06. octobre 2025 · Commentaires fermés sur La parole libératrice : authenticité, sincérité et quête de vérité · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags: ,

Peut-on se libérer par la parole :   pourquoi , comment  et dans quelles circonstances ?  

Dans la vie quotidienne, on distingue plusieurs usages de la parole qui permettent de libérer le sujet ; dans le cadre juridique, le policier, l’avocat vont demander à l’accusé de passer aux aveux; cette parole doit le libérer d’une partie de sa culpabilité; en avouant son crime, il devient coupable et soulage, en partie , sa conscience;  cette notion d’aveu est en grande partie héritée des pratiques religieuses ; Il est en effet couramment admis que les pêcheurs doivent, pour être absous de leurs pêchés, les confesser; L’Eglise instaure d’abord une pratique collective de la confession  au Moyen-Age avant de mettre en place des entretiens entre le prêtre et ses fidèles , entretiens durant lesquels la parole est abritée par les parois du confessionnal et protégée par le secret de la confession.  Saint- Augustin écrit un ouvrage intitulé Confessions qui est considéré comme l’ancêtre de l’autobiographie. Les groupes de paroles peuvent constituer une aide non négligeable pour certaines personnes en proie à des addictions ou qui souhaitent évoquer un problème . Les Alcooliques anonymes par exemple, fonctionnent sur le principe du récit public. La modélisation religieuse demeure cependant très présente dans certains groupes de paroles  . Il existe aussi  des hotline  ou des numéros verts qui permettent de parler avec un interlocuteur souvent anonyme et bienveillant comme le 3919 SOS enfants en danger  accessible 24h/24  ou le 119 SOS femmes en détresse ,  ou encore le 3117 pour signaler une attitude suspecte ou une agression  dans un transport en commun . Plus »

20. septembre 2025 · Commentaires fermés sur Humanisme et transformations de la vision de l’homme · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags:
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Pour mieux comprendre cette période importante dans l’évolution des idées, il faut tenter de se souvenir de l’état de nos connaissances sur le monde afin de mesurer les bouleversements liés aux grandes découvertes et aux nouvelles inventions . Si l’homme a pu commencer à repenser sa place dans le monde , c’est parce qu’il a pris conscience que les limites du monde qu’il imaginait n’étaient pas celles qu’on lui avait enseignées ( découverte de nouvelles terres, de nouveaux pays et de nouvelles religions ) ; ainsi dans des domaines aussi différents que la zoologie, les sciences et techniques, la philosophie, les mathématiques, les langues anciennes, la botanique , chaque découverte a eu un impact considérable . Prenons quelques exemples concrets en images…

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Les peintres de la Renaissance continuent de s’inspirer de sujets antiques ou mythologiques comme ici la naissance de Vénus mais en même temps, ils représentent leur monde en insérant des détails vestimentaires d’époque ou en appliquant les lois de la perspective . Les sujets d’inspiration religieuse sont concurrencés par des sujets d’inspiration profane ; la mythologie est également la trace d’une réapropriation de la matière antique avec en France, la redécouverte des textes grecs par les poètes et traducteurs de la Pléiade comme Guillaume Budé (une collection de livres de grec porte d’ailleurs toujours son nom )

Dans le domaine des sciences, on commence à répertorier la diversité  des espèces animales et végétales et peu

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à peu, certaines croyances disparaissent; on découvre par exemple que la description de certains  animaux monstrueux aux limites de l’univers correspond aux animaux comme

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l’Autruche,les perroquets  le zèbre ou les éléphants . Les savants ne sont pas encore spécialisés mais on voit apparaître à travers l’Europe, des échanges et des correspondances au sujet de la faune et de la flore des pays découverts; peu à peu , on va prendre l’habitude d’embarquer des savants à bord des bateaux afin qu’ils procèdent à un inventaire des espèces nouvelles . Un esprit scientifique voit ainsi progressivement le jour .

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Une imprimerie

Dans le domaine de la diffusion des connaissances, la découverte de l’imprimerie va révolutionner les pratiques de l’époque.Alors que les moines recopiaient à la main au fond de leurs monastères les livres anciens pour de riches clients, les ouvriers vont effectuer en quelques heures le travail de plusieurs mois . la lecture va se développer avec le développement de la diffusion des livres imprimés et permettre ainsi à une grande partie de population (essentiellement l’aristocratie )  d’avoir accès aux connaissances .

Les progrès des  sciences et des techniques vont avoir des conséquences sur la mesure du temps avec notamment l’invention de l’horlogerie mécanique : la mesure du temps devient mathématique et ne dépend plu sise éléments naturels comme le soleil (variable ) ou la lune . Les rythmes naturels vont donc être concurrencés par une mesure

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immuable : ce qui va avoir des conséquences importantes sur le plan de la perception  de notre existence et de notre condition mortelle. Le développement des Vanités et autres Mémento Mori reflète cette inquiétude de l’homme face à l’écoulement inexorable du temps , marqué par des instruments comme l’horloge ou la montre .

A cette époque, la notion de fantastique n’est pas la même qu’aujourd’hui mais l’esprit humain a toujours cherché à recomposer le monde et à l’imaginer autrement. Certains artistes vont développer une vision du monde très personnelle qui vont servir de modèles et de références pour les générations suivantes ; C’est le cas de ces portraits très particuliers d’Arcimboldo qui sont demeurés célèbres . Peintre italien,  appartenant au duché de Milan, il rend hommage à des membres de la cour; la variété des fruits et légumes qu’il associe pour former ses têtes reflète la puissance de l’empire des Habsourgs auxquels ils sont dédiés.

