15. janvier 2020 · Commentaires fermés sur Les moralistes du siècle classique et la satire des courtisans. · Catégories: Première

La Fontaine, Madame de La Fayette, La Bruyère et La Rochefoucauld, ainsi que Molière et Racine ont vécu au dix-septième siècle et ont fréquenté la Cour du Roi ; Ils ont observé le manège des courtisans et les moeurs de ceux qui gravitent autour de la famille royale. Chacun à leur manière, ils ont dénoncé certains aspects de la Cour et certains défauts des Grands.  Mais leur méthode et leurs objectifs varient.

En effet, La Fontaine, en choisissant la forme de la fable et l’anthropomorphisme, dresse des tableaux plaisants des manigances des nobles pour entrer dans les bonnes grâces du roi; Il montre également la peur qu’inspire Louis XIV à ses courtisans et dépeint un roi cruel, colérique et capricieux , sous la figure d’un lion tyrannique, mais aussi un roi fort, qui cherche à exercer le pouvoir royal du mieux possible pour préserver les intérêts du royaume et de ses sujets . Nous rions des déboires de l’âne , du cerf et du loup, tout en songeant à la part de cruauté que révèlent ces pratiques.  Sous l’habit du singe ou du léopard, Le fabuliste épingle l’ambition des seigneurs prêts à tout pour plaire ,allant jusqu’à la servilité et l’hypocrisie  .

En choisissant le roman d’analyse psychologique, même s’il demeure dans un cadre historique, Madame de La Fayette prend elle aussi, ses distances par rapport aux travers de ses contemporains, En effet, elle situe l’action de son roman un siècle plus tôt , au temps de Henri II et de son successeur François II; Elle s’intéresse, à la fois, aux intrigues amoureuses et à leurs conséquences politiques et démontre qu’amour et ambition sont inextricablement liés; A travers le regard et les mésaventures de son héroïne, elle met en évidence les dangers de la Cour et la nécessité d’en décrypter les codes, d’en comprendre le fonctionnement .  Elle fustige particulièrement la dissimulation et la galanterie qui semblent régner: la jeune femme réussira à faire triompher la Vertu mais elle paraît bien seule dans cet univers de faux-semblants, régi par les lois de la dynastie et la place que chacun occupe dans la hiérarchie des grandes familles.

Lorsque La Bruyère rédige ses Caractères, il ne critique pas seulement la Cour : il met en évidence  comme La Fontaine, les défauts de ce qu’il estime faire partie de la nature humaine; Chacun de ses personnages illustre , sur un ton qui n’exclut pas le cynisme et l’humour, l’orgueil, l’hypocrisie, l’avarice; Les défauts ciblés sont courants et le moraliste n’épargne personne; dans l’article intitulé De la Cour, il évoque le caractère dégénéré de la jeunesse, l’impudeur femmes qui affichent ostensiblement leurs charmes avec des tenues qu’il juge extravagantes; Il critique également la mode de la perruque qu’il considère comme un artifice trompeur ; Les courtisans cachent ainsi leur véritable visage et dissimulent leur véritable nature. Les peintures des caractères prennent souvent l’allure et la forme de blâmes. La Bruyère note que beaucoup affectent la piété mais qu’ils préfèrent adorer leur roi au lieu de se tourner vers le véritable Dieu.Sur ce point , il rejoint l’avis de La Fontaine qui met en doute la piété et la bonté de certains hommes d’Église qui affichent une  forme de  foi artificiellement , presque mécaniquement comme dans le curé qui récite ses prières dans Le Curé et le Mort mais qui se réjouit intérieurement de la mort de son paroissien, dont il espère tirer profit.  .

Ces critiques des courtisans ne sont pas apparues au siècle classique :  elles ont   fleuri dans les cours européennes et accompagnent , après la Renaissance, la centralisation du pouvoir des monarchies occidentales. Le roi, personnage central du royaume doit affirmer son autorité pour contre-carrer les ambitions des grands Seigneurs , ses rivaux pour le pouvoir . Souvent, plusieurs familles peuvent prétendre régner ce qui entraine des guerres de succession. On comprend mieux ainsi le rôle crucial des mariages qui permettent de créer des alliances politiques.  Dans La Princesse de Clèves, par exemple, les intrigues amoureuse sont assujetties aux intrigues politiques; Même le Roi peut s’afficher ouvertement à la Cour avec sa maîtresse Diane de Poitiers  mais son union avec Catherine de Médicis n’est pas remise en cause. La Cour est divisée en factions ennemies mais tout le monde se sourit et épie les moindres faits et gestes de ses rivaux lors des cérémonies officielles où chacun doit paraître pour s’efforcer de tenir son rang.

La Rochefoucauld dans ses Maximes aborde un autre angle d’attaque pour la critique : à la différence du roman qui permet de décrire des caractères, des personnages et leur évolution, la forme lapidaire des maximes, leur brièveté ne permet que des remarques auxquelles on donne l’allure de vérités générales; On y saisit des aperçus de la nature humaine comme des sortes de portraits instantanés. Le moraliste vise essentiellement l’orgueil sous la forme de l’amour-propre . Il n’est pas tendre non plus avec le sentiment amoureux. Le ton n’est plus à l’humour. L’esprit de sérieux l’emporte à la différence d’un univers fantaisiste comme celui des Fables où l’humour est omniprésent.