26. février 2018 · Commentaires fermés sur Antigone d’Anouilh : extrait 3 de Et vous l’avez fait …à un roi des bêtes .. Qu’est-ce qu’être roi ? · Catégories: Première · Tags:
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 Durant une grande partie de la tragédie, Antigone se dresse face à son oncle Créon et interroge notre conception du pouvoir et de la notion de gouvernement juste; Anouilh, en effet, souhaitait insister en créant cette pièce à la fin de la seconde guerre mondiale, au beau milieu de l’occupation allemande de la Capitale, sur la notion de résistance ; Fortement choqué par les affiches de propagande allemande qui présentent les résistants du commando Manoukian comme des terroristes et de dangereux bandits, le dramaturge a choisi,en réadaptant le mythe antique de cette jeune fille qui s'oppose à la Loi au péril de sa vie , de questionner le public français sur ses représentations de la collaboration. En effet, dans cette scène, on trouve de nombreuses allusions à l ‘actualité historique de la France occupée; Créon y figure la collaboration, , ceux qui ont dit oui à l’occupation, qui ont cessé de se battre et ont refusé  de résister, tandis qu’Antigone symbolise la refus de tout compromis, l’intransigeance et l’absence de compromission. Cet extrait montre le caractère inconciliable des deux personnages qui représentent deux attitudes de l’homme . Nous pouvons dans ce passage analyser le caractère dramatique du face à face et   les arguments de Créon qui illustrent les paradoxes de la conception du pouvoir  . 

  Quelle est l’attitude d’Antigone dans ce face à face ? Créon est immédiatement accusé par la jeune femme dès sa première réplique : cette dernière met l’accent sur la les contradictions du personnage de Créon auquel elle reproche de ne pas être maître de ses actes soi disant  “vous allez me faire tuer sans le vouloir. Et c’est cela être roi . ” Cette répartie cinglante illustre l’ironie de la nièce du roi ; Comment un chef d’Etat peut- il agir contre sa volonté ? est-il , parce qu’il gouverne, privé de son libre arbitre et doit il prendre des décisions qui vont à l’encontre de se convictions ou bien, est-ce une excuse pour un gouvernant ? Elle se présente comme une reine et sous- entend que son oncle a été lui, privé de sa liberté; Le contraste apparaît ici par les didascalies internes : “ongles cassés, bleus que tes gardes m’ont fait aux bras, peur qui me tord le ventre “;  L’héroïne pourrait tout aussi bien représenter les résistants arrêtés que la gestapo et la milice française torturent pour les faire parler . En rappelant son rang de reine alors qu’elle n’est que princesse et que son oncle est le roi en exercice , Antigone se hausse ici à son niveau et devient son égale. 

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Dans sa seconde réplique, elle se montre inflexible et rappelle à son oncle qu’il va devoir “payer maintenant” : Anouilh envisage ici clairement les conséquences de la collaboration et la mauvaise conscience, sans doute qui s’est abattu sur une partie du peuple français ,hostile au départ à l’idée morale d’une collaboration mais qui ont accepté la décision de leurs gouvernants pour maintenir la paix et épargner une guerre longue et qui aurait coûté la vie à des millier d’hommes ; En voyant l(évolution du conflit, certains français devaient songer qu’ils avaient fait le mauvais choix; ce qui explique aussi que les engagements dans la Résistance se ont multipliés au fur et à mesure de l’avancée du conflit et des défaites de l’armée allemande ; Le spectateur peut se demander en qui va consister le prix à payer ici ; Pour le roi, ce sera la perte de ceux qu’il aime: son fils , sa femme et ensuite la condamnation, dans un palais vide , à la solitude éternelle. La formule employée par Antigone: “vous ne vous arrêterez jamais de payer maintenant ” a un caractère tragique et rappelle le fonctionnement même de la tragédie : une catastrophe que rien ne peut arrêter une fois qu’elle est enclenchée. Le Oui de Créon marque ainsi pour lui l’entrée dans l’univers tragique .

La troisième intervention de la jeune fille qui répond brièvement à la tirade de son oncle nous ramène à cette inflexibilité qui est sa marque : la didascalie “secoue la tête ” illustre ici le refus et la négation. La jeune fille n’essaie pas de raisonner ni d’argumenter ; Elle se présente comme un bloc farouche de certitudes et de volonté : “je ne veux pas comprendre “; Elle montre ici la tpute- puissance de sa volonté ; Alors que Créon prétend lui, ne pas pouvoir agir selon sa volonté, Antigone elle semble gouvernée par cette volonté même ; Ce faisant, elle perd toute compassion devient presque inhumaine ; Il est difficile ici pour le spectateur de savoir s’il admire le personnage ou s’il la trouve trop orgueilleuse et trop hautaine ici. Elle rappelle ensuite la raison de son existence même en tant que mythe : “je suis là pour autre chose que pour comprendre. Je suis là pour vous dire non et pour mourir. Anouilh rappelle à son tour la raison d’être de ce personnage qui depuis l’Antiquité incarne le Non ; Le dramaturge nous ramène également au fonctionnement de la tragédie où chaque personnage joue un rôle défini à l’avance.

Antigone termine le face à face avec deux réparties très courtes : elle remet en cause l’argument de son oncle qui évoque la facilité de dire non en répondant laconiquement  “pas toujours ” ; En fait, elle risque sa vie et le rappelle ici au spectateur ; Elle accepte de perdre la vie , considéré par beaucoup comme notre bien le plus précieux, simplement pour continuer à dire Non et faire de ce refus sa ligne de conduite . Elle peut évoquer ici la mort terrible de tous les résistants détenus qui ont refusé de parler ; au spectateur ensuite de mesurer la valeur de l’argument que lui opposera alors son oncle : “c’est facile de dire non, même si on doit mourir ” . Est-ce vraiment aussi facile de donner sa vie pour  continuer à demeurer fidèle à ses convictions et à ses principes ?  

La dernière intervention d’Antigone prend , une fois de plus , une dimension ironique . Alors que son oncle se défend en mettant en avant les difficultés inhérentes à l’exercice même du pouvoir et en prenant l’exemple des animaux qui avancent sans se poser de questions toujours prêts  à perpétuer leur espèce; sa nièce se moque de lui ” Quel rêve ,hein, pour un roi, des bêtes “ Cette réplique critique violemment la manière dont le roi envisage la manière de gouverner ; Il faut comprendre ici : quel rêve ce serait pour un roi d’avoir à diriger des animaux à la place des hommes car les animaux ne se posent pas et questions et obéissent aveuglément . Antigone dans cet extrait critique e, une fois déplus, les choix de Créon qui engagent l’avenir de tout un peuple. 

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Comment ce dernier réagit-il aux accusations de la jeune fille ? Sa première réplique tente de toucher Antigone et fait appel à sa compassion ” Alors aie pitié de moi; Vis. ” Il rappelle à cette occasion que lui-même a déjà perdu deux neveux dans cette guerre , que son fils est le fiancé d’Antigone donc qu’il va éprouver une peine immense à la voir condamnée par son propre père. Le roi est  impliqué à titre personnel dans cette affaire te n’agit pas en simple spectateur ou simplement au titre de représentants de la loi. Il rappelle  qu’agir selon la loi lui coûte;  Le verbe payer ici répété ” c’est assez payé ” et ensuite “j’ai assez payé ” Le passage de la formule impersonnelle au pronom Je montre bien l’implication du personnage de Créon .  Le roi évoque le règne de l’ordre et reprend l’argument selon lequel le peuple a besoin de cet exemple pour respecter la royauté et ne pas se rebeller . Il invoque donc la raison d’Etat qui fait passer les intérêts collectifs d’une nation avant les intérêts personnels d’un groupe d’individus ou d’un particulier . De plus Créon rappelle l’amour de son fils : ce qui pourrait être un argument décisif face à Antigone et pourrait la faire réfléchir et renoncer , par amour, à son sacrifice . 

La tirade qui suit montre, grâce à la didascalie initiale, la fureur du roi : il traite d’ailleurs sa nièce de “petite idiote “ ; ce changement de ton révèle son exaspération et il démarre son intervention par un juron “bon Dieu ” qui lui aussi, trahit qu’il est hors de lui. Il utilise en,suite des formules impersonnelles qui rappellent qu’il a agi, selon lui, par nécessité impérieuse . “il faut qu’il y en ait qui dosent oui te qui mènent la barque ” ; Le roi justifie ici sa décision en invoquant l’urgence de al situation du pays grâce à la métaphore de la barque ; La France , ou plutôt , Thèbes , est comparée à un vaisseau qui prend l'eau et pour éviter le naufrage et la mort de ses passagers, faut imprimer un changement de direction; Créon es fabrique ici une image de sauveur providentiel qui évite au pays le pire . Ce sont les arguments qu'utilisèrent les partisans de la collaboration te notamment le chef du gouvernement, le maréchal Pétain , pour faire accepter l'occupation allemande aux français : elle était justifiée par cet argument d‘éviter le pire , à savoir la défaite et la ruine du pays. La métaphore est filée avec les mots gouvernail, balotter, prendre l’eau, radeau, cale ... et un second argument est développé par Créon: celui de la sauvegarde de l’intérêt des plus faibles; En effet, face à l aggravait ode la situation, certains s’en sortent mieux que d’autres et n’hésitent pas à mettre les vies de leurs camarades en danger en “pillant la cale” , prenant les provisions d’eau douce et se construisant “un petit radeau confortable ” . Le chef d’Etat doit alors protéger le plus grand nombre et pas seulement une poignée de privilégiés; On peut lire , à travers l‘image du bateau qui prend l’eau, celui de la France déchirée et envahie par les armées allemandes qui ont enfoncé la ligne Maginot et qui menacent de piller et de brûler Paris; En ordonnât la collaboration, le gouvernement de Vichy pense , sans doute ainsi, protéger une partie du patrimoine français. L’image de la tempête qui met à mal le bateau symbolise la guerre  et ses conséquences ; Le roi utilise le terme brute pour évoquer les passagers du bateau et fustige leur égoïsme : “des brutes vont crever toutes ensemble parce qu’elles ne pensent qu’à leur peau à leurs précieuses peaux et à leurs petites affaires ‘ Cette expression “petites affaires ” signale le mépris du roi pour une telle attitude égocentrique qui représente également; comme on l’ a vu, un danger pour l’ensemble du pays; Créon doit donc se situer au-dessus de la mêlée et penser au plus grand nombre, aux plus faibles et aux plus démunis: ceux qui comptent sur l’Etat pour subvenir à leurs besoins et pour les protéger. face à l’urgence il a fallu prendre une décision sans trop réfléchir aux conséquences sinon “la montagne d’eau aurait submergé le navire ” . Par analogie,  et un peu par glissement , nous passons de la tempête et de la vague meurtrière , au vocabulaire militaire avec l’arrivée de la guerre “on gueule un ordre et on tire dans le tas “ Le roi justifie ainsi les crimes commis durant les batailles : pour sauver sa peau ; Les hommes devenus combattants perdent ainsi leur humanité et du coup ‘leur nom” : ils ne sont plus que des obstacles sur le chemin du bateau ; Sa tirade se termine par une adresse à Antigone : Créon sollicite sa compréhension mais cette dernière refuse de chercher à le  comprendre . 