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02. septembre 2025 · Commentaires fermés sur Les critères de réussite du commentaire littéraire · Catégories: Fiches méthode · Tags: ,
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Comment savoir si son commentaire littéraire est réussi ? Je vous conseille d’examiner les points suivants afin de déterminer si vous avez suivi ou pas les critères  de réussite de cet exercice . Un commentaire doit comporter une introduction et une conclusion visiblement séparées du développement ; ce dernier est formé de paragraphes argumentés qui contiennent trois types d’éléments : des citations extraites du texte en nombre suffisant et intégrées dans des phrases construites , des observations stylistiques basées le plus souvent sur  des procédés d’écriture mis en relation avec des interprétations ,c’est à dire des propositions d’explications et d’analyses du sens du texte . 

Voici quelques exemples de grilles qui proposent des barèmes d’évaluation de cet exercice.  Les différentes  lettres qui apparaissent sur vos copies sont O comme organisation sur 4 pts , C comme citations, S comme style pour évaluer le repérage des procédés d’écriture , analyses stylistiques et I comme interprétations  dans la partie à 8 points   et enfin E comme expression globale sur 4 points. 

Le commentaire littéraire : 16 points

Les attentes du commentaire littéraire:  voilà une reprise du barème utilisé au baccalauréat.

La notation évalue 3  principalement compétences : 

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  •     la composition et l’organisation (4 points),
  •     la pertinence du contenu (8 points)
  •     l’expression (4 points).

Composition et organisation : 4 points 

4 points : la copie comporte un paragraphe d’introduction, un paragraphe de conclusion et au moins deux parties, elles-mêmes structurées, correspondant aux idées directrices.

2 points : la copie comporte une introduction, une conclusion et deux parties sans structure interne.

1 point : la copie ne présente qu’une organisation apparente, sans cohérence réelle.

0 point : la copie est incomplète ou vraiment très brève.

Contenu : 8 points en fonction du texte à commenter.

6 à 8 : présence de citations bien choisies , de procédés d’écriture nommés avec exactitude et d’interprétations correctes

4 à 6 : l’un des points est manquant ou défaillant 

2 à 4 : les citations en sont pas intégrées ou absentes, les procédés d’écriture non relevés ou en nombre très insuffisant et interprétations non étayées par le texte (hypothèse de lecture fantaisistes ) 

0 à 2 : absence de citations, de relevés stylistiques et/ou d’interprétations . 

Expression: 4 points 

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4 points : expression globalement correcte (nombre de fautes limité)

3 points : expression syntaxique globalement correcte, mais orthographe comportant quelques négligences.

2 points : syntaxe et ponctuation maladroites, orthographe négligée, mais n’altérant pas gravement la compréhension.

1 point : langue très incorrecte, rendant  difficile la compréhension.

0 point : copie totalement incompréhensible.

02. septembre 2025 · Commentaires fermés sur Présenter une oeuvre intégrale à l’oral du bac · Catégories: Fiches méthode · Tags: ,

Depuis la session de juin 2020, l’oral du bac français comporte , après la lecture linéaire d’un texte et la question de grammaire , une seconde partie notée sur  8 points. Ce  second temps s’articule en deux  étapes : le candidat présente un court exposé de moins de 3 minutes sur  l’œuvre qu’il a choisie  librement: Il s’agit d’une œuvre traitée durant l’année parmi les œuvres au programme ( 4 œuvres chaque année ) ou parmi les lectures proposées par le professeur ( 4 au minimum: ) ou il peut s’agir d’un livre que vous avez particulièrement apprécié ou dont vous avez envie de parler   ; cette présentation  initiale  devra faire apparaître d’emblée les raisons pour lesquelles le candidat a choisi de présenter ce livre . Il est donc exclu d’en proposer uniquement un résumé ; Il est largement préférable de présenter un argumentaire personnel  qui récapitule les points suivants ..il s’agit avant tout de restituer une expérience personnelle de lecture Plus »

02. septembre 2025 · Commentaires fermés sur Le programme de première en français · Catégories: Fiches méthode · Tags: ,

L’ année  de première en français reste marquée par les épreuves  dites anticipées du baccalauréat ; vous les connaîtrez bien tôt sous le nom d’EAF qui est l’acronyme de Épreuves Anticipées de Français. C’est la dernière année du cycle secondaire où l’enseignement du français est obligatoire. Mais si la matière en elle-même disparaît en terminale au lycée  , beaucoup d’écoles dans l’enseignement supérieur intègrent des  cours de français ou de communication, que ce soit en BTS, en BUT , dans les écoles d’ingénieurs et même à l’université.

 La nature de l’examen final ne change pas ; vous devrez passer d’abord  une épreuve écrite ( durée 4 heures et coefficient 5 ) . Vous traiterez au choix un commentaire sur un texte inconnu  ou une dissertation qui porte sur une question d’ensemble à partir d’une des œuvres au programme et des parcours associés. Enfin vous présenterez   une épreuve orale qui est composée de 5 exercices différents (préparation 30 minutes ; durée 12 minutes pour la première partie avec lecture  à voix haute, explication linéaire d’un texte étudié en classe,  et répondre oralement à une  question de grammaire sur ce texte . La seconde partie de l’oral dure environ 8 minutes et comporte un expos de moins de 3 minutes qui rend compte de votre expérience de lecture d’un livre  et  vous terminerez par un  entretien avec l’examinateur ) . Cet  oral sera lui aussi affecté d’un coefficient 5. 

Quel est le programme obligatoire ?

