermer une fenêtre et j’étais au martyre. ” Hugo fait ici référence au retour de Salluste à la scène 5 de l’acte III.

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La détermination du valet est marquée par des images telles que “talon de fer”  ou un peu plus loin, il mentionne que le marquis vit ses derniers moments. Pourtant Ruy Blas semble conscient qu’il risque de franchir une frontière déterminante et Hugo rappelle les règles en vigueur par l’intermédiaire du valet qui déclare “je me blâme d’accomplir devant vous ma fonction Madame ” En assimilant le meurtre à une chose à faire de manière obligatoire, Ruy Blas se place en défenseur de la reine outragée. De plus, il affirme qu’il ne discutera pas ni n’argumentera avec Salluste ; Il se contentera de l’exécuter .

Pourtant Hugo débute un plaidoyer en faveur du fait de se rendre justice soi-même et les mots employés donnent une forme de légitimité au meurtre : ” noble ou manant, écrit-il, tout homme a droit..de venir lui cracher sa sentence au visage ” De plus, comme pour mieux se convaincre que le meurtre est nécessaire, il rappelle les méfaits du marquis : vous osez l’outrager ” “Misérable ” L’assassinat découle donc , selon la manière dont il est justifié, des insultes de Salluste envers la reine . Mais Ruy Blas semble déplorer de devoir en arriver à une telle extrémité et c’est sous cet angle qu’on peut lire la sentence suivante : “Pardieu, j’étais laquais! quand je serais bourreau ? On peut y voir en effet, le rapprochement entre le statut d’opprimé et le meurtre qui figure une forme de libération; En effet, Ruy Blas représente symboliquement le personnage du peuple et Salluste incarne l’aristocratie ; La suite de la scène prend des allures de règlement de comptes. 

Le face à face entre le maître et le valet tourne à l’avantage cette fois du second et le motif du meurtre s’apparente plutôt à une vengeance personnelle.

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