Les monstres dans l’espace ..

Les créatures monstrueuses ne se contentent  pas de peupler notre imagination :  elles sont également répandues dans l’espace et nous pouvons les rencontrer  jusqu’aux confins de l’univers. La science-fiction est un genre cinématographique qui propose de nous transporter dans un avenir proche ou lointain et le plus souvent, les réalisateurs mettent en évidence  l’existence de dangers qui menaceraient l’espèce humaine . Le monstre apparait alors comme une figure menaçante, un ennemi  qu’il faut , le plus souvent affronter au péril de sa vie.  Plus »

 

Slalom est le premier film de Charlène Favier , réalisé en 2020 et présenté au festival de Cannes . La jeune réalisatrice s’est inspirée de sa propre histoire pour écrire ce film qui fut tourné principalement à Tignes , en extérieur.. Elle a subi des violences sexuelles alors qu’elle suivait un cursus de sportive de haut niveau . Pendant des années , elle a gardé pour elle cette souffrance et a choisi  finalement de la transposer, à travers une forme cinématographique en créant des personnages comme celui de Liz , la jeune athlète âgée de 15 ans et celui de son entraîneur Fred, aux méthodes pour le moins sujettes à caution. La cinéaste a cherché à montrer l’emprise psychologique de Fred sur sa jeune protégée : tout d’abord, il est son entraineur et elle doit lui faire confiance pour réussir ; ensuite c’est un adulte alors qu’elle n’est encore qu’une adolescente , à la personnalité en construction et mineure de surcroît . Enfin, c’est un homme et il impose ses pulsions et son désir à la jeune fille qui n’a pas les moyens  psychologiques de lui résister . De plus, le milieu du sport de haut niveau entraîne un rapport différent à son propre corps qui devient un instrument de performance mais également un  objet de soins, de regards et de désir ici, pour l’adulte . Plus »

On appelle essai, ou parfois dissertation, une exercice littéraire qui consiste à vérifier l’exactitude d’une opinion au moyen d’exemples , le plus souvent tirés de votre expérience de lecteur ou de spectateur. L’exercice se présente sous la forme d’une question , ouverte ou fermée ( dans quelle mesure les monstres permettent -ils de mieux comprendre ce qu’est l’humanité  ou les monstres sont -ils toujours les ennemis des hommes ? ) ; Mais il peut également s’agir d’une affirmation à discuter : cela veut dire qu’on vous demande votre avis ; Mais , vous l’aurez bien compris; il ne s’agit pas  uniquement  de répondre par oui ou par non ; Il faut argumenter et surtout trouver des exemples qui valident la thèse et des illustrations qui en montrent les limites ; Autrement dit ,vous devez envisager plusieurs réponses possibles . Voilà comment procéder. Plus »

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Peut-on parler véritablement de trahison? L’oeuvre écrite, dès qu’elle ne se limite pas à une simple nouvelle, possède une densité trop grande pour être toute entière mise dans l’œuvre filmée, et il serait étonnant de penser que des dizaines d’heures de lecture peuvent se transférer dans une à trois heures de cinéma. Le langage cinématographique va ainsi utiliser des condensés.

Les grands films tirés de grands livres sont toujours la vision de deux artistes qui ont apporté chacun deux visions du monde.

Julien Gracq disait de l’adaptation cinématographique :” pour qu’un roman devienne un très bon film , il faut que le film soit autre chose. Il s’agit de chercher une sorte d’équivalent mais qui ne se limite pas à la simple transposition visuelle”.

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Comment passer du texte à l’image

L’ adaptation libre d’une oeuvre littéraire peut en modifier de profonds aspects : elle peut ainsi être transposée dans un autre pays à une toute autre époque . Il est également possible ne garder qu’un personnage et de lui faire vivre d’autres aventures, l’important est de conserver un aspect du roman, de le rendre unique et inoubliable. On parle alors de libre -adaptation ou de transposition . 

Deux langages différents 
– Le langage des images ne reflète pas le langage des mots. Par exemple, les ellipses au cinéma (flash-back, fondus)représentent le temps qu’on ne voit pas. Ainsi, il y a un décalage réel entre une scène racontée et une séquence de film. La voix-off au cinéma fait entendre au specatteur les pensées du personnage ; Le procéd est beaucoup plus fréquent dans lseromans avec le point de vue omniscient.
– Un film de 2 heures ne peut pas reprendre tous les événements et les gestes d’un récit de 300 pages. Le cinéaste doit donc faire des choix. Il peut décider de supprimer certains détails, de réduire le nombre de personnages, de passer des faits sous silence. 

