14. avril 2019 · Commentaires fermés sur Comment renouveler le langage amoureux en poésie ? André Breton célèbre la femme .. · Catégories: Seconde · Tags:

La poésie amoureuse , à toutes les époques, rend hommage à la beauté de l’être aimé et tente de définir le sentiment amoureux , sous toutes ses formes . Dès l’Antiquité, nombreux sont les poètes qui font l’éloge de la  femme en la divinisant , en lui attribuant des caractères surnaturels : Baudelaire reprendra ce topos avec la femme Statue, rêve de pierre à la beauté inaccessible . Le corps de la femme, ses attraits , et l’attirance qu’on éprouve pour elle, sont des thèmes très fréquents dans le lyrisme amoureux et la technique du blason notamment, sert  de base à la plupart des portraits élogieux. André Breton, un auteur qui fait parti edu courant surréaliste,  compose un poème en vers libre qu’il intitule Union libre  justement pour y célébrer une nouvelle manière d’écrire l’amour . Il reprend la technique du blason  et construit son hommage à partir d’une anaphore  qui donne au poème l’apparence d’une prière amoureuse. Comment le poète renouvelle-t-il les clichés de la poésie amoureuse ?  

L’Union libre de la lecture analytique au commentaire littéraire 

Tout d’abord, André Breton utilise une forme poétique traditionnelle héritée du Moyen-Age : le blason.  Pourtant ,contrairement à la tradition qui consiste à célébrer une seule partie du corps de la femme , André Breton célèbre la totalité des éléments qui composent le corps allant même jusqu’à nommer les plus intimes ; Ainsi ,en plus des parties traditionnellement évoquées comme les yeux , les cils, les seins, la bouche , les hanches : on trouve « ma femme au sexe de glaïeul » ou « ma femme aux aisselles de martre » et « aux fesses de printemps » . Le poète prend ici des libertés par rapport aux conventions poétiques en utilisant des termes qui soit désignent des parties intimes liées à la sexualité comme fesse ou sexe ; soit des parties du corps considérées comme moins nobles ou peu attrayantes comme les aisselles ou les mollets de moelle de sureau . Le poète suit également un ordre original : il débute par la moitié supérieure du corps en descendant des cheveux aux pieds avec un mouvement qui se focalise sur le visage avec la bouche, la langue et les tempes avant de survoler les membres supérieurs et ensuite inférieurs pour revenir , dans une sorte de tour complet aux parties centrales et érotiques comme le ventre , les seins, les fesses et le sexe ; Le poème  se boucle sur le  regard de la femme aimée dans une sorte de zoom final . Le regard de la femme aimée contient le monde entier et tout l’univers y semble enfermé . C’est un cliché de la poésie amoureuse.

On notera que chaque élément du corps est l’objet de différentes séries d’associations qui peuvent paraître étonnantes ou inédites ; 

Le poète sollicite, en effet nos sens et provoque des synesthésies amusantes ou parfois énigmatiques : ainsi l’odorat est souvent sollicité avec les « doigts de foin coupé »  au vers 19, qui évoquent l’odeur de l’herbe sèche et qui s’associent à « la chevelure de feu de bois »  du vers initial ; On pense, à la fois, à la couleur rousse et à l’odeur du feu ; le thème du feu est associé à un mot abstrait au vers suivant « pensées d’éclair dechaleur » ; éclair et chaleur rappellent tous les deux un autre aspect du feu qui reviendra au vers 21 avec la mention de la nuit de la Saint-Jean où l’on allume de grands feux ; on retrouve aussi ce champ lexical avec l’évocation de la fusée au vers 25 ; Breton joue ici avec la polysémie du mot fusée qui rappelle par son sens la forme des jambes bien dessinées avec l’adjectif fuselé ainsi que la mise à feu et le f de fusée crée un réseau sonore avec le f de femme, de feu , de griffe , fuit ; ici les mots sont associés phonétiquement grâce aux allitérationsmême s’ils désignent des parties différentes de l’univers . 

L’évocation du feu se prolonge avec les allumettes qui dépeignent la finesse des poignets au vers 17 et le feu de bois du premier vers qui a allumé, en quelque sorte, la flamme amoureuse , se transforme à l’avant dernier vers en « yeux de bois toujours sous la hache » Sous un désordre apparent, le poète construit en réalité un véritable univers traversé par des lignes de force qui tissent des métaphores filées .

Le portrait du corps de la femme dessine un monde et tous les composants de l’univers s’y retrouvent étrangement mélangés : le dernier vers mentionne d‘ailleurs explicitement les quatre éléments du cosmos : eau, air, terre et feu .