Au niveau national, les 4 objets d’étude: poésie, théâtre, roman et littérature d’idées sont abordés à l’aide de 4 œuvres  (une par objet d’étude ) . L’année sera donc découpée en 4 temps : le premier , de septembre à novembre , sera consacré à la découverte de Rimbaud , un jeune poète révolté  siècle et à l’étude en classe de ses poèmes  .  Le parcours s’intitule Emancipations créatrices . Ensuite, à partir du retour des congés de Toussaint, nous envisagerons les 3 autres objets d’étude qui sont : Le roman et le récit du Moyen-Age à nos jours , le théâtre et la poésie du XIX à nos jours et la littérature d’idées. Les œuvres choisies pour être étudiées en classe et servir de base pour le bac  par le professeur cette année sont dans l’ordre chronologique, Le Discours sur la servitude volontaire de La Boétie pour la littérature d’idées  ; au théâtre , nous lirons On ne badine pas avec l’amour de Musset  avec une réflexion autour des Jeux du cœur te de la parole   et pour la poésie  Les  Cahiers de Douai de Rimbaud . Nous terminerons avec un roman :   Les vrilles de la Vignes et Sido de Colette . Le parcours associé évoque la célébration du monde , les liens entre l’Homme et la Nature .

En plus de ces 4 livres obligatoires qu’il vous faudra lire et bien connaître , le professeur vous  fera des suggestions de lectures tout au long de l’année et il vous conseille d’effectuer  des lectures personnelles pour accompagner les parcours choisis . Ces lectures appelées cursives   vous seront d’une grande  aide au moment de l’examen car elles vous permettront de parler avec l’examinateur et de répondre à ces questions . 

Bon courage pour cette année qui sera marquée par le bac de français. Sachez que vos notes de français sont toujours particulièrement regardées au moment des choix dans les filières sélectives type écoles d’ingénieurs, BTS ou BUT; À notes égales en mathématiques et dans les matières scientifiques , ce sont vos résultats obtenus aux EAF qui feront la différence . Vous aurez , cette année , du travail dans toutes les matières mais gardez bien présent à l’esprit que vous vous préparez à un examen exigeant dans quelques mois : le bac de français. Alors n’attendez pas la fin de l’année pour vous préparer ; un travail régulier est votre meilleure arme pour réussir . 

20. mai 2025 · Commentaires fermés sur Parcours émancipations créatrices , extrait 4 Tailler la route , couplet de Gael faye · Catégories: Divers, Lectures linéaires · Tags: , ,
 Proposition  de lecture linéaire

Introduction : La poésie à l’origine mêle texte et musique ; au Moyen-Age, les troubadours composent des airs sur lesquels ils improvisent, le plus souvent, des paroles aux motifs traditionnels qui célèbrent les exploits des héros ou l’amour . Dans le domaine musical, comme dans le domaine littéraire, styles et courants se succèdent et chaque artiste cherche à définir sa place soit en perpétuant la tradition ou en s’émancipant des modèles pour créer du nouveau . Grand Corps malade, un slameur, Gaël Faye, plutôt versé dans un rap mélodique et Ben Mazué , auteur-compositeur interprète , qui alterne entre rap léger et pop , ont décidé de collaborer pour créer un album baptisé Éphémère sorti en 2020.Dans la chanson « Tailler la route », morceau composé en vers libres, ils lancent un appel à la liberté . Les troi sinterprètes s’accordent sur cette volonté d’émancipation. La partie écrite par Gaël Faye  comporte 16 vers . Comment le poète franco-rwandais met il en mots et en musique son désir d’émancipation ? Le premier mouvement est composé de la  strophe 1 : il représente  le désir d’évasion et le second mouvement, strophe 2 , montre le sens du voyage du poète. 

Mouvement 1 : « Ils ne savent pas que je mords, que ma vie sent le soufre Je passe en météore comme on passera tous » – Dès ces deux premiers vers, GF évoque une existence troublée, un rapport conflictuel aux autres, qu’il inscrit dans le présent d’énonciation. La rupture s’exprime par l’opposition entre « ils » et « je » . L’agressivité du locuteur est marquée par les métaphores « mords , et sentir le soufre ». Rappelons que l’expression sentir le soufre a deux origines : dans le domaine religieux, elle désigne les éléments diaboliques qui font peur et dans le domaine militaire, cela signifie que la situation est explosive et risque rapidement de dégénérer ; dans les 2 cas, la vie du poète est associée soit à un rejet soit à une forme de danger. On peut d’emblée faire le lien avec les difficultés existentielles de Gael Faye, tiraillé entre blanc et noir, et qui a vécu les génocides du Rwanda qu’il a du fuir adolescent. Sa mère appartenait à l’ethnie Tutsie qui a été massacrée par les Hutus . Le poète, ici, s’apparente à un animal, à un marginal, à un être maudit que l’on rejette par mépris ou par peur et qui est rempli de colère comme un chien méchant . On pourra commenter l’effet d’homonymie « soufre / souffre », mettant en évidence le rejet qui engendre la souffrance. 