La dernière tirade du roi adopte une autre stratégie d’argumentation ; Créon revient sur la morale du l’action et sur la nécessité d’agir dans l’urgence, sous la pression des événements et face à l’imminence de la catastrophe. Cette fois ce sont les métaphores du travail physique qui vont se substituer à l’action de gouverner et de dire oui ; “suer, retrousser ses manches et empoigner la vie à pleines mains ” sont , selon Créon, du côté du oui ; Le roi se présente alors comme un travailleur manuel, un travailleur qui accomplit une besogne difficile; Par ces images, il suscite la compassion des spectateurs . Par contraste avec cette difficulté , il présente les partisans du non comme des “lâches ” qui refusent justement la difficulté et choisissent la solution de facilité “attendre pour vivre attendre même pour qu’on vous tue” ; Pour lui, dire non condamne les hommes à l’immobilisme qu’il traduit par la notion d’attente ; dire non selon Créon prive l’homme de l’action et il oppose le dynamisme te l’engagement de partisans du oui avec une sorte de passivité des partisans du non. Pour conclure sa tirade, il prend l’exemple de la Nature où selon, lui , il est impossible de dire Non . Ce qui revient à nous faire penser que dire non est antinaturel; “Tu imagines un monde aussi où les arbres auraient dit non contre la sève..”  Cependant on peut  rétorquer ici au personnage de Créon qu’il compare deux éléments qui ne sont pas identiques; dans la Nature, la croissance n’est pas choisie pais relève d’un déterminisme biologique alors que l’homme est une créature qui possède un libre-arbitre et qui peut donc effectuer des choix; Nous ne sommes pas uniquement mus par nos instincts à la différence des plantes et des animaux qui , sont certes des êtres vivants dotés d’une forme de sensibilité mais chez lesquels l’instinct est largement dominant.   

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En conclusion, Créon tente ici de stigmatiser les partisans du Non et de convaincre le spectateur qu’Antigone adopte une attitude regrettable et égoiste en s’opposant à lui et à sa volonté. Il essaie de la faire passer pour une irresponsable, une entêtée qui choisit la facilité et qui se montre lâche car selon lui, dire oui est une décision plus courageuse  que maintenir un refus obstiné; il tente de discréditer pour le spectateur le Non d’Antigone et de justifier sa propre décision ; Lequel l’emportera ; l’avantage ici semble revenir à Créon mais Antigone n’a pas encore dit son dernier mot. 

22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Antigone dans le Quatrième Mur : les préparatifs pour la pièce · Catégories: Première · Tags: ,
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L’édition originale 

Le roman de Sorj Chalandon raconte l’histoire de deux metteurs en scène qui veulent monter l’Antigone d’Anouilh en plein coeur de Beyrouth en guerre avec des acteurs appartenant à chacune des factions  en conflit ; Pari fou, pari osé ou chimère : pourquoi Samuel a-t-il choisi cette dernière volonté avant de mourir et qu’est-ce qui va pousser son jeune ami Georges à relever ce défi ? La pièce est au centre du roman et elle est évoquée sous différents aspects. “J‘ai souffert avec la petite maigre  et elle a combattu à mes côtés ” (p 38 )  avoue Samuel à une terrasse de café à son ami Georges en 1974 lorsqu’il évoque pour la première fois son passé douloureux .Il tend alors un exemplaire de la pièce “éditée à la Table ronde en 1945 avec les lithographies terres d’ombres et noires de Jane Pécheur.”

Il est tout d’abord question des souvenirs de lecture de la tragédie d’Anouilh. Cette ouvert a beaucoup marqué Samuel qui en a monté une représentation à l’école polytechnique  lors du coup d’Etat des colonels en Grèce en 1973. Il évoque cette expérience alors qu’il est invité au festival de théâtre de Vaison la  Romaine pour assister à la représentation d’Antigone mise en scène par Gérard Dournel avec Liliane Sorval dans le rôle d’Antigone, et Jean-Roger Caussimon dans celui de Créon. Samuel raconte la pièce : “Souviens toi des premières secondes. Tous les acteurs sont présents, aucun n’est en coulisse. Il n’y a pas d’arrière scène, pas d’entrée fracassante, de sortie applaudie, pas de claquement de porte. Juste un cercle de lumière où entre celui qui parle. Et l’obscurité qui recueille celui qui vient de parler.Le décor ? Une volée de marches, un drapé de rideau, une colonne antique. c’est le dépouillement,la beauté pure ” (p 39) 

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Georges a lu Antigone adolescent mais cette pièce ne l’a pas vraiment marqué.Pour Samuel au contraire , elle a guidé sa vie. L’héroïne de Sophocle lui semble prisonnière des dieux et réduite au devoir fraternel alors que la petit maigre chez Anouilh représente , à son sens, “une héroïne du non qui défend sa liberté propre.” ( p 40) Sam offre alors le livre à Georges qui l’accepte comme “une lettre d’adieu“. Au mariage de Georges , Samuel qui est son témoin ajoute que la République, “c’est le respect des différences. ” et plus tard il dira  en accueillant Georges blessé que la violence est une faiblesse .(p 67 ) Il lui rappelle à cette occasion qu’ils ne sont pas des résistants, que  Giscard n’est pas Pétain et que les jeunes étudiants d’Assas contre lequels il s’est battu  , les rats noirs, ne sont pas des nazis, juste des racistes dangereux .” (77) 

En 1982, Georges rend visite à Samuel alors très malade et ce dernier lui arrache la promesse de continuer à travailler sur son projet d’Antigone à Beyrouth. “Le drame était un cadeau qu’il emballait de burlesque ” Sam voulait monter la pièce noire d’Anouilh dans une zone de guerre( 87) Faire la paix entre cour et jardin.  Et il est question pour lui de terre et de fierté dans Antigone .Il choisit le Liban à cause du massacre palestinien de la Quarantaine suivi des représailles sur le village chrétien de Damour: il venait de trouver les tréteaux d’Antigone. (89) et a entrepris les premières démarches, contacté les acteurs et obtenu des autorisations officielles. 

“Antigone était palestinienne et sunnite. Hamon son fiancé, un druze du chou. Créon roi de Thèbes et père d’héron, un maronite de Gemmayzé. Les trois gardes, chiites, pas été messager et Eurydice une vieille chiite; La nourrice une chaldéenne et Ismène, catholique arménienne. (95) ; Sam serait le choeur et Georges s’attaque au projet .

Il relit d’abord la pièce et découvre une Antigone qui refuse de pactiser avec la vie et qui attend la mort; Et il découvre ensuite les notes de mies en scène de Samuel ( p 106) : Pas de costume de scène: le public doit s’attendre à une répétition . Il compare alors avec la représentation de 1944 au théâtre de l’Atelier en février. Antigone était en robe de soirée noire avec une croix au cou et Créon en habit avec gilet et noeud paillon;Les gardes en gabardine et chapeaux mous (gestapo ? ) La pièce doit parler au présent ajoute Samuel.

Ne pas confondre le Créon brutal de Sophocle et l’homme plein d’amertume dessiné par Anouilh; Chez Sophocle, Créon est le personnage tragique. Chez Anouilh, c’est Antigone qui porte la tragédie” p 107 Il a pensé à la musique de Duruflé et aux symboles : kappa, foulard, keffieh.  Georges appelle Iman est constate que les travaux pour la pièce sont au point mort et qu’aucune rencontre n’a pu avoir lieu. Il ment alors à Samuel de plus en plus affaibli  et repart avec le sachet de terre de Jaffa. Georges part alors pour Beyrouth. Voilà un extrait d’une mise en scène d’un face à face entre créons et Antigone : entraînez-vous à commenter la mise en scène …

 

20. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Antigone à Beyrouth : du projet aux répétitions . · Catégories: Première · Tags:
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La première  représentation d’Anouilh

Antigone , version de Jean Anouilh, propose en 1944 , à sa création, une vision du monde sur laquelle il faut s’interroger . La jeune fille incarne plusieurs formes de révolte: à la fois celle des minorités contre l’ordre établi mais égalementt celle des faibles contre les forts, des sentimentaux contre la loi , des intérêts privés et familiaux contre l’Etat et sa  toute puissance; Pour le personnage de Samuel, Antigone est une compagne de lutte, un témoin de ses souffrances passées et de ses combats et elle joue un rôle central dans le roman car elle va devenir l’objet d’un passage de relais entre le vieux metteur en scène juif et le jeune Georges qui ne rêve que d’en découdre avec la terre entière. 

Comment Antigone fait-elle son apparition dans le roman ? 