Le thème de l’eau, par exemple , apparaît sous différentes formes : certains animaux sont clairement aquatiques comme la loutre associée à la taille de la femme au vers 4 ou le dauphin au vers 16 ; le poète évoque également les liquides qui proviennent de phénomènes naturels comme la condensation avec la buéeaux vitres au vers 14 et la rosée au vers 36 ; le champagne , boisson pétillante est rapprochée des épaules de la femme au vers 15 mais on trouve également un torrent au vers 32 qui suggère avec le mot lit , lui aussi polysémique, une étreinte amoureuse ; de plus Breton mélange les éléments de cet univers étrange avec une« taupinière marine »  au vers 34 pour suggérer le renflement des seins que figure l’animal qui creuse son terrier mais cet abri devient sous-marin ce qui heurte la logique et rend cette dimension fantastique . L’eau est présente également sous la forme des larmes , du sexe d’algue,au vers 53 , de la chute d’un verre dans lequel on vient de boire au vers 43 et enfin par l’image de la femme aux yeux d’eau pour boire en prison ; On peut ici comprendre que la femme aimée , par son regard , apporte une forme d’apaisement au poète ou au contraire que l’amour est une sorte de prison douce . André Breton renouvelle ainsi la vision de l’amour par le biais de ces associations inattendues .

Odorat et toucher sont associés également à plusieurs  reprises comme lorsque le poète évoque la « craie mouillée »au vers 42 ou la langue d’ambre et de verre frottés » qui suggère un contact désagréable et précieux en même temps et qui associe goût et toucher ;

La célébration de la femme est totale, la description semble former le mouvement du regard qui descend, remonte et se concentre sur un point, les yeux .Le portrait du corps de la femme dessine donc un monde et tous les composants de l’univers s’y retrouvent étrangement mélangés : le dernier vers mentionne d‘ailleurs explicitement les quatre éléments du cosmos : eau, air, terre et feu

Lpoète semble ici inventer un nouveau langage amoureux et le poème est aussi construit sous forme litanique à partir d’une anaphore « ma femme » et de nombreux parallélismes  de construction. Il ressemble ainsi à une prière amoureuse . La litanie est une prière au moyen de laquelle on implore une divinité  . Le poète construit la célébration de la femme aimée à la manière d’un hymne musical en jouant sur les ressources sonores des mots comme les nombreuses allitérations tout au long du poème ainsi que les paronomasescomme au vers 27 : « mollets de moëlle » ou « écume et écluse » au vers 23 ou encore « rose et rosée » au vers 36 ; Les variations de rythmes et la variété des compléments qui accompagnent l’anaphore de « ma femme » contribuent à cet effet lancinant et à sa musicalité.

Sonorités et matières se rejoignent pour donner de la femme une image associée à quelque chose de précieux et de fragile à la fois, d’essentiel et de vital : , la délicatesse de l’écriture d’un enfant ou encore la finesse de sa taille ou de ses poignets sont la métonymie de sa faiblesse ; Mais elle est également précieuse pour le poète ainsi qu’en  témoigne la présence des pierres précieuses comme l’ambre, et l’or au vers 31 ou l’argent au vers 40 ou le rubis au vers 35 ; La femme est aussi associée aux matières naturelles , aux matières premières qu’on trouve dans la Nature : végétale avec le foin, les fênes au vers 20 , le sureau au vers 27 , l’orge au vers 30 , mais aussi la pierre et le minéral avec le grès , l’ardoise et l’amiante . Elle est la Nature à elle seule , à la fois, Plante et Pierre, Ciel et Terre, Mer et Lumière : elle opère la synthèse des contraires en un tout harmonieux et sa beauté provient de l’étrangeté du mélange obtenu par l’union des contraires : ce qui correspond parfaitement aux objectifs créatifs du courant surréaliste .

On peut penser aussi que certains aspects de la vision de l’amour que forme ici Breton s’inspirent de l’amour courtois qui date du Moyen-Age : les troubadours y célébraient la beauté de la femme aimée dont ils faisaient l’éloge et se plaignaient également de sa dureté ; peut être retrouve-t-on cette idée renouvelée à travers l’insensibilité de la balance au vers 47 ou à cette nuque de pierre au vers 42.

