La poésie lyrique médiévale, marquée par l’influence de l’amour courtois, brosse souvent une peinture idéalisée de l’amour : l’homme , le poète s’y décrivent comme des serviteurs de leur dame à laquelle ils attribuent de nombreuses qualités en employant le registre de l’éloge et les correspondances avec des éléments naturels comme les fleurs , les blés, l’eau pure. Toutefois, les poètes soulignent souvent la froideur de la femme aimée et sa cruauté qui leur brise le coeur et les blesse. Ainsi l’amour, non partagé est vu comme une maladie ; à la fois poison et remède. De nombreux troubadours utilisent la forme de la ballade pour célébrer l’amour de loin . Christine de Pisan est considérée comme la première femme à vivre de son art: l’écriture et son livre des cent ballades connut un grand succès . Elle évoque un amour qui est présenté comme un don de soi : la femme offre un baiser consenti à son amant .La souffrance amoureuse y prend comme souvent une dimension hyperbolique : celui qui souffre par amour est qualifié de martyr et la crainte de l’infidélité est bien présente.
Louise Labé surnommée ,la belle cordière , a composé un sonnet qui détaille les tourments et les plaisirs que procure l’Amour : une série d’antithèses tentent de nous faire saisir les intermittences du coeur ; Les sensations physiques sont entremêlées et l’amoureuse passe , sans transition, comme l’indique la syntaxe, d’un état à un autre . L’Amour y ressemble à un tyran capricieux et l’amante subit cette passion sans pouvoir la contrôler.
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ; J’ai chaud extrême en endurant froidure :La vie m’est et trop molle et trop dure.J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie, Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ; Et, quand je pense avoir plus de douleur,Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,Et être au haut de mon désiré heur,Il me remet en mon premier malheur.
Avec Ronsard surnommé le Prince des poètes , nous entrons dans la Renaissance ; Il fait partie des poètes de la Pléiade qui remettent à l’honneur la mythologie et adoptent le sonnet , une forme qui nous vient d’Italie. Nous observons que la femme aimée est célébrée telle une déesse antique ou une Muse. Ronsard fut notamment inspiré par trois femmes dont il rendit les prénoms célèbres : Cassandre, Marie et Hélène . Il vante leur beauté sous la forme d’une ode et multiplie les correspondances avec la nature ; Le teint de la jeune femme est semblable à une rose, ses cheveux sont comparés à des châtaignes, ses lèvres ont la douceur du miel et ses tétins ressemblent à des pommes ou à des monts de lait. Son coeur, pour finir est semblable à celui d’une fière lionne.
Pierre de Marbeuf lui aussi s’adresse à la femme aimée , une certaine Philis et il lui adresse un touchant message marqué par l’amertume . Il compare le sentiment amoureux à la mer et file les métaphores : caractéristique du mouvement baroque , son poème suggère un monde en transformations permanentes ; L’amour et la mer sont mouvants, immenses et dangereux. Le thème de la traversée maritime est souvent utilisé pour désigner le chemin de l’existence : le port d’arrivée est la dernière destination du voyageur; sa mort et les tempêtes représentent les malheurs et les obstacles qu’il doit affronter au cours de son existence. L’amertume de l’amoureux déçu suggère le goût de sel des larmes qui évoque lui aussi l’eau salée de la mer et l’immensité du chagrin est rendue par l’hyperbole : mer de larmes . Très musical avec ses paronomases, le poème de Marbeuf a été une source d’inspiration au cours des siècles .
Vincent Voiture a la réputation d’être un bel esprit et sa poésie savante célèbre les beautés de la belle Matineuse : une femme dont la beauté est telle qu’elle surpasse en rayonnement le soleil et fait passer l’astre du jour pour une aube fragile et pâle . Baroque par son thème, celui des métamorphoses, la poésie de Voiture rejoint l’esthétique classique de la préciosité par le raffinement du lexique et le goût de la mythologie. Ce sonnet délicat fait l’éloge de la femme aimée , comparée à une divinité , une nymphe : l’Amour y est lumineux.
Le romantisme est le courant littéraire qui marque le début du neuvième siècle; il se caractérise par un lyrisme personnel et l’expression des sentiments y remplace l’observation du monde ; Les poètes chantent l’amour sous toutes se formes et notamment la souffrance amoureuse, celle de la rupture et de la séparation avec l’être cher. Alfred de Musset s’inspire de sa relation amoureuse mouvementée avec l’écrivaine Georges Sand pour célébrer la femme et la diviniser. Tantôt ange et tantôt démon, la femme devient une créature céleste , une divinité dont les mystérieux yeux noirs enchantent le poète. On retrouve également la métaphore de l’ivresse amoureuse : l’amour est souvent comparé à une source , un divin breuvage, une douce ivresse.
Hériter du romantisme, Charles Baudelaire en 1857 publie un recueil intitulé Les Fleurs du Mal ; Il y adresse des poèmes à des femmes aimées. Dans l’Invitation au voyage, l’amour permet au poète de s’envoler vers un pays imaginaire et magique où il pourra enfin rejoindre l’Idéal ; ce pays rêvé est composé à partir de ses sentiments pour la femme et d’analogies avec le paysage ; Il ressemble à une ville qui dort , baignée de lumière : “ Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe calme et volupté ” chante le refrain. Dans ce paysage amoureux, les soleils y sont mouillés et les ciels brouillés ; on y trouve des fleurs rares et des parfums, des objets luxueux, des soleils couchants, des canaux, des hyacinthes et une lumière dorée , comme dans un tableau . Le poème est une invitation à rêver : les yeux de la femme font naître ce mystérieux paysage exotique et familier à la fois. Voilà le lien vers l’explication détaillée de de poème . https://blogpeda.ac-poitiers.fr/motamot/2021/05/30/linvitation-au-voyage-baudelaire-nous-invite-a-laccompagner-dans-un-endroit-paradisiaque/
Anna de Noailles
Le poème de Stéphane Mallarmé
Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts,
Dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.
C’était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
J’errais donc, l’oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.
Quand je mettais l’ardeur et la paix sous ton toit,
Quand je riais sans joie et souffrais sans gémir,
Afin d’être un climat constant autour de toi ;
Quand ma calme, obstinée et fière déraison
Te confondait avec le puissant univers,
Si bien que mon esprit te voyait sombre ou clair
Selon les ciels d’azur ou les froides saisons,…