– Le 2e vers, alexandrin si l’on ne prend pas en compte la prononciation des /e/ (c’est le cas dans le texte chanté), souligne par la métaphore la fugacité de la vie mais surtout l’égalité de tous devant le temps : bourreaux, victimes, oppressés ou oppresseurs, nous sommes tous mortels. Il s’agit donc de mettre à profit notre passage sur terre. J’suis fait de pierre granit mais d’un cœur grenadine Quand t’effriteras ton shit moi je taillerai ma mine” – Le poète  présente la dualité de sa personnalité grâce à l’antithèse « granit / grenadine) : l’armure qu’il se forge pour affronter la difficulté de son quotidien protège son humanité (peut-être ici envisagée comme une fragilité). Dans le cœur grenadine, on retrouve la couleur rouge du fruit qui peut suggérer un cœur qui saigne, qui a mal.  Alors que le granit est une roche extrêmement dure que rien ne peut altérer : force et faiblesse cohabitent.  Ainsi, le parallélisme qui suit au vers 4 , éclaire cette double personnalité : le poète se tourne vers l’écriture (« ma mine »), qui désigne par métonymie le crayon avec lequel on écrit ,  devient salvatrice. L’idée de tailler la mine qui rappelle le titre du morceau « tailler la route”  prend le sens d’affûter son stylo pour pouvoir écrire des mots qui font mouche, qui touchent . C’est l’acte de création qui est souligné ici par l’emploi du verbe « tailler », par opposition 2 à la destruction , marquée par le verbe « effriteras », réduire en petits morceaux . La volonté d’écrire s’oppose à l’inaction du rêveur . On pourrait par ailleurs commenter l’antithèse entre le « granit », pierre particulièrement dure qui ne s’érode pas avec le temps et le « shit », matière friable qui se consume, comme pour souligner la détermination du poète à affronter le monde. Alors que les fumeurs de shit se perdent dans des paradis artificiels et ne font rien de constructif pour changer le monde dans lequel ils vivent ( ils se contentent de fuir la réalité) , le poète lui se présente comme investi d’une mission qui concerne ses semblables. Cette métaphore exprime la volonté du poète de construire sa propre voie [voix] et cette métaphore du travail de l’écrivain-artisan est soutenue par le rythme des alexandrins et l’allitération en /t/. On notera par ailleurs que la première strophe trouve son rythme dans les rimes internes et  chaque hémistiche se construit alors en contraste avec l’autre partie du vers. Cette première strophe dessine, par l’écriture, la figure du poète et sa mission . “Ouais je taillerai la route, ici j’ai plus d’attache J’irai m’planquer dans la soute, si pour moi y a plus la place” – Le futur simple marque ici l’idée d’une action à venir .Dans le vers 5, la métaphore « tailler la route », en reprenant donc au sens figuré le verbe « tailler » indique un départ volontaire pour de longues distances . On trouve une explication à cette envie de « tailler la route « ; le poète indique qu’il n’a plus d’attache : cette image suggère celle du bateau qui largue les amarres : ce voyage impérieux fait également référence à ceux qui émigrent et aux passagers clandestins qui se cachent dans les soutes des avions pour fuir un pays en guerre ou une oppression politique. – ce départ, nécessaire devient donc une fuite clandestine : fuir, coûte que coûte, pour trouver « sa » place. On pourra en effet interpréter « y a plus la place » dans différents sens : plus la place pour lui dans ce monde qui le rejette ou il ne trouve pas sa place , il se sent de trop, différent ou rejeté . Le vers suivant a le ton d’une imprécation “Qu’ils aillent gratter leurs croûtes cette bande de fils de lâches Obsédés par leur souche, moi j’suis amoureux du large” – Cette idée du poète rejeté, incompris (on retrouve-là l’image du poète maudit avec Baudelaire, Rimbaud) est lié à sa différence. Il insulte ici ceux qui ne veulent pas de lui : la métaphore “gratter leurs croûtes” les décrit comme des êtres purulents, atteints par une maladie qui les ronge. On peut penser au racisme assimilé à une gangrène. L’expression familière détournée « bande de fils de lâches » permet au poète d’exprimer avec véhémence le mépris qu’il a envers tous ces individus qui se cachent derrière une attitude hypocrite. On perçoit ici la critique acerbe d’une certaine forme de nationalisme mise en évidence par l’enjambement « obsédés par leur souche » (n’oublions pas que Gaël Faye est franco-rwandais, il a fui son pays en guerre et s’est tourné vers l’écriture pour extérioriser sa douleur liée à l’exil et exprimer ses difficulés identitaires). A son arrivée en France , il a souffert du racisme anti-noir – et plus largement du mépris pour les Africains de souche. L’image du poète« amoureux du large » vient s’opposer, par antithèse , à la précédente, établissant une opposition entre ces individus méprisables et le poète , citoyen du monde. On pourrait également commenter la paronomase « lâches/large » comme moyen d’opposer le poète aux autres : sa largesse d’esprit contrasterait avec la dimension étriquée des nationalistes, ceux qui jugent les gens en fonction de leurs origines, ou de leur ethnie comme au Rwanda.Dans ce premier mouvement, le poète justifie son besoin d’évasion. Cette nécessaire fuite vers un ailleurs s’accompagne d’une véritable quête de sens que l’écriture va rendre possible.

[Mouvement 2] strophe 2 : La 2e strophe opère un changement de rythme, une accélération du tempo comme pour mimer le départ de ce voyage initiatique, comme un moyen d’accéder au déchiffrement du monde

