Le bac de français nécessite un certain nombre de connaissances sur les objets d’étude ; ce cours d’histoire littéraire qui résume l’évolution des genres et des couranst poétiques vous permettra de pouvoir aborder les commentaires littéraires avec quelques repères d’histoire littéraire. Le journal Le Monde édite chaque année des fiches de révisions pour préparer le bac. Lisez attentivement ce cours, résumez-le sur une fiche en notant scrupuleusement les définitions des mots clés (souvent notés en gras ) , les dates importantes, les noms des principaux poètes et des mots- clés pour définir leurs oeuvres . Tout commence bien sûr dans l’Antiquité avec les Muses ..
.Un poète est bien sûr un écrivain qui compose de la poésie . Certes , mais au-delà de cette définition standard , le terme de « poète » évoque différentes images et surtout une manière de voir la vie et de la vivre, une façon d’appréhender le monde qui se marque par une certaine distance avec le « commun des mortels ».
Quels rapports le poète a-t-il avec la société, au fil des époques ? Comment la société construit-elle , selon les époques, l’image du poète ? Qui sont les poètes aujourd’hui ?
1. Les origines
En Grèce, le poète (l’« aède », ou chanteur sacré ) est un artiste qui reçoit l’ inspiration et chante les exploits des dieux (ou des héros – c’est-à-dire des demi -dieux) en s’accompagnant d’une lyre. Le poète latin est lui aussi inspiré des dieux, puisqu’il en est l’interprète. Être désigné, choisi , élu, il se distingue du reste des humains par ce « don » qui lui est fait, mais reste profondément « homme », avec ses faiblesses.
Outre les poètes antiques , que nous lisons toujours (Homère , Virgile,), une figure mythique se détache lorsqu’on évoque la poésie des origines : Orphée . Selon la légende , Apollon lui aurait fait don d’une lyre, et les Muses, déesses filles de Zeus, lui auraient appris à en jouer. Orphée devient ainsi capable de charmer les animaux , mais aussi les arbres et les rochers. Il participe d’ailleurs à l’ expédition des Argonautes, et son chant parvient à charmer le serpent gardien de la Toison d’Or. Lorsque son épouse Eurydice , voulant échapper aux avances d’un dieu , est mordue par un serpent, et meurt, Orphée est inconsolable : il se rend à l’ entrée des Enfers et, grâce à son chant et à sa musique , réussit à attendrir Charon, le passeur , mais aussi le chien Cerbère , et même Hadès.
Hadès permet à Orphée de ramener Eurydice à la vie, à une condition : il ne doit pas se retourner vers sa femme avant d’avoir revu la lumière du jour. Mais Orphée ne parvient pas à respecter cette condition : juste avant d’ arriver à la lumière, il se retourne – et perd définitivement Eurydice. Orphée donne ainsi de la figure du poète une image double : il est celui qui reçoit un don, et qui est proche des dieux, en même temps qu’il est profondément homme . Il permet également de mettre l’accent sur une fonction fondamentale du poète, celle de l’enchanteur , grâce à la puissance du lyrisme et aux liens qui unissent poésie et musique. Ce lien entre musicalit édes mots et charme de al voxi caractérsie la poésie de toutes les époques et dans toutes les langues. Mais réfélechissons : d’ où vient la musique des mots ?