Samuel est invité, en tant que metteur en scène, a un festival de théâtre à Vaisonla Romaine ( p 37 ) et on y représente Antigone d’Anouilh mis en scène par gérard Dournel; A cette occasion, Samuel montre à Georges ses propres indications de mise en scène car il envisage de remonter Antigone et il brandit le live comme un poing levé.(p 38 )  Il commente le prologue ed’Anoulh qu’il trouve très beau ” c’est le dépouillement, la beauté pure ”  Les acteurs sont déjà en scène protégés par le quatrième mur : ” une façade imaginaire que les acteurs construisent en bord de scène pour renforcer l’illusion. Une muraille qui protège leur personnage. Pour certains un remède contre le trac. Pour d’autres , la frontière du réel.   “

Au fur et à mesure de leurs discussions, Samuel tente à plusieurs reprises  de convaincre Georges que la violence est une faiblesse mais ce dernier charrie de la fureur et  il y a tellement de colère en lui qu’il l’expulse par les combats physiques ; Un soir après une violente altercation, il se réfugie chez Sam qui écoute le requiem de Durufle accompagné par les paroles d’Antigone à la fin de la pièce : je ne sais plus pourquoi je meurs. ” ( p 74 ) Georges réalise alors que le théâtre a permis à son ami de répondre à la guerre : au lieu de continuer à se battre, il a transformé ses résistances en gestes artistiques sur scène. Depuis 1979 il travaille à son projet de monter Antigone à Beyrouth pour donner deux heures de paix à la guerre  mais en janvier 1982, le cancer le bloque à l’hôpital et il place tous ses espoirs en Georges ; “Depuis toujours Sam voulait monter la pièce noire d’Anouilh dans une zone de guerre; Offrir un rôle à chacun des belligérants.”  Il choisit finalement Beyrouth après un premier massacre dans le bidonville palestinien de la Quarantaine, suivi de représailles sur un village chrétien de Damour (p 89 )Il multiplie les contacts et finit par recruter des acteurs  qui acceptent tous de le recevoir en 1976. “le casting a duré 2 ans ; Antigone était palestinienne et sunnite; démon son fiancé un Druez du chouf. Créon un maronite de Gemmayzé.” (95) Sam ne souhaite qu’un seule représentation dans un “lieu qui parle de guerre, labouré de balles et d’éclats.”  Samuel Akounis luttait pour la vie d’Antigone.Georges accepte immédiatement et affronte la peur de sa femme Aurore qui juge sévèrement leur projet : “aller dans un pays de mort avec un nez de clown” s’exclame-t-elle , furieuse . ( 100 )  

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Créon et Antigone 

Dans le chapitre 9, Georges note ses commentaires après une lecture de la pièce qui le bouleverse. Il note que Créon est ému et tente d’épargner la vie de sa nièce mais la jeune fille refuse, souhaite la mort et l’attend. Après sa lecture, Georges es sent prêt à “accueillir en moi cette victime choisie par le destin.” “je ne connaissais d’elle que son refus de vivre; Je ne savais de moi qu mon envie de vivre . ” (105) Le personnage est encore loin de se douter que leurs trajectoires , la sienne et celle de la petite maigre, vont  tragiquement se rejoindre . 

Samuel a indiqué ses souhaits de mise en scène ; Pour les costumes: “la pièce doit parler  au présent” ; Les acteurs devront donc porter des tenues de leur époque; Georges découvre peu à peu leurs lettres de motivation, leurs photos et entre en contact d'abord avec Imane, sa future héroïne.Mais il ment à Samuel à l'hôpital en lui laissant croire que les répétitions se déroulent parfaitement alors qu'en réalité, il ne sait même pas si les acteurs vont accepter de venir répéter. Arrivé à Beyrouth, la guerre semble à Georges la plus forte et au milieu des salves qui claquent,  il imagine "Antigone était dos au mur,fusillée par la ville entière.” ( p 128 ) Il rencontre Imane et elle le fait assister à une répétition d’un poème de Mahmoud Darwich, Identité qu’elle a fait apprendre à ses élèves et dont les paroles font référence à l’identité palestinienne : “pas de haine pour les hommes, que je n’assaille personne mais si j’ai faim je mange la chair de mon usurpateur , gare à ma fureur ” Le lendemain , Georges et Imane se rencontrent dans un café de Beyrouth: il va ensuite trouver un phalangiste chrétien, frère de Charbel alias Créon,  afin d’obtenir un cessez-le feu de deux heures. Durant cette nuit, en compagnie des snipers, Georges sent une peur qui monte en lui et qui n’est pas celle de la mort mais celle de la fascination de la guerre (160) Georges assiste ensuite chez Marwan à la répétition de Hémon ; pour son père il a “le plus beau rôle, le plus grand de tous. qu’il incarnait l’exemple, l’espoir, la vie. Que dans cette pièce il mourrait par amour de la liberté et de la justice. Et aussi par amour d’un femme belle comme celles de leur montagnes.” (176) 

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Un face à face tendu 

La répétition a lieu le 24 février 1982 dans un théâtre en ruines qui a également servi de salle de cinéma: un reste du décor antique est éparpillé à terre et les obus ont troué les murs . Georges note des indications qu’il destine à Sam : “ une  tenture rouge. Un voile qui draperait tout l’arrière…Ce lieu serait celui du pouvoir.”  Simone arrive la première et évoque le massacre de Damour durant lequel son petit fils de 18 mois  a été égorgé: Charbel arrive à son tour suivi par Imane accompagnée des femmes qui jouent Ismène et la nourrice. Avant même de jouer, les acteurs cherchent leur personnage en eux : “Deux acteurs se mesuraient. Des personnages de théâtre; Antigone te Créon. Elle le narguait. Il la défiait. Elle irait jusqu’à mourir. Il irait jusqu’à la tuer. “‘ ( 188) 

Georges commence à diriger la répétition: il place sur scène une photo de la générale de la pièce en 1944, 38 ans ans plus tôt  et installe les acteurs sur scène; il évoque ensuite les conditions difficiles de la représentation en France à cause de la guerre et demande aux acteurs d’oublier leurs religions et le conflit mais la chiite qui joue Eurydice ne souhaite pas mourir car “elle disait que jouer une femme qui se suicide c’était devenir cette femme ” . Georges cède à sa requête ; Charbel poursuit en expliquant comment il a compris le personnage de Créon avec ses deux neveux morts pour rien dans une bataille absurde et son mensonge pour préserver l’honneur de la famille. Imane rompt l’accord en se présentant d’abord comme une palestinienne et seulement ensuite elle reprend ce qu’elle a conservé dans le personnage d’Antigone : ” celle qui dit non. Qui refuse les ordres, les consignes, les conseils. Celle qui ne met pas sa couverture comme les autres.; qui va hurler que c’est elle. Qui va refuser le bonheur avec Hémon. Et qui va choisir la mort pour ne pas se trahir. ” (197) 

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Le soir de la générale à Paris en février 1944
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Le narrateur raconte l’ambiance en février 44 pour la première de la pièce d’Anobli qui fut un triomphe; Anouilh a eu l’idée de cette pièce en 41 après avoir vu les affichettes rouges placardées par les nazis sur lesquelles ils affichaient le nom des terroristes  -résistants qui commettaient des attentats contre des collaborateurs ; En représailles les allemands fusillaient des otages ; Le  27 août 1941 un jeune ouvrier de 21 Paul Collette a ouvert le feu contre Pierre Laval ; il avait agi seul de son plein gré ; Torturé, il n’a pu avouer que son propre nom à la gestapo. Ce jeune résistant  lui a fait penser à Antigone . Les réactions de  la critique sont pourtant  partagées ; Pour la presse clandestine, cette pièce encourage la collaboration en tuant ceux qui s’y opposent ; Pour d’autres , au contraire “Antigone était une incarnation du refus. Offrant sa vie, elle condamnait Créon à la solitude des hommes perdus. Sa mort à elle serait sa chute à lui. Elle faisait de son royaume le lit de la colère. elle décimait la famille du bourreau, le laissait seul,avec trois gardes qui le tueraient bientôt après avoir acclamé la première poigne venue. ” ( 199) Le public se lève bouleversé  pour acclamer les acteurs et 17 jours plus tard seront fusillés les compagnons de Missak Manoukian, rassemblés sur l’Affiche rouge des allemands et  qui diront face à leurs bourreaux : “je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération” . Quant à Antigone, dans la pièce, elle dit qu’elle ne sait plus pourquoi elle meurt. 

La première rencontre des acteurs et du metteur en scène est terminée et il leur donne rendez-vous le 4 juin pour la répétition dans un lieu plus facile d’accès ; Imane a  finalement accepté de n’être plus qu’Antigone et de renoncer à se présenter comme une palestinienne  “nous portons des masques de tragédie, dit Hussein, et ils nous permettent d’être ensemble; Si nous les enlevons , nous remettons aussi nos brassards est c’est la guerre. ” (201) 

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Georges regrette alors de rentrer en France : il ne comprend pas pourquoi il ne reste pas là et il songe dans l’avion, en regardant sa photo entouré de sa femme et de sa fille, aux changements opérés en lui: ” Après avoir lutté en compagnie des autres, après avoir  espéré avec  eux, souffert avec eux, il avait quitté le combat sans un mot. Il ne se doutait pas que le monde continuait sans lui. Il avait oublié sa propre colère. Son poing était devenu main ouverte. “ Une fois à Paris, il se rend à l’hôpital et raconte à Sam la rencontre des acteurs.

La seconde rencontre a bien lieu le 04 juin 1982 au centre culturel grec et chaque acteur a apporté un accessoire : Imane un foulard le keffieh noir et blanc , Charbel une canne à pommeau d’argent qui fait office d’épée : “la faiblesse la toute-puissance ” Ils vont lire la pièce durant 3 jours et prévoient de se retrouver mi-septembre afin de préparer l’unique représentation  fixée le 1 octobre 1982. Les acteurs ne sont pas d’accord sur le sens de la pièce ; Pour Hussein, “Antigone est une gamine sans autre cause qu’elle même ” alors que pour Imane c’est un appel à la rébellion et pour Nakad une preuve d’amour. Georges leur rappelle que le texte a été écrit pendant une période noire de l’histoire et que chacun peut y puiser des forces . Il leur précise comment il entend jouer son rôle ” Je suis le Choeur. Je viens de Grèce antique. Je suis ce qu’Anouilh a conservé de Sophocle; Je suis en marge. Je suis le narrateur. Je présente les personnages, je raconte, j’anticipe. Je suis à la fois le messager de la mort et la voix de la raison. Je vais tournoyer au milieu de vous mais vous n’y prêterez aucune attention. Vous parlez aux autres personages alors que je m’adresse au public. Je suis le seul à briser le quatrième mur. Le seul à accepter le caractère fictionnel de mon rôle….” (219) Sur scène, explique Georges, le public doit voir les personnages se déplacer comme des pièces d’échiquier. A la demande des acteurs, Georges tente de leur faire saisir leurs personnages;  “Le garde n’est pas idiot juste totalement investi dans sa fonction. C’est le théâtre de boulevard qui cogne contre la tragédie.”   La force de ton personnage c’est que rien ne l’atteint. Boulot-boulot ajoute le metteur en scène à l’intention de Nabil le jeune chiite qui interprète l’un des gardes.  Pour Imane, Georges tente de définir Antigone “ Elle est jeune, exaltée, ébouriffée mais pas folle: elle est forte; c’est celle qui dit non.   Son refus du bonheur doit paraître incompréhensible et séduisant; Elle veut tout, tout de suite ou rien, jamais plus. Antigone c’est à la fois notre courage, notre obstination et notre perte. ” Georges termine par le personnage de Créon : personne n’a jamais su si c’était un salaud ou un héros; Chacun se débrouillait avec le Créon qui régnait à sa porte.  Charbel décide alors qu’Antigone mourra malgré lui et pas à cause de lui et Imane lui dit qu’il a le beau rôle. C’est à ce moment que le premier avion israélien se fait entendre à 15 h 11 et  bombarde Beyrouth…la répétition est terminée . Chacun se met à hurler en arabe et s’enfuit.. Le livre d’Anouilh  comme les acteurs, se retrouve éparpillé sur le sol .Vous pouvez lire la suite dans l’étude de l’extrait n° 2 …

 

05. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Le prologue d’Antigone : commentaire du commentaire · Catégories: Première · Tags:
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Commenter un texte consiste surtout à proposer à partir d’observations et de citations, des interprétations sur le sens de ce qui est écrit ; pour que l’exercice soit réussi, plusieurs facteurs entrent en compte dans des proportions variables. Le barème d’évaluation le jour de l’examen sanctionne essentiellement les erreurs de compréhension du texte appelées contresens . Sur les 16 points à attribuer, 3 ou 4 sont consacrés traditionnellement à la construction du devoir et 3 environ à l’expression ; Les 9 ou 10 points qui restent sont répartis entre  qualité et variété des observations, utilisation des citations et surtout présence d’interprétations. 