“J’veux faire des milliers de miles, me languir de mille romans” M’arrimer au rythme lent, l’ire en moi la calmer de milliers de mots” – On relèvera tout d’abord les jeux sonores qui rythment cette 2e strophe : de nombreuses allitérations en /m/ et /l/ et assonance en /i/, à travers lesquelles on pourra entendre une célébration de la liberté et de la puissance des mots comme outils de cette émancipation. Les hyperboles « milliers de miles, mille romans » disent cette soif intense d’expériences à travers les distances parcourues et de l’accumulation de connaissances notamment livresque. – De plus, on peut noter que le voyage est tout autant spirituel (« mots, romans ») que physique avec l’indicateur « miles » qui désigne les kilomètres parcourus, notamment en bateau. Le poète n’erre pas sans but : il cherche une terre d’accueil pour s’arrimer, c’est à dire trouver un point d’ancrage, une patrie spirituelle Le parcours doit permettre d’atteindre la stabilité mais également l’apaisement (« l’ire en moi la calmer ») . Le mot ire désigne en ancien français une violente colère , celle du début de la chanson lorsque le poète affirme qu’il mord et on retrouve un jeu de mots avec le verbe lire ; Cette homonymie (« l’ire / lire ») permet de percevoir les mots comme  des portes d’accès à la connaissance de soi (« lire en moi ») et  à la découverte de son identité . On retrouve cette idée que l’écriture peut mener à la connaissance de soi , un peu à la manière d’une introspection. 
Admirer le monde, la lune, l’onde de la mer au loin” La lumière de l’aube sur l’eau en naviguant d’îles en îlots” – les phénomènes sonores se poursuivent, grâce à l’allitération en /l/, en /m/et l’assonance en /o/ : le poète célèbre musicalement la beauté du monde. Un paysage maritime apparaît sous sa plume . Le champ lexical de la navigation se déploie peu à peu : quête mystique, l’eau étant symbole de vie et de purification. Le poète se pose en observateur, humble, face à l’immensité du spectacle qui l’entoure. Les rimes intérieures créent une véritable harmonie et décrivent poétiquement un voyage maritime au long cours. Mais le poète n’est pas un simple observateur . Il doit aussi combattre . “Eviter les vagues et livrer combat à l’hydre du Mal” J’ai vidé les larmes de longue date, j’habite le large” – . Il faut, métaphoriquement, « éviter les vagues, livrer combat et vider les larmes » : le voyage n’est pas sans heurts et exige de se purger de ses propres souffrances. C’est un voyage à conduire sans faiblir car « l’hydre »  est un monstre qu’il lui faut terrasser : c’est une sorte de serpent géant à neuf têtes de la mythologie , créature aquatique qu’Hercule fut chargée de tuer ; ce monstre légendaire , incarne bien sûr ce mal tentaculaire qui se renouvelle constamment. – par ailleurs, la métaphore « j’habite le large » place désormais le poète sur un autre plan : son esprit est ouvert au monde, purgé des souffrances passées qui pouvaient entraver sa quête de l’ailleurs. 
La dimension spirituelle et mystique du voyage est alors évoquée avec la destination finale “S’attifer de l’or des jours qui passent pour raviver l’âme” Marcher le feu dans la lanterne jusqu’à Lalibela” -Le poète, libéré des chaînes qui le retenaient, peut désormais s’enrichir spirituellement de toutes ses expériences : la métaphore « s’attifer de l’or des jours », semble conférer au poète un pouvoir lumineux . Il est littérallement revêtu d’habits de lumière comme une créature divine, surnaturelle. Cette lumière intérieure va lui permettre de « raviver » son âme . Raviver signifie donner plus de couleurs, rendre plus vivante  Elle est un enrichissement, un trésor précieux- D’ailleurs, Lalilbela évoquée dans le dernier vers est un sanctuaire très ancien : cette ville d’Ethiopie abrite de très anciennes églises taillées dans la pierre, et représente un haut lieu de pèlerinage pour les Chrétiens de cette partie du monde. Symbole de spiritualité , avec son nom poétique qui rappelle la libellule mais également belleile . On y entend liberté et beauté . Ce sanctuaire semble être le lieu d’arrivée de la quête. Après avoir fui, après avoir lutté contre de nombreux ennemis, le poète atteint ainsi, dans cet endroit, une forme de paix intérieure . On notera enfin que le poète est aussi « guide » pour les autres hommes grâce au « feu dans [s]a lanterne ». On retrouve alors l’image du poète voyant, porteur de lumière  qui guide l’autre dans le déchiffrement du monde pour accéder à la Connaissance. La lanterne désigne l’instrument en verre dans lequel on emprisonne la lumière afin qu’elle puisse servir de point de repère, qu’elle ne s’éteigne pas au premier courant d’air et qu’on puisse la transporter.

Pour conclure : on retrouve dans cet extrait de « Tailler la route », les images d’un poète voyageur qui chante son désir de liberté et d’évasion , de grands espaces, loin des foules. Ce voyage , à la fois matériel et spirituel mène à une forme d’ascèse : le poète s’éloigne des préoccupations de ses semblables et atteint une autre dimension ; Il vide son âme de tout ce qui pourrait l’empêcher de s’émanciper:il doit se débarrasser de la colère qui l’étouffe, de la souffrance ensuite pour ne garder que cette lumière en lui, reflétée par la beauté du Monde. C’est seulement une fois arrivé à ce stade qu’il paut devenir un passeur de lumière . Baudelaire dans Le Voyage et Rimbaud dans Le Bateau ivre ont tous deux exprimé ce voyage spirituel, sous la forme d’un voyage en bateau . A la fin c’est la mort qui attend Baudelaire avec  ce « vieux capitaine » qui l’invite à lever l’ancre  et l’emporte avec lui et Rimbaud lui , après avoir écumé les mers du monde entier, découvert des archipels sidéraux, désire finalement une eau noire et froide , celle de son enfance et il se revoit , à la fin de son voyage frêle enfant triste qui joue à lancer un petit bateau sur l’eau . Chaque poète à sa manière cherche à tracer sa route et à donner un sens à son parcours. Ce voyage métaphorique, c’est celui de notre propre vie . 
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22. mars 2025 · Commentaires fermés sur Printemps des poètes édition 2025 : Volcanique · Catégories: Divers

Ce vendredi 21 mars, premier jour du printemps, nous avons eu la joie de recevoir au lycée , une poète volcanique : Patricia Cottron-Daubigné, une autrice originaire de Surgères . La classe de 1 G 1 avait préparé  activement sa venue; La semaine qui a précédé cette rencontre, ils ont parcouru  l’ensemble de son œuvre , sous la forme d’une visite d’exposition qui regroupait des extraits de chaque recueil, choisis par leur professeur  .  

