Le mot « roman » a été utilisé pour la première fois au Moyen Âge, pour désigner des ouvrages littéraires le plus souvent versifiés : ces ouvrages étaient écrits en langue romane, et non en latin. À son origine, le roman est donc un récit littéraire, généralement écrit en vers, rédigé en « roman », c’est-à-dire en langue « vulgaire ».
C’est cette forme du « roman » que les troubadours et trouvères utilisent pendant tout le Moyen Âge, afin de raconter les exploits des chevaliers qui furent les premiers héros des romans de chevalerie . Ces personnages valeureux, défenseurs de la veuve te de l’orphelin, dévoués à leur roi , seront les premiers modèles héroïques en Occident. Ils sont les héritier des demi-dieux antiques capables d’affronter eux aussi des monstres effrayants. Leur devise est celle du chevalier Bayard”sans peur et sans reproche” .
Le héros chevaleresque
L’un des auteurs les plus célèbres de cette période, Chrétien de Troyes, a ainsi su, à travers ses romans (Le Conte du Graal, Le Chevalier à la charrette, Yvain ou Le Chevalier au lion, etc.) : créer un genre narratif, enchaînant des épisodes suivis mais aussi entrelaçant différentes « histoires » , célébrer les exploits d’hommes valeureux et exceptionnels dans un temps légendaire . Ainsi les personnages des romans étaient essentiellement parés des qualités liées à leur condition : courage au combat, loyauté envers ses suzerains et défense des plus faibles
Du héros amoureux au héros honnête homme : la noblesse de caractère
Avec la Renaissance, les divertissements de cour, les modes et les comportements se transforment à nouveau : les spectacles et les arts remplacent ainsi peu à peu les tournois et autres jeux où la violence primait. Apparaît alors un nouveau type de romans qui connaîtra un certain succès : le roman pastoral.Honoré d’Urfé, dansL’Astrée, reprend au ce genre pastoral. Il met en scène, dans un territoire grec préservé des guerres, des personnages en habits de bergers ou de nymphes dont toute la vie est tendue vers l’amour et l’harmonie. Les hommes, loin d’être pourvus de qualités guerrières, se distinguent par leur noblesse d’âme et leur sensibilité, et tous les personnages rivalisent d’éloquence comme de goût. Un peu plus tard, Madeleine de Scudéry écrit des romans (par exemple Clélie) dans lesquels les lecteurs peuvent découvrir les parcours amoureux des personnages, récits très longs car fondés sur le détail des émotions et des progrès faits par les protagonistes sur la « Carte du Tendre »
Cependant, ce type de romans, malgré son succès, se trouve discrédité. En effet, les personnages semblent d’une perfection peu crédible, l’atmosphère est ressentie comme trop idyllique et trop éloignée des préoccupations du commun des mortels.Une autre direction se dessine, représentée par La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette, chef d’œuvre du classicisme et du « roman d’analyse ».
Ainsi, le roman au xviie siècle est varié dans ses formes comme dans ses codes. Cependant se dégagent certains points communs : la narration d’épisodes centrés autour de personnages que le lecteur suit dans son parcours, et une prose au service de l’action et de la peinture des sentiments.