  • la qualité des observations est primordiale
  • le choix des citations et leur insertion dans les phrases est un point important 
  • la profondeur des interprétations (qui sont des hypothèses de lecture, des suppositions ) fait la différence entre les copies
  • la rigueur et l’efficacité de la démonstration est un atout non négligeable mais attention un plan vide ou un commentaire qui n’est composé que d’une grosse introduction et d’une conclusion ne vous rapportera guère plus de 6/7 points sur 20; chacune des 2 ou 3  parties doit comporter au moins deux sous-parties et leur longueur doit largement dépasser la taille d’une introduction !  

Les erreurs les plus fréquentes

  • consulter un corrigé et vouloir le résumer en ôtant soit les passages essentiels soit les éléments de construction du commentaire : c’est un signe que l’exercice n’est pas maitrisé ; Tous les corrigés ont une logique et si vous mixez des corrigés, vous devez en tenir compte dans l’architecture de votre devoir.
  • annoncer un plan et ne pas le suivre 
  • se focaliser sur des détails sans grand intérêt
  • commenter un texte qui n’est pas celui qui a été donné sous prétexte que les corrigés étudient l’intégralité du prologue 🙂 
  • dire qu’on va comparer deux textes : un commentaire ne prend appui que sur un texte et éventuellement des connaissances générales du théâtre par exemple mais on ne pouvait pas dire qu’on allait dans une troisième partie comparer ce prologue avec celui de Sophocle 
  • se méfier de la notion d’originalité; en effet prétendre qu'un texte est original nécessite qu’on soit capable de dire ce qu’il a de différent par rapport aux autres manières de commencer une pièce de théâtre ; autrement dit cela revient à connaître les grands principes de l’exposition au théâtre et  à expliquer pourquoi effectivement cette scène est différente de la plupart des autres expositions 
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Essayons d’y voir plus clair : il fallait commenter un prologue au théâtre ; 

D’abord partir de ses connaissances …..

ce que je sais : je connais la pièce , je sais que cette tragédie est une réécriture d’un mythe antique , je sais qu’au théâtre l’exposition a trois fonctions essentielles : présenter les personnages, le cadre et l’action c’est à dire permettre au public de comprendre ce qui va se passer (lire  par exemple l’article consacré à l’analyse de l’exposition d’une pièce de Giraudoux , elle aussi réécriture d’un mythe antique ) 

Ensuite :penser que c’est un texte de théâtre donc consacrer une partie de ses explications à la représentation ; Pour cela , un truc simple consiste à se mettre à la place d’un spectateur ; quel effet éprouve un spectateur qui entend parler d’un personnage qu’il voit en même temps? les acteurs tous présents  sur scène vont-ils exécuter les gestes que récite le prologue? 

La question essentielle qui est aussi la meilleur problématique parce qu’elle permet de cerner tous les enjeux du texte  : comment Anouilh met- il en scène cette réécriture d’une tragédie antique ? Un peu mieux que : quel est le rôle de ce prologue ? mais on pouvait parvenir au même résultat en faisant attention à ne pas oublier la dimension scénique du texte ; Aujourd’hui, on exige d’un élève qu’il envisage le texte de théâtre en vue de sa représentation; C’est pourquoi l’objet d’étude du bac de français  a changé et s’intitule désormais texte de théâtre et représentation; La plupart des corrigés proposés sur internet ne tiennent  pas compte de cette obligation et sont donc incomplets de ce point de vue. Du coup, rares sont les élèves qui y ont pensé 🙂  

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Un  plans possible assez complet … du moins intéressant au plus intéressant , du plus évident au plus subtil

 1 Le prologue joue un rôle informatif 

a) expose pour le spectateur les liens entre les personnages qui par nature ne vont pas évoluer 

b) expose le cadre de la pièce 

c) expose les enjeux 

2. Un prologue sous le signe de la fatalité : comment Anouilh réécrit et modernise une tragédie antique 

a) les indices de la tragédie antique

b) la mort annoncée

c) la reprise du prologue antique 

3. Un prologue  qui modernise le théâtre : 

a) la  mise en abîme : la création d’un nouveau personnage

b) une mise en scène qui fait des spectateurs des cibles : destruction du quatrième mur ?

c) les références à l’actualité brûlante 

CCL :la première partie d’une conclusion reprend les conclusions de chaque partie du plan 

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Anouilh réinvestit les codes du théâtre antique et classique une fabriquant une exposition conforme par certains points à ce qu’on exige d’une première scène au théâtre, c’est à dire la délivrances des informations essentielles (ma partie 1 )  mais il fait preuve d’une réelle  originalité à la fois par sa mise en scène très surprenante  et  ses adresses au spectateur par l’intermédiaire du personnage du prologue; En jouant avec la reprise des poncifs de la tragédie antique (ma partie 2) , le dramaturge redonne au mythe une force qui tient à ses liens avec l’actualité douloureuse de la première représentation au théâtre de l’Atelier en 1944. (ma partie 3) ; D’ailleurs le public, touché par cette héroïne et son parcours,  réserva un très bon accueil à cette pièce . 

 Idée d’ouverture thématique : A cette époque, Jean-Paul Sartre avec Les Mouches et Jean Giraudoux avec La guerre de Troie n’aura pas lieu reprennent eux aussi, sur scène, les mythes antiques en leur injectant la part de tragédie liée à la nouvelle guerre mondiale qui se joue sous les yeux des spectateurs ; Le public est ainsi amené à devenir lui aussi acteur de sa propre vie et la guerre fait résonner étrangement les combats de la révolte face la loi, du pacifisme et du bellicisme et nous amène à nous interroger sur la notion même de fatalité. 

Je vous joins des commentaires trouvés sur internet et commentés par mes soins …

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Pour progresser : réfléchir à la nature du texte et à ses enjeux ; soyez plus curieux, plus observateurs et utilisez des termes techniques précis ; Ne vous focalisez par sur un plan avant 1 h 30 de travail d’observations …ayez en tête des plans possibles pour des types de textes (un combat, une exposition, une rencontre, un dénouement, des aveux ) Posez -vous des questions et votre plan tentera d’y répondre ! qu’apprend-t-on dans cet extrait ? ; quels sont les registres dominants? que voit-on ? que cherche-t-on à nous montrer ? Partez de vos connaissances sur des objets d’étude : l’histoire de la poésie, l’évolution de la figure du héros, l’évolution du théâtre …

Une devise qui vous aidera : ramenez l’étranger à ce qui vous est familier et l’inconnu à ce que vous connaissez déjà 

 

16. décembre 2017 · Commentaires fermés sur Antigone 82 : quelques pistes à explorer pour évoquer la pièce de Jean-Paul Wenzel · Catégories: Première · Tags:
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le metteur en scène 

Christophe Cardoni, journaliste, est revenu nous aider à évoquer quelques pistes d’interprétation pour travailler à la rédaction des articles de presse  qui feront écho à la représentation d’Antigone 82 de Jean-Paul Wenzel à l’ Orange Bleue, théâtre d’Eaubonne . Tout d’abord , le scénographe et metteur en scène a choisi de ne pas reprendre le titre du roman de Sorj Chalandon :Le quatrième Mur; Une partie de son geste artistique consiste, en effet, à abolir ce mur imaginaire, cette frontière  théorisée par Diderot , entre le public et l’espace scénique. Cette abolition tente de faire du théâtre un véritable lieu de rassemblement qui permet de se retrouver ensemble et d’échanger librement. 

 

 

Tout d’abord la disposition trifrontale peut marquer l’absence de frontière justement comme pour suggérer que les échanges se font librement, Dans le roman comme dans la pièce , le héros passe d’un espace à un autre avec beaucoup de difficultés et l’un des enjeux de la scénographie consisterait à  abolir symboliquement ces barrières , ces séparations ; C’est pourquoi les musiciens jouent à vue, les acteurs se changent à vue également et la caméra restitue une direct les images tournées derrière le rideau de cinéma qui matérialise le fond de scène; Le geste artistique du metteur en scène consiste à faire du théâtre ce lieu de rassemblement  qui force les personnages à sortir de leur enfermement; une tentative de rétablir la communication entre les différents protagonistes de la pièce.

Le rideau de scène a retenu notre attention: d’abord les élèves ont remarqué qu’il portait les stigmates de la guerre ;Il est brûlé à certains endroits et semble déchiré ; Ensuite il peut évoquer le lieu de répétition du roman: cet ancien cinéma abandonné au coeur de Beyrouth. Un lieu de passage et de transmission au coeur d’un espace en guerre et que la guerre justement va finir par détruire. 

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Imane tout en rouge

La musique peut également être considérée comme un lien entre les cultures ; d’abord la culture orientale : le oud étant un instrument traditionnel de la musique folklorique arabe et la guitare électrique qui représente l’occident et les années 80; les deux mini- scènes musicales sont installées de part et d’autre de la scène et les musiciens font également partie des acteurs ; Ils interprètent chacun différents personnages et ne sont pas simplement des musiciens. 

 Tous les acteurs endossent plusieurs rôles et parlent plusieurs langues; Il est intéressant de voir notamment combien de personnages peut interpréter un même acteur ; il devient tour à tour figurant et personnage principal dans d’autres scènes; 

Le mélange des genres est également bien respecté : certains passages comiques, comme dans le roman d’ailleurs, atténuent la portée dramatique de la pièce; On peut citer les barbes postiches des chiites lors des représentations, les concessions faites par Georges aux impératifs religieux pour pouvoir maintenir la représentation de la pièce; Le geste de théâtre montre la dimension confessionnelle du conflit en la rendant ostensible comme le tatouage de la croix sur le bras de Joseph-Boutres, sniper phalangiste,  qui fait écho à la kippa de Samuel et au keffieh porté par Imane et son frère , symbole des combattants palestiniens. 