De son premier recueil Portraits pour ma mémoire,  publié en 1996 à sa parution la plus récente : Parure pour un sein absent qui a vu le jour en 2022, la poète explore des thèmes intimes qui ont une résonance universelle : la mort du père et le processus de deuil dans  Journal du houx vert et de la bruyère , l’amour, le regard sur l’étranger comme dans Paysages pour roms , fleurs sauvages et chemins d’horizon. Écrits en vers libres, ces poèmes sont de petites pépites qui éclairent le quotidien ;

Les premiers poètes qui lui ont donné envie d’écrire sont Aragon et Char et elle goûte particulièrement la poésie de James Sacré et de Gérard Cartier .   Pour Patricia, “ écrire est une nécessité “: elle écrit pour redonner de la dignité aux personnes et notamment changer le regard des hommes sur le corps des femmes. Dans ceux du lointain, rédigé en 2017,  elle rend hommage au courage des migrants et à leurs parcours de vie.

Les élèves de la classe ont pu lire leur poème préféré et ont fait part de leurs impressions: ils ont ensuite justifié leur choix et ont pu échanger avec l’autrice ; ils lui  ont demandé quelles étaient ses sources d’inspiration , si elle terminait toujours ses poèmes  en cours avant d’en commencer d’autres  et si elle connaissait déjà le sujet de son prochain . La poète a ensuite proposé un atelier d’écriture à partir des Djinns de Victor Hugo  : l’activité poétique consistait à écrire sur la  thématique  du volcan, qui pouvait être associée au désir et à l’adolescence.   Un très beau moment de partage au cours duquel nous avons pu sentir à quel point nous avions besoin de la poésie pour ensoleiller nos vies.

 

08. février 2025 · Commentaires fermés sur Les aveux d’une passion tragique : le face à face Phèdre -Hippolyte II, 5 · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: , ,

( Voir l’introduction proposée sur le digipad Badine ) 

La tragédie racinienne libère la parole amoureuse qui marque souvent une  forme de transgression :  La longue  tirade de Phèdre commence par une déclaration d’amour à Thésée qui , par glissements successifs, finit par révéler , sa passion pour le “charmant” Hippolyte. Le jeune homme , honteux , pense tout d’abord qu’il s’est mépris et qu’il a accusé , à tort sa belle-mère d’être amoureuse de lui .  Alors qu’il souhaite se retirer , Phèdre entreprend  de le détromper et avoue, cette fois sans détour, son amour . Elle ne joue pas avec les mots et dévoile les plus sombres secrets de son coeur .

 Texte : De ” Ah cruel, tu m’as trop entendue..à délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite.” Comment Phèdre exprime-t-elle ici, à la fois , les souffrances de sa passion  et son caractère monstrueux ?  Comment sa parole se libère-t-elle et met-elle son coeur à nu ?
Le premier  mouvement présente , une fois de plus , Phèdre comme la  victime d’une fatalité incontrôlable, le jouet de Dieux cruels.

L’émotion est ici poussée à son paroxysme, comme le montrent les points d’exclamation et l’interjection « Ah », ainsi que le terme d’adresse « Cruel » qui paraît ici  désigner ici le jeune homme  .  On entend davantage la cruauté d’un amour non réciproque et la cruauté de la souffrance qu’il inflige, malgré lui , à sa belle-mère, par sa simple vue.  La ponctuation expressive marque ici  la violence verbale et annonce la violence  physique.- La présence de verbes injonctifs semble  traduire l’ emportement de l’héroïne contre la fatalité de cette passion. .  Phèdre a désormais le pouvoir, celui de la parole libératrice : « Connais », « ne pense pas » : le temps n’est plus à la réflexion. Et la parole de Phèdre s’apparente à une révélation qui montre ce qu’on ne devait pas voir, qui met à jour ce qui était dans l’ombre . –  D’ailleurs le terme ” fureur” qui peut être considéré comme  manifestation de l’Hybris, cet orgueil humain  démesuré, propre à la tragédie, est également une manière de rendre visible ce qu’on ne voyait pas  : Phèdre est à présent hors de contrôle. La fureur désigne donc l’emportement du personnage : elle semble poussée par une force incontrôlable, propre à la passion . Le contraste est particulièrement frappant avec son aveu , qui tient en 2 mots : « J’aime ». et qui, pour le coup, est d’une grande sobriété alors que le mouvement précédent annonçait une montée en puissance . Cette sorte de chute , d’adoucissement , montre que  c’est bien là l’essentiel de ce qu’elle voulait dire . Et pourtant, ce « J’aime »  ressemble à une bombe à retardement. La  précision en fin de vers « je t’aime » paraît touchante et fait résonner aux deux extrémités de l’alexandrin l’amour de Phèdre . Pourtant , très vite il apparaît que cet amour doit être combattu car il a un  caractère infamant (dégradant )  : « fol amour », « trouble ma raison », « lâche complaisance », « poison », « feu fatal ». On retrouve ici le champ lexical de l’aliénation provoquée par la passion qui, pour les anciens, est assimilée à une malédiction divine .
Phèdre se présente  ici comme une victime de la malédiction de Vénus, lancée contre toute sa lignée. Le terme « dieux » revient par trois fois, renforcé par la métaphore « vengeances célestes » et la métonymie «contre tout mon sang ». – Pour insister sur le caractère odieux de la machination dont elle est victime, elle se qualifie de « faible mortelle », sorte d’antithèse qui vient en contrepoint de « dieux » et qui démontre son impuissance ; Le registre pathétique est déployé pour faciliter la compassion du spectateur,  qui , avec la terreur , est  le ressort essentiel du spectacle tragique comme le démontre Aristote . Le spectateur, pour pouvoir s’émouvoir du sort de Phèdre doit   considérer l’héroïne tragique comme une victime d’une fatalité qui la dépasse.  Le personnage explique donc l’origine de cette passion incontrôlable , pour mieux tenter de se justifier aux yeux du spectateur et présente  cet amour qui lui fait horreur comme le montre l’acmé de ce premier mouvement : « Je m’abhorre encore plus que tu ne me détestes » :  formule frappante où on note , à la  fois une gradation descendante et  des effets d’ hyperbole. le verbe abhorrer signifiant un rejet très fort d’elle-même : elle se juge elle même coupable et se dégoûte.
–  On retrouve également dans cette tirade l’idée que Phèdre a tenté de se prémunir contre cette passion  mais que ces précautions ont été inutiles “ inutiles soins  ”  ce qui renforce l’ironie tragique : elle est justement confrontée avec cette arrivée à Trézène à ce qu’elle voulait “fuir ” : la tragédie devient  un piège qui se referme sur un personnage et plus il cherche à éloigner le péril, plus le filet se resserre autour de lui  . On voit donc ici qu’elle mène une lutte inutile contre elle-même. –  Alors que le présent dominait le premier mouvement, c’est le  passé qui est dès lors employé (passé composé + imparfait). : Phèdre se remémore la façon dont elle a cherché à lutter et fuir cet amour qui s’imposait à elle.- Elle cherche ainsi à prouver qu’elle n’est pas à l’origine de ses sentiments monstrueux, qu’elle n’a pas subi passivement le feu de la passion qui s’est mis à la consumer : elle a tenté d’agir en chassant le jeune homme ; Le champ lexical de la haine montre qu’elle l’a persécuté : «fuir », «chassé », «odieuse », «inhumaine », «j’ai recherché ta haine », « tes malheurs ». Cette idée est corroborée par le verbe « résister »  mais la femme de Thésée a échoué avec cette stratégie ” Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins ”  Le dramaturge a  combiné  ici trois procédés d’écriture pour obtenir un effet maximal ; l’effet de chiasme avec ce croisement Je  et Tu , l’ antithèse avec l’opposition haïr et aimer et enfin , la litote car ” je ne t’aimais pas moins ” signifie qu’elle ne parvient pas à chasser cet amour  ;  ce vers illustre  ainsi les limites de cette lutte interne. Racine montre ensuite , de manière assez traditionnelle, les manifestations physiques de cette passion destructrice : ” J’ai langui, j’ai séché, dans les feux , dans les larmes ”  Un nouveau chiasme ( languir est associé à larmes et signifie être triste et le verbe sécher est associé à l’action du feu ) matérialise  les douleurs de Phèdre .- Malheureuse, elle inspire la pitié et elle implore Hippolyte ; La proposition subordonnée circonstancielle  de condition « Si tes yeux un moment pouvaient me regarder » a des allures de prière.   Cette didascalie interne laisse imaginer l’attitude du jeune prince : en effet, on peut imaginer qu’il a détourné les yeux, sous le coup de cette révélation ; La honte qu’il ressent est d’avoir pu, à son corps défendant, inspirer cette passion à celle qu’il respecte comme étant l’épouse de son père .