– Enfin, en adaptant, le cinéaste propose sa lecture, sa vision de l’œoeuvre, son interprétation. 

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Dans L’Armée des Ombres , adaptation par Jean-Pierre Melville plus de 20 ans après la sortie du roman de Kessel, de nombreux petits détails ont disparu . Le cadre chronologique du récit est respecté avec les différentes séquences comme l’arrivée au camp de prisonniers, l’évasion, l’exécution du traître, le départ en Angleterre , les différentes missions des résistants . Les personnages principaux sont tous conservés: autour de Philippe Gerbier interprété avec beaucoup de sobriété par Lino Ventura, on retrouve des acteurs célèbres de l’époque; Simone Signoret joue Mathilde, Jean-François est interprété par Jean-Pierre Cassel et le grand patron Luc Jardie est incarné par Paul Meurisse. Toutefois, dans un souci d’économie , le cinéaste réduit certains rôles secondaires: on aperçoit Augustine la paysanne généreuse et on entrevoit à peine sa fille alors que dans le roman, Mathilde envoie un commando pour la délivrer et l’auteur raconte avec force détails, les séances de torture qu’on lui fait subir. On note d’ailleurs, à ce sujet, que les images de torture sont beaucoup moins détaillées à l’écran sans doute pour ne pas trop choquer le spectateur et pour que le film soit accessible à tous les publics. Autour des figures principales de résistants: Lemasque, Félix, Le Bison, Jean-François, certains détails ont été concentrés ; Ainsi, alors que dans le roman, Gerbier s'évade avec la complicité de Legrain et grâce à son sacrifice, dans le film, Melville a choisi de reprendre une anecdote qui est racontée par Jean-François; ce dernier s'est enfui du siège de la Gestapo , a trouvé refuge chez un barbier et celui-ci lui a donné un imperméable afin qu'il ne soit pas reconnu par les allemands.  Dans cette scène, à l'écran, Gerbier remplace Jean-François. Toutes les aventures des récitants ne sont pas reprises : ainsi on ne voit pas tous leurs déguisements ou tous leurs voyages comme lorsque Mathilde se travestit en femme enceinte . Le film montre l'agonie du Félix et le sacrifice de Jean-François pour le rejoindre en prison ; dans le roman, il s'agit d'un épisode raconté par Le Masque qui reste auprès d'un camarade trop souffrant pour pouvoir s'échapper. 

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Le cinéaste  a choisi de conserver des détails symboliques comme l’appartement de Saint Luc : il modifie toutefois la scène de reconnaissance entre les deux frères: l’identité du patron est dévoilée à son frère dans le roman alors que dans le film , Jean-François ne peut identifier son frère dans le noir de la nuit. Seul le spectateur sait qu’il s’agit du chef et dans le générique de fin qui mentionne la mort tragique de tous les résistants, il est précisé :  Luc Jardi ne donna qu’un nom : le sien . Lorsque Mathilde serre la main de Gerbier après avoir organisé son évasion avec la corde, le cinéaste a voulu montrer l’émotion de ces instants et même s’il n’a pas donné à Mathilde un rôle aussi important que dans le roman, il a conservé ses qualités d’organisation et montre que les résistants qui travaillent sous ses ordres, l’admirent beaucoup. Le dénoument du roman est conservé avec l’arrivée dans la planque de Gerbier du grand patron pour prendre la décision de tuer Mathilde avant qu’elle ne livre les noms d’autres résistants pour sauver sa fille. La scène de l’assassinat de Mathilde et l’incertitude dans laquelle se trouve le chef des résistants apparaît bien à l’écran avec le visage sidéré de l’actrice qui laisse penser au spectateur qu’elle ne s’attendait pas à être tuée .