Avec une certaine économie de moyens, Jean-Paul Wenzel a réussi à faire naître l’émotion du public: la distribution est réussie et lui-même, qui a du s’improviser acteur, fait un Marwan convaincant, vibrant d’humanité lors la scène très touchante de l’accolade avec Georges. 

Au final, on peut se demander si le théâtre atténue la représentation des réalités de la guerre ou les amplifie par rapport au roman ? 

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14. décembre 2017 · Commentaires fermés sur Parcours d’une héroïne : autour d’Antigone (parcours de lecture ) · Catégories: Première · Tags:
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Pour préparer l’entretien oral qui suit l’exposé, vous devez réunir des connaissances à la fois sur l’oeuvre étudiée mais également sur l‘histoire et l’évolution du genre théâtral. Les questions de l’examinateur sont variées mais elles visent à tester vos connaissances autour d’un objet d’étude . Le parcours de lecture proposé a pour objectif de vous préparer à cette seconde partie de l’oral du bac qu’on nomme l’entretien et qui dure environ 10 minutes;  Il est conseillé de vous entrainer régulièrement sur les séries de questions données durant l’année et de préparer des fiches qui résument l’histoire littéraire de la poésie, du roman , du théâtre ainsi que les principales formes argumentatives . Reprenons quelques points autour de la pièce d’Anouilh , Antigone . 

1. Il s’agit de présenter le mythe d’Oedipe et de connaître les noms de la famille proche et élargie autour d’Antigone ; n’oubliez pas le rôle de fille modèle et de guide pour son père. 

2 Définir son portrait peut être complexe mais efforcez vous de reprendre ses qualités et ses défauts;Surtout citez des éléments de la pièce  et essayez de vous souvenir des passages qui la caractérisent "la petite maigre, noiraude et renfermée, yeux graves , elle pense qu’elle va mourir et qu’elle est jeune (le prologue )  tu es l’orgueil d’Oedipe, ton sale caractère (Créon )  tu es folle …menteuse, ma colombe, file de roi, princesse (la nounou ) . Je ne suis pas aussi courageuse que toi , te voilà lancée sans écouter personne, ma petite soeur, c’est bon pour les hommes de croire aux idées et de mourir pour elles ) Piochez parmi les adjectifs suivants : têtue, orgueilleuse, déterminée, libre, négative, butée, obstinée, courageuse, suicidaire …..”elle a préféré sa folie et la mort” dira Créon à son fils  Hémon. 

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3. Anouilh dresse de la royauté un portrait original: Créon est défini comme un homme robuste aux cheveux blancs, avec des rides et fatigué; il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes mais au matin, il se lève et se retrousse les manches; il a renoncé à ses plaisir personnels pour gouverner; il entend devenir un prince sans histoire et fait souvent référence à son beau-frère Oedipe dont il entend se démarquer : “moi j’ai les deux pieds sur terre et j’ai résolu de m’employer tout simplement à rendre l’orde de ce monde un peu moins absurde, si c’est possible “. C’est un métier; les rois ont autre chose à faire que du pathétique personnel j’ai le mauvais rôle , précise-t-il à Antigone..il affirme prendre le temps qu’il faudra pour la sauver en dépit des urgences du royaume: “Au lendemain d’une révolution ratée, il y  a du pain sur la planche, je te jureun matin je me suis réveillé roi, avoue-t-il et je me suis senti comme un ouvrier qui refusait un ouvrage. Il prétend aussi être un roi dont l’autorité est bafouée par les refus d’Antigone ; il n’a pas été assez fort pour l’empêcher de mourir .

4 et 17 et 22 . Anouilh construit sa pièce en imitant certains aspects des tragédies grecques dont il reprend d’ailleurs un sujet ; il place ainsi un prologue joué par un acteur (le même que celui qui interprétera le rôle du choeur ) au début de sa pièce; Ce prologue ,conformément à la tradition, annonce le sujet présente l’histoire et décrit les personnages ainsi que le dénouement .  

Le choeur lui aussi interviendra dans la tragédie à plusieurs reprises ; juste après l’annonce par les gardes de la découverte de la profanation (et voilà maintenant le ressort est bandé..lecture analytique 1 ) ; il s’adresse plutôt au public ; il s’adresse ensuite à Créon à la fin de la pièce pour lui demander de ne pas faire mourir Antigone et pour souligner sa folie ; Cette fois , il s’agit d’un échange avec le roi et le choeur rappelle qu’Antigone n’est qu’une enfant . Le choeur réapparaît lors du départ précipité d’Hémon ; Il semble inquiet et s’adresse une fois encore au roi: “Créon il faut faire quelque chose ” Il entrera sur scène pour annoncer après la sortie d’Antigone emmenée par les gardes ; “là, c’est fini pour Antigone “; Il dialogue avec le messager; ensuite avec Créon et  et reste sur scène jusqu’au baisser de rideau et prononce les dernier mots de la pièce ; Ce passage se nomme l’exodos dans la tragédie classique (la sortie du choeur qui marque la fin de la pièce ) . Anouilh a choisi un final pour le moins inattendu en partie” Il ne reste plus que les gardes; Eux tout ça, cela leur est égal; c’est pas leurs oignons. Ils continuent à jouer aux cartes. 

5.Pour résumer la différence entre les deux pièces, on peut évoquer la toute puissance de la religion à laquelle obéit l’héroïne grecque  de Sophocle alors que dans la pièce d’Anouilh, elle semble avant tout agir pour elle et invoque sa liberté de dire non.

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6. 7 et 8  Antigone entre en scène sans faire de bruit, à l’aube, ses chaussures à la main pour ne réveiller personne ; Elle vient de jeter une poignée de terre sur la dépouille de son frère Polynice et donc d’enfreindre la loi. Elle se fait surprendre par sa nounou qui pense qu’elle est allée rejoindre un garçon; Le drame s’ouvre donc sur un quiproquo comique . La nourrice la gronde et l’interroge et les réponses de la jeune fille ne sont pas comprises réellement. On notera le ton poétique avec lequel Anouilh décrit cette nuit là ..

9,10. La relation entre les deux soeurs est basée sur un contraste : Ismène,l’aînée se montre à la fois protectrice et raisonnable “moi je suis plus pondérée” ; elle tente de convaincre Antigone d'être sage et de renoncer à sa folie de s'occuper de la sépulture de leur frère; il y a un effet d’ironie tragique dans les paroles d’Ismène car c’est déjà trop tard ; deux échanges ont lieu dans la pièce entre les soeurs; Le premier juste après l’arrivée d’Antigone résume la jalousie de cette dernière , qui a longtemps été malheureuse à cause de la beauté de sa soeur . La seconde apparition d’Ismène suit la sortie d’Hémon ; Antigone est en pleurs et elle avoue à sa soeur ce qu’elle vient de faire; Ismène quitte la scène sur un cri. A la fin de la pièce au moment où les gardes vont l’emmener , Antigone refuse qu’elles pleurnichent toutes les deux ensemble et Ismène tente de la convaincre; C’est peine perdue..Ismène retourne alors se coucher et ne réapparaît qu’à la fin de la pièce elle fait son entrée en scène dans un cri  et demande pardon à sa soeur ..elle souhaite mourir avec elle mais Antigone refuse. Elle paraît donc n’avoir aucune influence sur sa jeune soeur ; Sa seconde entrée en scène est pathétique : “Je ne veux pas vivre si tu meurs,je ne veux pas rester sans toi ” crie-t-elle et Antigone semble alors plus pressée que les gardes l’emmènent comme si elle se refusait de céder à l’émotion . D’ailleurs on peut noter qu’elle s’ adresse assez durement à Ismène: “laisse-moi maintenant avec tes jérémiades” . Et elle lui reproche de ne pas être allée  elle aussi sur  la tombe de Polynice . Ismène promet de s’y rendre dès le lendemain. 

11. 12  Antigone est une véritable héroïne tragique notamment parce que sa mort est inscrite dans le texte; Dès le début de la pièce et bien avant que son forfait soit découvert, elle s’exprime comme si elle allait mourir;Le dramaturge emploie fréquemment le  conditionnel passé notamment et évoque la vie future sans elle , la tristesse de sa chienne qu’elle suggère da’illeurs étrangement de faire piquer , la suite de la vie d’Hémon . Autant de petits détails qui révèlent qu’elle se comporte comme si elle savait d’ ores et déjà que ses jours sont comptés. “Nounou tu ne devrais pas être trop méchante ce matin …moi aussi j’aurais bien voulu ne pas mourir..”  Elle demande d’ailleurs à sa nounou de la consoler comme quand elle  était petite et lui avoue qu’elle seule doit savoir que justement elle se sent un “peu petite” pour ce qui l’attend. Antigone apparaît fragile dans cette scène et cherche une aide auprès de sa nourrice. 

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13. Cette scène pathétique précède l’arrivée d’Hémon , le fiancé de la jeune fille et son amoureux également. Antigone lui avoue alors qu’elle s’était faite belle  la veille pour se donner à lui mais il a ri en la voyant si belle avec la robe d’Ismène et  maquillée ; alors Antigone s’est sentie vexée et elle s’est enfuie. Elle révèle à Hémon qu’elle ne l’épousera jamais et lui demande de sortir sans la regarder. 