Mouvement 2 : une nouvelle étape dans cet aveu  : Phèdre revient sur la force qu’elle subit comme une fatalité . Les questions rhétoriques montrent qu’elle n’agit pas cette fois, de son plein gré  mais poussée par des circonstances exceptionnelles . ” cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ? ” le ton ici n’est plus celui de la supplique . La reine  fait retour sur sa situation qui  vient d’évoluer et met en avant son rôle de mère protectrice; En effet, en apprenant la  “fausse “mort de Thésée son mari , elle craint  les luttes pour le pouvoir; elle a peur que son beau-fils cherche à éliminer d’autres héritiers potentiels les  jeunes enfants qu’elle a eux avec Thésée. Elle venait donc le prier “de ne le point haïr ” . On retrouve ainsi, un parallélisme de situation: elle le supplie , en quelque sorte, deux fois: une première fois en tant que mère et une seconde fois, en tant que femme amoureuse . Cette situation rappelle que les tragédies de Racine sont toujours sous-tendues par des drames politiques : l’amour n’y joue pas un rôle de premier plan.La ponctuation exclamative  marque à nouveau l’effervescence qui anime la jeune femme. L’interjection « Hélas » souligne la perte de toute forme d’illusion et ne laisse à Phèdre que l’espoir d’une mort libératrice. 

