Si l’on compte de nombreux hommes parmi les figures révolutionnaires comme Robespierre, Mirabeau, Danton ou Saint-Just, certaines femmes défendirent également les idées et les valeurs qui agitèrent la société française en ces temps mouvementés . Parmi elles, on peut citer l’épouse de celui qui fut Ministre de l’Intérieur en 1791, Madame Roland, qui mourut exécutée avec les députés girondins ; Et une certaine citoyenne Mademoiselle Olympe de Gouges ; Elle combattit notamment pour l’égalité des droits entre le sexe prétendu fort et le sexe qu’on nomme faible : celui des femmes . Voici quelques éléments de portrait et une partie de ses écrits.
Quelques éléments biographiques : Née en 1748 dans un ménage modeste de Montauban sous le nom de Marie Gouzes, elle se marie à seize ans. Veuve et mère deux ans plus tard, elle se remet sans attendre en ménage avec un entrepreneur qu’elle suit à Paris.À vingt ans, tandis que le règne de Louis XV arrive sur sa fin, la jeune provinciale entame une nouvelle vie, libre de toute contraintes… mais avec tout de même le soutien financier de son compagnon. Sa devise pourrait être : libre de moeurs et de pensée ..
Reniant ses origines provinciales, elle prend un nom de scène Olympe de Gouges et fréquente assidûment les écrivains et intellectuels qui gravitent autour du duc d’Orléans.Quant arrive la trentaine, elle s’affiche avec plusieurs amants souvent des artistes dont l’écrivain François Sébastien Mercier, auteur du Tableau de Paris. Elle écrit d’abord des pièces de théâtre et des romans à la mode. Mais son ton et ses idées ne tardent pas à évoluer .En 1785, elle publie pour le Théâtre-Français une violente dénonciation de l’esclavage. En 1788, elle récidive avec ses Réflexions sur les hommes nègres, qui lui valent d’être accueillie par les partisans de l’abolition de l’esclavage dans la Société des Amis des Noirs.
En 1786, elle écrit aussi une suite au Mariage de Figaro , seconde partie de la trilogie du dramaturge, Beaumarchais , dans laquelle elle dénonce le mariage forcé des filles et plaide pour l’émancipation féminine. Dans cette pièce qu’on qualifie souvent de pré-révolutionnaire, Figaro, le valet doit lutter contre son rival, en la personne du Comte Almaviva qui prétend avoir des droits sur sa fiancée , la belle Suzanne, chambrière de la Comtesse; dans cette comédie d’intrigues, les femmes vont s’allier pour mettre en échec le Comte .
Dès son arrivée à Paris, Olympe rêvait de faire du théâtre. Introduite auprès des Comédiens du Français par la marquise de Montesson, épouse morganatique du duc d’Orléans, elle fonde une troupe. La première des 30 pièces qu’elle a écrites, Zamore et Mirza ou l’heureux naufrage, en 1785, traite d’un thème tabou, l’esclavage des Noirs. En critiquant le Code noir alors en vigueur, en osant aborder de manière frontale les problèmes du colonialisme et du racisme, la polémiste s’attire les foudres de la maréchaussée – la bataille d’idées vire au pugilat – et du maire de Paris, qui a tôt fait d’interdire la représentation. Olympe évite, pour la première mais pas la dernière fois, l’embastillement. Acte fondateur d’un militantisme humaniste et de l’urgence de l’instauration d’une égalité pour tous, Zamore et Mirza signe l’engagement qui sera celui de sa vie pour la reconnaissance des droits de tous les laissés-pour compte de la société (Noirs, femmes, enfants illégitimes, démunis, malades...). Olympe et son théâtre engagé dérangent.
Mais ce sont ses brochures politiques et, plus tard, ses affiches, imprimées à son compte et placardées dans tout Paris, qui signeront son arrêt de mort. Quand survient la Révolution en 1789, Olympe de Gouges, déjà quadragénaire, multiplie brochures et libelles (textes accusateurs souvent polémiques , synonyme de pamphlets ) dans lesquels elle réclame avant toute chose l‘égalité des droits entre tous les citoyens sans distinction de sexe, de couleur ou de revenu. Elle plaide aussi pour le droit au divorce pour les femmes : elle obtiendra gain de cause dès le 20 septembre 1792.
Olympe de Gouges brave la bienséance révolutionnaire en publiant une parodie du texte de la Déclaration des droit de l’Homme et du Citoyen sous l’intitulé : Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, avec une dédicace à la reine Marie-Antoinette, où l’on peut lire : « La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir également le droit de monter à la tribune » (article 10). Olympe revendique ainsi , par cette image, le droit des femmes à mener des combats politiques et à exercer des fonctions publiques ; En effet, ce sont les orateurs , les députés qui montaient à la tribune pour prononcer leurs discours.