14. Les entrées des personnages rythment la pièce comme souvent au théâtre; Une fois Hémon sorti, Ismène revient pour implorer sa petite soeur de ne pas commettre l’irréparable mais cet échange est interrompu tragiquement par l’arrivée du garde qui vient justement prévenir le roi Créon que le cadavre de Polynice a été recouvert par un peu de terre “juste assez pour le cacher aux vautours ” ; Le crime vient donc d’être découvert ce qui va précipiter l’enchainement inéluctable des faits comme le suggère la tirade du choeur (notre extrait 1 ) 

15. Les gardes constituent un contrepoint comique dans la pièce ; Leur fonction principale est de dédramatiser l’action et leur bêtise ainsi que le caractère obtus, leurs querelles , distraient le spectateur . Le prologue les présente comme “trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes; Ce ne sont pas des mauvais  bougres précise-t-il. Ils ont des femmes et des enfants des petits ennuis aussi comme tout le monde mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l’heure . Ils sentent l’ail le cuir et le vin rouge .  Ils sont dépourvus d’imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents  et toujours satisfait d’eux-mêmes ,de la justice de Créon. Ils entrent en scène pour avertir le roi dont ils craignent la réaction. Ce dernier leur demande de garder le silence et les accuse de négligence; Il les menace de mort s’ils ébruitent l’affaire . Ils reviennent après avoir arrêté Antigone qui a recommencé à gratter la terre de la tombe de son frère mais apparemment ils ne savent pas qui elle est et surtout  ils ne la croient pas quand elle se présente comme la fille d’Oedipe .Ils  s’expriment familièrement et entendent bien profiter de leur solde pour aller au restaurant . Ils donnent leur version des faits à Créon et quittent la scène; Ce dernier les fera revenir sur scène quand il aura pris enfin la décision de faire exécuter sa nièce ; Antigone va alors tenter de dicter une dernière lettre d’adieu à son fiancé et le garde qui la surveille maintient volontairement ses distances avec elle même s’il accepte d’écrire la lettre qu’elle lui dicte. A l’arrivée de ses camarades, il glisse l'”anneau que lui a remis la jeune fille dans sa poche et range le carnet sur lequel il écrivait .. et “gueule pour se donner une contenance ” Allez! pas d’histoires !  Lorsque le rideau se baisse , on indique que les gardes sont en train de jouer aux cartes. 

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16. et 18 . La pièce résume assez brièvement les éléments de l’enquête qui conduit à l’arrestation d’Antigone; Le premier indice c’est la terre qui  a bougé,; on pourrait soupçonner un animal mais “la terre était jetée sur lui selon les rites ” ensuite les traces de pas d’oiseau autour de la tombe, des petits pieds d’enfant, une petite  pelle d’enfant toute vieille et toute rouillée  avec le nom de Polynice et enfin,Antigone se fait prendre une flagrant délit en train de gratter la terre. “comme une petite hyène” ;Elle a de la terre sous les ongles et ne cherche nullement à nier les faits .

19. 20 et 23  La partie centrale de la tragédie est un long face à face entre Créon et sa nièce; Ils s’opposent âprement et le roi tente , à plusieurs reprises de justifier ses décisions et d’expliquer les contraintes de l’exercice du pouvoir. Les grecs appelaient ces affrontements des duels oratoires ou agon. La première étape consiste pour l’oncle à interroger sa nièce et à lui rappeler qu’elle a enfreint ses ordres; elle reconnait immédiatement ses torts “j’étais certaine que vous me feriez mourir ” dit elle. Le roi lui rappelle ensuite l’histoire de sa famille, le destin funeste de son père et tente de lui faire peur; Il pense que cela va suffire à lui faire entendre raison mais elle demeure sur ses positions, déterminée à y retourner : “Il faut que j’aille enterrer mon frère ”  Elle fait ce geste pour elle et prétend qu’il ne peut la sauver en dépit de son pouvoir de roi: “ni me sauver ni me contraindre.. vous pouvez seulement me faire mourir.”  Créon invoque ensuite les raisons d’Etat : l’exposition du cadavre du régicide est nécessaire selon lui pour que  les brutes qu’il gouvernent comprennent . “il faut pourtant qu’il y en ait qui disent oui” explique-t-il à sa nièce dans une longue tirade sur les difficultés de exercice du pouvoir . Mais Antigone demeure murée dans une sorte de mépris alors il tente de lui raconter qui était vraiment son frère et le mal qu’il a fait endurer à leur famille. Après ces révélations, Antigone semble touchée et affaiblie mais elle le provoque dans un dernier sursaut d’orgueil  en le traitant de “cuisinier” et il tente désespèrement de la faire taire. Il appelle alors les gardes pendant qu’Ismène lui lance qu’elle se rendra elle aussi le lendemain sur la tombe de leur frère. Le geste d’Antigone aurait-il fait des émules ? 

21 Le refus du bonheur : alors que son oncle essaie de la convaincre qu’elle doit croire au bonheur, Antigone remet en question ce mot ; “quel sera-t-il mon bonheur ? ” elle affirme ne jamais pouvoir être heureuse si elle doit mentir, se vendre et laisser mourir en détournant le regard . Elle maintient son  choix; “vous me dégoûtez tous avec votre bonheur; avec votre vie qu’il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu’ils trouvent. ” 

25. Il est difficile de se prononcer  au final sur l’attitude de la jeune fille  et les avis seront surement partagés; que vous la trouviez courageuse, idéaliste et admirable ou au contraire butée, orgueilleuse et égoïste, il vous faudra justifier votre avis en vous servant d’éléments précis dans la pièce et notamment de citations. 

26. En 1944 dans la France occupée, il est difficile de faire entendre publiquement ses divergences avec le gouvernement provisoire de Vichy, sous les ordres des allemands ; Le pays est occupé et la guerre fait rage; des français de plus en plus nombreux combattent dans la Résistance et d’autres ne savent pas très bien dans quel camp se situer. Anouilh a utilisé un mythe mais on peut penser qu’Antigone représente la position de certains résistants décidés à donner leur vie pour leur idéologie ( destruction du nazisme et du Reich) ; la pièce a été applaudie longuement et a connu un triomphe . 

27. Le public a été enthousiaste . Dans le roman de Chalandon, il résume notamment l’ambiance lors de la première représentation. 

28. La notion de mélange des genres désigne le fait de passer dans une même pièce de passages tragiques et pathétiques à des scènes plus légères qui comportent des élément comiques ; C’est la fin de la séparation des deux principaux genres que sont la comédie et la tragédie; Ensuite c’est plutôt une question de proportion entre les éléments comiques et les éléments tragiques .

 

 

11. décembre 2017 · Commentaires fermés sur Le dénouement d’Antigone d’Anouilh · Catégories: Première · Tags:
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Analyser le dénouement d’une oeuvre suppose de connaître quels types de dénouements sont attendus , possibles, conventionnels et de s’interroger sur la relation entre  le début de la pièce et sa fin. Dans le cas d’Antigone le dénouement tragique est conforme aux attentes et aux craintes du spectateur car la mort de l’héroïne ne fait aucun doute mais il est intéressant de montrer comment le dénouement est mis en scène et particulièrement quel sont les éléments de mise en scène qui peuvent renforcer la dimension tragique de cette fin attendue ? à la fois dans le texte et dans la version scénique proposée par l’adaptation de Nicolas Briançon . 

Le dénouement est marqué par l’arrivée en scène d’un nouveau personnage , traditionnel : le messager; En effet, dans le théâtre classique, le récit du messager permet au dramaturge de donner à entendre aux spectateurs ce qu’il ne peuvent voir demeures yeux, soit pour des raison de bienséance ou ne relation avec la règle des unités qui interdit les changements de lieux sur el plateau et a donc comme conséquence qu’on ne peut représenter sur scène ce qui es déroule ne dehors de l’espace délimité par le décor du plateau; Autrement dit la mort d’Antigone n’est pas représentée sur scène : elle est donnée à entendre .

Le récit du messager s’articule en plusieurs étapes: d’abord la révélation ; " une terrible nouvelle ” Le registre est pathétique ; La présence du style direct matérialise les paroles du roi, fou de désespoir quand il entend la voix dont l'identité va être différée pour le spectateur . La souffrance est omniprésente avec "plaintes qui sortent du tombeau ” ; les mains du roi qui saignent tant il creuse rappellent les ongles plein de terre d’ Antigone: chacun des deux personnages remue la terre pour quelqu’un qu’il aime ; Le messager raconte d’abord la vision du corps d’Antigone pendue : on peur ici établir un parallèle avec la mort de sa mère Jocaste qui elle aussi se pend avec la ceinture de sa robe lorsqu’elle découvre l’inceste qu’elle a commis avec son fils ; le choix de cette mort évoque donc la  poursuite de la tragédie familiale; Antigone paraît fortement attachée également  à son père dont elle est l’orgueil et à sa mère par la manière dont elle choisit de mourir . Le détail de la couleur des fils introduit une touche de poésie dans cette ambiance morbide et rappelle la dimension enfantine du personnage ; En effet dans toute la pièce Antigone représente l’enfance et la démesure, le sens de l’absolu et l’absence d’accommodements  qui combat le principe de réalité incarné par un pouvoir adulte et raisonnable ; Elle meurt donc avec ce collier d’enfant autour du cou comme pour rappeler sa jeunesse et pour certains peut- être, son immaturité ou son idéalisme . 

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La vision est pathétique et la douleur d’Hémon fait peine à imaginer : il est à genoux, gémit et a le visage enfoui dans la robe de sa fiancée; ces notations visuelles permettent au spectateur de s’imaginer la scène; le sacrifice d’Antigone n’en paraît que plus grand car dans la pièce elle refuse l’amour passionné que lui offre Créon et qui anime ce personnage d’éternel fiancé; De plus le roi va  perdre son fils adoré et c’est un facteur aggravant pour sa douleur; La suite du récit illustre les effort vains d’un père pour garder son fils en vie; Hémon paraît déjà au delà de lui-même; “Il se dresse, les yeux noirs, et il n’a jamais autant ressemblé au petit garçon d’autrefois” “ses yeux sont ceux d’un enfant, lourds de mépris ”  Ce nouveau rappel à l’enfance marque comme pour Antigone la dimension absolue de leurs gestes: aucun argument logique ne peut les atteindre ; ils ne sont nullement sensibles au raisonnement et paraissent inflexibles.

 Dans ce final, les gestes sont lourds de sens : Hémon crache au visage de son père et son regard est comme la lame ; les mots sont autant d’indications de gestes scéniques : nulle place ici pour l’expression de la pensée des personnages ; Nous sommes au théâtre et le langage des mots va se transformer en geste. Le suicide d’Hémon est décrit de manière sobre et l’immense flaque rouge est la preuve visible de cet amour absolu au delà de la mort des corps  car il s’étend contre Antigone, l’embrassant “dans une immense flaque rouge;" Le deux amoureux semblent ainsi réunis . 

L’entrée en scène de Créon marque la seconde étape de ce dénouement : le roi d’ailleurs reprend cette idée d’union des deux amants en indiquant “je les ai fait coucher l’un près de l’autre, enfin ! comme pour rappeler à la fois qu’il n’étaient pas encore amants , simplement promis l’ un à l’autre te leur mot est présentée comme une sort d’achèvement : ils ont fini, eux,; Ce qui peut sous-entendre que pour Créon, cela continue  et c’est d’ailleurs ce que suggère  explicitement la première réplique du choeur : pas toi Créon ; Il te reste encore quelque chose à apprendre . 