Mouvement 3 : Un nécessaire sacrifice sur l’autel de la passion  . Elle conjure Hippolyte d’abréger ses souffrances grâce à de nouveaux verbes à l’impératif qui forment un parallélisme et une antithèse : « Venge-toi » / « Punis-moi » : de victime, elle devient coupable et présente sa mort comme une solution avantageuse alors que quelques instants plus tôt, elle venait plaider pour la protection de ses enfants; On remarque la contradiction du personnage en proie à un accès de folie passionnelle ; Souvent , sous l’effet de la passion, les sentiments se mêlent et et le discours peut paraître incohérent.   Sa prière fait appel aux qualités héroïques du jeune homme qui en la tuant, accède au même rang que son père et répète les exploits de ce dernier; On se souvient, en effet que Thésée est un chasseur de monstres célèbre et qu’il a accompli de nombreux exploits comme le fait de tuer le Minotaure . Hippolyte peut ainsi , symboliquement, se hisser au même rang que son père dont il devient le digne fils  . Le vers suivant  contient cette idée  « Délivre l’univers » est une hyperbole qui accentue la monstruosité de Phèdre et permet au jeune homme de “devenir un digne fils de héros ” c’est à dire d’agir, à son tour , en héros. En se jetant sur son épée, Phèdre fait appel, à la fois à son orgueil et à son sens du devoir . Le  champ lexical de l’amour  trouve encore sa place dans une sorte de gradation tragique  « un cœur trop plein de ce qu’il aime », « un odieux amour»: on assiste à une métamorphose de cet amour, qui correspond à la métamorphose monstrueuse de Phèdre elle-même : elle fait corps avec ses sentiments.  Le  vers résonne comme une sentence irrévocable.  Notons enfin qu’elle emploie une périphrase pour se désigner «  la veuve de Thésée » mettant en lumière  ainsi son statut de belle-mère. Elle se présente non seulement comme un “monstre  affreux “mais  ses paroles sont autant d’appels à la haine. Comme si, par ses mots, elle tentait de convaincre Hippolyte de passer à l’acte . Le tour présentatif “Voilà mon coeur” est à prendre à la fois au sens propre comme une didascalie interne : elle désigne sa poitrine comme cible. Mais on peut également y lire la thématique de l’aveu dans le sens où elle a mis son coeur à nu .Elle adopte une attitude héroïque en es déclarant “impatiente” de mourit pour pouvoir expier sa faute ; On retrouve ici la valeur chrétienne de l’expiation et du châtiment des offenses. Elle s’avance ici au devant de son trépas en demandant au jeune homme d’être l’instrument de sa mort ; Ce qu’il va refuser et son refus obliger aPhèdre à recourir au suicide . le rejet “Frappe ” donne uen allur etragique à cet impératif . Cependant l’héroïne anticipe un possible refus et se déclare , dès lors, prête à utiliser elle-même l’épée . Les trois raisons invoquées se complétent et sont quelque peu redondantes  : indigne de tes coups, ta haine , un sang trop vil ” ; On retrouve l’idée que la souffrance doit être supérieure à la mort et qu’un héros ne se salit pas les mains en tuant un ” monstre ” ; elle ne mérite pas de mourir de la main de son beau-fils et devra donc se tuer elle-même.  Cette scène se termine par la sortie précipitée de Phèdre qui , à la demande d’Hippolyte, entre dans le palais pour se cacher: ce qui met un terme à leur face à face. Ils ne se reparleront plus jamais jusqu’à la fin de la pièce. Après la mort du jeune homme, Phèder avouera alors à son époux toute la vérité avant de mourir , sosu l’effet du poison qu’elle a avalé.

 En conclusion : Phèdre, en se déclarant à Hippolyte, vient de franchir un point de non-retour. Déclenchant , à plusieurs reprises , la pitié du spectateur  elle s’inscrit dans cet aveu monstrueux comme une véritable héroïne tragique, victime de la fatalité et de l’hybris.  A la fois victime et  coupable, elle fait corps avec ses sentiments et envisage la mort comme remède à ses tourments.  Les paroles de Phèdre seront lourdes de conséquences et la tragédi eest en marche .   Cette épée  qui devait servir à tuer Phèdre va ensuite jouer un rôle crucial dans la tragédie car elle va servir de preuve à la tentative de viol dont Oenone, la confidente de Phèdre, va accuser Hippolyte .   Le quatrième acte s’ouvre, en effet , avec l’entrevue entre  Thésée et  Oenone qui accuse Hippolyte  : le roi reconnait l’épée de son fils entre les mains de la nourrice ” j’ai reconnu le fer, instrument de sa rage/ ce fer dont je l’armai pour un plus noble usage .” Thésée   convoque son fils et convaincu de sa culpabilité , il lui lance  ” il fallait en fuyant ne pas abandonner le fer , qui dans ses mains aide à te condamner . Un monstre marin sortdes flots à la demande de Neptune et tue le jeune homme innocent .La tragédie est en marche, et rien ne pourra plus l’arrêter. Cette épée est devenue l’agent du destin d’Hippolyte . Les paroles de Phèdre ont déclenché l’engrenage tragique.  

07. février 2025 · Commentaires fermés sur Défaite des maîtres et possesseurs : apprendre à repenser le monde avec la Science-Fiction ? · Catégories: Le livre du mois, Spécialité : HLP Première, Terminale spécialité HLP

La Science -fiction est un genre littéraire qu’on qualifie abusivement  de mineur et qui nous raconte des histoires de futur, de demain et nous permet de voyager dans des mondes et des civilisations différentes des nôtres; Au programme de terminale HLP , la notion de dystopie est l’une des formes que peut prendre la Science- Fiction . Les récits de  SF, nous préparent-ils au pire ? Ne s’agit -il pas de nous tendre un miroir déformant certes mais un miroir qui nous permet de nous observer en regardant l’Autre et d’entrevoir les dangers qui nous menacent : destruction de la planète et de nos ressources, robotisation de la société et déshumanisation du monde du travail, guerres incessantes et menace de destruction massive de l’espèce ne sont que quelques exemples de ce qui risque de nosu arriver . Le programme de Première aborde lui la question des relations de l’homme et de l’animal, la question fortement teintée d’actualité, du spécisme et de la protection des espèces vivantes ; Nous allons donc aborder ces deux points à l’aide du roman de Vincent Message. Une bonne manière de vous familiariser avec cette fable philosophique, c’est peut être de découvrir l’entretien qu’a accordé le romancier au magasine littéraire Diacritik , à la sortie de son livre en 2016.

Entrons dans le vif du sujet. Plus »

02. février 2025 · Commentaires fermés sur L’angoisse , atroce despotique, sur mon crâne incliné, plante son drapeau noir…: une version du Spleen baudelairien · Catégories: Terminale spécialité HLP · Tags: , ,

Ce vers  de Baudelaire tiré d’un poème de son recueil Les  Fleurs du Mal, paru en 1857 et  intitulé Spleen , décrit, avec les mots du poète, sa sensibilité et notamment sa vision de l’Angoisse et de son cortège de sensations . Pour travailler sur cette partie du programme de HLP qui touche à la fois, à l’expression de notre sensibilité, aux manifestations de notre vie intérieure, à la constitution et aux variations de notre Moi et également à l’influence des lieux et des paysages sur notre sensibilité , nous verrons tout d’abord quelques notions théoriques  autour des définitions de l’Angoisse avant d’aborder un corpus de textes poétiques . Plus »