Après La Maladie de Sachs qui rendait hommage au médecin du même nom, l’auteur nous plonge dans le monde des maladies des femmes , en nous faisant découvrir le parcours d’une jeune interne de cinquième année Joan Atwood affectée dans le service 77 , celui de Franz Karma . Elle réalise rapidement à quel point ce praticien est apprécié par ses patientes et le personnel du service mère-enfant de l’hôpital. Ce gros roman de presque 700 pages est à la fois composé comme un livret musical avec une ouverture , des récitatifs, des arias et des adagios et un final mais en même temps, il égrène les jours de la semaine du mardi d’ouverture au mercredi suivant . Karma commence par tester les motivations de Joan et la prévient qu’il faudra l’accord des patientes pour qu’elle puisse assister aux consultations . Elle comprend qu’il fait vraiment très attention à la douleur des femmes et il lui conseille de lire un ouvrage rédigé par Olivier Manceau et qu’il a préfacé avec Bruno Sachs intitulé Le corps des femmes . “ Les médecins qui veulent le pouvoir font tout pour l’obtenir. ceux qui veulent soigner font tout pour s’en éloigner. ” Après avoir donné la parole à Joan qui lit à Karma les notes qu’elle prend , l’auteur nous fait entendre directement les voix des patientes , dans des récits où elles subissent ce qu’on nomme pudiquement “des violences faites aux femmes ” . Karma apprend à son élève à ne pas juger les femmes , à ne pas leur poser de question sur leur sexualité . Jean raconte alors l’internat et les brimades qu’elle a du supporter parce qu’elle est une femme : elle raconte le machisme de certains médecins et peu à peu, elle nous livre son secret. Jean est née avec une ambivalence sexuelle et elle s’est donc spécialisée dans la chirurgie reconstructrice afin d’aider ceux qui cherchent à se doter d’un appareil sexuel biologique conforme à leur véritable identité sexuelle. Au fur et à mesure , Joan parvient à gagner la confiance des patientes , se met véritablement à les écouter et à les conseiller . Elle réalise qu’il est possible d’examiner les femmes en decubitus latéral gauche, position plus confortable pour elles et qui préserve leur pudeur . Karma lui montre le forum qu’il anime et elle fait la connaissance de patientes pas tout à fait comme les autres : Catherine qui s’est installée dans la chambre des adieux, atteinte d’un cancer du pancréas au stade terminal , Renée qui souffre d’ambivalence sexuelle; Karma milite pour une prise en charge de la douleur et une médecine humaine qui ne considère pas les patients comme de simples résultats d’analyses. Il prend modèle sur certaines pratiques couramment enseignées dans les pays anglo-saxons comme donner de la morphine à des cancéreux ou pratiquer des anesthésies pour des examens invasifs .
Au cours de ces quelques jours passés dans le service 77, Joan se fera agresser par Germaine , une dangereuse psychopathe enfermée depuis 4 ans dans une chambre sécurisée ; elle remet en cause sa collaboration avec WOPharma en découvrant qu’elle est manipulée . Alors qu’elle pensait agir dans l’intérêt des personnes intersexuées et faire avancer les méthodes de reconstruction chirurgicale, elle réalise que les laboratoires ne se préoccupent guère d’écouter les enfants ; Elle se réconcilie avec son père et avec son amoureux et trouve ce pour quoi elle semble faite : soigner les femmes et les écouter. . Elle découvre également que Karma et Aline sa secrétaire depuis 30 ans s’aiment et fait la connaissance de Manon leur fille de 20 ans qui devient sa patiente. Joan apprend grâce à des confidences de Karma que ce dernier fait chanter le directeur de l’hôpital afin d’obtenir un budget de fonctionnement pour le service 77 qu’il dirige.
Les dernières pages du roman contiennent d’ultimes révélations : : Joan est la fille de Marie Mergis et cette dernière a perdu un premier enfant intersexué à l’âge de 16 ans. Marie est tombée amoureuse du psychologue de sa fille et s’est retrouvée enceinte de lui . Sa fille Camille décède suite à des opérations de reconstruction quelques jours avant la naissance de Joan. Marie sombre dans une profonde dépression . En fouillant dans les archives du service, Joan lit le nom de l’urologue qui a opéré son frère : il s’agit de Franz Karma qui était alors chirurgien car il voulait ” opérer pour guérir. Retirer les tumeurs, remplacer les organes malades par des organes sains, réparer les blessures, corriger les anomalies ” Cependant ce jour là a décidé de son avenir de médecin : en effet , il a eu pitié du désespoir de ce jeune homme mutilé à qui les chirurgiens voulaient fabriquer un corps de femme idéale et que personne n’écoutait; il l’a donc aidé à mourir et il a , quelques jours plus tard, sauvé Joan, sa petite soeur , que les chirurgiens avaient l’intention d’opérer.
Un roman empreint d’humanité qui rend hommage aux corps des femmes , à leurs voix et à leur cœur . ainsi qu’au dévouement des soignants .