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La parole du choeur

10. décembre 2017 · Commentaires fermés sur Antigone mise en scène par Nicolas Briançon : quelle lecture de la pièce propose le metteur en scène ? · Catégories: Première · Tags:
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Barbara Schulz est Antigone 

Assister à une représentation théâtrale, c’est  d’abord être spectateur d’une intention ; chaque metteur en scène s’approprie , en partie l’oeuvre qu’il recrée à sa manière même sans changer une virgule du texte original; En effet, le metteur en scène est confronté à des choix : décor, scénographie, jeu des acteurs, casting, accessoires, lumières; Son langage est avant tout visuel même si le spectateur est aussi un auditeur attentif; A sa sortie en 2003, la version proposée par Nicolas Briançon, de la pièce d’Anouilh, créée en pleine période d’occupation allemande à Paris, ne fit pas l’unanimité. Voici un illustration d’une critique de la pièce , parue en 2008 sur le blog d’un journaliste ; A votre tour, essayez de jouer les critiques   après avoir visionné la pièce …et répondez au QCM  après avoir lu l’article ….

Celle qui a dit non 

Tout le monde connaît le nom (et le non) d’Antigone. Antigone la rebelle, Antigone la révoltée mais aussi Antigone l’amoureuse, Antigone la passionnée ! Et dans cette pièce Barbara Schultz n’exprime que trop bien cette volonté de vivre, elle qui n’est pourtant là que pour refuser… et mourir ! 

On attend beaucoup de Robert Hossein et de Barbara Schultz et on est pourtant déçu. A commencer par l’affiche même de la pièce : d’emblée la position du metteur en scène est affirmée, Nicolas Briançon va insister sur l’opposition d’Antigone, la maigre, la noiraude face à Créon le fort, le puissant.

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L’affiche de la pièce 

Ainsi sur l’affiche Créon apparaît immense, démesuré même, habillé tout de noir ( pour nous rappeler que Créon est le « mauvais » dans la pièce ? ) à la façon d’un nazi ( bottes, képi et long manteau ), il fait face, dans un contre-jour exagéré à Antigone, faible enfant toute vêtue de blanc ( Antigone est donc la « victime » de la pièce ? ) qui semble faire un geste de refus, ou bien ne cherche-t-elle qu’à se protéger de la tyrannie de son oncle ? Et c’est bien là le seul détail intéressant dans cette affiche qui soulève le caractère ambigu de la jeune Antigone qui à la fois se dresse contre l’autorité de son oncle et à la fois apparaît faible face à son pouvoir. On attend donc plus de cette adaptation qu’une simple opposition purement manichéenne entre Antigone la victime et Créon le mauvais. 

Barbara Schultz est tout de même magnifique dans son rôle : ses regards, son attitude, son allure et sa voix sont l’exacte représentation qu’on se fait du personnage d’Antigone. Fidèle au texte d’Anouilh, Ismène est tout son contraire. Briançon pousse son caractère superficiel à l’extrême : pyjama de soie lorsqu’elle va trouver sa sœur dans sa chambre (et toute la futilité de sa personne apparaît dans cette première scène), robe rouge, collier d’or et énormes bracelets qui alourdissent encore plus son personnage, cheveux soyeux et souple, boucles blondes, corps parfait et allure de reine, Briançon aime décidément mettre l’accent sur les oppositions entre les personnages. Le moment où le texte d’Anouilh est légèrement détourné correspond à l’apparition de Créon et de ses gardes. Il est évident qu’on ne peut parler de l’Antigone d’Anouilh sans parler de modernisation puisque la raison même de la pièce d’Anouilh est de nous présenter une Antigone d’actualité. C’est ainsi que, dans un Paris occupé par les Allemands, les personnages furent les symboles même de la résistance (Antigone) et de l’occupation (Créon). Seulement voilà, Briançon ne semble pas savoir se décider entre une adaptation ayant pour contexte l’occupation des Allemands à Paris pendant la Seconde Guerre Mondiale ou une version plus moderne encore, se rapportant à nos jours. C’est ainsi que Créon est vêtu comme un nazi et que ses gardes, à la surprise générale, sont vêtus d’un costume sombre, d’un écouteur placé dans l’oreille, de lunettes noires, et, les bras croisés, ils sont l’image même des agents de sécurité que l’on trouve à l’entrée des casinos. 

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Il reste deux choix d’interprétation qui dérangent un peu dans l’adaptation de Briançon : tout d’abord la violence de Créon. Certes il est le symbole de tous pouvoirs autoritaires et de la tyrannie (ce qui justifie son vêtement) mais Briançon fait de lui un véritable nazi, violent et impulsif. C’est ainsi que son entretien avec Antigone frôle parfois la séance de tortures qu’enduraient les résistants (il ne cesse par exemple de prendre violemment Antigone par les cheveux ou de tordre son bras et de la jeter ensuite par terre)! Bien sur, il faut resituer la pièce d’Anouilh dans un contexte de guerre et d’occupation mais le Créon d’Anouilh n’est pas un nazi, le Créon d’Anouilh a bien été plus souvent associé à Pétain, le collaborateur, et cette association est largement plus justifiée dans la pièce d’Anouilh que ne le serait celle du nazi, car qui est Créon, sinon un vieillard fatigué et las de la guerre, qui ne veut pour son peuple que la paix de Thèbes, qui tente désespérément et malgré elle de sauver sa nièce Antigone, qui a fait « don de sa personne » parce que “le sale boulot il fallait bien que quelqu’un le fasse ?” Tout le coté vieillard aimant et sagesse de l’adulte qui a dit « oui » depuis longtemps est ici évanoui. Briançon privilégie un Créon dur et cruel et son fils, Hémon, subit les mêmes transformations : ce n’est plus le Hémon faible (car fou amoureux d’Antigone) et sensible de la pièce d’Anouilh, c’est un Hémon qu’on sent aller irrévocablement sur les traces de son père, qui apparaît dur et moins sensible au charme un peu sauvage d’Antigone. La mise en scène présente cependant quelques trouvailles intéressantes. Ainsi, Briançon semble avoir retenu un petit détail pour sa mise en scène dans une des (nombreuses) tirades d’Antigone. Dans la première scène en effet où Ismène et Antigone se retrouvent, cette dernière, dans un élan passionné contre le mot « comprendre » du monde des adultes, rétorque violemment que toute son enfance a été gâchée par ce mot si laid : courir dans le vent, se rouler dans l’herbe, jouer avec la terre et avec l’eau des fontaines, tout cela lui était interdit ! L’eau de la fontaine. « La belle eau fuyante et clair qu’on ne doit pas toucher parce que ça mouille les dalles ! ». On la retrouve cette fontaine, sur scène, au beau milieu du plateau parmi le décor simple et les comédiens. Et souvent, quand elle se sent un peu trop faible, un peu trop petite pour tant d’histoires de grands, Antigone aime s’y asseoir, les genoux repliés et le visage caché par ses cheveux noirs et mal peignés. Et lorsqu’Antigone a grandi, lorsqu’elle a compris combien elle aurait aimé vivre elle aussi, lorsque les bleus que lui ont fait les gardes à ses bras ne lui font même plus mal, lorsque celle-ci se trouve dans « l’anti-chambre » de la mort, alors elle ne s’assoit pas comme elle le fait d’habitude mais elle y met un pied, puis les deux, et pendant toute l’attente avec le garde elle patauge doucement dans l’eau claire, car maintenant qu’elle a dit non, maintenant qu’elle va mourir, elle peut bien ne pas « comprendre » et vivre enfin d’une façon  passionnée car c’est ainsi qu’elle vit et qu’elle aime la petite Antigone : avec passion ! 

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Antigone et sa nounou 

L’adaptation de Briançon est remarquable par le talent de ses comédiens mais on en sort brutalisé et c’est la volonté même de cette interprétation (les projecteurs eux-mêmes, lorsque la pièce commence, s’éteignent de façon très brutale et très violente). Mais les bottes de Créon, son képi, son long manteau noir et la brutalité de ses gestes, n’est-ce pas trop pour une toute petite Antigone maigrichonne ? Où est donc passée l’ambiguïté du personnage de Créon qui fait mourir sa nièce tout en ayant tout fait avant pour tenter de la sauver ? Et l’ambiguïté d’Antigone, à la fois faible et courageuse, à la fois aimante et orgueilleuse ? N’y a t-il qu’un couple dans cette pièce ? Celui de la brute et de la victime ? Déception donc pour tous ceux qui aimaient dans la pièce d’Anouilh le coté humain de Créon et la mise en scène du terrible dilemme d’un homme qui lui a dit “oui” depuis longtemps.

09. décembre 2017 · Commentaires fermés sur Antigone 82 : Beyrouth à Eaubonne · Catégories: Sorties · Tags: ,
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Ce vendredi 8 décembre , nous attendions avec impatience d’assister à la représentation de Antigone 82, une pièce   mise en scène par Jean-Paul Wenzel et tirée de l’adaptation , réalisée pour la scène , du bouleversant roman de Sorj Chalandon: Le quatrième Mur . Et bouleversés, nous l’avons été , à plusieurs reprises. Au premier regard, le rideau déchiré attire notre attention ; En son centre , un écran blanc qui servira à projeter les images des acteurs hors scène, effaçant ainsi partiellement les frontières entre ici , l’espace scénique, et là-bas, ailleurs, loin parfois comme le visage d’Imane au téléphone, une sorte de skype géant qui nous permet de voir l’actrice pour la première fois . Comment Arlette Namiaud a-t-elle choisi de faire débuter la pièce ? 

mur33.jpg Elle n’a pas conservé le dispositif imaginé par le romancier qui a construit son récit sur une énorme ellipse entre la fin du chapitre  1 qui se déroule le 27 octobre 1983 à Tripoli au nord de Beyrouth et les  chapitres 23 et 24 qui nous relatent la suite de la conversation entre Mehdi, le vieux soldat palestinien et Georges qui vit ses derniers instants.  La pièce s’ouvre à l faveur d’une assemblée  avec le discours de Samuel en 1974 à Paris et la rencontre entre Georges et Aurore sur fond de revendications féministes. Le ton est donné et le choeur sera présent tout au long edu la pièce . S’il faut un peu de temps pour entrer dans le jeu des acteurs et s’adapter au rythme assez soutenu de leurs changements de rôles ,des rafales d’émotion déferlent bientôt   sur le plateau avec pourtant des moyens minimalistes.   Deux chaises en plastique figurent la banquette avant de la mercedes noire de Marwan  dans laquelle Georges est à chaque fois invité à monter . L’acteur qui joue le rôle du guide druze  fut  l’un des plus convaincants hier soir; Il a su donner au personnage une profonde humanité.  De temps à autre surgissent quelques symboles facilement identifiables: la croix tatouée sur l’épaule de Joseph-Boutres, le sniper chrétien phalangiste  signe extérieur de sa confession et rappel du rôle qu’il s’est arrogé de protecteur des valeurs occidentales , les barbiches postiches des gardes chiites , la kippa remise à George spar son ami Samuel pour qu’il puisse représenter le choeur et le juif sur scène, un ou deux uniformes de soldats , de nombreuses armes sur scène mais rien de tonitruant, peu de bruit en dépit de la fureur des hommes . C’est d’ailleurs la parole chorale qui restitue le mieux  les grandes lignes du parcours du héros: la voix de sa femme Aurore, celle du docteur Cohen, celle de Simone l’ancienne ouvreuse du cinéma en ruines qui abritera la première rencontre avec les acteurs, les voix compatissantes de ses amis quand il peine à retrouver sa place d’homme au monde, après son second voyage à Beyrouth et sa découverte des exactions commises dans le camp palestinien de Chatila.