Le thème de la souffrance amoureuse , en effet, apparaît à plusieurs reprises et il est difficile de savoir si le poète souffre des rigueurs de cette femme ou s’il fait allusion à la souffrance souvent liée à la force du désir ; plusieurs aspects peuvent, en effet, paraître menaçants dans cette peinture de l’amour ; La femme ainsi a la taille « entre les dents d’un tigre » au vers 4 ; on y lit la finesse de cette partie du corps mais aussi une morsure désagréable ; cette idée de morsure et de blessure , on la retrouve au vers 8 avec la langue poignardée et on mentionne également les «  dents d’empreintes de souris » au vers 6 ; On note ici le caractère surréaliste de cette association où le mot empreinte est complément du nom souris ; l’adjectif « coupé » au vers 19 peut également réactiver cette idée de blessure qui se prolonge au vers 38 avec la griffe géante, le verre brisé et enfin l’aiguille du vers 56 directement associée aux yeux plein de larmes ; L’apparition de la hache , image saisissante qui connote la violence au vers 59 vient clore ce champ lexical de la souffrance liée sans doute à la peur de la blessure  ; Est-ce tout simplement une nouvelle manière de faire allusion aux tourments amoureux ou à la crainte de la rupture qui fait figure de déchirure ? On peut également y deviner une forme de violence dans les relations amoureuse et l’acte sexuel empreint ici de sensualité ; cette idée de sauvagerie du désir est liée également à la présence du tigre et de la savane dans les yeux de la femme au vers 57. L’amour garde cette part de mystère et de danger auquel il est associé dans la littérature de toutes les époques. En conclusion, les images de la femme et de la poésie amoureuse fabriquées par André Breton dans l’Union libre sont originales et novatrices. Dans un premier temps, elles contribuent à érotiser le corps féminin. En effet, en dehors des six derniers vers consacrés aux yeux, les éléments les plus évoqués sont : la langue, les seins, les hanches, le sexe  , les aisselles, le dos et les fesses . Le poète se livre , sans tabou et sans pudeur à une célébration de l’amour sensuel . Le poème  surréaliste devient une forme de rébellion contre les conventions de l’époque, et  un véritable cantique à la sensualité de la femme. Ainsi par la beauté de son anatomie, la femme devient la principale source d’inspiration pour André Breton et également  pour les autres surréalistes. L’étreinte amoureuse suggérée à travers l’ensemble du poème rend la femme  à la fois vulnérable et extrêmement séduisante grâce au contraste entre les images . Les images célèbrent également le lien entre la femme et le monde. 

Breton célèbre de façon originale la femme avec une nouvelle forme de blason. Les métaphores  étranges, déroutantes dont le lecteur ne comprend pas toujours le sens, illustrent parfaitement la beauté du rapprochement entre des images différentes, opposées que les surréalistes revendiquent. 

 

  • qui est l’auteur de ce poème ?à quel courant littéraire appartient -il ?

  • quel est le titre du recueil ? Quel est le titre du poème ?

  • Quelle est la forme du poème (type de vers , rimes ) ? 

  • qu’est-ce qu’un blason ? qu’est-ce qu’une anaphore ? qu’est-ce qu’une image ? qu’est-ce qu’une litanie ?qu’est-ce qu’un hymne ? 

 

Rédiger une introduction : 

D’abord publié anonymement puis associé au recueil  Clair de terre, un titre oxymorique, qui paraît en 1923, ce poème sera finalement réédité en 1931.   André Breton traverse à cette époque des moments d’incertitudes artistiques  et amoureuses. Considéré comme le fondateur du mouvement  surréaliste , il a théorisé, en 1924, dans un manifeste, les principes de ce courant littéraire que nous retrouvons dans cette création : goût pour les images frappantes et les associations libres, étonnantes , inattendues  . Dans ce poème aux vers  libres , il exprime la force de son amour pour une femme mystérieuse en utilisant notamment la technique du blason  . Construit comme une sorte d’hommage à la beauté et à la sensualité , cette poésie , par sa structure syntaxique répétitive  s’apparente à un hymne ou à une  prière amoureuse . La femme y est célébrée telle une déesse et tout l’ univers semble se refléter en elle . Comment le poète célèbre-t-il l’amour pour la femme ? 

Compléter un plan détaillé  

I . L’éloge de la femme avec le blason amoureux 

1. Un ordre original 

2. Des associations étranges : synesthésies et allitérations

3. La femme recompose le monde et réunit les contraires : tout l’univers se reflète en elle 

a) le feu 

b) l’eau

II  Une prière amoureuse

1. Un nouveau langage amoureux 

2. Femme précieuse  et fragile

3 Les souffrances de l’amour : la blessure amoureuse