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Au final, quelques détails ont été passés sous silence et quelques personnages ont disparu (Louis H , l’abatteur clandestin qui abrita Gerbier , la Comtesse qui cachait des clandestins sous sa robe mais les scènes principales ont été conservées et transposées (camp, évasion, parachutages, passage à Londres, arrestations, tortures) et surtout l’atmosphère sombre du roman de Kessel, parfaitement restituée avec de nombreuses scènes nocturnes notamment . L’exécution du traître reprend le scénario du livre mais les pensées des personnages sont moins détaillées et l’expression de leurs visages se substitue à ce qu’ils peuvent ressentir . Le roman nous informe davantage sur les raisons qui poussent les êtres à agir , leurs motivations, leur passé; l’image elle, fixe des moments d’émotion mai ne permet pas aussi facilement la superposition des plan temporels à moins d’utiliser des techniques particulières comme la surimpression ou le flash-back qui plongent le spectateur dans les souvenirs des personnages . 

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La musique, les gros plans, le jeu des acteurs , le découpage des plans, le rythme du montage, les différents éclairages  sont des outils propres au cinéma. La variété des points de vue, la précision des détails , l’expressivité du style, l’utilisation du registre tragique ou pathétique  sont des techniques romanesques. Le film ed Melville s’inspire du roman mai sous offre un nouvelle vision personnelle de l’héroïsme des résistants et de ce que la guerre pousse l’homme à accomplir, en bien comme en mal. Il se clôt sur une dimension pathétique avec le générique de fin qui fait défiler les nom de ceux qui vont mourir avant la libération de Paris . Le film d’ailleurs s’ouvre sur un défilé allemand sous l’arc de Triomphe, image symbolique de l’occupation allemande sur le territoire français : principal motif invoqué par les résistants pour continuer la lutte armée . 

 

 

 

 

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En 1995, Tim Robbins décide d’écrire un scénario à partir d’un  synopsis qui provient d’un livre rédigé par une religieuse Soeur Héléne Préjean  qui retrace son expérience d’accompagnement d’un prisonnier condamné pour le viol et le meurtre de deux adolescents et  condamné à mort par l’état de  Louisiane. Le titre fait référence aux paroles du gardien lorsque Matthew  Poncelet se dirige vers la chambre d’exécution:  il annonce officiellement “c’est la marche du mort” ; Auparavant soeur Hélène, qui était devenue sa conseillère spirituelle et qui demeura avec lui le dernier jour de sa vie, lui avait interprété un cantique (chant religieux ) où il est également question de marcher vers la mort sans avoir peur . Ce film n’est pas un simple plaidoyer contre la peine de mort: il enseigne aussi la valeur de l’amour et du pardon.

Le film débute par un portrait en actions du personnage de soeur Hélène Préjean: on la voit souriante et occupée à aider les enfants et les femmes de la communauté noire de son quartier alors qu’elle-même est issue, comme on le verra au cours d’un repas de famille, d’un milieu social beaucoup plus favorisé. Cette femme se caractérise par une bonté et un dévouement hors du commun et un désir très marqué d’aider son prochain et particulièrement les plus démunis; C’est sous cet angle que le spectateur comprend son engagement aux côtés du condamné Matthew Poncelet, accusé d’avoir sauvagement violé et tué un couple d’adolescents sans histoire, deux enfants qui faisaient la joie et la fierté de leurs parents et qui étaient promis à un bel avenir. Leur mort atroce paraît d’autant plus injuste et les images que le réalisateur choisit de montrer en montage alterné au moment où Porcelet va être exécuté , tendent à superposer les destins des victimes et celui du tueur; Il a certes ôté la vie et s’est montré inhumain mais sa mort décidée par la société le met dans la même position que les victimes ; la caméra filme ici en plongée les corps des adolescents qui forment une croix et celui du condamné sanglé sur la table . 

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Le condamné “crucifié”

.Le spectateur s’attache rapidement au personnage d’Hélène incarné par l’actrice Susan Sarandon et il la découvre , au début du film,malmenée par l’aumônier principal de la maison d’arrêt qui lui reproche de ne pas porter l’habit religieux; A travers ce personnage sévère , le réalisateur montre deux conceptions de la religion chrétienne qui s’affrontent : l’une, rigoriste et intransigeante , est basée sur la loi de l’Ancien Testament qui préconise la vengeance et la châtiment pour les fautes alors que soeur Hélène défend plutôt les principes du Nouveau Testament fondés sur le pardon des fautes . L’exemple de Jésus est souvent cité : on rappelle qu”il est mort pour nous sauver et on retrouve des images dans le film qui évoquent la crucifixion du Christ notamment quand le condamné est basculé sur la table d’exécution. On notera aussi que les religieux ne sont pas tous d’accord sur ce que leur foi leur enseigne : les parents de Hope ont perdu leur foi et ne pensent qu’à se venger alors que le père de Percy, Monsieur Delacroix, finit par retrouver le chemin de l’église et de la prière en rejoignant soeur Hélène à la fin du film.A travers cette confrontation des personnages, le cinéaste nous fait prendre conscience que la religion propose plusieurs idéologies qui se retrouvent   en concurrence.