Les femmes avaient joué un rôle décisif dans le processus révolutionnaire ; la République établie, c’est tout naturellement qu’elles devaient s’abstenir de « politiquer » pour rejoindre leur foyer afin de réconforter ses combattants. Ainsi, le 30 octobre 1793, la Convention déchoit les Françaises de leur statut de citoyennes, accordé par la Législative. Deux ans auparavant, dans l’article I de sa Déclaration des droits de la femme, dédiée à la reine Marie-Antoinette, Olympe de Gouges osait écrire : « La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. » En vain. Il leur faudra désormais attendre 1945 pour obtenir enfin le droit de vote ainsi que celui de « monter à la tribune », après avoir eu celui de « monter à l’échafaud ».
Mais, en 1788, Olympe croit encore qu’elle peut exercer sa citoyenneté au féminin. Dans le Journal général de la France, elle publie sa « Lettre au peuple », un projet de caisse patriotique par une citoyenne, le premier de ses pamphlets politiques où, s’adressant au roi Louis XVI, elle propose l’instauration d’un impôt volontaire pour endiguer la pauvreté. Une première : « L’homme de la halle, ainsi que la femme de charge, éprouveraient une satisfaction sans égale de voir leur nom à côté de celui d’un prince de sang », conclut-elle, anticipant de cent-vingt six ans la création, en 1914, de l’impôt sur le revenu. Olympe va même plus loin.Toujours dans le Journal général de la France, comprenant l’importance de la presse dans l’opinion publique, elle fait part, en décembre 1788, de ses « Remarques patriotiques », un programme de réformes sociales qui imagine une assistance sociale, des centres de soins et d’accueil pour les veuves, les vieillards et les orphelins, des ateliers d’Etat pour les ouvriers sans travail et un impôt, sorte d’ISF avant l’heure, sur les signes extérieurs de richesse (nombre de domestiques, de propriétés, d’œuvres d’art…).
S’ensuivront des dizaines de brochures et d’affiches où elle milite, entre autres, pour le droit au divorce, la recherche de paternité, la création de maternités, la féminisation des noms de métier, le système de protection maternelle et infantile… Des « élucubrations » qui ne seront mises en place qu’au… XXe siècle, et qu’on attendait si peu de la part d’une femme de son milieu. Même Mirabeau en convient et dit d’elle : « Nous devons à une ignorante de bien grandes découvertes. »
En matière institutionnelle, Olympe s’en tient toutefois au souhait d’une monarchie constitutionnelle à l’anglaise et restera jusqu’à la mort attachée à la royauté.” Comme lui, je ne connais aucun parti. Le seul qui m’intéresse vivement est celui de ma patrie, celui de la France… »Ou déclarait-elle à une troupe armée venue prendre sa tête pour 24 sous, après qu’elle se soit proposée, au nom de son combat pour l’abolition de la peine de mort, comme avocate du citoyen Louis Capet (nom de baptême du roi Louis XVI: « Mon ami, je mets la pièce de 30 sous et je vous demande la préférence. » Louis XVI perdit sa tête le 21 janvier 1793. Sauvée par son humour, elle garda la sienne. Pour quelques mois seulement. Car, à la suite du collage dans Paris d’une affiche signée Polyme, l’anagramme d’Olympe, conspuant Robespierre, l’artisan de la Terreur, en des termes inadmissibles pour l’« ami du peuple » – « Tu te dis l’unique auteur de la Révolution, Robespierre ! Tu n’en fus, tu n’en es, tu n’en seras éternellement que l’opprobre et l’exécration… Chacun de tes cheveux porte un crime… Que veux-tu ? Que prétends-tu ? De qui veux-tu te venger ? De quel sang as-tu soif encore ? De celui du peuple ? » -, Olympe de Gouges, « royaliste constitutionnelle », récidive.
Elle fait imprimer, le 20 juillet 1793, une affiche bordée de rouge intitulée « Les trois urnes ou le salut de la patrie », où elle ne demande rien de moins que le droit au référendum des Français sur leur futur gouvernement. A charge pour les citoyens de préférer la monarchie, le fédéralisme ou la République. Accusée de remettre en cause le principe républicain, la Girondine est inculpée par le Tribunal révolutionnaire le 2 novembre. L’accusateur Fouquier- Tinville plaide « l’attentat à la souveraineté du peuple ». La cause sera vite entendue. Marie-Olympe de Gouges, veuve Aubry, 45 ans, est condamnée à la peine de mort. La sentence sera exécutée vingt-quatre heures plus tard. La semaine suivante, un commentaire paru dans le Moniteur universel, journal de propagande montagnarde, montre l’étendue de son crime : « Elle voulut être homme d’Etat. Il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe. »
. « Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort ! »lance-t-elle bravement avant de mourir.