L’Irlande est très fière de ses poètes et te de son histoire littéraire et aujourd’hui encore , la parole et l’écriture poétique demeurent présentes. Les documents d’accompagnement de votre séquence consacrée au roman Retour à Killybegs sont extraits d’un recueil de poésies intitulé ” voix irlandaises ” . Des femmes poètes y écrivent leur relation avec leur pays . Elles se nomment Breda Sullivan, Maureen Martella, Linda Anderson ou écrivent parfois anonymement . Chacune à sa manière , elles célèbrent l’Irlande , ses beautés et ses drames . Avant d’évoquer ces poèmes , un petit aperçu de l’ histoire de la poésie en Irlande ..
Voyage dans un fauteuil composé de 5 tercets de vers irréguliers évoque avec tendresse, dans un registre intimiste , une aïeule qui n’a jamais vu la mer ; le poème, avec des mots simples , souligne ainsi la ruralité de ce pays et l’amour de ces petits entants pour leur Grand-Mère qui déposent l’océan à ses pieds comme un dernier cadeau . Le poème de Maureen Sullivan évoque la condition féminine avec humour et s’efforce de briser des stéréotypes ; l'auteur y fait parler une jeune femme qui brosse un portrait idéalisé de l'épouse parfaite "traditionnelle" du point de vue d'un homme irlandais : bonne ménagère, docile, , qui rend hommage à son homme , le valorise; lui lave les pieds et lui cire se chaussures et se tient toujours à sa disposition, offerte avec un grand sourire . La chute comique du poème vient détruire cette image et nous révèle que la poétesse ne partage pas du tout cette vision de la condition féminine; elle dénonce ainsi de manière plaisante le machisme de certains irlandais. Le poème est construit avec 5 quatrains et les vers varient entre l’octosyllabe et le décasyllabe.L’absence de rime est liée à la traduction
Le long poème intitulé Motif brode l’histoire d’une relation mère/fille en revenant sur des souvenirs d’enfance; Le lyrisme personnel dessine le portrait d’une mère irlandaise qui a connu la pauvreté et sa fille lui rend hommage à travers cette poésie de forme libre où on aperçoit néanmoins quelques quatrains . Ce poème peut également être considéré comme une sorte d’éloge funèbre car la mère y est célébrée à titre posthume ( elle est morte ) ; On y décèle également un ton nostalgique : la poétesse exprime des regrets car leur relation était devenue difficile . A travers le souvenir de la confection d’une robe et des tâches ménagères que sa mère effectuait inlassablement, elle brosse le portrait de toutes les mères irlandaises que “l ‘histoire a mise(s) à genoux ” : élèves une famille nombreuse (nichée ) avec peu d’argent (recoudre les anciens habits ) ; elle choisit le tissu d’une de se anciennes robes pour fabriquer à sa fille qui retourne à l’école sa tenue du rentrée et pour cette dernière ce vêtement symbolise sa pauvreté “ Pour moi elle signifiait pauvreté, “stigmate des vieux habits ” .
Dans un registre dramatique, Linda Anderson nous fait partager une autre image de l’Irlande : celle de la violence d’un viol commise sur une femme dont le cadavre est découvert par une ronde policière ” visage contre terre, inerte dans un fossé, ” La poétesse évoqué des détails réalistes de l’Irlande du Nord avec des noms comme Belfast ou Long Kesh, la prison où sont détenus les membres de l’IRA et souligne l’indifférence des passants avec leurs “ visages de pierre ” confrontés à ces scènes . La violence entre les deux communautés catholiques et protestantes, est suggérée notamment à travers des images comme “ barrée par des barbelés, voisins meurtriers “. La ville de Belfast est personnifiée et semble elle aussi souffrir de ces exactions qui la défigurent ; La poétesse montre ainsi que cette violence est pour beaucoup de gens attachée à l’image qu’on peut se faire de ce pays endeuillé par de longues années de guerres .Le modèle métrique du poème combine les différents types de strophes : huitain, neuvain, deux sizains et un quintil;
Ile reprend la forme traditionnelle du blason héritée de l’Antiquité et modernisée au Moyen-Age ; Le pays s’y confond avec le corps de l’ être aimé dans un système d’analogies qui débute dès le premier vers avec la parataxe: ton corps , une île; Le corps de l'être aimé est ainsi le lieu où l'on se réfugie et où l'on se sent à l'abri , le lieu idéal, le locus amoenus des Anciens qui reproduit sur terre l’image du Paradis, du jardin d’Eden. ; Les beautés et les bienfaits de la nature sont ainsi directement associés à des parties du corps : les tempes deviennent des puits d’eau fraîche, les yeux des lacs de montagne; Le poète rend ainsi un double hommage , à la fois à la beauté de l’aimée et à la beauté du pays ; L’amour pour l’Irlande et ses beautés naturelles se confond ici avec le désir amoureux ; La dernière strophe évoque un embarquement pour cette île magique qui peut se lire comme une union avec le corps aimé rejoint ” : dans tes champs verts, comme une île ” .
La vierge de Granard parle est formé de strophes irrégulières aux vers libres et se fonde sur les contemplations et les observations, teintées de regrets d’une statue de pierre qui désire s’incarner en femme véritable et se faire renverser sur un “lit de miel ” . La poétesse déplore l’existence de ce conflit meurtrier en Irlande qui oppose catholiques et protestants et le champ lexical de la guerre contamine la Nature elle-même où les arbres gambadent à l’agonie : le cycle symbolique des saisons est utilisé pour matérialiser les transformations du pays : le froid glacial de novembre balaie la frontière mais lorsque les conflits s’apaisent, la Nature redevient bienfaitrice avec les odeurs des arbustes en fleurs et l’été qui appelle à l’amour : les cérémonies du calendrier religieux rythment le temps qui paraît immuable ; la communion, le mariage et l’enterrement en automne ; la vie humaine semble dérisoire et “la mort n’est qu’une récolte de plus dans le théâtre des saisons ” ; Nous retrouvons deux grands thèmes de la poésie universelle : la fuite du temps , l’impossibilité d’échapper à sa finitude ainsi que l’idée que le monde est un théâtre au sein duquel l’homme est en représentation un court instant ; Ces topoi sont connus sous le nom latin de tempus fugit ( Rossard le matérialise par la devise Carpe Diem ..profitons du jours présent ) et de theatrum lundi (mouvement baroque ) .
Chacun de ses poèmes évoque donc un aspect de l’Irlande et des Irlandais : la tendresse maternelle , l’image de la femme , l ‘attachement aux beautés de cette île et les conflits meurtriers entre catholiques et protestants qui endeuillent cette terre . Le poètes peuvent célébrer leur attachement à leur terre natale avec le registre du lyrisme personnel ( des souvenirs d’enfance teintés de nostalgie, la maison natale, les plaintes de l‘exilé volontaire ou contraint comme Hugo dans Les Châtiments , Du Bellay dans Les Regrets ou adopter , dans des poèmes engagés la position d’un porte-paroles d’une collectivité ou d’un peuple pour déclarer leur amour à leur pays attaqué ou à leur Patrie en danger . ( Aragon dans Je vous salue Ma France )