Une autre opposition qui traverse le film , c’est la réflexion sur l’existence et la pratique de la peine de mort et son application légale ; Certains américains comme l’avocat de Matthew Poncelet ou soeur Hélène, se battent pour son abolition alors que les parents des victimes dans le scénario ainsi que beaucoup d’autres (on peut penser à la femme médecin en prison qui pratique l’injection et qui a un rôle ambigu), s’y montrent favorables comme dans les Etats qui la pratiquent sous différentes formes (chaise électrique, pendaison, injection léthale) . L’habileté du film consiste à établir une évolution dans la relation du spectateur avec les deux principaux protagonistes;  Le condamné se montre parfois totalement antipathique et parfois très émouvant .Depuis des dizaines d’années les arguments des abolitionistes reposent sur l’idée qu’en tuant un homme quand bien même il se serait rendu coupable des pires atrocités, on devient soi même, collectivement, des assassins. C’est la thèse à laquelle le réalisateur semble se rallier .

Le personnage du condamné est construit sur plusieurs ambivalences : incarné par l’acteur Sean Penn , il représente à la fois le mauvais garçon (bad boy ) et la victime de la société; Le spectateur le voit tour à tour comme un sale raciste , un fils qui cherche à protéger sa mère, un homme manipulateur, un “pauvre” victime de son incapacité à se défendre avec un bon avocat, un tueur cynique et sauvage. Soeur Hélène entretient avec lui, au cours de ses visites au parloir, une relation faite à la fois de fascination et de compassion. D’ailleurs cette question est posée à plusieurs reprises dans le film, qu’est-ce qui l’attire  chez cet homme : est-ce son désir de sauver les plus faibles, ceux que tout le monde rejette ou sa fascination morbide pour le Mal ? C’est en effet une idée qui traverse également le film : comment devient-on un tueur ? Est-on prédestiné à fair tel Mal ?

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Les derniers instants 

 Lors de ses échanges avec soeur Hélène, Matthew raconte l’alcoolisme partagé avec son père, la pauvreté mais le film montre aussi la haine cultivée dè l’enfance, le poids des préjugés et les difficultés de cette famille ; On sera sensible à la dernière visite en prison des trois jeunes frères du condamné qui ont l’air très mal à l’aise et pourtant, on sent que des sentiments existent entre eux , qu’ils ne parvient pas à exprimer; la peine de la mère du tueur est également un moyen que Tim Robbins utilise pour nous faire prendre le condamné en pitié parce que cette femme éprouve réellement du chagrin de perdre son fils .

Le film ne se contente pas de montrer les conséquences d’un meurtre : il révèle les bouleversements de ce geste meurtrier dans les familles des victimes et du tueur ; on retrouve ainsi des idées que Hugo a envisagées dans son roman Le dernier jour d’un condamné en montrant, la visite de Marie , la fillette du prisonnier qui comme Matthew, s’inquiète de la survie des siens : comment vont-ils s’en sortir sans l’argent qu’il ramenait de son travail ? Les spectateurs envisagent alors le condamné sous un autre angle ne dépit de ce qu’il a commis.

Autre idée clé du scénario : dresser un parallèle entre les souffrances subies par les noirs autrefois esclaves dans les plantations et les souffrances de ces deux jeunes gens victimes d’un duo de malfaiteurs ivres et drogués. On pense notamment à la scène où soeur Hélène, en voiture, regarde les ouvriers noirs travailler dans les champs et imagine , en même temps, la scène du meurtre où elle veut croire à l’innocence de Matthew.  L’action de soeur Hélène apparait ainsi sous cet angle comme un moyen d’apaiser les souffrances humaines , passées et présentes. Ce personnage est totalement convaincant dans son interprétation . L’actrice  a d’ailleurs reçu un oscar pour sa prestation.