 

La guerre semble rattraper les acteurs un peu comme la maladie rattrape Sam: physiquement la prestation de Pierre Gaffieri est impressionnante ; Georges veut es laver de la guerre en retirant sa chemise et pleure longuement dans les bras de Marwan qui était pour l’occasion interprété par Jean-Paul Wenzel himself. La ssène qui m’a le plus touchée est celle de la première rencontre entre les acteurs sur la ligne de démarcation au coeur de Beyrouth ; Chacun doit renoncer à son identité, retirer son brassard  pour endosser son rôle et permettre à la représentation de se dérouler .  Les acteurs s’avancent tour à tour et présentent leurs personnages mais lorsque c’est au tour de la jeune palestinienne, elle rompt le pacte avant de se rétracter et d’accepter de disparaître au profit de la petite maigre. Le personnage d’Imane dans sa robe rouge sang incarne cette Antigone butée, mauvaise presque qui revendique le droit de mourir pour ses idées . L’adaptation fait  la part belle au collectif et restitue les étapes essentielles du parcours d’homme de Georges qui ,de l’envie de vivre insufflé par sa paternité , comme contaminé par Antigone, finit par ne plus  désirer que la mort comme on désire la terre promise. Le moment où il appuie sur la détente et exécute Joseph-Boutros, lui même assassin de Nakad, le fils de Marwan plonge le théâtre dans le noir et le silence du coup de feu est assourdissant. 

 

L’émotion est palpable mais nous ne sommes pas véritablement dans une  ambiance de tragédie : les passages qui nous font sourire ne manquent pas comme les concessions de Georges qui vend Créon en calife au cheik chiite, sa maladresse avec l’épisode où arrêté à un barrage , il se trompe de laisser-passer et les conseils pragmatiques de son guide pour positionner ses visas à côté de son coeur, dans ses poches ou dans son porte-feuille , les protestations de Khadijah qui ne veut pas mourir sur scène et le consentement du metteur en scène déclenche alors une réplique amusée de Charbel qui joue Créon  : ” Et Antigone s’en sort aussi ?” ; Le jeu totalement faux et outrancier de Madeleine qui a choisi dans son rôle de nourrice le passage où elle surprend Antigone qui rentre au petit matin a même fait rire ouvertement le public comme une respiration avant le drame imminent : l’attaque des avions israéliens sur ce quartier de Beyrouth. Le choix de l’adaptation respecte la chronologie et la mention des indications de lieux et de dates , imitation des lettres roulantes qui s’affichent dans les aéerport pour simuler les vols de Georges, facilite les repérages des spectateurs . 

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Bien sûr, la présence physique des acteurs, la voix rauque d’ Imane, la musique que jouent Nakad et un autre acteur et le fait que les 8 acteurs présents endossent plusieurs rôles chacun, donnent une véritable présence aux questions posées par le roman et qui sont pour la plupart reprises dans l’adaptation ; On regrettera simplement de ne pas avoir vu plus longtemps le coeur de ce roman: à savoir les répétitions de la pièce d’Anouilh ; même si Georges explique le choix d’Antigone et ce qu’elle représente, le metteur en scène est passé assez vite sur son travail de mise en scène justement , alors qu’il tenait  là une occasion de mise en abîme de son propre travail autour du roman. On aurait ,en effet, aimé voir Georges devenir véritablement le metteur en scène de cette nouvelle Antigone qui aurait du être jouée en 1982 et qui s’est effondrée sous le poids des événements historiques . Oui vraiment la guerre sort vainqueur de ce face à face avec Georges ; Antigone est bien morte deux fois : la première fois avec l’assassinat de l’actrice et la seconde fois avec le sacrifice du metteur en scène dans une rue de Tripoli un an plus tard . 

Une soirée de communion qui a relié Eaubonne à Beyrouth le temps de la représentation ! 

01. décembre 2017 · Commentaires fermés sur Antigone mise en scène par Nicolas Briançon en 2003 · Catégories: Première · Tags:
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Le metteur en scène

Les metteurs en scène contemporains, lorsqu’ils adaptent des pièces qui mélangent le comique et le tragique (ce qui est  le cas de très nombreuse créations de la première moitié du vingtième siècle ) ont souvent des choix à faire: quelle ambiance vont-ils privilégier ? Couleurs sombres pour le décor, plateau dépouillé à l’exception  de trois portes, un banc et  un bassin central où le garde va plonger la tête d’Antigone : le cadre est plutôt celui d’une tragédie.Quelques rires parfois dans le public mais ils sont assez rares.

  Qui est le metteur en scène et acteur Nicolas Briançon. Acteur de cinéma mais passionné de théâtre, Nicolas Briançon est surtout connu pour ses mises en scène : de Shakespeare au théâtre contemporain, il aime la comédie, la fantaisie qui s’allie aux intrigues romantiques. Il a été récompensé en 2015 par un Molière et il se partage entre la scène et le grand écran.

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Le plateau

Pour cette mise en scène d’Antigone, il a choisi tout d’abord de faire référence au contexte de création de la pièce , à savoir la France occupée par les allemands et al collaboration. Ainsi le jeune page qui accompagne  Créon porte un uniforme nazi et le prologue est vêtu d’un imperméable qui peut rappeler ceux que portait la Gestapo. La tenue d’Antigone , une robe légère e fluide,atemporelle, portée près du corps et gris clair , contraste avec la tenue éclatante d’Ismène ; blanche tout d’abord et rouge ensuite. Quant à Créon, il porte du noir , vêtement de deuil et son fils , tout de cuir vêtu symbolise la fougue de la jeunesse; Le côté frondeur du blouson noir matérialise cette opposition entre l’élan de vitalité de la jeunesse éprise d’absolu et les compromissions de l’âge adulte.

Cette pièce, justement  Jean Anouilh l’avait , croit-on, écrite après avoir vu une photographie représentant de jeunes résistants arrêtés. Bouleversé par ces visages juvéniles, il avait aussitôt songé à adapter, en la modernisant, l’« Antigone» de Sophocle (441 avant J.C.), en insistant sur l’opposition entre l’élan de la jeunesse et la « sagesse » de l’âge mûr, d’une part ; entre la révolte individuelle et les impératifs du pouvoir, de l’autre. En 1942, la censure avait accordé, un peu légèrement, son visa à la pièce, ce qu’elle devait regretter deux ans plus tard, en constatant l’accueil enthousiaste d’un public heureux d’y déceler des allusions à la situation du moment.

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Antigone et sa nourrice

Qu’a-t-elle donc de particulier, cette Antigone ? « C’est, nous dit Anouilh, une enfant qui refuse les compromissions et les laideurs des adultes. » Soucieuse d’assurer une sépulture décente à son frère Polynice, elle viole délibérémentles interdits de son oncle, le roi Créon. Celui-ci, qui n’a rien d’un tyran, tente de la sauver mais peut-il enfreindre ses propres ordres ? Et Antigone n’est-elle pas simplement décidée à mourir, par crainte d’une vie pour laquelle elle n’était pas faite ? Barbara Schulz fait bien ressortir cette ambiguïté face à Robert Hossein, qui multiplie menaces et promesses.L’actrice adopte souvent une attitude de petite fille capricieuse et entêtée: elle fait la moue, pleure et crie sur scène; En face d’elle Robert Hossein joue un roi déterminé mais qui semble porter sur ses épaules la charge de ses obligations. Quant aux gardes qui jouent un rôle comique d’allègement de la tragédie, le metteur en scène a réduit leurs interventions et les a transfomés en gardes du corps avec lunettes noires, oreillettes et chewing-gum : ce qui pourrait laisser sous -entendre que ces agents secrets sont des soldats dans le monde d’aujourd’hui et qu’ils demeurent aux ordres du pouvoir.

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Le choeur, Antigone, le metteur en scène et Créon

Evoquons maintenant le rôle jsutement  de Créon. Certes il est devenu le symbole de tous les pouvoirs autoritaires et de la tyrannie : violent et impulsif dans la tragédie de Sophocle,il semble pourtant qu’ Anouilh ait souhaité le rendre plus proche de Pétain, le collaborateur qui a accepté l’armistice pour sauver la patrie  que de la figure du nazi ;Qui est vraiment  Créon, sinon un vieillard fatigué et las de la guerre, qui ne veut pour son peuple que la paix de Thèbes, qui tente désespérément et malgré elle de sauver sa nièce Antigone, qui a fait « don de sa personne » parce que “le sale boulot il fallait bien que quelqu’un le fasse ?” Briançon privilégie  par certains aspects un Créon dur et cruel, semblable au Kréon de l’Antigone de Brecht. Et son fils, Hémon, subit les mêmes transformations : ce n’est plus le Hémon faible (car fou amoureux d’Antigone) et sensible de la pièce d’Anouilh, c’est un Hémon qu’on sent aller irrévocablement sur les traces de son père, qui apparaît dur et moins sensible au charme un peu sauvage d’Antigone,

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L’actrice Barbara Schulz

L’adaptation de Briançon peut parfois sembler  brutale à l’image des lumières sur le plateau : les projecteurs eux-mêmes, lorsque la pièce commence, s’éteignent de façon très violente). On regrette d’avoir un peu perdu l’ambiguïté du personnage de Créon qui fait mourir sa nièce tout en ayant tout fait avant pour tenter de la sauver ? Et l’ambiguïté d’Antigone, à la fois faible et courageuse, à la fois aimante et orgueilleuse ? N’y a t-il qu’un couple dans cette pièce ? Celui de la brute et de la victime ? On aurait apprécié un roi plus humain et une Antigone plus “rétive ” .