Le héros libertin et les héros du roman épistolaire
Dans la seconde moitié du xviie siècle et tout au long du xviiie siècle, le roman par lettres se développe et connaît un grand succès. Ces ouvrages se présentent sous la forme de lettres croisées, envoyées et reçues par les différents personnages. Plusieurs particularités propres à cetre forme sont à relever : Tout d’abord, la forme épistolaire permet à l’auteur de jouer sur les frontières entre réalité et fiction. Plusieurs de ces romans se présentent ainsi (grâce à une préface ou un avertissement) comme un échange réel de lettres, et l’auteur affirme alors n’être que le découvreur et l’éditeur de ces textes. Cela permet bien sûr de contourner la censure ou la condamnation (pour immoralité, ou irréligion), mais cela offre aussi la possibilité de faire entrer plus facilement le lecteur dans un univers dont il pense qu’il est « vrai ».En outre, le fait que le récit soit formé de lettres engendre une conséquence importante : le changement de narrateur. En effet, le roman a autant de narrateurs qu’il y a de personnages écrivant les lettres. De ce fait, des points de vue divergents sur un même épisode se confrontent, et le lecteur a le plaisir de saisir les incompréhensions, de comparer les perceptions de chacun, comme s’il observait les faits selon une multiplicité d’angles.On retiendra La Nouvelle Héloïse, de Rousseau (correspondance amoureuse entre deux amants) et Les Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos (les aventures libertines de deux héros scandaleux) et Les lettres Persanes de Montesquieu
Les héros réalistes : ambition et désir de conquête
À la suite des Lumières, mais aussi avec le développement industriel et l’essor de la bourgeoisie, le roman connaît au xixe siècle un grand succès, et s’oriente majoritairement vers une représentation fidèle de la réalité sociale– sans se limiter à la classe dirigeante. Le héros romantique paraît en révolte contre l’ordre établi et cherche à accomplir un destin d’exception ; Les obstacles qu’il doit surmonter pour réussir en amour ou socialement le plongent dans une profonde mélancolie
• Le mouvement littéraire du réalisme s’attache ensuite à décrire scrupuleusement les faits et gestes de personnages issus du « peuple » ou du « grand monde ». Balzac utilise un titre révélateur pour rassembler ses ouvrages : La Comédie humaine. Il signifie la volonté de saisir les masques et les diverses conditions ou états des hommes. Flaubert (L’Éducation sentimentale), Maupassant (Une Vie, Pierre et Jean) cherchent également à montrer aux lecteurs les parcours de personnages parfois très humbles, en privilégiant une narration objective. Les héros affrontent leurs échecs et renoncent à certaines qualités pour atteindre leurs objectifs : Bel- Ami se sert des femmes pour réussir une ascension sociale. Les lecteurs apprécient toujours les ouvrages relatant des histoires d’amour « romanesques » – ce que Flaubert met précisément en scène dans Madame Bovary, roman dans lequel le personnage éponyme se nourrit de rêves sans jamais pouvoir se satisfaire de la réalité.
• Un peu plus tard, le naturalisme poursuit cette ambition, avec un aspect scientifique plus marqué. Pour Zola, le roman doit être une sorte de « laboratoire » grâce auquel on peut étudier les comportements humains, et les révéler (voire les dénoncer). S’appuyant sur des notes précises, des romans comme Nana, Germinal, La Bête humaine, évoquent des conflits sociaux ou des problèmes de société à travers la fiction.
Du héros exceptionnel au héros ordinaire
Aux xxe et au xxie siècles, le roman est toujours un genre particulièrement prisé par les auteurs comme par le public, mais la variété qui l’a toujours caractérisé s’accroît encore :Certains romanciers s’attachent à la description du réel – tout en apportant des innovations de style ou de construction. Parmi eux, de nombreux auteurs, marqués par la violence de la première moitié du xxe siècle, prennent position par rapport à l’insupportable (la guerre, le nazisme, toutes les formes de totalitarisme) dans des romans engagés : ainsi Céline, avec Voyage au bout de la nuit ; son héros est à la fois un un soldat couard, un révolté contre l’injustice et un homme ordinaire , Malraux, dans L’Espoir, Camus avec La Peste invente des personnages qui ne sont ni bons ni mauvais, juste humains. Dans les années 1950, le « nouveau roman » refuse la psychologie et toute subjectivité ; les auteurs de ce courant (Robbe-Grillet, Duras, Sarraute) ne livrent que l’extérieur des choses et des êtres, laissant au lecteur le soin de « construire » un personnage et un univers ; ils veulent la mort des personnages et refusent de présenter des personnages romanesques qui ressembleraient à de vraies personnes. Ils n’ont ni passé, ni famille, ni portrait , ni identité . On voit même apparaître un nouveau modèle de personnage qualifié de antihéros. A l’inverse des personnages héroïques des origines, ces personnages de la fin du vingtième siècle sont des anonymes ou des héros négatifs auxquels il est difficile de s’identifier comme le personnage de Meursault de l’Etranger de Camus.
Le roman ne se réduit pas aux simples parcours des personnages qui le composent mais ces derniers , souvent individualisés forment pour les lecteurs le pivot de cet univers; on s’attache, en effet, à certains héros ou parfois on les déteste mais on croit en leur existence le temps de la lecture . Les formes, extrêmement diverses et les nombreux personnages des romans en font ainsi un outil privilégié pour interroger notre monde comme nous-mêmes : notre « condition humaine » Chaque personnage nous renvoie à une possibilité d’être au monde.
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