2. Le poète : un être à part
Le terme « poète », utilisé en français , a été formé à partir de la racine grecque « poieïn », qui signifie « faire , créer ». Un poète est donc avant tout un créateur, celui qui fait une œuvre – mais la matière qu’il travaille est spécifique, puisqu’il s’agit des mots. Il se distingue des autres créateurs pour plusieurs raisons :
- le poète est en partie lié au sacré – le sacré n’est pas forcément l’expression d’une religion, mais peut renvoyer à une manière enchantée, spirituelle de voir le monde ;
- d’autre part, le langage est à la fois l’outil le plus banal au quotidien pour communiquer , et la forme la plus haute de la spécificité humaine – l’instrument du poète est de ce fait très proche de chacun d’entre nous, mais nous avons tous l’intuition du fait que les mots, malgré leur utilité dans le quotidien , sont magiques : lorsque nous donnons un nom à quelque chose ou à quelqu’un, nous lui donnons en quelque sorte naissance, et nous reconnaissons son existence ;
- enfin, la capacité qu’a le poète de faire vibrer cette part « non-utile » du langage se traduit également par une forme de virtuosité (habileté technique rare ) . Le poète énonce des idées ou fabrique des images surprenantes – et il les formule dans une langue qui ressemble à celle que nous connaissons mais s’en écarte pourtant. Il est celui qui fait rimer les mots entre eux, qui fait chanter la phrase selon un rythme : il redonne aux mots leurs sonorités, et leur beauté. Tandis que le langage courant confond le mot et la chose, le langage poétique fait retrouver aux mots les plus banals leur « image sonore » Le poète est celui qui donne un sens plus pur aux mots de la tribu selon Mallarmé
3. Le poète et le citoyen
Le poète occupe une place spécifique dans la société. C’est un artiste, c’est-à-dire un homme « inutile » : son œuvre n’apporte rien de matériellement nécessaire à la société. Il est donc méprisé par la société bourgeoise pour laquelle la valeur première est le travail – au sens utilitariste du mot. Cependant, il est en même temps un homme nécessaire : son œuvre parle au cœur et aux sens de l’homme, elle apporte un enrichissement émotionnel ou spirituel.
C’est cette ambivalence qui explique les différentes fonctions que le poète a pu se voir attribuer, ou revendiquer lui-même :
• Le poète prend en charge l’ Histoire d’un peuple dont il chante ,par exemple, les exploits des héros , ou les grands événements et il les porte par sa voix. Il les fait résonner, les magnifie grâce à l’ornement poétique, et les transmet : la poésie est alors du registre épique (Ronsard, La Franciade, les chansons de geste qui vantent les exploits de Charlemagne et de Roland, l’Odyssée d’Homère ). Elle raconte les hauts faits, les combats, et célèbre les victoires ou se remémore les défaites
• À l’opposé de cette fonction par laquelle le poète s’unit à toute une société, un autre rôle lui fait dire les mouvements les plus intimes du cœur. On parle alors de poésie lyrique.
Dans ce cas, le poète n’est plus l’interprète d’un groupe : il cherche par son lyrisme à exprimer les sentiments et émotions qui l’étreignent (Ronsard, Sonnets pour Hélène, Lamartine, Méditations, Musset, Les Nuits ).
Cependant, en étant ainsi profondément personnel , le poète se fait proche de chacun : en effet, le lyrisme de l’ auteur renvoie chaque homme à ses propres expériences et sensations. L’expérience du poète atteint alors une forme d’universalité; L’amour, par exemple, parle à chacun d’entre nous , à toutes les époques ; C’est un sentiment universel comme la peur de la mort ou la joie devant le spectacle de la Nature et des beautés du monde .
Les Romantiques ont particulièrement revendiqué cette facette de la poésie : Lamartine affirme ainsi avoir remplacé « les cordes de la lyre par les fibres mêmes du cœur de l’homme ». Pour ces poètes du xixe siècle, les sentiments (et particulièrement la souffrance) sont essentiels , et les règles de l’ écriture poétique doivent s’assouplir pour permettre l’expression vraie de ce qui est ressenti.
• Mais si le poète est proche de chacun lorsqu’il exprime ainsi ses émotions, il est en même temps différent des autres : parce qu’il est capable d’écouter les mouvements de son cœur, parce qu’il cherche à traduire ce qu’il éprouve, parce qu’il transforme ces expériences vécues en mots capables d’aller vers les autres. Il a donc d’une part une sensibilité exacerbée, d’autre part le désir d’aller vers l’art .
Baudelaire, dans L’Albatros, 1857 : Les Fleurs du Mal , compare le poète à l’oiseau du titre :
majestueux dans les airs, capable de s’élever là où les autres ne vont pas – mais de ce fait à l’écart des autres hommes, et inadapté au monde quotidien : « Ses ailes de géant l’empêchent de marcher ». Vivant dans un univers autre, le poète est, toujours selon Baudelaire, celui qui voit le monde comme une « forêt de symboles » ( Correspondances).
De nombreux poètes s’inscrivent dans cette lignée : ils revendiquent un regard différent porté sur le monde. C’est ce que signifient ces vers de Cadou (poète du xxe siècle) :
Celui qui entre dans la demeure d’un poète
Ne sait pas que les meubles ont pouvoir sur lui
Que chaque nœud du bois renferme davantage
De cris d’oiseaux que tout le cœur de la forêt
On voit que la fonction du poète peut alors devenir une fonction « éclairante ». Par son attention aux objets ou aux êtres, il nous révèle le quotidien sous un autre jour.
• Rimbaud, à la fin du xixe siècle, se définit comme un « voyant », un multiplicateur de Progrès. Partant du mot, de sa polysémie, de ses sonorités, il cherche à dire dans sa poésie la multiplicité du monde – que notre langage quotidien tend à nier. Tandis que le langage commun rejette la complexité et le mystère, le langage poétique doit aller vers l’inconnu, rechercher l’inédit afin d’élargir la pensée, la faire naître. Hugo a mis en évidence cette ambivalence du poète avec ses images : il a le front éclairé
Le poète acquiert ainsi le statut de celui qui dit une vérité non soupçonnée. La vérité poétique n’est pas une vérité scientifique, elle ne se démontre pas ; mais elle est un voile qui se lève, une découverte – parfois autour d’un élément qui semblait pourtant très familier. Le paradoxe poétique est là : alors même que la poésie est au plus loin de la science, elle peut révéler une forme de connaissance et de vérité.
Voilà pourquoi
Je dis la vérité sans la dire
Paul Éluard, « L’Habitude », Capitale de la douleur).
• Enfin le poète est celui qui, par les mots, essaie d’entrevoir le monde autrement. Il peut aussi être celui qui guide ses lecteurs (et plus généralement la société) vers des idées ou un engagement. La poésie a alors une fonction politique : on parle de poésie engagée .
Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,
La voix qui dit : malheur ! La bouche qui dit : non !
(Victor Hugo, « Ultima Verba », Les Châtiments).
Et c’est assez pour le poète d’être la mauvaise conscience de son temps : Saint John Perse
La poésie est une insurrection (Pablo Neruda).
Quelques éléments de conclusion sur ce cours d’introduction à la place du poète dans le monde
Le poète a donc des places non seulement variables, mais surtout apparemment antithétiques (contraires) : dans et avec la société lorsqu’il est porteur de sa mémoire et de son histoire comme le furent les poètes de la Résistance en 39/45 ; exilé de cette société par une sensibilité personnelle, il peut cependant rapidement devenir marginal ; d’ailleurs on a désigné Paul Verlaine par le surnom de poète maudit pour montrer à quel point il était rejeté par la société bourgeoise bien-pensante de son époque . Cette notion de poète maudit s’est ensuite diffusée et a pu désigner des poètes comme Baudelaire et Rimbaud, provocateurs et en révolte face à l’ordre établi et pas toujours conscients de la portée politique de leurs ouvrages ou peu désireux de développer le rôle du poète sur ce point. Les poètes ont donc des avis différents sur leur place et le rôle que doit jouer la poésie , parmi les hommes , Certains se sentent un peu supérieurs et veulent rester dans leur tour d’ivoire au-dessus des affaires du monde , là où ils considèrent qu’est leur place ; d’autres au contraire, particulièrement dans les temps troublés, veulent faire résonner le clairon de la poésie et se battent , avec leurs mots, parmi la foule et le peuple. Quelle est , selon vous, la place de Rimbaud et comment se positionne-t-il face aux différents rôles endossés par les poètes .